mercredi, 06 août 2014
Les congés d'août
Bon. Le terrible mois d’août a commencé à étirer ses jours de plus en plus écornés sur les corps alanguis des bords de mer. Cela n’empêche pas les Grands de ce monde de déconner plein tube, pendant que les vacanciers basanés ont le sentiment que plus rien ne se passe, hormis la besogneuse pigmentation de leur peau et la somnolente dérive de leur quotidien habituel dans une tiède léthargie, laquelle n’hésite pas sur certaines cartes postales à se prétendre volupté. Rideau.
Les villes, c’est vrai, turbinent au ralenti. Avec la disparition des voitures, une sympathique allure d’autrefois semble les hanter. Le parler humain retentit des façades et des fenêtres ouvertes, que le ronronnement aussi puant que laid des moteurs ne recouvre plus. Moins nombreux, on se jauge et se bouscule moins sur les trottoirs. C’est le vide aoutien.
On n’imagine pas le nombre de mesquines contraintes et de veules soumissions, auxquelles ce mois léthargique prépare sournoisement et les consciences et les organismes dilués dans cet apparent repos. On appelle cela congés payés. « Etre en congé » - cela vient du latin commeatus, qui désigne la permission militaire. Le reste de l’année, serions-nous en guerre ? Le « commeatus totius aetatis » était ainsi à Rome le « congé de tout l’été... Une avant-garde des congés octroyés par l’empire actuel, dirait-on.
Dans nos sociétés éclairées, malheur donc à qui ne peut pas partir ! Mais s’en aller loin de quoi ? Et pour aller où ? Là demeure tout le problème. Car j’aurai beau traîner ma carcasse à l’autre bout du monde, elle sera toujours là, terrible et pesante chaque matin, et le monde aussi, bordélique et rempli, ici comme ailleurs : Le nombre de sites labélisés Unesco qu’un touriste besogneux se doit d’avoir visité pour se prétendre cultivé à la rentrée ne cessant d’augmenter, c’est aussi un problème de vraiment partir quand partout se retrouvent les mêmes signes culturels, les mêmes enseignes, le même monde. Et que le chez soi d’où l’on part est aussi un site classé.
Pour le touriste aoûtien, on a cependant aménagé des lieux plus ou moins onéreux où sa graisse comme son ennui sont pris en charge : Gilbert Trigano fut aux temps modernes ce que Louis IX fut aux anciens, mais en bien pire, il va sans dire. Ces lieux présentent l’avantage, tout en étant les mêmes partout, de ne pas ressembler au décor quotidien des gens qui les fréquentent quelques semaines. Ils peuvent ainsi prétendre incarner la vacance…
Août est un mois peu élégant. Un idiot au cœur faussement tendre chanta un jour que c’est durant ce mois « qu’on fait les fous, les gros matous, les sapajous… » Rien que parce que le mois d’août est le temps des karaokés, il mériterait de disparaître des calendriers. Vivement, donc, qu’août se tire. Et que les lueurs du soir commencent à réciter le beau septembre sur nos toits.
19:13 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : août, vacances, pierre perret, gilbert trigano, été |
Commentaires
Vous voila donc revenu !
Les mois de juillet-août me puent aux yeux !
Même si la connerie humaine ne s'édulcore guère avec le retour des lumières obliques de l'équinoxe...
Écrit par : Bertrand | mercredi, 06 août 2014
Oui, je m'étais un peu éloigné du web : c'est salutaire parfois de s'évader loin de ces petits rectangles bleus !
Écrit par : solko | mercredi, 06 août 2014
Un beau texte, Solko. C'est un plaisir de vous lire.
Écrit par : Michèle | mercredi, 06 août 2014
Merci Michèle. C'est aussi plaisir d'être lu.
Écrit par : solko | mercredi, 06 août 2014
L'humanité détruit son patrimoine mieux qu'elle le protège. Ionesco a pu penser que l'Unesco était, vraiment,le théâtre de l'absurde!!!
Écrit par : patrick verroust | jeudi, 07 août 2014
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