mercredi, 13 août 2014
Les hauts lieux du spectacle résistent aux humaines prétentions
On a souvent répété que Rousseau avait « inventé la beauté des montagnes », notamment celle des Alpes, et la phrase des Confessions est demeurée célèbre : « Au reste, on sait déjà ce que j’entends par un beau pays. Jamais pays de plaine, quelque beau qu’il fût, ne parut tel à mes yeux. Il me faut des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent bien peur » Avec le promeneur solitaire et l’idéal de pureté qu’il dépose sur elle, la montagne cesse d’être un lieu hostile, effrayant, mortifère, pour devenir une allégorie du sublime, un idéal sensible qui se raconte de lui-même : « Tout le jour, enfoncé dans la forêt, j'y cherchais, j'y trouvais l'image des premiers temps dont je traçais fidèlement l'histoire ; je faisais main basse sur les petits mensonges des hommes, j'osais dévoiler à nu leur nature, suivre le progrès du temps et des choses qui l'ont défigurée, et comparant l'homme de l'homme avec l'homme naturel, leur montrer dans son perfectionnement prétendu la véritable source de leur misère »
Les lecteurs et héritiers de Rousseau ont développé et corrigé le motif. Sur le chemin du saint Gothard, Chateaubriand décrit ces arbres que la nature alpestre a forcés à redevenir sauvages : « la sève se fait jour malgré la greffe : un caractère énergique brise les liens de la civilisation. » Quelques lignes plus loin, se souciant de lui-même, que les révolutions politiques ont jeté sur les routes : « J’ai encore assez de sève pour reproduire la primeur de mes songes, assez de flammes pour renouer mes liaisons avec la créature imaginaire de mes désirs ».
Les montagnes qui entourent le lac de Lugano deviennent-elles pour autant le lieu d’une renaissance exaltée au sentiment de l’infini ? Le mémorialiste âgé remet bien vite à sa place la ferveur du rêve rousseauiste : « Si pour devenir un robuste, un saint, un génie supérieur, il ne s’agissait que de planer sur les nuages, pourquoi tant de malades, de mécréants et d’imbéciles ne se donnent-ils pas la peine de grimper au Simplon ? » Et, conclut-il, ce sont les belles personnes qui font les beaux sites. Les montagnes ne font, elles, qu’ajouter « quelque chose de l’infini aux passions de l’âme ».
C’est avec Chateaubriand que la nature devient donc un spectacle à part entière, avec ce que cela suppose d’empathie et de mise à distance, de séparation et d’effusion. François-René fut contemporain des premières ascensions, qui datent de la fin du XVIIIème siècle ; les chamoniards Paccard et Balmat avaient-ils feuilleté du Rousseau ? Et l’anglais Edward Whymper, du Chateaubriand ? A peine l’homme posa-t-il un œil quelque peu contemplatif sur la montagne qu’il se trouva des intrépides pour la conquérir. Et la célèbre catastrophe du mont Cervin ne fut que le prologue d’une longue histoire, celle de la conquête toujours éphémère, toujours illusoire, des « hauts lieux ».
J’apprends qu’une cordée entière de six personnes vient d’être victime de l’Argentière. Six, après et avant de nombreux autres... Se mesurer au gigantisme de la montagne fait tellement partie du « pari ordinaire » que les nouveaux touristes se jettent à la figure, que certains partent à l’assaut du Mont Blanc en chaussures de ville, rapportent les gendarmes du coin. Devenir le héros du spectacle, après l’oubli du grand théâtre naturel dans lequel ce dernier déroule ses abstractions, son idéalisme, sa crétinerie, chacun s'en croit-il capable, vanité de l'égalitarisme oblige ? Cette inconscience et cette imbécillité post-modernes, qui jettent tout autant le touriste sûr de ses droits à la gueule des requins sur certaines plages, proviennent-elles de ces jeux de rôles aventureux dont on devient pour trois dollars le héros dérisoire ? Ou de cette goujaterie intrinsèque à l’ère industrielle, qui transforma le voyageur en touriste en quelques générations, sans parvenir - Dieu merci - à réduire l’implacable et somptueuse rudesse des monts à l'échelle de la prétention de simples images, d'humaines œuvres d'art...
