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lundi, 21 octobre 2013

Les chiens de garde

Il faut les entendre achever leur carrière de chiens de garde du pouvoir socialiste, en tentant de meubler  la vacuité hollandaise d’arguments oiseux d’un plateau télé à un autre, histoire de retravailler en ce moment d’abousement général « la fabrique de consentement » de l’opinion. Peine perdue, à mon sens. Faut dire que le pauvre type qui squatte l’Elysée ne leur facilite pas la tâche, entouré de courtisans qui le méprisent, sifflé publiquement par des militants socialistes marseillais comme il le fut au défilé du Quatorze Juillet,, à la recherche d’une synthèse entre des motions et des courants dont le contribuable canardé de tous côtés se fiche pas mal. Ne parlons pas des licenciés de l’industrie ou des suicidés de la paysannerie. Ni des millions de provinciaux de la manif pour tous qui voient le pingouin qui les méprisa si ouvertement faire la courbette si piteusement devant une poignée de lycéens.

Dix-huit mois que dure ce carnaval, prévisible ô combien !

Pas drôle, en réalité. Ca fait vivre des députés, des conseillers généraux, des ministres, des secrétaires de ceci, de cela, des chiens de garde, encore eux. Ils aboient à l’entrée du portail et vérifient la tenue de chaque prétendant à la Cour. Il y a encore des gens pour lire leurs torchons, dont les rédacteurs squattent toutes les écoles de journalisme. Il faut les voir sortir les dents pour dire que « il faudrait faire ça, bien sûr, mais ça, ce n’est possible que dans le cadre européen », ah, le cadre européen ! voilà leur vrai maître. L’affaire de leur piteuse génération. Hollande n’est au fond qu’un de leur collègue, un scribouillardeux du même âge qu’eux, sans talent. Ce qu’ils craignent tous, c’est que les peuples envoient trop de députés anti-européens au Parlement de « là-haut », comme ils disent. Après un référendum volé, une multitude de magouilles effectuées dans leur dos, les naufrages grec, espagnol, italien, et bientôt français, et malgré la fin de l'histoire programmée par leurs logiciels espionnés par la NSA, les peuples étant les peuples, ça risque de ne pas être triste. Mais déjà ils ont dû, tous les chiens de garde, se prévoir d'autres niches au soleil.

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Claude Weill, Roland Cayrol, deux aboyeurs parmi d'autres

samedi, 19 octobre 2013

Poïpoïgrotte et autres arts montables

Les Grecs ne connaissaient que deux procédés de reproduction mécanisée de l’œuvre d’art : le moulage et la frappe. Les bronzes, les terracottes et les médailles étaient les seules œuvres d’art qu’ils pussent produire en série. Tout le reste restait unique et techniquement irreproductible. Aussi ces œuvres devaient-elles être faites pour l’éternité. Les Grecs se voyaient contraints, de par la situation même de leur technique, de créer un art de valeurs éternelles. C’est à cette circonstance qu’est due leur position exclusive dans l’histoire de l’art, qui devait servir aux générations suivantes de point de repère. Nul doute que la nôtre ne soit aux antipodes des Grecs. 

Jamais auparavant les œuvres d’art ne furent à un tel degré mécaniquement reproductibles. Le film offre l’exemple d’une forme d’art dont le caractère est pour la première fois intégralement déterminé par sa reproductibilité. Il serait oiseux de comparer les particularités de cette forme à celles de l’art grec. Sur un point cependant, cette comparaison est instructive. Par le film est devenue décisive une qualité que les Grecs n’eussent sans doute admise qu’en dernier lieu ou comme la plus négligeable de l’art : la perfectibilité de l’œuvre d’art. Un film achevé n’est rien moins qu’une création d’un seul jet ; il se compose d’une succession d’images parmi lesquelles le monteur fait son choix - images qui de la première à la dernière prise de vue avaient été à volonté retouchables. Pour monter son Opinion publique, film de 3 000 mètres, Chaplin en tourne 125 000. Le film est donc l’œuvre d’art la plus perfectible, et cette perfectibilité procède directement de son renoncement radical à toute valeur d’éternité. Ce qui ressort de la contre-épreuve : les Grecs, dont l’art était astreint à la production de valeurs éternelles, avaient placé au sommet de la hiérarchie des arts la forme d’art la moins susceptible de perfectibilité, la sculpture, dont les productions sont littéralement tout d’une pièce. La décadence de la sculpture à l’époque des œuvres d’art montables apparaît comme inévitable.

