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mardi, 07 octobre 2014

Réhabiliter Pétain ?

Drôle de coïncidence : Alors qu’une redoutable et bien jeunette idiote parlait samedi soir, chez Ruquier, de « réhabiliter Pétain », face à un Zemmour consterné qui tentait de lui donner une leçon d’histoire,  me suis retrouvé nez à nez devant son portrait, cet après-midi en salle des ventes !  Le commissaire-priseur qui le mit à l’encan réussit à ne pas-même prononcer son nom : « un magnifique cadre art-nouveau, 10 euros ! »  (C’est vrai que le cadre est très beau). Je levai la main, personne ne renchérit dans la salle murmurante.  C’est ainsi que je me suis payé Philippe Pétain, pour tout juste 10 euros. 

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Le voilà posé devant moi, tandis que je rédige ce billet. Le portrait date de 1917. Moustaches troisième République, képi ombrageusement vissé sur un air altier et taciturne, col boutonné : le portrait jaillit d'un autre temps, vraiment. Mon père, ma mère, respectivement nés en 1929 et 1930, firent partie de cette génération de Français qui chantèrent chaque matin Maréchal nous voila, juste avant de passer leur certificat d’études qui fut, je crois, leur seul diplôme. Cela ne les traumatisa guère ni l’un ni l’autre, pour le peu que j’aie pu en juger. Bien moins que les bombardements récurrents, surtout vers la fin de la guerre, surtout ceux des Alliés, et puis la disette, le couvre-feu, le rationnement. Leur adolescence...

Est-il si honteux, aujourd’hui, de rappeler la complexité de ces temps de débâcle et d'occupation, comme le fait Zemmour ? Tandis que De Gaulle sauvait la parole de la France, Pétain préserva sa natalité, ni plus ni moins. Et  une génération de parents, celle de ces «enfants humiliés » que décrivit majestueusement Bernanos, saignée à blanc en 14/18 et appauvrie par la crise, celle, exactement, de mes grands parents (1) ; j'ai écrit un roman pour parler aussi d'eux. Et de leur belle religion catholique. Pour l'instant, aucun éditeur n'en a voulu. Aucun. Un hasard ? Laissons couler encore un peu d'eau sous les ponts...

Mais tous ceux qui, aujourd’hui, défendent, bec et ongles, la retraite à répartition contre celle à capitalisation se souviennent-ils qu’ils la doivent à un certain René Belin, ministre du travail de Pétain, lequel institua le tout premier ce régime si français (assure tout le monde aujourd'hui), pour ceux qu’on appelait alors « les vieux travailleurs salariés ». Le même qui signa, en octobre 40, la loi portant statut des Juifs étrangers, voyez, rien n’est vraiment simple. Et l'Histoire est complexe. Et la  littérature doit l'être également, qui se doit de tout prendre en compte. 

Il ne s’agissait évidemment pas de réhabiliter Pétain. Mais il s’agit de cesser de blanchir cette Chambre qui, en confiant au héros de Verdun les pleins pouvoirs, dans la situation tragique que traversait alors le pays, lui laissa quartier libre pour accomplir à sa guise et à sa façon, en quelque sorte, le sale boulot. Une assemblée dans laquelle les députés de la SFIO, de la gauche démocratique et du Parti Radical n’étaient pas de reste, que l’on sache. Il s'agit de cesser de blanchir cette gauche.

Le discours pro-gaullien de tous ces gens de gauche à présent, qui traitèrent Sarkozy de Pétain durant la dernière campagne (et jadis De Gaulle de dictateur), ce discours qui recense les vertueux d’un côté et les salauds de l’autre, Léa Salamé, du haut de ses 35 printemps, parait l’avoir bien digéré. Un discours à la dimension de leur cervelle à tous. Je sais bien, moi -si j’en crois ce que  disait mon grand père (mort d’un cancer au poumon et à la gorge à tout juste soixante ans – les gaz de 14 n’y étaient pas pour rien -) que les choses n’étaient pas si simples. Pétain, il détestait, comme beaucoup d’anciens poilus à vrai dire. Avec son caractère de tête brûlée, si j’en crois ce qu’on m’en raconta, De Gaulle, il détesta tout autant. Des hauts gradés et des politiciens de l’Arrière, en somme. Et autour d'eux, partout, des politicards.

Alors si cracher sur Pétain à présent, si détourner les regards et ne plus prononcer les mots, ça sert à porter aux nues Hollande et ses sbires lamentablement révisionnistes, à justifier l’auto flagellation devant Netanyahu  et la repentance chiraquienne, très peu pour moi, merci! Je n’ai fait déporter ni dénoncé personne, mes parents et grands-parents non plus, alors basta !  Je prends avec moi l’histoire de mon vieux pays avec toutes ses zones d’ombre parce que, comme Nauher le dit très justement dans ce billet, c’est aussi par et dans son histoire que je me construis, et non pas dans celle, balbutiante et mort-née, de la zone, et pas davantage dans celle de cette abstraction bizarre et fausse qu’est le monde.  L'histoire, toute entière de mon pays, qui ne commença pas en 1945, Dieu merci.

C'est pourquoi je prends aussi avec moi tous les écrivains, les poètes, les architectes, les musiciens et les peintres de l’Ancien Régime, autant que les Zola et les Camus, Soufflot bien davantage que Le Corbusier, et les rois autant que les présidents, les seconds pouvant souvent pâtir de la comparaison avec les premiers, il faut bien le reconnaître (2). Je prends l'Ancien Régime et le Nouveau, comme l'Ancien et le Nouveau Testament. Et plutôt que Schuman, Monnet, leurs traités mal ficelés et leur monnaie dérisoire, je prends Dante et Shakespeare, Platon et Hölderlin, Dostoïevski et Cervantes. L'Europe, autrement dit.