Doré, catastrophe du mont Cervin
15:17 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : edward whympe, paccard, balmat, saint-gothard, lugano, mont-blanc, l'argentière, rousseau, chateaubriand, littérature, montagne, doré, mont-cervin, alpinisme, tourisme |
mercredi, 16 juillet 2014
Selon que vous serez puissants ou misérables ...
Ha ha ! Neuf mois de prison ferme pour avoir traité Taubira de "singe" ! Cinq ans d'inéligibilité ! 50 000 euros ! L'indépendance de la justice ! Ha ha ! Et les socialistes, évidemment, trouvent cela "normal" ! Moi je suggère la prison à vie pour les descendants de Saussure, qui mit à jour l'arbitraire du signe. Un aïeul pareil : Criminel. Brûlez de toute urgence le Cours de Linguistique Générale, ô dignes socialistes et vertueux antiracistes. Autodafé immédiat et police de la parole... Votre bêtise atteint de tel sommet qu'elle est à peine croyable !
En prison pour un mot : il n'y a que l'Inquisition qui fit mieux. La Taubira qui, par ailleurs, songe à relever à 21 ans la majorité pénale ! Et l'on prétend ensuite que la "justice" n'est pas à la botte du politique ? Mais qui nous débarrassera de cette égérie du mariage gay, hystérique et nuisible, et de tous ses complices, prédateurs politiciens naviguant sans cesse à vue entre l'excès et le laxisme; Combien de temps va-t-il falloir pour que les gens se réveillent ? Dans un pays où le blasphème est toléré (on peut se balader seins nus dans une église et certains juges se demandent même si tout cela relève encore de la provocation puisque les seins nus sont autorisés sur les plages), la simple insulte est ainsi condamnée. Il y aurait des personnes sacrées ?
Taubira l'a dit fermement sur TF1 un soir : Elle veut faire la révolution sémantique dans ce pays. C'est à dire légiférer sur les mots plutôt que sur les actes et, ce faisant, inévitablement abolir l'arbitraire du signe. Cela avait commencé avec son président-pingouin (il faudrait donc au passage aussi condamner Carla Bruni pour cette comparaison animale osée) , et le retrait du mot race de la Constitution. Interdire certains mots : pensée hystérique, lâche et orwellienne. Et on appelle cela gouverner ? Dans sa déclaration, Taubira vient de bégayer "je ne commente pas les injustices", avant de se reprendre "les décisions de justice". Décidément, après le prisonnier innocent de Hollande, le lapsus règne en maître au gouvernement... Tout cela se payera - comme le reste - cher, très cher dans les urnes...
Adorons Taubira, déesse universelle
11:58 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : taubira, cayenne, anne sophie leclere, politique, arbitraire du signe, linguisitique, saussure |
mardi, 15 juillet 2014
Le triomphe du neutre
Cette affaire commença il y a longtemps, avec l’abolition du sexe au profit du genre. Le triomphe récent de la théorie du genre, prônée par les gays et lesbiens, les Taubira, Belkacem et cie lui donna quelques lettres de noblesse… Elle prit corps ensuite avec la disparition du neutre dans la conversation courante : Le tu (2ème personne) se mit à remplacer curieusement le on. Au début, j’ai cru au simple anglicisme, l’anglo-américain du commerce, langue pauvre et sans nuances, sévissant partout dans le novlangue marketing. Ce tu indéfini permit en effet l’adresse directe au consommateur, puis au citoyen, là où l’indéfini français issu du vieux latin homo (un homme que je ne connais pas) parait à beaucoup désuet. Il faut de la familiarité au commerce. Ce tu n'est qu'un dérivé linguistique du célèbre I want you de l’armée américaine, en somme. Tout le monde s’y est mis. Il faut entendre les sportifs du mondialisme patenté massacrer l’oreille exercée : « Quand tu t’approches de la barre, c’est là que ça devient fantastique ». L’indéfini devenu défini SEMBLE apporter une proximité, une familiarité. C’est par ailleurs et partout le triomphe du tutoiement sur le vouvoiement dont la distance qu’il apporte, jugée trop classique, trop littéraire, trop je ne sais quoi, ne serait plus de mise dans le monde frelaté des bisournous où tout le monde, doté de son papa et de sa maman (et non plus de son père et de sa mère) s’aime. Hier, à Lyon, titre de l’inusable feu d’artifice tiré de Fourvière : Le feu d’artifice de l’Amour…. Glissons sur tant d’inepties.
