mercredi, 26 août 2015
La fin chez Poutine ?
Paraît que Renaud est en train d’enregistrer un album contenant une chanson sur les événements de janvier, comme on dit dans l’hexagone. Je vous laisse deviner si le vieil alcoolisé de la variété franchouillarde est ou non Charlie. Je vous laisse deviner les paroles et la rengaine. Salut Cabu, ça f’rait un bon titre, mnémotechnique à souhait et viril à la mode pote, bien comme il faut. L’album doit sortir juste avant Noël et le premier anniversaire. Un hasard, dites-vous ? On entend déjà la promo chez www.Ruquié&Drucker.servicepublic.com
Le frère de Ayoub El Khazzani explique dans son coin que son frère n’est pas un terroriste. Juste un bon p’tit gars bien comme il faut, qui n’a rien d’un jihadiste et serait devenu fou dans le train, comme ça, brusquement. La maman ne dort plus depuis quatre jours, elle doit prendre des médicaments et se sent mal. Très mal. Toujours selon le frère, le gars ne serait jamais allé en Turquie. Il le jure devant Dieu. Gare au troisième commandement…
Spielberg serait déjà sur le coup. Le film s’appellerait Je suis Thalys. A un journaliste qui lui a demandé s’il ne pensait pas que ça sentait un peu le réchauffé, le grand homme a répliqué : On ne s’en lasse pas…
Dans la Somme, tout le monde est effondré, choqué. Le ministre de l’Intérieur a encore exprimé toute sa solidarité, toute sa compassion. Il a dénoncé la violence abjecte. Le ministre de l’Intérieur n’en peut plus d’être ainsi un puits sans fond de compassion pour toutes les victimes des crimes commis en France ; il est plus compassé qu’un cardinal de l’Ancienne France. Mais je préférais les cardinaux de l’Ancienne France, leurs robes et leurs dentelles, plutôt que ce cardinal tout de noir vêtu.
Je disais à un ami que je songeais de plus en plus à quitter ce pays de fous dans lequel je me sens de moins en moins chez moi. Pour aller où ? me disait-il. Je lui parlais des pays slaves ou baltes. Nous regardions les passagers du bus… Pas très engageants, ces braves gens de tous horizons... Ou bien alors, me dit-il, dans la bonne vieille Russie orthodoxe. Ce qui reste de la vieille Europe… Oui, pourquoi pas, après tout ? Gégé, grand précurseur... On finira tous chez Poutine…
11:50 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : renaud, noël, ruquié, drucker, hexagone, spielberg, ayoub el khazzani, 11 janvier, charlie, cazeneuve, poutine, france, russie, somme, depardieu |
samedi, 04 juillet 2015
De la ruine des sociétés
Juillet, nous y revoilà. Dans une ambiance caniculaire, au gré d'un faux suspens entretenu sur l'avenir de l'Europe pour le plus grand plaisir des spéculateurs et au cœur d'un climat délétère où j'entends certains se demander si ce qui s'est passé sur une plage en Tunisie ne pourrait se passer sur une plage de la Côte d'Azur, on s'apprête à suivre le Tour de France qui prend le relais des tournois de tennis, pour maintenir une illusion de cohérence dans une société en ruines. J'en profite pour laisser la parole à une réflexion d'Emmanuel Favier dans ce billet invité.
L’organisme humain fonctionne ainsi que la population cellulaire, qui est entièrement renouvelée tous les trois ans. Ceci n’est pas dire que les nouvelles cellules sont différentes de celles qui leur ont fait place. Elles sont les mêmes et elles sont d’autres, mais non sous le même rapport. Elles sont nouvelles en ce que les anciennes cellules sont mortes et d’autres ont été portée à existence par le procédé de multiplication cellulaire. Elles sont cependant les mêmes quant à leur essence, c’est-à-dire qu’elles se multiplient selon leur espèce propre : les cellules du cœur produisent d’autres cellules du cœur, celles du foie produisent d’autres cellules du foie, etc. Ainsi, si l’on applique ce principe à un corps de doctrine, il lui convient, pour vivre et répondre continuellement aux nouvelles données politiques et sociales du moment, il lui convient, disais-je, de se renouveler.
