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dimanche, 25 janvier 2015

La Queue

 

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Je ne sais trop en quelles contrées je me réfugiais quand j'ai écrit ce roman... ni comment j'en revenais. Mon chat dormait le plus souvent juste à mes côtés. Toutes tentures tirées, l'appartement demeurait lourdement calme. Parfois, j'errais par les trottoirs de cet Athènes tumultueux aux murs barbouillés de tags, celui-là même qui a voté aujourd'hui ; parfois je longeais les rues tranquilles du vieux Bruxelles ou les boulevards ensommeillés du pauvre Paris... Ou bien encore les vastes avenues du Manhattan des années cinquante, en compagnie de ce bon Kerouac dont j'aurai lu pour l'occasion (presque) toute l'œuvre [et découvert le splendide Visions de Gérard ]...  Non, je ne saurai dire moi-même, au fil de cette écriture fondue au quotidien, quels sentiers perdus de mon adolescence fugueuse j'empruntai à rebours jusqu'à Decize, ni non plus en quels fossés de cet aujourd'hui absurde et déréglé dont - tout en l'aimant malgré tout -  je dressais la satire, je m'embourbais, furieux tel un un fauve trompé, trahi. Au pays des anciens Francs, je fis de Pierre Lazareff et de Madame Rachou de véritables soldats lumineux, et de la catastrophe du Mans en juin 1955 une sorte de Guerre de Troie de nos ridicules temps modernes délités en zone euro. Mais j'aurais tort de les maudire encore et encore, ces mauvais temps-là, je m'y suis bien amusé à porter leur queue, comme mon héros avait appris à le faire lors de son joyeux dépucelage non loin du petit personnage de Capiello...

 

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 Je me souviens, bien sûr, de cette visite  au Louvre d'avril 2013 (déjà ? L'écriture tient le temps, empêche qu'il ne s'éparpille trop de travers, c'est par là qu'elle demeure malgré tout salutaire...) Je désirais que ce roman sortît d'une toile de La Tour, parce que depuis toujours ce maître lorrain sur lequel tout a déjà été dit m'accompagne et m'enrobe de ses toiles à chaque moment cuisant. La Tour, c'est un monde qui ne sera plus. Au sein du pavillon Denon, la salle qui lui est dévolue resta déserte, d'ailleurs, vide ce matin-là telle la coquille d'une noix dévorée - tous les queutards en pantacourts s'étant entassés devant la Joconde pour y faire des selfies - et j'hésitai longtemps d'un tableau à l'autre avant de jeter mon dévolu sur le Saint Sébastien pleuré par Irène. J'hésitai longtemps, comme guidé par les vœux intérieures de ce roman désireux de croître, alors encore à pousser. Mais à quoi bon en rajouter davantage? Ce serait risquer l'extravagance de la posture.

 

mardi, 07 octobre 2014

Réhabiliter Pétain ?

Drôle de coïncidence : Alors qu’une redoutable et bien jeunette idiote parlait samedi soir, chez Ruquier, de « réhabiliter Pétain », face à un Zemmour consterné qui tentait de lui donner une leçon d’histoire,  me suis retrouvé nez à nez devant son portrait, cet après-midi en salle des ventes !  Le commissaire-priseur qui le mit à l’encan réussit à ne pas-même prononcer son nom : « un magnifique cadre art-nouveau, 10 euros ! »  (C’est vrai que le cadre est très beau). Je levai la main, personne ne renchérit dans la salle murmurante.  C’est ainsi que je me suis payé Philippe Pétain, pour tout juste 10 euros. 

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Le voilà posé devant moi, tandis que je rédige ce billet. Le portrait date de 1917. Moustaches troisième République, képi ombrageusement vissé sur un air altier et taciturne, col boutonné : le portrait jaillit d'un autre temps, vraiment. Mon père, ma mère, respectivement nés en 1929 et 1930, firent partie de cette génération de Français qui chantèrent chaque matin Maréchal nous voila, juste avant de passer leur certificat d’études qui fut, je crois, leur seul diplôme. Cela ne les traumatisa guère ni l’un ni l’autre, pour le peu que j’aie pu en juger. Bien moins que les bombardements récurrents, surtout vers la fin de la guerre, surtout ceux des Alliés, et puis la disette, le couvre-feu, le rationnement. Leur adolescence...