Walter Benjamin, L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique,1935

 

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Poïpoïgrotte, à Grigny

lundi, 14 octobre 2013

La République comme sujet et comme représentation

Dans la société séparée du Spectacle, telle que l’a théorisée Debord, il n’y a pas ce qui est advenu et ce qui va advenir, mais une constante interaction langagière entre les deux qui permet de maintenir les spectateurs en haleine en énonçant sans cesse les mêmes slogans pour mystifier le Réel et surtout les abuser, eux. Changer et Sauver,  pour faire court, sont les deux procès événementiels sans cesse invoqués par les officines de propagande, à quoi il faudrait rajouter leurs doublets sémantiques  reformer et refondre. Mais rien n’est jamais advenu et rien n’adviendra jamais d’autre, que des informations éparses reliant entre eux des gens à l’imaginaire de plus en plus pauvre, de plus en plus séparés et d’eux-mêmes et les uns des autres au fur et à mesure que la société s’européise et se mondailise, et que les profiteurs du Spectacle établissent leurs dynasties

Dans la réalité réellement vécue, pour parler comme Debord, dans et derrière l’écran de fumée du Spectacle, des gens, qui sont nous, cependant, passent. Les enfants affamés de Bangui prennent l’écran des enfants affamés du Biafra ; les naufragés de Lampedusa celui des boat people vietnamiens, et Nicolas Bedos le siège de Guy, et Alice Munro le prix de Camus. Ce qui est vrai des acteurs volontaires ou non des images que nous voyons l’est aussi des spectateurs qui les regardent. Nous passons.

Les sexagénaires d’aujourd’hui s’installent ainsi dans les murs de ceux qui avaient soixante ans il y a dix ans, il y a vingt ans, il y a trente ans et cinquante ans. Les sexagénaires d’aujourd’hui ont pris la place des sexagénaires du temps qu’ils avaient dix ans. Pour les rassurer, on leur laisse croire que le rôle a un peu changé, que Catherine Deneuve est plus jeune à soixante dix ans que ne l’était Marlène Dietrich au même âge. L’une a pris l’affiche de l’autre et rien d’autre n’adviendra de plus, sinon que l’une est morte et l’autre va mourir. Et pendant ce temps le  jeune homme d’aujourd’hui a pris la place du jeune homme d’hier. Il prendra la place des sexagénaires qui s’en iront et s’en ira à son tour.

Depuis quand dure cette histoire sans fin ? Quand finira-t-elle ?  La perspicacité de Debord rejoint la sagesse de Chateaubriand voyant embarquer à Cherbourg son vieux roi qui partait pour l’exil :

« Maintenant, qu'était devenu Charles X ? Il cheminait vers son exil, accompagné de ses gardes du corps, surveillé par ses trois commissaires traversant la France sans exciter même la curiosité des paysans qui labouraient leurs sillons sur le bord du grand chemin. Dans deux ou trois petites villes, des mouvements hostiles se manifestèrent ; dans quelques autres, des bourgeois et des femmes donnèrent des signes de pitié. Il faut se souvenir que Bonaparte ne fit pas plus de bruit en se rendant de Fontainebleau à Toulon, que la France ne s'émut pas davantage, et que le gagneur de tant de batailles faillit d'être massacré à Orgon. Dans ce pays fatigué, les plus grands événements ne sont plus que des drames joués pour notre divertissement : ils occupent le spectateur tant que la toile est levée, et, lorsque le rideau tombe, ils ne laissent qu'un vain souvenir. »