Que ce soit dans les manuels d’histoire dispensés par l’Éducation nationale comme dans les milieux dits contre-révolutionnaires, on parle de 1789 comme une sorte de premier instant d’un big-bang politique, comme un an zéro d’une nouvelle ère. Certains y voient la naissance de la France, d’autres sa mort. Or, faire naître ou mourir notre pays en 1789 me paraissent deux idées aussi fausses l’une que l’autre, répondant au même jeu dialectique qui prétend dénier, oblitérer, une partie de l’histoire de France. Est-ce un principe basé sur le réel ?
De l’histoire de France tout doit être assumé ; « assumer, » ce qui n’est pas dire «approuver», «applaudir.» Assumer, «prendre sur soi, à soi», embrasser l’Histoire de France, c’est-à-dire un foisonnement bimillénaires de faits tour à tour glorieux et douloureux. Voilà la tâche du chercheur honnête, impartial, de celui qui n’est pas prisonnier d’un système de pensée, d’une sorte de convention mentale par laquelle il devrait ignorer certaines pages de cette histoire.
Pour cet historien, ce sont les principes les plus hauts qui doivent guider son jugement : le bon, le bien, le beau, le vrai, qui ne riment pas toujours avec « Français ». Ainsi que le disait le Pape Grégoire IX, la France n’est grande que soumise au Christ. Comme le corps assume une nourriture sans en rien rejeter d’abord, puis la consume en en expulsant les toxines et en n’en gardant que ce qui participe à sa régénération, de même il faut assumer notre Histoire et n’en retenir que ces leçons de vie qui peuvent participer à la construction d’un avenir.
Il me semble donc plus juste de dire que la Révolution de 1789 exécuta un corps social déjà affaibli et malade. En effet, toute maladie qui parvient à pénétrer un corps profite d’une baisse des défenses immunitaires.
Depuis, sa décomposition n’a pas cessé, et nous arrivons sans doute aujourd’hui au terme de ce lent mais fatal processus.
Chez le vivant l’âme est le principe vital, maintenant l’unité du tout. Quand la mort survient, le corps, privé de son principe unitif, va alors tendre à trouver un nouvel équilibre par la dissolution du tout dans ses parties, c’est-à-dire par la décomposition, au terme de laquelle le corps ne sera plus que poussière.
Mais ce n’est pas tant du pourrissement du corps humain dont je veux m’occuper ici que de celui des sociétés.
La mort est, comme dit ci-dessus, la dissolution du tout dans ses parties. Or c’est bien de la Révolution de 1789 que sont nés les partis ; lesquels, en réalité, ne sont pas la résultante d’un corps en vie (peut-être un cadavre, juste après la mort, peut encore présenter certains aspects propres aux vivants : la couleur, la chaleur… ou peut-être certaines personnes confondent-elles le grouillement des vers avec la vie corporelle ?), mais bien d’un cadavre en décomposition. On pourrait classer ces partis en deux catégories, ou plutôt en un dégradé commençant à l’extrême-gauche : parti de ceux qui souhaitent précipiter l’anéantissement de la dépouille par la promotion de tout ce qui peut favoriser sa dissolution ; et l’extrême-droite, parti de ceux qui, au contraire, veulent arrêter net ce processus en plongeant les précieux restes dans le formol, ou, du moins, réduire la pestilence résultant de la décomposition du corps social.
De là, deux remarques.
Premièrement. L’ordre ancien — s’il le faut décrire en quelques mots, — basé sur la loi naturelle tendait, en général, au bien commun qui consiste, selon la formule populaire à «rendre les gens heureux» (d’un véritable bonheur, i.e., de permettre à l’homme de tendre vers sa fin et dans l’ordre naturel, et dans l’ordre surnaturel). Ainsi, l’unique recherche du bien commun, d’abord sur un plan matériel (rôle de l’État), puis dans l’ordre spirituel (rôle de l’Église), est, ou devrait être l’unique but d’une société. C’est la fin que lui a assigné la nature. Le bien commun est la forme substantielle (c’est-à-dire le principe vital) d’une société. Ce bien commun transcende toutes idéologies, tous partis. Le bien commun tend à l’unité, à la santé, à la sainteté. Le bien commun est à une société ce que l’âme est au corps. En réalité, ce bien commun est multiforme : il prend parfois les apparences du socialisme, parfois ceux du libéralisme, d’autres fois il arbore les couleurs du patriotisme, du nationalisme.