Est-il si honteux, aujourd’hui, de rappeler la complexité de ces temps de débâcle et d'occupation, comme le fait Zemmour ? Tandis que De Gaulle sauvait la parole de la France, Pétain préserva sa natalité, ni plus ni moins. Et  une génération de parents, celle de ces «enfants humiliés » que décrivit majestueusement Bernanos, saignée à blanc en 14/18 et appauvrie par la crise, celle, exactement, de mes grands parents (1) ; j'ai écrit un roman pour parler aussi d'eux. Et de leur belle religion catholique. Pour l'instant, aucun éditeur n'en a voulu. Aucun. Un hasard ? Laissons couler encore un peu d'eau sous les ponts...

Mais tous ceux qui, aujourd’hui, défendent, bec et ongles, la retraite à répartition contre celle à capitalisation se souviennent-ils qu’ils la doivent à un certain René Belin, ministre du travail de Pétain, lequel institua le tout premier ce régime si français (assure tout le monde aujourd'hui), pour ceux qu’on appelait alors « les vieux travailleurs salariés ». Le même qui signa, en octobre 40, la loi portant statut des Juifs étrangers, voyez, rien n’est vraiment simple. Et l'Histoire est complexe. Et la  littérature doit l'être également, qui se doit de tout prendre en compte. 

Il ne s’agissait évidemment pas de réhabiliter Pétain. Mais il s’agit de cesser de blanchir cette Chambre qui, en confiant au héros de Verdun les pleins pouvoirs, dans la situation tragique que traversait alors le pays, lui laissa quartier libre pour accomplir à sa guise et à sa façon, en quelque sorte, le sale boulot. Une assemblée dans laquelle les députés de la SFIO, de la gauche démocratique et du Parti Radical n’étaient pas de reste, que l’on sache. Il s'agit de cesser de blanchir cette gauche.

Le discours pro-gaullien de tous ces gens de gauche à présent, qui traitèrent Sarkozy de Pétain durant la dernière campagne (et jadis De Gaulle de dictateur), ce discours qui recense les vertueux d’un côté et les salauds de l’autre, Léa Salamé, du haut de ses 35 printemps, parait l’avoir bien digéré. Un discours à la dimension de leur cervelle à tous. Je sais bien, moi -si j’en crois ce que  disait mon grand père (mort d’un cancer au poumon et à la gorge à tout juste soixante ans – les gaz de 14 n’y étaient pas pour rien -) que les choses n’étaient pas si simples. Pétain, il détestait, comme beaucoup d’anciens poilus à vrai dire. Avec son caractère de tête brûlée, si j’en crois ce qu’on m’en raconta, De Gaulle, il détesta tout autant. Des hauts gradés et des politiciens de l’Arrière, en somme. Et autour d'eux, partout, des politicards.

Alors si cracher sur Pétain à présent, si détourner les regards et ne plus prononcer les mots, ça sert à porter aux nues Hollande et ses sbires lamentablement révisionnistes, à justifier l’auto flagellation devant Netanyahu  et la repentance chiraquienne, très peu pour moi, merci! Je n’ai fait déporter ni dénoncé personne, mes parents et grands-parents non plus, alors basta !  Je prends avec moi l’histoire de mon vieux pays avec toutes ses zones d’ombre parce que, comme Nauher le dit très justement dans ce billet, c’est aussi par et dans son histoire que je me construis, et non pas dans celle, balbutiante et mort-née, de la zone, et pas davantage dans celle de cette abstraction bizarre et fausse qu’est le monde.  L'histoire, toute entière de mon pays, qui ne commença pas en 1945, Dieu merci.

C'est pourquoi je prends aussi avec moi tous les écrivains, les poètes, les architectes, les musiciens et les peintres de l’Ancien Régime, autant que les Zola et les Camus, Soufflot bien davantage que Le Corbusier, et les rois autant que les présidents, les seconds pouvant souvent pâtir de la comparaison avec les premiers, il faut bien le reconnaître (2). Je prends l'Ancien Régime et le Nouveau, comme l'Ancien et le Nouveau Testament. Et plutôt que Schuman, Monnet, leurs traités mal ficelés et leur monnaie dérisoire, je prends Dante et Shakespeare, Platon et Hölderlin, Dostoïevski et Cervantes. L'Europe, autrement dit.

