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mardi, 05 novembre 2013

Une affichette dans les toilettes

Sur l’étagère dans le coin de la salle, la télé. Les consommateurs autour d’une bière ou d’un café se racontent leur journée. Un enfant qui hurle énerve tout le monde, mais personne n’ose trop s’en plaindre à la mère qui semble habituée. Les cris couvrent la jactance sur l’écran des deux B, Bayrou et Borloo, à qui il ne manque que deux nez pour ressembler à deux clowns.

Le patron s’affaire de table en table, avec sa patte de plus en plus folle. Une habituée du café trempe dans son verre de vin une biscotte. Puis elle la suce méthodiquement, en regardant chacun tour à tour. Elle porte toujours de drôles de bibis, et ses cheveux gris, gras et bouclés qui tombent sur ses oreilles lui donnent un air mi clocharde mi chien malheureux.

Une intermittente pénètre dans la salle pour placer une affichette. Contre la porte vitrée, c’est déjà bien remplie. Pas possible, le nombre d’artistes dans ce pays, pense-t-on en la regardant qui ressemble à une artiste comme un brocoli à une machine à laver. Les deux B devraient l’embaucher puisque c’est partout le cirque, la déconfiture généralisée.

Il ne se passe jamais plus de dix minutes sans que quelqu’un ne pousse la porte aux vitres opaques des chiottes. Le temps qu’on reste aux chiottes dans un café, ça pourrait entrer dans les grilles comportementales de  nos amis sondeurs. Ce dernier dépend de tout un tas de facteur : moment de la journée, âge, profession et sexe du consommateur, état de propreté des lieux…

D’un coup de menton, le patron de café signifie à l’artiste que, la porte étant entièrement recouverte, elle peut toujours si elle le désire aller scotcher son affichette aux toilettes. On voit à sa frimousse renfrognée que ça ne lui plait guère. Elle hésite. Et puis elle se dit qu’aux toilettes du moins, on est assis, l’œil fixe à attendre, plus disponible qu’en passant dans la rue.

Le chiard gueule de plus en plus fort, tandis que les duettistes centristes  ressemblent de plus en plus à des marchands d’aspirateurs  à fins de mois difficiles. Finalement l’artiste se décide. Elle passe devant la trempeuse de biscottes à l’air de chien malheureux et pousse la porte aux vitres opaques. C’est un jour de novembre ordinaire, dans le café ordinaire d’une ville ordinaire. Le temps ne passe plus, il est reconduit de jour en jour par tous les habitués des toilettes, le patron claudiquant, et les affichettes qui se chevauchent les unes sur les autres comme celles des campagnes électorales.

Ici, il semble qu'on n'attende plus rien, que quelques allocations ou subsides de l'Etat putréfié pour continuer à tremper la biscotte dans le vin avant de tirer un jour la chasse. C'est à la fois sordide et lumineux, parce qu'on sent que le mensonge n'y a pas de place. C'est pourquoi ceux qui parlent à la télé, les deux B comme les autres, ont l'air si glauques et si lointains. Peut-être qu'au fond, le spectacle de l'affichette mérite le détour. L'artiste sort au bout de plusieurs minutes, plus qu'il n'en faut pour coller un morceau de papier. Elle a l'air soulagée.

Il en faut PEU, n'est-ce-pas pour être heureux...

22:06 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : affichette, bayrou, borloo, france, politique, littérature, ennui, socialisme | | |