Les idéologies, au contraire, indiquent elles-mêmes par leurs suffixations en ismes l’absolutisation qu’elles font d’un des différents aspects du bien commun, au mépris des autres : libéral-isme, national-isme, commun-isme. Seule une vraie société sait jouer de tous ces éléments harmonieusement ; ces éléments qui n’ont, en fait, de cohérence, de «raison d’être» —tout simplement— que dans une poursuite véritable du bien commun.
Deuxièmement. Les nationalismes, fascismes, conservatismes sont des idéologies. Ils ne sont donc pas aptes, —ne se le proposant par pour but, et étant, de toute façon, la résultante mortifère de la décomposition de l’ordre ancien— de réformer et surtout de re-former une société véritable. Ne s’agissant que d’arrêter ou de ralentir le processus irréfragable de décomposition, ces idéologies dispersent en vain les volontés, les forces, les intelligences, cherchant à conserver un cadavre voué à finir en poussière.
Enfin, concernant le conservatisme.
Comme dit saint Augustin, deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi poussé jusqu’au mépris de Dieu constitue la cité des impies ; l’amour de Dieu poussé jusqu’au mépris de soi constitue la cité des justes.
Ces deux cités sont essentiellement différentes. L’une est un Être vivant, l’autre un corps mort. Cependant, de cette haine millénaire entre les deux cités, quelques résolutions ont été prises par les impies afin de donner un cachet de pérennité à leur œuvre. Quand, au lieu de la chair et du sang il ne restera du cadavre social qu’un squelette et des tissus secs, il leur faudra l’embaumer. C’est là qu’interviendront les conservatismes. Après avoir tout dissous dans le magma de l’indifférentisme, du subjectivisme, il conviendra de revenir sur certains aspects extrêmes des législations précédentes qui avaient en fait pour but la destruction de la société. On remettra en valeur l’Ordre ancien comme en Angleterre on met en valeur les ruines des Abbayes détruites par la Réforme : une pelouse bien verte, tondue régulièrement, d’où surgissent quelques pierres empilées les unes sur les autres, consolant les nostalgiques qui diront que, finalement, tout n’est pas perdu.
E.F.
—————
[L’Amérique pratique le sacrifice perpétuel de la société à l’individu, et le voudrait répandre partout, c’est la déification de l’homme, c’est le modèle le plus achevé des idées anti-ecclésiastiques, ecclesia, qui signifie société, réunion, pour constituer une véritable anti-société.]
David, Serment du Jeu de paume
19:59 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, politique, 1789, france, dieu, bien commun, conservatisme, christ, grégoire ix, socialisme, nationalisme, david, jeu de paume, révolution française, quatorze juillet, révolution cellulaire |
mardi, 23 juin 2015
De l'in-justice en toutes choses
Quand j’entends rugir Valls ou Taubira, quand je vois manœuvrer Hollande ou Vallaud Belakacem, je ne peux que ressentir une irréversible répugnance de cœur. Comme ils ne peuvent lutter contre le bon, le juste et le bien à découvert, ils ne cessent de détourner le signe linguistique, en jouant de l’arbitraire de ce dernier, pour feindre de les supporter. Un exemple ? Ces êtres n’ont que le mot de justice à la bouche. Demandez-leur quel est le contraire de la justice ? Tous vous diront l’injustice, usant du préfixe in qui signifie, nous disent les dictionnaires, le contraire de. C’est là qu'il faut se souvenir de l’arbitraire du signe, par lequel on doit distinguer le mot de la chose : si l’injustice est bien le contraire de la justice en tant que mot, elle ne l’est nullement de la justice en tant que chose.