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 Lorsque Debord conçut Le prolétariat comme sujet et comme représentation, il ne fit jamais que reprendre ce que Chateaubriand avait fait de la monarchie elle-même, comme sujet et comme représentation, dans ces pages remarquables de ses Mémoires  :

«  Parfois Charles X et sa famille s'arrêtaient dans de méchantes stations de rouliers pour prendre un repas sur le bout d'une table sale où des charretiers avaient dîné avant lui. Henri V et sa soeur s'amusaient dans la cour avec les poulets et les pigeons de l'auberge. Je l'avais dit : la monarchie s'en allait, et l'on se mettait à la fenêtre pour la voir passer.

Le ciel en ce moment se plut à insulter le parti vainqueur et le parti vaincu. Tandis que l'on soutenait que la France entière avait été indignée des ordonnances, il arriva au roi Philippe des adresses de la province, envoyées au roi Charles X pour féliciter celui-ci sur les mesures salutaires quil avait prises et qui sauvaient la monarchie .

Dans cette insouciance du pays pour Charles X, il y a autre chose que de la lassitude : il y faut reconnaître le progrès de l'idée démocratique et de l'assimilation des rangs. A une époque antérieure, la chute d'un roi de France eût été un événement énorme ; le temps a descendu le monarque de la hauteur où il était placé, il l'a rapproché de nous, il a diminué l'espace qui le séparait des classes populaires. Si l'on était peu surpris de rencontrer le fils de saint Louis sur le grand chemin comme tout le monde, ce n'était point par un esprit de haine ou de système, c'était tout simplement par ce sentiment du niveau social, qui a pénétré les esprits et qui agit sur les masses sans qu'elles s'en doutent. »

La morale de l'histoire est qu'un régime est mort dès lors qu'il existe à la fois comme sujet et comme représentation. Bien triste. Heureusement, tant qu'un homme peut exister comme sujet différent de sa représentation, il est encore vivant. Nous savons donc ce qui nous reste à faire, quoi qu'il advienne.

lundi, 30 septembre 2013

Du progressisme intrépide des marchés.

Si l'on écoute le principe du libre marché et de la concurrence non faussée, c'est l'individu multiple, aux mille facettes et aux mille besoins, dont l'insatiable déraison a force de loi. C'est cet ogre sans âme qu'il faut satisfaire, nuit et jour, dimanche comme lundi. Le moindre de ses désirs pouvant être exaucé par une organisation complaisante, du mariage gay au travail le dimanche,  tout est envisageable pour libérer les marchés et satisfaire sa demande comme un puits sans fonds. 

Après avoir contribué à l'élection de Hollande, Bayrou rejoint son opposition. Rien de plus conforme à la morale des politiciens. Survivre est leur seul enjeu, dans ce lac trouble où tout se fait, se défait, se dit, se contredit, et qui est leur monde. Cette politique tient du fumier.

La jeunesse est aujourd'hui minoritaire dans la société. La faute au progrès, si c'en est un. D'une pilule à l'autre, les femmes ont contrôlé les naissances, et les vieux vivent plus longtemps. Ces vieux qui feignent de tant aimer la jeunesse feraient n’importe quoi pour l'empêcher de grandir ou la désintégrer, en politique comme ailleurs. Ils arriveront bientôt à  la supprimer, pour se retrouver entre eux à vouloir refaire le monde une fois de plus, quand il suffit de le laisser couler. Il n'y a finalement rien de plus réactionnaire qu'un progressiste intrépide.