Je prends tout ceux-là avec moi. N’en déplaise à Léa Salamé, Cohn Bendit, et tous ceux qui semblent penser que la France, ce n’est qu’un état-civil désormais plastifié pour tous les damnés de la Terre, qui naquit le jour de la condamnation de Pétain.

Et je garde au cœur la Fille aînée de l’Eglise, celle à laquelle Jean Paul II demanda ce qu’elle avait bien fait de son baptême au milieu de toute la confusion du siècle, autant que celle des Droits de l’homme, qu’on vit trop souvent massacrer ses propres enfants au nom de ces mêmes Droits. Je prends toute la complexité si belle, si enrichissante, si exigeante -et souvent si déchirante de  cet héritage français.

 (1) Mais quand ils eurent sauvé cette France là de la seule manière dont ils fussent capables, quand ils l'eurent reprise à l'ennemi, et furent rentrés tranquillement chez eux, comment aurait-on pu les persuader de la sauver à nouveau ?  Car un gouffre s'était creusé peu à peu, durant ces quatre années, entre l'Arrière et l'Avant, un gouffre que le temps ne devait combler qu'en apparence   (Bernanos - La France contre les robots)

(2) Si je trouve l’actuel pingouin de la République si inepte, si pauvre, si vide, c’est peut-être parce que – à ce qu’il prétend -, l’Histoire de mon pays commencerait en 1789. Un révisionnisme terrible, l’un des pires, des plus communément admis. Et pourtant : est-ce bien la Tour Eiffel et les colonnes Buren qui font de Paris, comme s’en vantent quelques modernistes béats, la première destination touristique du monde ? 

mercredi, 06 août 2014

Les congés d'août

Bon.  Le terrible mois d’août a commencé à étirer ses jours de plus en plus écornés sur les corps alanguis des bords de mer. Cela n’empêche pas les Grands de ce monde de déconner plein tube, pendant que les vacanciers basanés ont le sentiment que plus rien ne se passe, hormis la besogneuse pigmentation de leur peau et la somnolente dérive de leur quotidien habituel dans une tiède léthargie, laquelle n’hésite pas sur certaines cartes postales à se prétendre volupté. Rideau.

Les villes, c’est vrai, turbinent au ralenti. Avec la disparition des voitures, une sympathique allure d’autrefois semble les hanter. Le parler humain retentit des façades et des fenêtres ouvertes, que le ronronnement aussi puant que laid des moteurs ne recouvre plus. Moins nombreux, on se jauge et se bouscule moins sur les trottoirs. C’est le vide aoutien.

 On n’imagine pas le nombre de  mesquines contraintes et de veules soumissions, auxquelles ce mois léthargique prépare sournoisement et les consciences et les organismes dilués dans cet apparent repos. On appelle cela congés payés. « Etre en congé »  - cela vient du latin commeatus, qui désigne la permission militaire. Le reste de l’année, serions-nous en guerre ? Le « commeatus totius aetatis » était ainsi à Rome le « congé de tout l’été... Une avant-garde des congés octroyés par l’empire actuel, dirait-on.

Dans nos sociétés éclairées, malheur donc à qui ne peut pas partir !  Mais s’en aller loin de quoi ? Et pour aller où ? Là demeure tout le problème. Car j’aurai beau traîner ma carcasse à l’autre bout du monde, elle sera toujours là, terrible et pesante chaque matin, et le monde aussi, bordélique et rempli, ici comme ailleurs : Le nombre de sites labélisés Unesco qu’un touriste besogneux se doit d’avoir visité  pour se prétendre cultivé à la rentrée ne cessant d’augmenter, c’est aussi un problème de vraiment partir quand partout se retrouvent les mêmes signes culturels, les mêmes enseignes, le même monde. Et que le chez soi d’où l’on part est aussi un site classé.