Quel est le contraire de la justice en tant que chose ? La malice. Lorsque je cesse d’être juste dans mes actes, j’utilise en effet la malice pour parvenir à mes fins. Celui qui est juste ne peut être malicieux, et celui qui est malicieux ne peut être juste. L'injustice, qu’on prend pour le contraire de la justice, n’est dans les faits que le produit de la malice, qui est son vrai contraire en tant que chose. On voit qu’un usage rusé de l’arbitraire du signe (ici de l'arbitraire d’un simple préfixe) conduit à des falsifications du discours fortement préjudiciables à la morale politique, car il permet par un discours de façade de parvenir à des fins apparemment justes mais en réalité profondément iniques sur un plan moral. Il permet de substituer un signifié à un autre, tout en évacuant le référent moral initial. On reconnaît la toute la rhétorique gouvernementale à l’œuvre dans les manipulations langagières du genre « pour tous » (mariage pour tous) ou « je suis » (je suis Charlie) qui permettent littéralement de dire et de faire n’importe quoi. La ministre de la Justice (quelle blague !) parle à ce sujet de révolution sémantique à effectuer au plus vite pour imposer ce qu'elle appelle la vraie France, et qui n'est qu'une vision abstraite et maçonnique de la République. Cette perversion du discours est à l’œuvre autant quand ils causent égalité des chances, dette grecque ou laïcité. Ne parlons pas de leur inepte « combat contre la haine », si à contre emploi, si grossier, si parjure, que je ne comprends pas comment il peut encore fonctionner dans la cervelle de ceux qui croient en eux. Ils se prétendent justes, mais ne font qu'utiliser la diabolique malice de la langue. Ce faisant, ils sont les fossoyeurs sataniques et terriblement efficaces de tout débat contradictoire, et donc de toute justice.
12:32 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arbitraire du signe, justice, injustice, socialisme, france, gouvernement, saussure, république, laïcité |
mercredi, 27 mai 2015
Nous ne sacrifions rien (3)
Rien, donc, nous ne sacrifions rien, du moins en sommes-nous persuadés. Rien de notre temps, de notre santé, de notre plaisir et de nos porte-monnaie. De temps en temps, pour quelques bonnes causes estampillées République, nous nous fendons de quelques pas, serrés les uns contre les autres pour faire peuple ou image, tels des aveugles. Et l’on se croit forts. Et l’on fait des selfies. Et l’on pense avoir accouché d’un esprit, comme les pygmées autour de leur chaman, dansant au centre de leur village. L’esprit de la République… A l’occasion des rassemblements autour de Charlie, un repaire de folliculaires qui, devenus millionnaires, finiront par s’entretuer, ce fut la dernière trouvaille des nains nantis qui occupent les palais français entourés de journalistes ou de starlettes, et ne méritent même plus qu’on gâche de la salive à leur sujet. De toutes ces marches, de toutes ces messes, la véritable religion est absente, parce que nous ne sacrifions rien, ni de nos mains ni de nos têtes vides, et nous le sentons tous, puisque rien de ces simagrées ne perdure aussitôt que la dure réalité nous étreint de nouveau la gorge. Chimère, que cette religion maçonnique, laïque et républicaine.
Nous ne sacrifions rien, pas même de la matière grise… Et pourtant : en cherchant à nous fourguer leurs valeurs, en les imposant à tous à coups de bombes dans le désert, de congrès dans les zéniths ou de procès dans les médias, ceux qui nous dirigent, les chamans du Veau d’Or, continuent d’organiser un bel enfer dans la cité. Quant à nous, à force de ne sacrifier qu’à leur consommation et à leur divertissement, nous sommes vidés de nos âmes, rien de moins. C'est notre liberté réelle que nous leur offrons. Notre égalité naturelle. Notre fraternité véritable. Nous sacrifions l’Eglise, du moins notre place en Elle car Elle, Elle est garantie ; le murmure de nos faibles vies, pas. C’est du moins ce que nous assurent deux mille ans d’histoire chrétienne. Face à cela, les valeurs républicaines dont se gargarisent ministres et députés ne sont qu’une contrefaçon, vidée par d’habiles manœuvriers du précieux sang du Christ, une vulgaire contrefaçon des vertus authentiquement catholiques qui firent notre civilisation. Une contrefaçon, ça ne vaut rien. Qu’on ne s’étonne pas que l'enthousiasme des foules ne dure pas pour des tels esprits ! L’Eglise est millénaire, la République a vécu ses derniers feux au bout de quelques décennies d'un pouvoir illusoire dans un siècle traversé par deux guerres mondiales, étranglée par l’ogre américain de Maastricht, avec la bénédiction d’un président prostatique, lui aussi obsédé par certaines forces de l’Esprit… La République véritable, le bien commun, appartenait au peuple et était censée s'occuper au mieux des affaires de l'Etat et de la nation. Elle a failli à sa mission triplement, d'une part en bradant la nation, d'autre part en privatisant l'Etat, et dorénavant en singeant une religion panthéiste de je ne sais quels Droits qui seraient universels de l'Homme, droits divinisés à coups de rhétorique pour branquignols comme seuls les empereurs romains savaient le faire de leurs abstractions de pierre quand il s'agissait de se faite porter en triomphe par des imbéciles. Incapable de faire régner la discipline dont elle se réclame, elle ne peut qu'imposer à coups de décrets son ordre factice, parce que vide de tout sacrifice, même piteusement symbolique. Ce faisant, elle se jette d'elle-même dans le discrédit, nouant autour de son propre cou un fil, et le tirant de toutes ses forces un peu plus chaque jour, tandis qu'un peu partout, la colère des peuples jetés dans le vide gronde, avide de futurs et forcément sanglants sacrifices...
