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jeudi, 15 mai 2014

Tendancieux, non ?

Les  épreuves des divers BTS ont débuté en France.  Je surveillais,  hier, celle de Cultures de la Communication. L’épreuve porte toujours sur une campagne de communication à analyser à partir d’un texte critique, le tout étant à compléter par un travail de création. Épreuve plus compliquée à réaliser qu’il n’y parait de prime abord. Au vu de la profusion des campagnes, les concepteurs de sujets n’ont que l’embarras du choix.

Hier après-midi, en ouvrant l’enveloppe des sujets devant une quarantaine de candidats (silence toujours très recueilli), première surprise : les étudiants vont devoir plancher sur la campagne de communication du gouvernement pour ses discutables et discutés emplois d’avenir. On demande aux étudiants d’analyser les plaquettes retenues pour la campagne, et d’imaginer une bannière pour le site www.lesemploisdavenir.gouv.fr . Ça tombe bien, me dis-je en distribuant la chose, je leur ai fait lire le Propaganda de Bernays en long, en large et en travers. En terme de communication politique, ils sont au top. Sauf que ce n’est pas un travail critique qu’on leur demande. Mais de confronter la vision que Rimbaud se ferait de la jeunesse dans son poème Roman (le fameux « on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans») avec le point de vue des concepteurs de cette campagne.

Et puis il y a autre chose, qui me saute aux yeux sur la plaquette qu’on leur propose en exemple. Cette splendide faute d’orthographe. L’accord grammatical de pas de est discutable et se fait toujours d’un point de vue sémantique : On dira « Il ne fait pas de fautes », mais « venez sans faute »… Sauf que lorsqu’il est précédé de peu de, le pluriel l’emporte de façon indiscutable : Dans le rond rose, il fallait écrire Peu ou pas de diplômes.

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Bref. J’aurai passé l’année à dire à mes étudiants qu’une faute d’orthographe sur un Bon à Tirer devient une faute professionnelle parce qu’elle se chiffre en euros lorsqu’il faut tout ré-imprimer, pour les voir plancher sur un sujet contenant (dans un plaquette officielle payée au frais du contribuable) une faute qui aura passé les seuils successifs :

- d’une agence de communication gouvernementale

- d’un premier imprimeur

- des concepteurs du sujet

- des vérificateurs

Ce qui implique au minimum deux bons à tirer et combien de relectures ? .

Bref.

A l’arrêt du bus, plus tard, deux examinateurs me demandent :

 « -Qu’avez-vous pensé du sujet ? Tendancieux, non ?

Ricaner. Que faire d'autre ?

- La gauche est revenue au pouvoir, leur fais-je. Et ça se voit… »

mercredi, 23 avril 2014

Générations européennes ?

L’histoire des hommes étant ce qu’elle est, il y a fort à parier que ceux qui viendront demain rêveront de reconstruire tout ce que la folie dévastatrice de leurs pères aura détruit. Les générations aspirent légitimement à être maîtresses de leur destin, et non pas réduites à rien par celles qui les ont précédées. Le grand et minutieux effort de miniaturisation de l’homme de demain entrepris par la génération du baby boom et ses rêves d’internationalisme égalitaire butera donc inévitablement contre une résistance  qui n’aura heureusement pas été prévue. L’Europe, telle que cette génération la laisse à ses enfants, apparaît telle une catastrophe, dans lequel le pauvre, de quelque pays qu’il se trouve est isolé devant le marché et les dérives sectaires, privé des garde-fous historique que furent, malgré leurs excès, les souverainetés historiques de la religion et de la nation. Les combats contre la religion et contre la nation auront connu aussi leurs excès, et nul ne doute, en voyant la configuration du monde qui se prépare, qu’on se trouve aujourd’hui à l’une de leurs plus extrêmes limites.

Toutes les générations auront été intraitables à l’égard de celles appelées à leur succéder et, comme le dit La Fontaine dans le vieux chat et la jeune souris, il semble hélas que ce soit dans l’ordre des choses. Mais je constate que, en raison de son grand nombre, de ses espoirs puérils de tabula rasa de l’ordre ancien et de son goût immodéré pour l’utopie consumériste, celle qui est aux affaires pour encore quelques temps aura, dans ses rêves insipides de tolérance, gravement contribué à la montée de l’intolérance et pas mal savonné la planche de ceux qui viennent, spécialement dans cette malheureuse Europe. Elle mérite de disparaître à son tour, et je ne me sens, pour ma part, pas très fier d’avoir été l’un de ses membres.