La fable de La Fontaine, Le vieux chat et la jeune souris tenait presque de la prophétie;

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lundi, 23 septembre 2013

Du poil sur le crâne de la cantatrice

Ionesco est mort en 1994, Devos douze ans plus tard en 2006. Les gens qui ont connu vivants ces deux champions de l’absurde riront de ce que je vais raconter là. Les autres m’intenteront peut-être un procès. Cela s’appelle une fracture générationnelle.

Les faits que je vais raconter sont vérifiables ICI. 

 

Aujourd'hui, le journal est gratuit, dirait M Smith

C'est le monde à l'envers, dirait Mme Smith

Et l'article que je lis est signé d’une jeune fille sourde et muette dirait M Smith

Elle  a envie de travailler dirait Mme Smith

Tout à son honneur dirait M.Smith

Elle veut être journaliste, rajoutera Mme Smith

Il lui faut la vocation, dira M. Smith

Elle l’a, elle l’a, dit Mme Smith

Tendre l'oreille à tous les ragots du bas monde  ! dit M Smith

Ma foi, elle y parvient très bien, dit Mme Smith

Et se faire le porte parole de tous les chiens écrasés ! dit M Smith

Ils disent un peu tous la même chose, dit Mme Smith

Et de quoi parle son article ? dit M Smith

Du mariage entre homosexuels, dit Mme Smith

Tiens, dit M. Smith. Un pompier peut donc épouser un prêtre ?  dit M Smith

Et un prêtre, un pompier, dit Mme Smith

La cantatrice n’est donc plus chauve ?  s’affolera  M.Smith.

Et la France est en Hollande, s'affole Mme Smith.

Et le pape s'appelle François, s'affole M Smith

Mais l'héritier s'appelle Georges, le console Mme Smith. 

C'est toujours ça qui tient debout, rajoute M Smith

Il ne marche pas encore, remarque Mme Smith

Et la cantatrice ? 

La cantatrice ?

Oui, la cantatrice  ?

Tous ces plans de licenciements partout. Je crains qu'elle aussi soit au chômage, conclut M Smith, en mettant le feu au journal.

Rideau.

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samedi, 14 septembre 2013

Do you like or dislike front républicain ?

Le front républicain est le socle marketing et électoral de Hollande et de ses sbires. Il a vu le jour en 2002, lors de la sinistre farce qui a permis la réélection d’un Chirac à bout de vues, de convictions, de propositions. Sans doute trouve-t-il son origine dans les diverses cohabitations entre les deux partis qui se partagent le gâteau des votes des Français depuis leurs fondations respectives, le PS d’Epinay de Mitterrand en 1971, le RPR de Chirac en 1976, devenu UMP en 2002.

Ces deux machineries électorales qui ont vidé de sa substance idéologique la vie politique pour la soumettre à l’Europe et aux marchés n’ont que ce concept aussi ridicule qu’étriqué de front républicain à opposer une fois de plus à l’inévitable croissance du bébé commun qu’ils se sont faits dans le dos l’un de l’autre à force de langue de bois, de démagogie, de corruption interne et de mascarade de leurs propres identités respectives : je veux dire le FN de la famille Le Pen, qui pour exister n’a besoin que de recueillir le ressentiment violent qu’ils inspirent l’un et l’autre et à juste titre au sein de la population.

Pendant que dans ce pays qui n’est plus que l’ombre de lui-même, on se paye ainsi de mots creux sous la présidence d’un être aussi falot qu’imprévisible, le monde continue à marcher. Les bruits de bottes, fort heureusement, s’estompent (provisoirement). Car les marchés qui gouvernent le monde et les machineries de propagande qui cimentent les opinions continuent leurs funestes travaux de dépeçage de la culture et de fragmentation de la pensée. Une fois n’est pas coutume, Nauher sur son blog pose la bonne question et s’en prend au bon ennemi, en renvoyant dos à dos les partisans du bijoutier et ceux du braqueur pour s’en prendre à Marc Zuckerberg et son système Like and dislike. C’est vrai que sur fesses de bouc le monde est simple. La petite phrase de Fillon peut croiser le fait-divers de Nice : d’un côté, de bons sociaux-démocrates contesteront le droit de se faire justice soi-même tout en idolâtrant Taubira, de l’autre des vilains poujadistes défendront leur voisin commerçant et leur conception de l'ordre en votant bleu Marine. Le front républicain contre le front national, tu kiffes l’une ou l’autre dame et tu dislikes celle que tu ne kiffes pas, tu comprends ? Sur ton écran plat, une reine noire et une reine blanche comme aux échecs, sauf que tu ne fais jamais que regarder les autres jouer à ta place dessus.