Je prends tout ceux-là avec moi. N’en déplaise à Léa Salamé, Cohn Bendit, et tous ceux qui semblent penser que la France, ce n’est qu’un état-civil désormais plastifié pour tous les damnés de la Terre, qui naquit le jour de la condamnation de Pétain.

Et je garde au cœur la Fille aînée de l’Eglise, celle à laquelle Jean Paul II demanda ce qu’elle avait bien fait de son baptême au milieu de toute la confusion du siècle, autant que celle des Droits de l’homme, qu’on vit trop souvent massacrer ses propres enfants au nom de ces mêmes Droits. Je prends toute la complexité si belle, si enrichissante, si exigeante -et souvent si déchirante de  cet héritage français.

 (1) Mais quand ils eurent sauvé cette France là de la seule manière dont ils fussent capables, quand ils l'eurent reprise à l'ennemi, et furent rentrés tranquillement chez eux, comment aurait-on pu les persuader de la sauver à nouveau ?  Car un gouffre s'était creusé peu à peu, durant ces quatre années, entre l'Arrière et l'Avant, un gouffre que le temps ne devait combler qu'en apparence   (Bernanos - La France contre les robots)

(2) Si je trouve l’actuel pingouin de la République si inepte, si pauvre, si vide, c’est peut-être parce que – à ce qu’il prétend -, l’Histoire de mon pays commencerait en 1789. Un révisionnisme terrible, l’un des pires, des plus communément admis. Et pourtant : est-ce bien la Tour Eiffel et les colonnes Buren qui font de Paris, comme s’en vantent quelques modernistes béats, la première destination touristique du monde ? 

Commentaires

Coïncidence mon cher Roland malheureusement je ne peux écouter Ruquier mal chance peut être .. en passant pour 10 euros une vraie aubaine
Pas cher, ce que l'on lit dans les livres n'est pas toujours vrai et je suis bien placer pour le savoir
Moi qui ne parle jamais de politique je tenais à vous le faire savoir

Bien a vous

Écrit par : george | mercredi, 08 octobre 2014

Je confirme : le texte de Philippe Nauher est d'une redoutable intelligence.

Écrit par : Bertrand | mercredi, 08 octobre 2014

Une période bien complexe qui ne peut être réduite au discours moralisateur et manichéen des bien-pensants. Conseil de l'ordre des médecins, salaire minimum, Police nationale...

Léa Salamé, c'est une identitaire qui appartenant à une Communauté organisée qui refuse de se fondre dans la Communauté nationale... Anti-France.

Écrit par : Jérémie S. | mercredi, 08 octobre 2014

Si j'ai bien compris La Salamé est une sale amie, experte des querelles à deux balles. Tant qu'elles ne sont pas dans la peau....Le billet de Nauher est d'anthologie!

Écrit par : patrick verroust | mercredi, 08 octobre 2014

Oui, le billet de Nauher est vraiment d'anthologie.

Écrit par : Jérémie S. | jeudi, 09 octobre 2014

Le billet est d'autant plus juste qu'à sa façon, Jacques Attali que je viens d'entendre prononcer cette phrase surréaliste pour expliquer le succès du livre de Zemmour, le confirme :
"quand un juif est antisémite, ça plait aux antisémites !"

Jacques Attali traitant d'antisémite Zemmour et, à travers lui, tous ceux qui liront son livre et tous ceux qui éprouvent simplement pour la France, leur pays, un sentiment d'appartenance réel... je rêve !
Tout ça montre combien un petit groupe très riche en influence comme en monnaie sonnante (une "communauté organisée" pour le coup) s'est accaparé la mémoire de la Shoah pour propager les bases de l'idéologie dans laquelle nous baignons, pour tenir le monde. Attali alimentant un "antisémitisme de classe" (comment appeler ce truc ?) Aron, au secours !
S'en rend-il compte, l'ancien conseiller de Mitterrand, qu'il donne, ce faisant, raison à toutes les thèses de Soral et de Le Pen ?
Ces gens imbus de leur toute puissance et déconnectés du réel ont totalement pété les plombs !
Se faire insulter par un personnage aussi imbu de lui-même, aussi faux cul et méprisant qu'Attali, c'est presque un compliment !
Manquerait plus que Zemmour porte plainte contre lui, on se marrerait dans les chaumières !

Écrit par : solko | jeudi, 09 octobre 2014

Accuser quelqu'un d'antisémitisme, c'est tellement beau, que les simples d'esprit y croient sans analyser si c'est vrai ou pas.

Écrit par : Jérémie S. | jeudi, 09 octobre 2014

La gauchisterie, en la personne d'une fille à papa - une de plus - imbue brandissant une apostrophe pénétrée, démontre l'impossibilité de l'intégration.

Et la gauchisterie ne s'en est point aperçu.

Raccourci exceptionnel que celui de cette péronnelle en mal de fessée.
Raccourci didactique où l'essence de Vals et C° vient se mirer chaque jour que Dieu fait.

Écrit par : tamet de bayle | vendredi, 10 octobre 2014

Zemmour, Pétain.....vraiment, je ne sais pas pourquoi je lis toujours attentivement vos billets..... sans doute parce que, parfois, j'y trouve des perles.

Écrit par : Julie | samedi, 18 octobre 2014

C'est l'amalgame qui révèle la perle.

Mais il est vrai que l'usage dudit amalgame comme sa signification sont peu connus de nos intellobobosociocul…

Écrit par : tamet de bayle | samedi, 18 octobre 2014

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