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Joséphine Meckseper

 

06:33 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (4) | | |

mardi, 08 avril 2014

Redressement, abousement

Le seul pari que fait Manuel Valls est au fond celui que sa rhétorique du redressement trouve encore des oreilles où tomber. Depuis des décennies, nous entendons parler de redressement à chaque déclaration de politique générale d’un nouveau premier ministre. C’est déjà étonnant quand on change de majorité, mais ça l’est encore plus quand on passe de la majorité à la majorité comme c’est le cas dans la comédie qui se joue en ce moment. L’entrant (l’intrus ?) déclare donc trouver le pays dans un état déplorable, « Trop de souffrance, pas assez d’espérance », voilà donc d’après Valls l’héritage de Ayrault, ce qu’aurait pu lire Copé ou Fillon.

J’aurai donc passé ma vie dans un pays qui sera allé de redressement en redressement tout en ne cessant de s’abouser au fil des premiers ministres : en ce sens, Valls est déjà vieux, et l’énergie qu’on feint ça et là de lui trouver, dont certains même vont jusqu’à s’inquiéter comme ils s’inquiétaient de l’impétuosité de Sarkozy, n’est qu’un artifice. Après s’être  trainée sur le ventre durant de longs mois, la politique de Hollande va continuer à le faire durant de longs autres : on remarque que ce catalan plein de ferveur pour la France, qui se fit applaudir pour avoir, « le cœur battant » demandé un jour la nationalité française, n’a pas dit un mot sur la signature imminente du traité transatlantique donnant à des multinationales le droit de traduire en justice des Etats qui n’appliqueraient pas leur politique. En guise de redressement, nous aurons un total abousement !

 

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 Célestin Nanteuil - La descente de la Courtille à Belleville, jour de carnaval

Il me prend souvent le cœur de rêver à ce que serait l’alliance des deux fronts, celui dit de gauche et celui dit national, contre ce projet, qui signera pour un temps indéterminé (s’il aboutit) la fin de la souveraineté politique. Et je dis bien de rêver, comme du temps où le légitimiste Chateaubriand et le républicain Carrel se rendaient tour à tour mutuellement visite, dans les geôles de Louis Philippe. Mais n’est-ce pas  pourtant cette union insolite qui fut à l’origine des 54,68% de Français qui rejetèrent (en vain) le traité constitutionnel de 2005 et dont une sorte de remake risque- on l’espère- de se produire dans le silence des urnes, lors des élections européennes à venir ? Des députés anti-européens, pour ne pas dire frontistes d’un extrême ou de l’autre, pour signifier en grand nombre à la Commission Européenne et à la BCE ce qu’elle mérite d’entendre : que Valls - comme l’italien Renzi - qu’on nous présente comme l’avenir est déjà terriblement vieux, presque autant que ceux qui s'apprêtent à museler le monde et sa jeunesse et son avenir, au nom de la solidarité, au nom de la responsabilité et, pendant qu'ils y sont, au nom de la liberté.

20:26 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (32) | Tags : valls, politique, france, nanteuil | | |

dimanche, 24 novembre 2013

Dissident

Vincent Peillon a commis en 2008 un petit traité qui ne mériterait même pas d'être ouvert si le hasard malheureux d'un vote récent n'avait eu pour conséquence de faire de ce triste sire un ministre de l'Education Nationale. C'est risible. mais puisque ce qui est est, en  voici quelques extraits commentés.

« La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français »

Le premier sophisme de Peillon est de transformer un événement immanent (rien de plus immanent que 89, en ce sens que l’événement ne fut que le fruit de tout ce qui le  précéda) en un acte qui serait transcendant au siècle. Le vocabulaire, puisé dans la religion, ne manque pas non plus de détournements (Le Verbe fait chair devient l’incarnation d’un sens, l’expiation du peuple prend la place de l’expiation du pécheur). Ce passage éclaire le titre même du bouquin : « La Révolution française n’est pas terminée ». Entendons par là non pas l’émancipation des peuples, mais la mise à bas du christianisme (comme si cela allait de pair), laquelle fut l’obsession des Le Chapelier, Romme, Favre d’Eglantine et autres Saint-Just en leur temps. Et demeure pour d’obscures raisons de vanité personnelle l’obsession inavouée non seulement de Peillon, mais de nombreux ministres de ce gouvernement– pour ne pas dire ce gouvernement tout entier, dont tous les membres clés appartiennent au Grand Orient.