Pour finir, c’est la journée du patrimoine dépecé, détourné, vendu, monté en manèges ou en carnaval, comme on veut. Y’a des gens pour faire la queue des heures pour visiter les lieux de l’impuissance qu’habitent les pantins qui taxent et taxeront encore le monde du travail, des courbes statistiques à la place de la cervelle et des dettes comme ça devant les vrais puissants. Ils se laissent photographier, emplis de fausse empathie devant ces visiteurs comme des maîtres d’école devant des enfants. Me demande ce qu’ils pensent de tous ces crétins. Me demande, vraiment… Au fond, la seule bonne nouvelle, c’est qu’on va enfin cesser de crever de chaud. L’automne doux s’installe sur nos toits. Nous n’avons, c’est vrai, qu’une chose à faire au milieu d'un tel foutage de gueule. Le plus difficile. Loin de tout ça, prendre soin de soi.

samedi, 10 août 2013

Suivre sa pente

J’ai plusieurs fois commencé – il y a des années de cela – un récit de Gracq, mais jamais je n’ai pu aller jusqu’au bout. Peut-être que je tenterai une nouvelle fois le coup un jour, peut-être pas. Cet auteur est trop sec pour moi. J’ai dû avaler, jadis, En lisant en écrivant, qui est une mine pour les dissertations littéraires des concours d’enseignement, un peu comme Anatole France fut un pourvoyeur inépuisable de dictées, ou l’artificiel Arouet et ses médiocres contes à deux balles un fournisseur devant l’Eternel de pensées simples, pour bacheliers en culture de masses. Gracq lui, à l’étage au-dessus, livre des sujets de maîtrises et de doctorats depuis bientôt quarante ans, avec une même et généreuse abnégation.

En lisant en écrivant déborde de remarques de lectures où l’on sent l’avisé qui fait son devoir et prend sa pose. Je crois que Balzac a dû préférer Mme Hanska comme lecteur, que ce brave Julien qui ne peut s’empêcher d’être prof à chaque retour à la ligne. Mais je me souviens d’une remarque qui s’y trouve et qui m’avait frappé, parce que j’y entends plus une expérience d’écrivain, lorsque Gracq affirme qu’un roman doit suivre sa pente.

A moins que ce ne soit Gide (pour lequel je n’ai guère plus d’affection que Gracq). Il se peut que la remarque vienne du Journal d’Edouard, dans les Faux Monnayeurs. Sûr que c’est l’un ou l’autre, mais plus certain duquel. Flemme de rechercher. Pas grave. Ce billet n’est pas un cours et je suis en vacances, eh eh… Je demande donc au lecteur un peu d’indulgence pour ma mémoire encombrée.

Un roman doit suivre sa pente, c’est ça qui compte et je vous avouerai que c’est bien ça l’embêtant. Parce qu’il faut trancher dans le gras, tailler dans le vif, en jetant parfois à la poubelle des pages et des pages, voire en reconduisant dans les limbes dont ils sont sortis par mégarde ou par ennui certains personnages, des épisodes entiers auxquels on s’était attaché bêtement, bref, suivre la pente du roman, c’est contraignant. Mais il n’y a pas à tortiller, comme disait ma grand-mère, une petite voix vous fait entendre que là, non, c’est une autre pente, qui mène nulle part ou ailleurs…

Je suis donc en train de faire suivre sa pente au roman qui m’occupe depuis déjà février et qui sera, je l’espère, bouclé fin août. Drôle de vacances dans le passé  de mon pays et de moi-même, si si ! drôle de retraite et de retrait aussi, c’est une étrange ressource que l’écriture, qui vaut bien un été, croyez-moi. 