Mais voilà que dans une pub récente pour Google, on voit des comédiens jeunes s’adresser directement à Google : « Google, montre moi, dis moi… »Comme si c’était un parent ou un ami (à condition, bien sûr, de penser ses parents ou amis comme des serviteurs, voire des esclaves, mais là aussi, glissons… Mieux : Google est le référent universel. Google, dis-moi, fais-moi, prends moi (pourquoi pas ?)… C'est précisément le moment que choisit le petit Hamon pour introduire l'enseignement du langage HTML dès l'école primaire à la rentrée. Si si ! Le vrai ABCD de l'égalité, pour le coup ! Les gurus de la modernité prévoient pour bientôt les appareils ménagers branchés sur le web et autres merveilles, les maisons intelligentes et les métropoles sensibles, alors, vos enfants doivent s'y préparer dès leurs premiers crayonnages et balbutiements….
On comprend dès lors combien cette disparition apparente du neutre est en fait son triomphe terroriste et navrant. La dissociation entre la question que je pose et la réponse que mon cerveau y apporte au profit de la question que je pose et celle que le logiciel ou le moteur de recherche apporte fait de moi un consommateur, un objet. Un neutre. Individu, citoyen, c'est ce qu'on continue de dire : sans sexe, sans âge, sans couleur, sans culture, sans religion, et sans ambition, que reste-t-il de ce moi parfaitement fondu dans le multiculturel technico-lambda ?. Dans le monde du neutre, nous sommes devenus tous égaux parce que tous broyés : blancs, noirs, jaunes, hétéros, homos, jeunes, vieux, valides, handicapés… Vive le progrès : Une humanité parfaite : une humanité abolie.
10:55 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : masculin, féminin, genre, neutre, grammaire, i want you, linguistique, littérature, belkacem, politique, arnaque, dictature, socialisme, google, hamon, html, éducation |
samedi, 12 juillet 2014
C'était là
Le Quatorze Juillet approche. Cette année encore, se déroulera la grande parade du pingouin à lunettes sur les Champs. Sûr que les commentateurs gloseront sur le changement de monture du spécimen actuel, qui sera exposé dans sa voiture officielle d’apparat. Ils n’auront sans doute pas grand-chose à dire de plus de lui, tant la dégénérescence de l’espèce présidentielle s’accélère hélas, de mandat en mandat, au fur et à mesure que fond la banquise. Y-a-t-il un lien avec l’organisation moléculaire de leurs neurones ? On ne sait. On espère qu’il y aura dans la foule des spectateurs-électeurs quelques véhéments quolibets. Pas certain non plus, tant le panache de l’esprit fondeur se raréfie dans ces troupeaux là, aussi. En cette année 2014, la mode est plutôt au selfie, instantané aussi peu glorieux qu'illusoire, et le goût pour la critique s’est métamorphosé en émoi narcissique, la libre parole en citoyenneté de masse, sous l’effet conjugué d’une police de la pensée bien orchestrée par les medias, d’une certaine fatuité collective, et peut-être aussi d’une véritable lassitude. Le pays vieillit, au point d’oublier ce qu’il célèbre ce jour-là, à l’occasion d’un jour férié qui s’alanguit aussi mollement qu’une simple journée de RTT.