Et le petit Peillon d’asséner, faisant mine de penser : « 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c’est-à-dire un événement religieux ».

Nous y voilà : La dimension spirituelle de la République aussi sottement sanctuarisée serait qu’elle s’adresse à l’homme nouveau. Un déisme ultra simplifié et réduit à quelques valeurs incontestables va dès lors servir de base et de fondement à l’élaboration d’une nouvelle posture à laquelle on prête un ancien et noble nom : la laïcité. Oui, bonnes gens, l’ordre laïc doit régner et lui seul, cache-sexe pudibond par temps de crise de l’ordre marchand. Tout ce qui n’est ni l’un ni l’autre doit donc disparaître. Version postmoderne et spectaculaire de la Terreur.

Peillon continue, plus fanatique et plus doctrinaire que jamais : « La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen»  

Tiens donc ! « Jusqu’à être citoyen » ! La bonne blague ! dépouiller ? Rien que ça. Ordre laïc + ordre marchand = ordre citoyen… Drôle de conception de son boulot à l’Education Nationale. Et pourtant…

Les gens de gauche, les fonctionnaires patentés du SNES qui demeurent si enclins à taxer les gens de droite de révisionnisme (entre autres noms d’oiseaux), devraient longuement s’arrêter et méditer sur tout ce que cette phrase implique sur le plan philosophique, historique, littéraire, musical, artistique.

Comme le clip de Hollande faisait débuter l’histoire du pays à la Révolution Française, comme la harangue sur TF1 de Taubira impliquant les « deux France » dont l’une serait plus « française » que l’autre (la modernoeud, évidemment), Peillon gomme d’un trait le rôle de la vieille France et de l’Ancien Régime dans la  construction de la culture et de l’identité nationale. A la trappe Chartres et Chambord, Louis IX et François 1er, La Tour et Chardin, les cisterciens et Rameau, Pascal, Racine et Bossuet. L'exact programme, soit dit en passant, des experts de l'OCDE. Un citoyen est élevé comme le serait un disciple ! Pourquoi pas un soldat, tant qu’il y est ? Je croyais que l’école avait vocation de faire des hommes. Mais je prononce là un gros mot, puisque ne subsistent désormais que des genres

Etre citoyen, c’est avoir atteint le sommet, braves gens. C'est-à-dire servir l’idéologie.! Ah si ce pauvre diable n’était pas ministre de la République, on ne perdrait pas son temps avec ce phrasé ridicule. Mais voilà : Les Français ont voté. Les Français ont voté !  Tu parles, comme dirait Dalida… Elevés donc au respect de quelques lieux communs érigés en principes et valeurs, circulez, y’a plus rien à dire, rien à penser « dans ce pays », comme ils disent, comme si ça n’avait jamais été le leur.  Soutenir les Bleus, ça oui ! Passer toute l’année au pays des tulipes et n’être au fond qu’un epsilon du spectacle.

« Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. »

Fichtre. Peillon-Moïse ne se sent plus pisser la copie. Et qu’on ne vienne pas me parler de métaphores à propos de cette dernière phrase aussi ridicule que terrifiante. Car déjà la liturgie des Droits de l’homme est déclinée de faits divers en faits divers par l’équipe gouvernementale actuelle comme jamais ministres sensés n’osèrent le faire avant eux. La liturgie a trouvé sa prêtresse de manga avec Najat Vallaud Belkacem, sa victime discriminée avec Christiane Taubira, son garde champêtre des banlieues avec Valls et son prélat compassé avec le triste Peillon. Tous ces pantins y croient, c’en est  drôle mais consternant, car au nom des bonnes valeurs,  la censure s’installe dans les esprits et limite de plus en plus la libre parole au nom de leur inepte culte.

Les nouvelles tables (charte de la laïcité en dix points) sont affichées dans les préaux et les couloirs de toutes les écoles, collèges et lycées de France. Une sorte de code de la route comportemental en dix commandements, en attendant les leçons de morale qui ne sauraient tarder dès la rentrée prochaine.