20:48 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (13) | | |

dimanche, 14 juillet 2013

Son ombre, peut-être

La nouvelle est passée quasiment inaperçue en ce dimanche quatorze juillet : Suzanne Burrier, la doyenne des Français « s’est éteinte », comme on dit pudiquement. A l’âge de 112 ans. Dix de moins que Jeanne Calment, comme quoi ce qu’on nous raconte sur l’allongement de la vie tient de la billevesée.

Au Ventoux, il est interdit de dire qu’on a des soupçons devant la dégaine de celui qui « fait mieux que Lance Armstrong ». Froome et sa tête de E.T. surmoléculé  qui sprinte en pleine côte n’émeut pourtant plus personne. S’il porte bien le maillot jaune, faut dire qu’il porte mal la joie. Il remplit un contrat, l’air pincé. C’est tout. Le Tour mérite mieux.

L’Elysée aussi. La cravate de travers sous les quolibets,  hué, conspué, Hollande a récolté, l’air pincé, ce qu’il a semé. Puis, devant une pelouse de l’Elysée vide et mal taillée, il a parlé pour ne rien dire, « d’être optimiste », comme Sarkozy naguère, devant Claire Chazal qu’un inconnu avait recouverte d’un sceau d’excréments au sortir de TF1 il y a deux semaines. Drôle de pays.  Pendant ce temps, les cigarettes prennent 20 centimes.

En un week-end, Guillaume Pépy, patron de la SNCF, est devenu une star grâce à une éclisse. Il n’empêche. Je ne sais pas ce qui est le plus stupéfiant et horrible à la fois : se retrouver dans un wagon qui est projeté sur un quai, ou sur un quai et se recevoir un wagon en pleine figure. Les cellules de soutien psychologiques, comme les minutes de silence, ne font que masquer l'indicible. En haut lieu, on fait mine de découvrir que les infrastructures des « lignes malades » sont vraiment vétustes. Ce que tout usager normal sait depuis déjà longtemps.

L’héritier(e) de la couronne britannique aura de la classe : pour preuve, malgré tous les journalistes massés devant l’hôpital où sa mère s’apprête à lui donner naissance, malgré l’impatience des sujets de Sa Gracieuse, il a eu le bon goût de ne pas naître le jour de la fête nationale des Frenchies.  Dans ses Mémoires, Las Cases rappelle le propos de Napoléon à l’accoucheur de Marie-Louise, archiduchesse d’Autriche, princesse de Hongrie et de Bohème, « qu’il n’avait qu’à se figurer qu’il accouchait une bourgeoise de la rue Saint-Denis ». Kate Middleton, qui n’est que la fille d’une bourgeoise du Berkshire aura droit, elle, à un accouchement de reine. Quant à Line Renaud, elle vient d'accéder au grade de Grand Officier de la légion d'honneur voulue par l'Empereur. Ainsi va le monde.

Pour finir, comme si les gens s'intéressaient encore aux timbres postes, Olivier Ciappa, l'un des auteurs du nouveau timbre choisi par le président de la République vient d'avouer qu'il lui a été inspiré par l'une des fondatrices des Femen, Inna Schevchenko, ce qui ne manque pas de provoquer émois et débats sur les réseaux sociaux. Mariane, une Femen... Ce monde, aussi vide de surprise qu'il est empli d'excès, décidément, ne mérite que la satire. C'est ce que dirait l'illustre neveu de Rameau, s'il errait encore parmi nous ;  celui qui riait de tout dans les jardins du Palais Royal et poussait le bois dans les beaux cafés... Son ombre, peut-être...