Pour le touriste aoûtien, on a cependant aménagé des lieux plus ou moins onéreux où sa graisse comme son ennui sont pris en charge : Gilbert Trigano fut aux temps modernes ce que Louis IX fut aux anciens, mais en bien pire, il va sans dire. Ces lieux présentent l’avantage, tout en étant les mêmes partout, de ne pas ressembler au décor quotidien des gens qui les fréquentent quelques semaines. Ils peuvent ainsi prétendre incarner la vacance

 

Août est un mois peu élégant. Un idiot au cœur faussement tendre chanta un jour que c’est durant ce mois « qu’on fait les fous, les gros matous, les sapajous… » Rien que parce que le mois d’août est le temps des karaokés, il mériterait de disparaître des calendriers. Vivement, donc, qu’août se tire. Et que les lueurs du soir commencent à réciter le beau septembre sur nos toits.

19:13 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : août, vacances, pierre perret, gilbert trigano, été | | |

samedi, 10 mai 2014

Le cercle vicieux du pouvoir

Ceux qui croient en une évolution de l'homme et un progrès moral possibles, ceux qui voient dans le politique et la démocratie une échappée à la misère de l'homme peuvent méditer sur ces quelques lignes de Tolstoï, couchées sur son Journal, le 10 février 1906. Il y décrit avec une belle lucidité la formation progressive de ce qu'il nomme le cercle vicieux du pouvoir. J'ai placé entre guillemets les citations exactes de Tolstoï et résumé par ailleurs les étapes intermédiaires de son raisonnement. La situation dans laquelle nous nous trouvons ressemble, de fait, à celle où se trouvaient les hommes de ce temps, les moyens de propagande par mass-médias et les avancées technologiques de ces dernières décennies en moins.

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Les hommes délèguent le pouvoir à ceux qui se chargent de les gouverner  pour « n’être pas enlevés à leurs affaires et ne pas être contraints, à l’encontre des exigences de leur vie spirituelle, à participer aux dispositions de l’autorité ». Autrement dit, ils délèguent le pouvoir à d’autres par une sorte de souci  de confort, à la fois matériel et spirituel.

« Les hommes investis du pouvoir l’utilisent non pas pour ce en vue de quoi il leur a été donné, non pas pour arranger les affaires communes, mais ils l’utilisent pour leurs propres buts, cupides, ambitieux, et cela se répète partout où il y a un pouvoir, du maire et du sergent de police aux rois et aux empereurs.»

Dès lors, les assujettis se soulèvent (révolutions), le pouvoir est alors remplacé par un autre.

Et lorsque la situation se répète trop souvent, les assujettis «s’efforcent de limiter le pouvoir à un petit nombre de gens, ce qui crée une oligarchie», mais ne change rien à la situation.

Alors les assujettis s’efforcent de limiter aussi ceux qui limitent le pouvoir suprême, « et s’instaure une Constitution qui est de plus en plus celle de tout le peuple, démocratique »

« Mais pour que les assujettis puissent réellement limiter ceux qui gouvernent par l’organisation d’élections ; de protestations, il est nécessaire que les assujettis s’occupent constamment et activement de ces moyens de limitation du pouvoir. Or s’occuper de ces moyens de limitation prive les assujettis de la liberté, du loisir de s’occuper de leurs affaires et les entraîne dans la participation au pouvoir, c’est-à dire dans cela même pour quoi les hommes ont renoncé au pouvoir et l’ont remis à d’autres. Il s’ensuit un cercle vicieux : Le seul moyen de limiter le pouvoir est la participation au pouvoir.

Mais la situation durant tout le processus historique qui vient de se dérouler s’est considérablement dégradée : les assujettis qui participent au pouvoir se trouvent en présence «non plus de simples problèmes d’organisations sociales, mais de complications les plus variées» Apparaissent des dettes insolvables contractées antérieurement, apparaissent d’énormes richesses constituées durant l’activité du pouvoir et grâce à lui, et la misère de classes entières, causée elle aussi par les actes de ce pouvoir.

La difficulté de résoudre ces problèmes, pour les hommes de la nouvelle époque qui participent au pouvoir «réside dans le fait que la conscience morale et religieuse – les idéaux des hommes de la nouvelle époque – sont entièrement autres que ceux au nom desquels se perpétraient ces actes, ces embarras dont les hommes de notre temps doivent prendre part.»