Quant au clergé, il a évidemment son PS dont le pays est saturé à tous les étages de la responsabilité politique, dont les relais quand il s’agit de faire appliquer le mariage pour tous ou le consentement à l’impôt sont repérables dans presque tous les medias, et dont on attend avec impatience que les électeurs le boutent hors d’écran de  nuire

Cette religion laïque, qui n’est qu’une forme d’adhésion prétendument démocratique à un projet impérial s’empare une fois de plus de l’école pour mener à terme l’anesthésie intellectuelle en cours depuis le Collège Giscardien Unique. Elle n’est en réalité qu’une vue de l’esprit, un simple mais très efficace point de gouvernance, le seul qui demeure à cette gauche gestionnaire, vidée d’elle-même et de sa substance. Et qui, aux abois, ne cherche qu’à se maintenir pour deux ou trois mandats face à la droite qu’elle parodie en pire.

A l’intérieur d’un cadre général qui, en s’autoproclamant républicain, limite à lui seul toute la diversité du bien commun, cette religion laïque et panthéonesque est tout ce qui demeure du socialisme historique, et c’est fort attristant. Elle hiérarchise dorénavant comme étant de simples opinions tout ce qui ne correspond  pas à son entreprise de réduction de la complexité du monde à de sommaires valeurs qu’elle peut encore réguler à grands efforts de propagande. Elle traite ainsi toute philosophie plus complexe, toute contestation molle ou radicale de son ineptie, tout désaccord de quelque bord que ce soit, et même toute religion autoritaire comme si c'était de simples opinions qui ne devraient pas quitter le domaine du privé ou n'auraient qu'un droit formel d'exister sur la place publique. A titre de participation positive (ha! ha!). Pire. Tous les autres événements de l’histoire, toutes les autres traditions, toutes les autres mémoires sont relégués par ses décrets lapidaires au statut de simples moments clos et dignes du seul oubli, à la rigueur un petit lieu muséal et foutez nous la paix. Le marché seul a droit à l’espace public, tout le reste, laïcité oblige est prié de la boucler pour de bon : révolutionnaires nostalgiques, catholiques intégristes, nationalistes fascistes, traditionalistes homophobes, intellectuels dépassés et contre-culturels de tous crins minoritaires et démodés, prenez soin de n'engendrer que les citoyens du monde libre de demain. Des hommes nouveaux, d'un genre ou de l'autre, pour peupler la zone, les mêmes billets en poches, la même mélasse dans le crâne. Je n’exagère rien : nous avons là tous les prémisses d’une véritable dictature.

jeudi, 21 novembre 2013

L'Europe des déchets

Je découvre par hasard que cette semaine qui s’achève était la semaine européenne des déchets. Je connaissais l’année du Dragon, le mois du muguet, la journée de la femme, la minute de silence, mais j’ignorais que les semaines étaient aussi à l’honneur. Le temps, comme l’espace, est  donc encombré, saturé jusqu’à la nausée. Une semaine des déchets, curieuse idée qui n’a pu germer que dans la cervelle désœuvrée d’un fonctionnaire européen et belge de surcroît. Une tête blonde, peut-être, allez, ce serait la totale, blonde, belge et européenne, comme on dit de nos jours..

Tout ça pour propager dans les écoles, associations, institutions, et jusqu’au fond de nos hameaux  l’idée du tri sélectif et de la réduction des déchets.  Le terme ne doit pas être confondu avec la bonne vieille ordure, du vieux français ord qui signifiait « sale ». On peut être une ordure sans être un déchet, n'en déplaise aux bien-pensants. Ni avec  détritus, issu d’un verbe signifiant user en frottant.

Le déchet, qui provient du verbe déchoir,  a quelque chose à voir avec la déchéance, la fin de vie, la fin de race comme aurait dit Ludwig II. D’une certaine façon, nous autres Européens désormais  condamnés à survivre dans une zone entourés d’objets culturels indéterminés, nous sommes tous des déchets. Le fonctionnaire illuminé a donc eu  une bonne idée de créer cette semaine-ci. C’est la semaine de l’euro, celle  de la zone et de sa Commission,  des lobbies et des partis, des technocrates et des stars de football, des règlements abusifs et des taxes.

L’Europe des déchets. Que voilà un beau titre pour une toile crachée en quelques minutes, jaillie de la matière même de son peintre ; ou pour un roman de cent deux pages écrits avec 600 mots sans jamais dépasser la structure sujet verbe complément et lisible dans toutes les langues du marché. Ou pour un bâtiment délirant et bouffeur de subventions, entre le Bauhaus et la fraise-tagada, qu’une ministre de la CuCullture dans le genre de FiIippetti viendrait inaugurer en pensant à tout ce qu'elle doit à sa mère devant un parterre d’élus  somnolents. Ou pour un french-blockbuster racontant les mésaventures d’un garçon qui voudrait être une fille pour satisfaire les instincts mortifères de sa vieille maman, et finirait en tireur de l'ultra-gauche à moitié suicidé dans une caisse au fin fond d’un terrain vague.Ou pour les embrassades d'un ex-président de Chiraquie complètement gâteux et d'un nouveau en passe de le devenir. Faire semblant use.