Kermit, les forces de l'esprit...
05:44 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, république, religion, 11janvier, mitterrand |
lundi, 18 mai 2015
Pensées non sacrilèges (2)
1. La messe tridentine est à la messe ordinaire ce que le cours magistral est aux cours lambda. Ici, un égalitarisme de bon aloi règne entre les uns et les autres, on se serre la main, on chuchote, on vient (comme dirait Mac Do) « comme on est » ; et on reste comme on est... là, un officiant exerce une autorité efficace devant une assistance respectueuse, silencieuse, composée de gens recueillis et parfois vêtus dans des habits de circonstances. On vient en étudiants ou en fidèles et on en sort enrichis. Ici, les uns et les autres ont leur mot à dire et participent au déroulement de l’office ou du cours ; là tout le monde se tait, écoute, comprend et tente de recevoir ce qu’il a besoin de comprendre et de recevoir. Ici, on est joyeux d’être modernes, plein de soi-même et certains du bien fondé de la réforme ad perpetuum. Là on poursuit une tradition séculaire, une filiation honorable, humbles et assurés de la justesse éprouvée des rites.
2. Le tout premier pays dont le Premier Ministre médiatiserait à outrance son mariage pour tous – pratiquons le novlangue comme tout le monde – ne pouvait donc être que ce sacré pauvre Luxembourg ! Il semble qu'il y ait là comme une grotesque prédestination pour ce G.D. (Grand Duché) devant l'Éternel, terre abondamment promise aux grandes magouilles financières et autres somptueux délits d'initiés, qui offrit à la Commission de la Zone son actuel président à lunettes, Jean Clo-Clo pour les intimes. Le Luxembourgeois lambda, si ça existe vraiment, le Luxembourgeois ordinaire doit se sentir incommen-surablement fier de se voir dorénavant représenté par un être aussi avancé, l’esprit aussi ouvert et le cul si bien posé sur le siège de son Temps.
3. A propos de cet ironique mariage pour tous, le mariage n’étant pas considéré comme un sacrement par les protestants, les 500 pasteurs de l’Eglise Unie de France (hum! hum!) ont décidé de bénir les unions homosexuelles; [une bénédiction qui n'est pas un sacrement, euh, c'est quoi au juste ?] « Pour les protestants, les questions de mœurs, de morale, d’éthique, relèvent de la responsabilité et de la liberté personnelle, avant tout », a déclaré à l'issue du vote Laurent Schlumberger, leur digne président (un Luxembourgeois, lui aussi ?) Voilà qui confirme ce que je crois depuis longtemps, que l’on ne peut à la fois se déclarer une protestation contre la religion et être une religion. Ce que Chateaubriand proclamait déjà dans ses Mémoires, lorsque, dédaignant de visiter le tombeau de Luther à Wittemberg, il écrivit : «Le protestantisme n’est en religion qu’une hérésie illogique». Pour le coup, la décision (finalement très conventionnelle et très prévisible dans son déni de toute tradition) de l’EPUdF en fournit une fois de plus l’éclatante démonstration à nos cœurs ébahis...