19:29 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tolstoï, pouvoir, politique, europe, russie, littérature | | |

mercredi, 08 janvier 2014

Lettres de Paris

Dans l’ironie de cette photo, quelque chose qui pourrait me rendre illico mélancolique, si je cédais à mon instinct littéraire. Ou joyeux, tout autant. Car il n’est pas donné à tout le monde d’entrouvrir les grilles de son passé, d’y ranimer des saveurs exténuées. Et c’est bien que le souvenir soit aussi préservé des passants indiscrets, comme les chambres et leurs objets odorants, derrière ces volets clos.

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Des linéales, dont la barre du T et le V entrouvert évoquent des jours de fins lettrés, ceux de Cassandre et son Peignot...  Ô le temps de l’enseigne, comme un peu plus tard ces autres lettres publicitaires, à Montmartre ! Paris se lit à mi hauteur des rues, comme toute ville qui a vécu. Aujourd'hui contrefait hier, mais Gravures, Aquarelles et Peintures ne sont-elles alors plus que Tableaux et Souvenirs ?  A voir, dirait Nadja.

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On ne retrouve le temps que si le permet la chanson, c'est ainsi. Trois petites notes de musique, chantait Cora Vaucaire. Aussi l’enseigne à Gill s’est-elle comme cristallisée en lapin curviligne, dans un moment leste qu’il n’est plus besoin de poursuivre en vain pour le goûter. Les lettres de Paris, alors, n’appartiennent pas davantage au passé qu’au temps qui les photographie. 

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dimanche, 01 décembre 2013

L'art du possible

« La politique est l’art du possible », écrit Pavese le 15 mai 1939. Toute la vie est politique » Belle connerie. Que le monde le soit, que la société ne puisse, comme une horloge de son ressort, s’en passer, certes.  Mais la vie, ma vie, n’est pas politique. Le politique n’est qu’un des rouages de la répétition. Et la répétition la condition de toute domination. Loi des horlogers, des finitudes.

Ceux qui dans les hôpitaux ne luttent plus que pour la seconde qui vient le savent bien. Pour ne pas finir, justement.  Ils n’ont plus rien à prouver au monde qui se fout bien d’eux. Seul un instant de vérité qui soulève leurs côtes. Un pas plus loin, plus la moindre pantomime où s’engager. Une seconde de gagnée, ils savent où la placer.

Que signifie d’ailleurs être politisé, sinon être avili, jeté hors de soi, joint sans ménagement  à un principe d’éternelle reconduction du Réel en un futur de papier déjà passé ? Drapé dans l'arrogance des slogans. Se garder des idoles, la politique en étant devenue la principale fabrique. Finalement, l’art du possible serait l’art d’échapper à la politique.

01:02 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : politique, pavese | | |

mardi, 05 novembre 2013

Une affichette dans les toilettes

Sur l’étagère dans le coin de la salle, la télé. Les consommateurs autour d’une bière ou d’un café se racontent leur journée. Un enfant qui hurle énerve tout le monde, mais personne n’ose trop s’en plaindre à la mère qui semble habituée. Les cris couvrent la jactance sur l’écran des deux B, Bayrou et Borloo, à qui il ne manque que deux nez pour ressembler à deux clowns.

Le patron s’affaire de table en table, avec sa patte de plus en plus folle. Une habituée du café trempe dans son verre de vin une biscotte. Puis elle la suce méthodiquement, en regardant chacun tour à tour. Elle porte toujours de drôles de bibis, et ses cheveux gris, gras et bouclés qui tombent sur ses oreilles lui donnent un air mi clocharde mi chien malheureux.

Une intermittente pénètre dans la salle pour placer une affichette. Contre la porte vitrée, c’est déjà bien remplie. Pas possible, le nombre d’artistes dans ce pays, pense-t-on en la regardant qui ressemble à une artiste comme un brocoli à une machine à laver. Les deux B devraient l’embaucher puisque c’est partout le cirque, la déconfiture généralisée.