Des déchets, rien d'autres. Faut s'y faire. Absolument, ou mourir. En se consolant dans les pages de Robert Challe ou d'un autre Illustre Ancien. Ou bien en suppliant une vieille chapelle romane du  Brionnais de nous accorder pour de vrai un bref et salutaire asile, loin de la furie du temps et du spectacle qui tourne en boucles des capsules.

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vendredi, 15 novembre 2013

Des bien-pensants au XXIe siècle

Nous sommes loin, à présent, de La grande peur des bien-pensants, tant l’univers intellectuel du pays s’est dégradé. Pas facile, dès lors, de parler de bien-pensants, car cela nous ramène à la Libre parole de Drumont, et au magnifique essai que lui consacre Bernanos en 1931. Bernanos, comme d'autres, a été étrillé par tous les points de vue binaires et outrageusement simplifiés de la propagande officielle, passé sous les fourches caudines de BHL et de sa très puante Idéologie française qui lui valut les remontrances de son maître, Raymond Aron, mais lança sa carrière de bien-pensant alors même que le grand simulacre mitterrandien qui devait aboutir à Maastricht se mettait en place dans la carnavalesque et pluvieuse fête de la Bastille de mai 81.

La bien-pensance, dans les milieux bobos , qu’ils soient tendance NKM ou tendance Hidalgo,  c’est une posture de circonstance, qu'on adopte au fil des conversations, une sorte de convenance sociale qui n'est jamais non plus dénuée de religiosité. Voyez Edwy Plenel . C'est pourquoi n'importe quoi peut devenir de la bien-pensance, dès lors que la conviction s'estompe et que la nécessité intellectuelle du combat est remplacée par le consumérisme de salon ou l'opportunisme du journaleux. On n'est donc  - au moins pour la pose - pas très loin de Flaubert et de ses idées reçues, de Bloy et de ses lieux communs. Relisons, à propos de cette bien-pensance, ce qu’a écrit Bernanos  dans la conclusion de son essai de 1931 :

« C’est bien plus profond qu’il faut chercher  le germe vénéneux. Car la guerre des démocraties, la guerre des peuples, la guerre universelle a voulu son langage universel, lui aussi œcuménique. Pour le constituer, elle a pillé le spirituel comme le reste, fait débiter par tronçons à la vitesse maxima des rotatives une sorte de métaphysique à la fois puérile et roublarde, dont les mots les plus vénérables, Droit, Justice, Patrie, Humanité, Progrès, sortaient marqués d’un signe et d’un matricule, comme des bestiaux – au point que nous les vîmes servir depuis, avec une égale docilité, les convoitises américaines et le pacifisme hypocrite des banques »

« La dépossession progressive des Etats au profit des fortunes anonymes de l’Industrie et de la Banque, cet avènement triomphal de l’argent, qui renverse l’ordre des valeurs humaines et met en péril l’essentiel de notre civilisation s’est accompli sous les yeux d’hommes qui ont gravement hoché la tête, ou parlé d’autre chose »

Si aujourd’hui la gauche, bien plus que la droite, est saisie en flagrant délit de bien pensance, et se découvre nue et gangrenée par elle, c’est parce qu’elle a accepté l’ordre économique de l’Europe, l’affaiblissement de l’Etat, le sacre de la finance et du FMI, qu’elle a consolidé de ses propres mains la nouvelle économie qu'à présent elle dénonce dans toutes les instances où elle a été au pouvoir, tout en souhaitant se garder je ne sais quelle âme risible pour se préserver de je ne sais quel fascisme.

Elle a, comme la droite sarkoziste qu’elle vénère et vomit à la fois, renié le vote des Français de 2005. Elle s’est assise sur la légitimité populaire. Elle l’a conspuée.Tous ses discours pseudo-moraux sur la justice comme sur l’antiracisme, sur la démocratie comme sur l’honnêteté de ses élus (on n’a même plus besoin de citer les affaires pour les voir s’enfoncer dans le marais des sondages), sonnent dès lors creux, faux. Autrement dit, atrocement bien-pensants. Un chapelet de vœux pieux qui ne tolère même plus l’humour et serait à deux doigt de légitimer la censure, sous le règne du valeureux Valls et de l’hystérique Taubira.