05:54 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : luther, protestantisme, laurent schlumberger, mariage pour tous, rite ordinaire, messe tridentine, luxembourg, chateaubriand, littérature, france, culture, christianisme |
lundi, 27 avril 2015
La vocation singulière
J’écoutais hier le prêtre de ma paroisse évoquer la « crise des vocations » qui secouerait l’Eglise actuelle, et rappeler à l’auditoire la prière de l’ancienne liturgie, « Seigneur, obtiens-nous des prêtres, Seigneur, obtiens-nous de saints prêtres ». Et d’insister lourdement pour que ce fût des garçons, pour lâcher finalement à un auditoire en partie féminin que même si tout vient à point à qui sait attendre, il ne croyait pas que la Tradition céderait sur ce point là. Je l’espère tout autant que lui, car le rôle de la Tradition est bien de demeurer constante et de s’offrir par delà les âges, identique à toutes les générations. Cela est d’autant plus vrai dans un monde où la modernité se propose elle-même, par un sophisme inepte, comme une forme de la Tradition, un moteur qui tourne sur lui-même et dans sa volonté de tout réformer, engloutit tel un ouragan qui serait son propre fondement tout ce qui a encore un peu de volonté propre et de signification. Et puis le catholicisme n’a-t-il pas déjà suffisamment emprunté de mondanité au protestantisme avec Vatican II, pour qu’on songe à désirer cet oxymore dérouté que serait un prêtre-femme ? Seigneur, obtiens-nous des prêtres…
Mais je m’égare, tel n’est pas l’objet de ce billet.
L’objet de ce billet, c’est que l’Eglise n’est pas la seule à souffrir d’une crise de vocations. Ce n’est pas l’Eglise, qui est en crise, c’est la Vocation elle-même, et tout ce qu’elle rend palpable et vivant au-dedans de l’Etre. En dehors de toute considération théologique, qui rend évidemment absurde cette analogie, connait-on beaucoup de jeunes médecins, professeurs, artisans, avocats, journalistes, politiciens, qui se sont sentis « appelés », au sens propre du terme ? Tout le monde cherche l’argent, ou bien la valorisation du spectacle, ou encore la sécurité à l’abri d’un bon diplôme ; le salariat et la technicité ont miné les fondements même de la vocation, et le discours dominant qui socialise tout ne laisse pas de place pour l’aventure individuelle. Les prêtres sont mal payés, certes, mais la technicité partout à l’œuvre et l’égalitarisme nivelant tout n’ont pas encore dévasté leurs cures. D’une certaine façon, le rite les protège. Dieu doit tout particulièrement veiller sur ses ouailles. A moins qu'il ne les laisse s'endormir dans leur tiède bocal.
Quand la vocation s’estompe de son cœur, le pire est à craindre de l’homme – et la femme sur ce point est bien son égale. Une société prétendument humaniste où chacun finit par vomir l’autre dès que les 35 heures sont bouclées, où chacun ne se sent plus appelé, mais formé, pour ne pas dire formaté, avec tout le mépris qui va avec ; une société où une poignée de salopards rigolards vous affirme que la plupart des métiers qu'exerceront vos enfants n'existent pas encore, et que des objets connectés font aussi bien l'affaire que des hommes, peut-elle encore avoir la vocation ? Le discours économique y a valeur de dogme, l’expertise de science, le consumérisme et la communication de religion. Une société est morte, quand ne s’y reconnait plus aucune grande voix singulière.
Kathleen Ferrier
05:58 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vocation, religion, tradition |
lundi, 09 mars 2015
Le Clezio, Le Pen, Le Valls, L'Onfray & autres crétins
« Si Le Pen gagne, je rendrai mon passeport français » vient de déclarer le chevaleresque Le Clezio. Si Marine Le Pen gagne quoi ? On n’en sait rien puisque l’élection n'est qu'en 2017 et que le calendrier actuel végète dans le tout cantonal ; mais pour le prestigieux Nobel de 2008, ça ne mange pas de pain de prétendre s’acheter une conscience auprès des imbéciles : il rêverait sans doute que Marine fût Napoléon III, sa « résistance au fascisme » n’en serait que mieux taillée à la dimension des grands intellectuels légendaires dormant au Panthéon. Gustave-Marie s’attend-il à ce que, sitôt élue, le cauchemar de l’intelligentsia de gauche (où ce qu’il en reste) accomplisse un coup d’État, tout comme Louis Napoléon ? Allez savoir ce qui tourne dans la tête des oisifs quand ils pensent...