Il ne se passe jamais plus de dix minutes sans que quelqu’un ne pousse la porte aux vitres opaques des chiottes. Le temps qu’on reste aux chiottes dans un café, ça pourrait entrer dans les grilles comportementales de  nos amis sondeurs. Ce dernier dépend de tout un tas de facteur : moment de la journée, âge, profession et sexe du consommateur, état de propreté des lieux…

D’un coup de menton, le patron de café signifie à l’artiste que, la porte étant entièrement recouverte, elle peut toujours si elle le désire aller scotcher son affichette aux toilettes. On voit à sa frimousse renfrognée que ça ne lui plait guère. Elle hésite. Et puis elle se dit qu’aux toilettes du moins, on est assis, l’œil fixe à attendre, plus disponible qu’en passant dans la rue.

Le chiard gueule de plus en plus fort, tandis que les duettistes centristes  ressemblent de plus en plus à des marchands d’aspirateurs  à fins de mois difficiles. Finalement l’artiste se décide. Elle passe devant la trempeuse de biscottes à l’air de chien malheureux et pousse la porte aux vitres opaques. C’est un jour de novembre ordinaire, dans le café ordinaire d’une ville ordinaire. Le temps ne passe plus, il est reconduit de jour en jour par tous les habitués des toilettes, le patron claudiquant, et les affichettes qui se chevauchent les unes sur les autres comme celles des campagnes électorales.

Ici, il semble qu'on n'attende plus rien, que quelques allocations ou subsides de l'Etat putréfié pour continuer à tremper la biscotte dans le vin avant de tirer un jour la chasse. C'est à la fois sordide et lumineux, parce qu'on sent que le mensonge n'y a pas de place. C'est pourquoi ceux qui parlent à la télé, les deux B comme les autres, ont l'air si glauques et si lointains. Peut-être qu'au fond, le spectacle de l'affichette mérite le détour. L'artiste sort au bout de plusieurs minutes, plus qu'il n'en faut pour coller un morceau de papier. Elle a l'air soulagée.

Il en faut PEU, n'est-ce-pas pour être heureux...

22:06 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : affichette, bayrou, borloo, france, politique, littérature, ennui, socialisme | | |

mercredi, 04 septembre 2013

Quatre septembre

Cette date, Quatre septembre, qui appartient à tous, m’appartient un peu plus en propre car c’est aujourd’hui mon anniversaire. Je ne me suis jamais enorgueilli, même si à une époque je trouvais ça drôle, d’être né le même jour du calendrier que la République de Gambetta. Aujourd’hui, au vu des hommes et des femmes qui squattent les palais de la République, des lois stupides qu’ils promulguent et du boucan qu’ils font pour donner une quelconque épaisseur à leurs grimaces, je me sens de moins en moins républicain, dans le sens restreint qu’ils donnent à ce terme. Ma chose commune n’est pas dans leur déraison, mon bien public dans leur façon de faire perdre boussole au monde. Je reste arrimé à d’autres mœurs. Leur changement m’indiffère et Quatre septembre n’est donc plus aujourd’hui pour moi que l’anniversaire de ma naissance.

Aux infos hier, j'entends ce commentaire surréaliste : Quand le chef de guerre rencontre le peuple. La propagande est si vive, d'une jeune blondasse dont j'ignorais la bobine jusqu'à ce jour  (chef des écolos paraît-il) qui affirme : "Les écolos sont contre la guerre mais nous voterons pour l'intervention militaire parce que ce n'est pas une guerre ". (???), aux Pujadas, Barbier et autres Calvi, que je ne me demande même plus si la phrase entendue est au deuxième degré. Et là, tenez vous bien : On voit à l'écran que le peuple en question, c'est une poignée de parents d'élèves et leurs moutards, et que le chef de guerre est le pingouin bedonnant, qui n'a jamais été que chef de parti et de sa promotion Voltaire à la con, venu faire sa retape de communication le jour de la rentrée des classes...  Chef de guerre ? Mais où est passé le président normal pour qui des millions d'électeurs ont voté ?  Me souviens que j'avais pour ma part décidé de m'abstenir et qu'au dernier moment, quand j'ai compris que malgré (ou en raison de) sa nullité, ce type allait passer, que c'était plié, dans une sorte de dépit inversé, je suis allé voter pour son adversaire, et ce fut mon premier acte de réaction face à ce quinquenat désastreux, où l'on voit un seul parti contrôler tous les centres de pouvoir, et un dangereux manoeuvrier répandre sa soupe nauséeuse par les ondes.