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Gravure de Fernand Siméon pour Le Neveu de Rameau, Jules Meynial Ed

Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle, 

 

 

jeudi, 02 mai 2013

Du narcissisme européen

Christopher Lasch a bien montré les liens entre les formes de résignation et celles de narcissisme dans les sociétés actuelles. « Le narcissisme semble représenter la meilleure manière d’endurer les tensions et anxiétés de la vie moderne », note-t-il dans La Culture du narcissisme  (1991 -Climats, 2000). Il ne faut donc pas s’étonner si, dans un monde rendu plus anxiogène par la progression apparemment inexorable de la crise, les personnalités narcissiques continuent à faire florès dans le monde politique (« Moi Président » : on ne peut faire mieux dans le genre) , et dans tout ce qu’il légifère.

A ce narcissisme qu’on pourrait appeler de résistance individuelle, se  rajoute néanmoins depuis quelque temps un narcissisme de groupe ou de clan, un narcissisme communautariste. Cette forme-là gagne du terrain notamment dans la manière de s’engager en politique, sur la base de sa ressemblance avec tel ou tel groupe, telle ou telle association. Je milite avec qui me ressemble. Ce qui est aux antipodes d’une action militante réelle, il faut en convenir, censée se faire sur un terrain qui est celui de l’accord intellectuel, et pas de la ressemblance de gouts, eux-mêmes souvent confondus avec les valeurs.

Tout ceci entérine la mise entre parenthèses de la souveraineté républicaine, dont je parlais dans un billet précédent, dans la zone indéterminée aussi bien sur le plan politique que géographique, qu’on appelle à présent l’Europe. Après tout, si les « pères fondateurs » européens (comme ils disent, singeant les pères fondateurs américains) avaient clairement défini une fédération réelle d’Etats, la monnaie commune serait sans doute viable, car encore susceptible d’être régulée par le politique. Mais un tel fédéralisme ne se décrète ni par le haut, ni de l’extérieur. Il a pu se décréter aux Etats-Unis, parce que le continent était quasiment inoccupée, ou seulement par des Indiens incapables de s’opposer à ce processus. Il suffisait de leur livrer une bonne guerre et de rédiger une bonne constitution, et la bannière étoilée était dans le sac.

Mais, toute utopie mise à part, je ne vois pas  comment il pourrait survenir en Europe, car celui qui le décréterait serait forcément issu d’une nation, et éveillerait méfiance et soupçons de la part des autres. C’est à cause de cela, d’ailleurs, que ne figurent aucun homme ni aucun monument national  sur ces billets hideux que sont les euros.

Si nous ne sommes plus ni un ensemble de nations souveraines, ni un ensemble de nations fédérées, que sommes-nous ? Une zone, encore une fois.

Il y en a que ça enchante, ce genre d’expériences. Excellent, en effet, pour une dissertation d’entrée à l’ENA ou Science-Po.

En France, on explique à l’homme de la rue, qui voit de plus en plus son avenir et celui de ses enfants encadré, pour ne pas dire compromis, que penser les choses d’une autre façon  (c'est-à-dire à la Mélenchon ou à la Le Pen, pour caricaturer le discours des élites), c’est du populisme. (1)

En gros, faire appel à un autre collectif que celui de cette zone, imaginer le monde conçu autrement qu’à travers sa monnaie privée, c’est être populiste. Un peu comme s’opposer au mariage pour tous, c’était être homophobe.

Cette manière d’organiser une sémantique du genre Moi ou le Chaos, est typique de ce narcissisme de groupe fascisant qui est au pouvoir aujourd’hui et qui, tout en prétendant rassembler, clive, sépare et définit les Bons et les Méchants avec la même arrogance que la possession de l’argent fabrique les pauvres et les riches. Faut-il s'y résigner ? 

(1)En Grèce, cela fait déjà trois ans qu’on n’explique plus grand-chose : on met sous tutelle, ce qui est plus radical.