Ramenées à une proportion inédite de 15%, les côtes de popularité du sordide pingouin et de tous ses ministres brailleurs ne sont que le reflet  de l’ineptie de ce discours insupportable et faux. Et de son impact sur une population relativement éduquée, exaspérée de s'entendre dire que son principal problème est d'être homophobe, xénophobe et raciste, tout en étant taxée à tous les étages de l'impôt.

Alors cette population les attend au coin de l'isoloir.En vain, me direz-vous, car l’Etat médiatico-policier triomphera toujours.Hélas, je le crois aussi.

Mais c’est bien l’ironie de toute cette mascarade, que le seul vote qui  puisse sauver la démocratie aux yeux de gens dont on ne s’attendait pas qu’il en fût un jour ainsi, soit celui dont la réputation est d’être le moins démocratique ! France, patrie des droits de l'homme, ha ! ha ! voilà où mènent,  après trente ans de langue de bois, trente autres années de bien-pensance. Je n'ai jamais songé que l'avenir était effrayant. Mais il est en effet, plus que jamais, obscur. 

dimanche, 10 novembre 2013

Le canard déchainé

Je ne sais trop quelle folie commémorative s’abat sur nous. La frontière est toujours tenue, dans ce genre de manifestations, entre recueillement et travestissement, mémoire et lieu commun, symbole et spectacle. Dans Ce que j’ai vu à Berlin, Béraud raconte que les Allemands ont regretté de n’avoir pas avoir eu l’idée du soldat inconnu avant nous. Car même s’il ne le dit pas en ces termes, Béraud démontre que le soldat inconnu est une géniale opération de communication voulue par Clemenceau. Anne Méaux dira la même chose à propos de la Libération de Paris et de la descente des Champs par De Gaulle. La communication politique- propaganda -  naît vraiment au vingtième siècle, l’ère des médias, même si l’Eglise et les Rois ont toujours su pratiquer l’art du spectacle. Nous sommes, avec le media moderne, dans le différé et le retransmis, ce qui change la donne aussi bien dans la création du spectacle que dans ses effets.

On nous annonce donc un calendrier commémoratif. Le Goncourt de cette année, que je n’ai le temps ni de lire ni de chroniquer, a ouvert cette vaste entreprise de marketing. Mieux vaut relire Paul Lintier et Galtier-Boissière, sans aucun doute. Ou même Tardi. La guerre de Troie eut son Homère. Celle de Quatorze aura eu sa multitude de copistes, signe qu’elle fondait un nouveau monde ;  c’était la première fois qu’on utilisait aussi systématiquement l’arme chimique, et qu’on pratiquait avec tant de véhémence le fameux bourrage de crânes. Le Canard Enchaîné, dont la dernière Une raille les velléités commémoratives de l’actuel président demeure le dernier journal à tradition polémique, parmi tous ceux qui naquirent de la contestation de la grande Muette d’alors. Signe qu'une certaine presse, dont on apprend dans les écoles de journalistes que le respect de la ligne éditoriale doit être la seule lettre et le cirage de pompes de la politicaille le seul esprit a, hélas, mis fin à la libre parole, au nom du mythe absurde de l'objectivité et de celui, au moins aussi absurde, de la République . 

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mercredi, 06 novembre 2013

Tranche de vie en France hollandaise

Je ne m’inquiète pas pour le sort de cette désormais grande bourgeoise de Taubira, politicienne rouée autant que rompue aux coups. Elle a été nommée par le pingouin pour jouer le chiffon rouge et exciter les militants les plus radicaux du FN dont la montée, croit le pingouin, devrait lui assurer une risible réélection digne de celle de Chirac en 2002. Cet homme est un expert dans les mauvais remake, il a sa revanche de petit acteur de seconde zone à prendre, c'est terrible !  Je ne m’inquiète pas parce que la Christiane fait le job, tout simplement, comme le Manuel à l'autre coin de la cheminée, et ma foi assez joliment. Faut dire aussi que le job est bien payé. Sauf que le coup de l’antiracisme, on nous l’a déjà fait, et ça ne prend plus.