Qui est derrière Hollande, ce président gonflable probablement surendetté. par les promesses faites aux uns et aux autres corps intermédiaires et autres maffias?  En tout cas, pas moi. Il ne parle qu'au nom de sa pomme, pour la République si vous voulez, mais au nom de la France, de son peuple ou de sa culture, non. La France, elle existait avant ce type, son peuple aussi, DIeu merci, et sa culture lui survivra. Le lyrisme journalistique et belliqueux qui s'empare des medias pour abuser les uns et les autres comme les faux débats qui vont retentir à l'Assemblée cet après-midi relèvent d'une propagande qui n'a pour antidote que la mémoire et l'expression de la joie de vivre. Ce qui laisse perplexe, c'est que ces mêmes cyniques là seront tout près, bientôt, à vous faire des leçons de morale en allant déposer des gerbes sur les monuments des poilus ou à l'entrée des camps de la mort... Bref.

Je garde mon Quatre septembre, et je leur laisse le leur...

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lundi, 27 mai 2013

La gauche n'est qu'un standing

Parait que je suis un anar de droite. La première personne à me l’avoir fait remarquer était une collègue, enfin si on peut appeler comme ça quelqu’un qui a sévi dans l’Education Nationale en laissant croire à des générations que la littérature française se borne au J’accuse et au Germinal de Zola, aux Misérables de Hugo, et l'allemande au Maitre Puntila de Brecht, saupoudré avant de passer au four de quelques poèmes d’Arthur et de Pablo, évidemment. Et qui, quand tu lui dis que Bloy et Péguy sont des Grands, te répond d’un air mi-dégouté, mi-indigné : « ils sont pas un peu réacs, ceux-là, quand même ? »

C’était il y a une septaine d’années. Après une vie entière de locataire (je n’ai pas le capitalisme dans l’ADN), je venais de céder à la tyrannie de l’emprunt pour tous, les loyers ayant atteint quasiment le prix des remboursements. Cette collègue, qui avait depuis un moment fini de payer son crédit, était déjà propriétaire d’un appartement boulevard des Belges, dans le sixième arrondissement de Lyon. Jusque là, rien que de très banal. Sauf qu’elle était aussi depuis toujours membre du parti communiste, engagée comme elle le disait à tout un chacun en emplissant la salle des profs de flyers syndicaux, « dans la lutte ».  L’Education Nationale a toujours été peuplée de gens paradoxaux comme ça, dont la carte du parti était en quelque sorte le pendant bonne conscience de la carte bleue.

Il y en avait une autre, une prof de maths, qui jouait les gens aisés parce qu’elle aussi avait déjà son appart  -  bien que son crédit fût encore en cours. Elle ne supportait pas qu’on lui dise que tant qu’elle n’aurait pas remboursé son prêt, elle ne serait jamais que locataire de sa banque, bref, qu’elle était encore une pauvre. Les gens de la classe moyenne ne supportent pas qu’on leur dise ça. C’est à ça qu’on reconnait leur fatuité. Le libéralisme giscardien et le socialisme mitterrandien ont bien joué, main dans la main durant des décennies, en faisant vivre tout ce petit monde à crédit.

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La classe moyenne a pu ainsi, tout en se donnant des airs chics de propriétaires, financer les fonds de pension et autres placements des riches à coups de taxes et d’impôts, comme les esclaves les plus soumis auraient refusé de le faire, pour peu qu’on libéralise les mœurs de temps en temps par une petite loi soi-disant progressive et bien troussée. Car dans son malheur, la classe moyenne qui ne croit plus sérieusement à Dieu depuis lurette, s’est couchée devant le dieu Egalité des francs-maçons, qui la sermonnent non seulement en chaire le dimanche, mais tous les jours de la semaine en petit écran, via ses cols blancs propres et diplômés peuplant ministères et medias.