« Quand je vois le FN monter en France, je me sens plus Mauricien que jamais » Grand bien lui en fasse. Ah ! si Le Pen était Napoléon III, Le Clézio pourrait se rêver dans la défroque de Hugo, certes. Mais les temps sont petits, les hommes et les femmes aussi. Et tout compte fait, entre un exil à Guernesey et une villégiature sur l’ïle Maurice, se creuse le même écart qu'entre le courage politique de l'exil et la fatuité médiatique de l'amphigouri.. « Je ne comprends pas les Français. », conclut-il. « Nous devrions éliminer les frontières pour laisser les gens circuler. » Encore un mal-grandi qui a trop chanté Lennon, et n’imagine pas l'existence des gens qui n’ont jamais eu les moyens, précisément, de circuler, ni le privilège de la double nationalité, qui permet de rendre aussi inconséquemment un passeport pour faire un simple effet.
Le Pen, décidément, à croire qu’ils l’appellent tous inconsciemment de leurs vœux. La France va se « fracasser contre », a déclaré Valls, confondant sans doute, dans un saisissant aveu, la France et le PS. Ce matin, le premier ministre au regard d’acier s’est fait traiter de crétin par Michel Onfray, qu’il avait accusé dans la foulée d’avoir perdu ses repères en préférant l'intellectuel de la Nouvelle droite, Alain de Benoist, à Bernard-Henri Lévy. « Il a dû avoir ses fameux conseillers en communication qui lui ont fabriqué une petite fiche, ils n'ont pas compris ce que j'avais écrit, a déclaré le philosophe sur Europe 1. C'est un crétin ; J'ai vérifié dans le dictionnaire, ça s'appelle un crétin. Ce n'est pas insultant, c'est familier. Un crétin est un personnage qui vous fait tenir des propos que vous n'avez pas tenus et qui se contente de lire les fiches de ses conseillers en communication, des petits gominés trentenaires. Moi j'ai dit que je préférais une idée juste d'Alain de Benoist à une idée fausse de Bernard-Henri Lévy, et que si l'idée était juste chez Bernard-Henri Lévy et fausse chez Alain de Benoist, je préfèrerais l'idée juste de Bernard-Henri Lévy. Donc, je n'ai jamais dit que je préférais Alain de Benoist à Bernard-Henri Lévy. Je fais juste mon travail de philosophe en disant que je préfère une idée juste, et mon problème n'est pas de savoir si cette idée juste, elle est de droite ou de gauche. Moi, l'homme de gauche, je préfère une idée juste de droite à une idée fausse de gauche. J'ai l'impression que Manuel Valls pense le contraire, a poursuivi Michel Onfray. C'est-à-dire qu'il préfère une idée fausse, pourvu qu'elle soit de gauche, à une idée juste si elle est de droite. Cela s'appelle de l'idéologie et un philosophe ne peut pas laisser passer une chose pareille. Les repères sont perdus depuis que Mitterrand a converti la gauche à la droite. Les reniements de la gauche font Marine Le Pen, créent Marine Le Pen et nourrissent Marie Le Pen », a enfin conclu Onfray, paraphrasant Sarkozy et son FNPS.
Je suis d’accord avec Onfray sur ce dernier point mitterrandien. BHL de gauche, en revanche, ça fait un peu sourire.. Mais que peut être désormais la vie politique de gauche sinon une simple posture ? Cela dit, je ne suis pas d'accord sur le fait que Valls soit un crétin. Souvenons-nous que le terme provient de chrétien, au sens d’innocent. Et innocent, le triste sire dans son « combat contre la haaiïïïnnne » ne l’est guère. Pas davantage, d'ailleurs, que chrétien...
16:51 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nobel, le clezio, michel onfray, valls, départementales, politique, alain de benoist, le pen |
dimanche, 22 février 2015
L'absente de tous bouquets
« À quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole, cependant : si ce n’est pour qu’en émane, sans la gêne d’un proche ou concret rappel, la notion pure ?