Ça ne prend plus d’ailleurs auprès de beaucoup de gens, fort heureusement. Je m’inquiète davantage pour l’état de la société placée aux commandes des manœuvres politiciennes du pingouin et de ses sbires sans scrupules. Pour preuve, cet incident : nous rentrions dans l’autobus, deux profs, assez fatigués d’une journée de cours, comme d’autres travaillant dans divers secteurs,  claqués aussi. Soudain, une bande de jeunes arabes assis au fond fout le bordel, parle fort, lance de la musique, donne des coups dans une banquette, interpelle tout le monde. Une femme un peu plus âgée  (vingt-cinq ans) leur demande d’arrêter. Ils ont l’air de se connaître, encore que ça ne soit pas sûr. Début d’une altercation qui demeure uniquement verbale, même s’il me semble voir voler un chewing-gum qu’on lui colle dans les cheveux.

C’est de la bonne  racaille. Des pros. Ils viennent de se lever, partent en virée dans les bus la nuit tombée. En forme, quinze à vingt ans, coupe mi-nazis, mi gigolos, même air d’ailleurs de petits jouisseurs vides. Pratiquants sans doute de sports de combat dans des salles de sport bien équipées, avec l’argent de l’économie parallèle des cités. Tout le monde se sent bien con, sa journée dans les pattes. Personne n’a envie d’intervenir, heureusement la femme est partie, et l’incident semble clos.

Entre eux, ils commencent à se traiter, comme ils disent, l'air con, s’envoyer des coups sur la tête mutuellement, tant que ce n’est qu'entre eux se dit tout le monde... Soudain, le bus est à l’arrêt, voilà qu'ils s’en prennent à la porte, la secouent, en se crachant dessus les uns les autres, en poussant des cris. La porte ne ferme plus. Mollards dégoulinant sur la vitre. Tous s’en vont, il y a dégradation de matériel, ça craint. Des animaux.

Pas de flics à l’horizon. Quand bien même il y en aurait, que risquent-ils ? Deux d'entre eux réinvestissent le bus. Un homme, excédé, leur dit ce qu’il pense. Les injures fusent. Bientôt les autres rappliquent, le temps que le chauffeur ferme le bus. On traite l'homme qui est intervenu de bâtard, il réagit, le ton monte. Les têtes se couvrent de cagoules. Tout ça se réglera dehors.

Nous  sommes deux à rentrer du lycée, nos cartables à la main. Nous descendons au même arrêt que l'homme. Il y a un tunnel pour piétons. Désert. Il l’emprunte en courant devant nous. La nuit est tombée. La racaille contourne le tunnel par la route pour le coincer à l'autre bout. Le mec a le temps de rentrer dans un café, les autres n’ont pas le temps de le rejoindre.  Qu’aurions-nous pu faire, à deux, seuls, s’ils l’avaient tabassé à sept devant nous ? Tout ça se passe à Lyon, ville jadis civilisée.

Et pendant ce temps là, l’Assemblée des Impuissants continue à prendre des airs de vieille fille outragée ! Pauvre Christiane, traitée de singe par une dangereuse tête de liste du FN ! Elle a déjà le soutien de Leonora Miano, le récent prix Fémina. Mais que tout ce beau gratin se souvienne qu'on ne changera pas aussi facilement les gens qui vivent loin des paillettes : Christiane a fait du bon boulot et ça marche. Marine a gagné 20% d’électeurs dans le bus, ce soir, au bas mot. Le pingouin cependant devrait faire attention. Machiavel volait à une autre hauteur que ses cheveux teints et ses bésicles de travers.  Sa stratégie nulle, ses manœuvres bas de gamme, risquent bien non pas de lui assurer une réélection, mais de lui coûter la fin anticipée de ce lamentable quinquennat en cours. C'est ce que je finis par espérer. Et ce ne sont pas les incantations des deux B qui changeront grand-chose à la valse des faux-culs....

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jeudi, 24 octobre 2013

La grève des milliardaires et le courroux du philosophe

jean birnbam,le monde,finkielkraut,ligue1,grève de footballeurs,zlatan,taddeiLes footballeurs devraient s’entourer de quelques conseillers en communication. Déjà, parler de grève dans une profession dont le revenu moyen mensuel s’élève à 50 000 euros a quelque chose d’obscène. Cela fait penser à la sortie d’Evra, pourtant reconduit en sélection nationale par le comique Deschamps, traitant de clochards Courbis et autres consultants presse. Mais pousser le vice jusqu'à la faire pour de bon, je crois que c'est suicidaire.