Quand je faisais mes études à Paris, je me souviens d’eux, trentenaires dans les années 80, et achetant avec un apport consubstantiel de papa/maman qui un deux pièces au Marais, qui un duplex à Nanterre, qui un rez-de-chaussée sur cour boulevard Bonne Nouvelle ou un étage rue des Plantes. A l’époque déjà – j’en sais quelque chose- vous ne pouviez, sans l’aide de vos géniteurs, acheter un logement avec un seul salaire commun, à moins de vous serrer la ceinture et tout ce qu’il y a dessous pendant des années. Je me souviens de cette étudiante m’exhortant vers 1986 à la solidarité coluchienne, tout en réalisant son rêve de petite bourgeoise bien de droite avec les sous de ses parents. Les gros malins lui filaient l’apport dont elle avait besoin, à condition qu’elle achetât dans le même arrondissement qu’eux….

Le plus drôle étant ces fils ou ces filles de propriétaires vous expliquant alors que le capitalisme est une infecte sujétion et que jamais ô grand jamais ils ne s’abaisseraient à se mêler d’acheter quoi que ce soit, quitte à passer leur vie en meublés ou en colocations, et qu’on retrouve vingt ans plus tard signant des actes chez les notaires, en consciencieux héritiers.

Oui la gauche n’est plus aujourd’hui qu’un standing, une marque. Et le socialisme une perte de temps. Parce que ça coute beaucoup de temps, d’argent, de paroles, d’énergies, et surtout d’illusions répandues pour rien et déçues inexorablement, que de mettre en place un gouvernement et un président socialistes qui font la même politique que ceux qu’ils ont remplacés. Sous Hollande, le petit prof et le petit salarié ont vu leurs heures sup de nouveau fiscalisées, mais les salaires des grands patrons ne seront pas limités. Et les chiffres du chômage explosent. Les gays vont se marier, mais seuls les plus riches d’entre eux pourront se payer un gosse à l’étranger, dans une société dont les contrats à durée indéterminée sont par ailleurs bannis sans que ça gêne grand monde. Harlem Désir s’indigne plutôt qu’un groupe d’identitaires, grimpés sur le toit de Solférino, aient le culot anti-démocratique de faire flotter une banderole demandant la démission du pingouin. Des fascistes, moi j’vous dis.

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Après avoir jeté les maires de droite dans l’embarras, le manœuvrier Hollande qui, comme tous les manœuvriers de son espèce, brade la nation pour sauver le parti dont il tient tout son pouvoir, lancera bientôt le débat sur le droit de vote des étrangers pour tenir jusqu’à la fin de son mandat en préservant son standing de gauche. Ce type feint d’être de  la classe moyenne, en ce sens qu’il en incarne la normalité jusqu’en ses cheveux teints, tout en cédant aux sirènes de Bruxelles et du FMI qui ponctionnent partout la classe moyenne, tout en lui arrachant ce qui lui reste d’identité. C’est sous son mandat que le français aura cessé d’être la langue unique de l’enseignement au profit de l’anglais (On a échappé au hollandais, Dieu merci !).[1]

Avoir un standing de gauche, c’est applaudir à cette aberration, censée aider les étudiants chinois quand le fils ou la fille de monsieur Tout-le-monde déclaré bien beauf sera vite distancié, dans une Université même payée par ses parents contribuables. Avoir un standing de gauche, c’est traiter à table le maire de Vienne de vieux réac et de facho, tout ça parce qu’il a déclaré qu’il ne marierait pas d’homosexuels dans sa ville. Avoir un standing de gauche, c’est applaudir au mur des cons du syndicat de la magistrature et au suicide de Venner dans un même mouvement du menton, lueur complice dans le regard. Avoir un standing de gauche, c’est être assuré que l’euro reste malgré tout (et tout se tient dans ce malgré comme dans ce tout) la meilleure solution…

Bref.

Si tu trouves ce standing un peu court, carrément faux-cul et complètement suicidaire, pour les poseurs d'étiquettes, t’es forcément un anar, tu piges ? Un des pires : un de droite


   [1] Ce pauvre Hollande, qui fit entièrement évacuer la rue du Faubourg Saint-Honoré tout un après-midi de manif aujourd'hui, et en est à se réjouir de passer de 25 à 29% dans un sondage !. Aurait-il peur que les mères de famille cathos et les grands parents débonaires qui se tassent sur les Invalides à la même heure prennent d’assaut son palais pour l'en virer manu-militari  ?