Je dis : une fleur ! et hors de l’oubli où ma voix relègue aucune couleur, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets. »
Frappé – suffit pour cela de quelques lignes de Mallarmé relues – du peu de goût, d’enclin, d’affection de ce présent infect pour la poésie, la qualité vibratoire du son, la résonance absolue du signe en l’esprit dans la richesse et la tension de tout son arbitraire. Race maudite nous voici devenus, race plusdite même, race sans poètes tandis que les mots de la tribu mallarméenne un à un jetés à l’encan sont mis en procès dans l’imaginaire populaire par l’infectieux agent politicien.
Quelques lignes d’une langue non point morte mais tue, à l’heure que le jeu de la parole se borne au vent imbu du dire et que la notion pure se retire, et que le concret bat tambour, ignare et assourdissant !
Oserai-je même dire : une fleur, de peur que sitôt ne frappe à ma porte la salopette d'un livreur du Monoprix, son bouquet éteint à la main, vide de tout risque et stupidement présent sur la page où nul ne l’aurait désigné ?
A quoi bon donc cette merveille du pur poème, sinon la protection d’un son dans l’écrin de la suggestion, infime et seul écran face à la honte déjà toute bue dans le calice du signe de l'horreur de demain ?
Portrait de Stéphane Mallarmé par Manet, 1876
20:31 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Des poèmes, Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mallarmé, crise de vers, poésie, littérature, signe, sémiologie, propagande |
vendredi, 13 février 2015
Janis défaite Rose
Me demande ce que sont devenus Michaël et Laura, son frère et sa sœur au terme du long périple. Sans doute des ayant-droits sourcilleux, rédacteurs sévères de biographies, septuagénaires contrôlant les adaptations. Pour ma pomme, Pearl, avant d’être une voix, c’était d’abord une énigme, autant dans sa surface que dans sa profondeur. Une énigme en équilibre entre la sincérité et la marchandise, la révolte et l’institution, l’excentricité et l’industrie, le psychédélisme forcené de certaines couleurs et la désuétude d’un boa. Une énigme absolument inaccessible que, du fond de ma banlieue d’alors, je contemplais dubitatif sur la pochette en carton, tout en laissant tourner le fil du microsillon, perplexe et fasciné par le décousu de ces paroles déhanchées sur des rythmes endiablés :
“I ain't quite a ready for walking, no no no no,
I ain't quite a ready for walking,
And whatcha gonna do with your life,
Life all just dangling ?” (1)
Bref, Janis Joplin était, pour tout dire, très loin de moi et de mes préoccupations mais je me racontais bêtement qu’il fallait que je me rapproche d’elle et du monde qu’elle représentait bien plus essentiellement qu’une caricature de Charlie représente le Prophète… ah ! pour le coup je croyais à la radicalité du signe, et je n'étais pas le seul, religieusement imbécile ! Car tout me laissait croire que son monde devait devenir mon monde. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, on est surtout très anxieux de ne pas rater le coche – on ne sait lequel mais on pressent que le rater serait une catastrophe. Aussi la singularité totalement fabriquée de Janis (fabrication qui eut raison d’elle malgré tout son talent) m’en imposait. Elle fut durant quelques mois l’une de mes goules, poche de plaisir autant que d’illusion.
Plus tard, il y eut The Rose. Le film devait s’appeler The Pearl, mais Bette Midler, pressentant sans doute l’odeur des Oscars, exigea qu’on enlevât toutes les références à Janis Joplin, de peur de paraître jouer la copie.
A l’époque, on ne pouvait pas entrer dans un bar sans entendre le sirupeux couplet se débobiner dans l'air comme du mauvais, très mauvais Piaf :
Some say love, it is a river
That drowns the tender reed.
Some say love, it is a razor
That leaves your soul to bleed. ( 2 )
Et ce n'était pas même une contrefaçon, non, ce passage du microsillon au blockbuster. On avait changé d’époque et ma jeunesse était finie. Le rêve de Janis Joplin était définitivement parti en fumée.
(1 ) Je ne suis pas tout à fait prête pour marcher, non, non, non, non
Je ne suis pas tout à fait prête pour marcher
Et que vais-je faire de ta vie,
Ta vie, juste en train de se balancer ?
(2) Certains disent que l'amour est une rivière / Qui submerge le fragile roseau. Certains disent que l'amour est une lame / Qui fait saigner votre âme…
00:29 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pearl, janis joplin, move over, bette midler, the rose |