J’étais, je m’en souviens, en Avignon en juillet 98. Nous jouions mon adaptation du Moine de Lewis et je planais bien dans ma bulle. Pour une affaire de comédienne ayant eu un nez cassé, nous avons eu vent de ce qui se passait aux urgences de l’hôpital cette nuit là de coupe du monde, et qui était proprement terrifiant. Le carnaval de la culture foot, c'est à dire du foot érigé en culture débutait dans ce malheureux pays, récupéré par un pouvoir politique qui avait à vendre du black blanc beur, pure ineptie en lieu et place du  bleu blanc rouge. Je me souviens qu’à l’époque, j’avais trouvé le slogan inepte sans plus m’y arrêter. Subtil subterfuge par lequel la race prenait la place de la classe dans la mythologie politique post-moderne. Là-dessus la zone Europe avec ses états historiques privés de leur souveraineté monétaire. Là-dessus la crise orchestrée par le monde de la finance internationale, la mondialisation, les délocalisations Là-dessus les peurs galopantes et sans doute légitimes sur le sort de cette humanité à 7 milliards d’epsilons complètement dépendants en général et sur le sien en particulier.

Dans le Monde de ce soir,:Jean Birnbaum accuse Finkielkraut de lepénisme pour avoir écrit L’identité malheureuse. Je ne l’ai pas lu, je ne le lirai pas, mais je salue au passage le courage de Birnbaum ! quel vaillant acte de résistance vraiment, petit gars planqué au Monde des Livres ! On peut suivre encore aujourd'hui sur France 2 la video du passage de Finkielkraut  chez Taddei dans Ce soir ou jamais . On a le droit d’être ou non d’accord avec lui, mais le traiter de lepéniste comme le fait le petit journaleux du Monde, c’est simplement dégueulasse. A moins que ce ne soit la mode, de se faire Finkielkraut entre la poire et le fromage. Finkielkraut a, comme Zemmour, la chance d'être juif, ce qui fait qu'on n'ira tout de même pas le traiter de fasciste parce qu'il tient le stand de la francité (quel mot!) dans la foire d'empoigne actuelle. Mais on sent que ça démange certains de ces plumeux, 

J'avais rencontré Finkielkraut lors du conflit contre Allègre et son programme contre l'école - qui entre temps a été adopté et sur-adopté, même. Et il m'avait dit : ça va être très difficile de ne pas finir fou dans le monde qu'ils nous préparent. Nous avions parlé de l'école, de l'OCDE, des positions sur le sujet de Régis Debray, de Danièle Sallenave. J'ai une vraie sympathie pour cet homme-là qui croit encore à la complexité du monde et des idées. Une autre fois, je l'ai croisé dans le Luxembourg. Il marchait la tête en avant, les mains dans le dos, l'une tenant l'autre, comme si on l'attendait encore au Procope. Mais il s'est arrêté à la brasserie du Luxembourg, où il a pris le thé avec une vieille dame.

On peut juger les gens à l'emporte-pièce, certes. On peut coller aux idéologies et aux préjugés de son temps. Je préfère m'appuyer sur les hasards des rencontres et ce que j'apprends des faits. La vie, la vraie, son tissu qui donne sens et fait mémoire est là. Et pour passer du coq à l'âne, mais toujours dans la rubrique des faits, en feuilletant un prospectus pour des bouquets de chaines TV l'autre jour,je m'étonnais, moi théâtreux exalté de 1998 égaré avec ma troupe au milieu de klaxons hystériques, je déplorais même qu'il y ait des bouquets cinéma, des bouquets variétés, des bouquets sports, des bouquets cul, des bouquets séries tv, des bouquets nature et découverte, et même des bouquets histoire du monde ou musique classique, mais pas, mais rien, rien du tout sur la littérature ou le théâtre. Pourtant, et même en restant dans du mainstream pur jus, entre toutes les archives de l'INA, les retransmissions télé, les émissions pseudo littéraires à la Pivot et consorts, les documentaires et les archives de tous les théâtres, il y aurait de quoi faire au moins  une seule chaîne. Mais rien, nadaBéraud, qui ne manquait pas d'humour, écrivit un jour que le meilleur moment du théatre, c'est quand on rentre à pied chez soi. Il a écrit un livre très drôle sur le sujet, dans lequel il consigne ses critiques théâtrales, et qu'il a appelé Retours à pieds. J'espère avoir le temps d'en parler ici un jour. Mais Dieu, que le temps passe vite.

En guise de consolation, j'ai trouvé ce portrait de Dullin en Avare que je trouve à la fois élégant et nostalgique. Les deux, dans le meilleur sens du terme. Je clonclus donc ce billet pas décousu du tout avec lui.