Nos rites républicains sont délavées comme une chemise trop souvent passée par la lessiveuse de la langue de bois et du révisionnisme de la propagande, voilà pourquoi ceux qui cherchent à les sacraliser ont l’air si ridicules, si insincères, si vains, si distordus et si faux. Plus rien ne les relie authentiquement à l’événement qu’ils prétendent célébrer, que du virtuel et de la rhétorique. Et c’est d’autant plus frappant dans le testicule gauche du mensonge républicain, qui pendouille lamentablement au pouvoir tout en prétendant l’incarner : La gauche, enterrée depuis longtemps sur le mode du grotesque par un tonton flingueur au romantisme pervers, n’a plus à offrir que sa caricature spectrale au public gavé de slogans de ses électeurs, aussi sale à regarder qu’une vieille prostituée qui aurait trop longtemps collaboré à de basses manœuvres.
Dans l’épilogue de son Quatorze Juillet, Henri Béraud se gaussait de « ceux qui vont attendre l’autobus en lisant leur journal au lieu du refuge où se trouvait le pont-levis de l’Avancée, abattu à coup de haches par le charron Louis Tournay sous les balles des Suisses », de « ceux qui boivent leur apéritif à la terrasse du café Henri IV sur un fossé à cet endroit où le billet de capitulation fut pris dans le vide d’un sabre par Maillard fils, clerc de la Bastille… » Et l'écrivain concluait, sur le ton narquois du poilu qui raille l’Arrière : « Parisien rieur, avocat, marchand, scribe, commis, rentier, ouvrier, si seulement tu te rappelles les images de ta petite Histoire de France cartonnée, et si ce soir tu lèves les yeux vers les ombres mouvantes et enflammées du ciel, tu pourras entrevoir de hauts murs, de noirs créneaux. C’était là »
Dépossédé de son Histoire, soumis aux aléas la zone et aux diktats fluctuants des marchands, oublieux de sa religion, de sa langue, de son territoire et de sa monnaie, le pays tangue comme un navire à la dérive. Et l'on se demande : Comment son prétendu capitaine, assisté de son escouade d'ambitieux moussaillons, qui n'a d'autre tactique que celle du compromis et d'autre culture que celle de l'ENA, trouverait-il encore sous ses étroites épaules le souffle pour le dire, ce C'était là ?
Lallemand, Bastille (détail)
09:58 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, henri béraud, quatorze juillet, bastille, champs-élysées, défilé, politique, république, président, spectacle, lunettes de hollande, françois mitterrand, louis tournay |
mercredi, 09 juillet 2014
Une aventure de Limousin
Le Limousin a donc changé de mains. C’est les députés qui en ont décidé ainsi, en votant hier en commission une nouvelle carte des régions. Celle de l’idiot de l’Elysée qui, avec ses nouvelles lunettes, tente de ressembler à un idiot qui l’a précédé dans ce même palais (je vous laisse deviner lequel) avait été retoquée par le Sénat. Ce qu’il y a d’absolu dans ce genre de décisions semble ne choquer aucun de nos braves républicains tout prêts à vouer l’absolutisme louis-quatorzien aux gémonies. Pauvre France.
A l’origine, l’initiative d’un baron rhônalpin au patronyme intestinal, qui souhaita annexer le vieux duché d’Auvergne (alors même que le nouvel hôtel du conseil régional – 85 millions d’euros – venait tout juste d’être livré – comme on dit avec si peu d’élégance dans le novlangue contemporain – à Clermont) On découpa donc pour le satisfaire le massif central en deux de façon arbitraire. Mais que faire, dès lors, de ce malheureux Limousin ? Le relier au Centre ou à l’Aquitaine ? On retint donc la seconde solution au nom « d’un tropisme naturel vers l’Atlantique », ce qui nous ramène au XIe siècle et à l’empire des Plantagenets.
Pendant que les coureurs du tour de France vont traverser les régions, tous ces parlementaires vont donc poursuivre leurs blablas pour les redécouper au gré de leurs intérêts financiers, partisans ou politiciens. Rien d’absolu, me dira-t-on, que du très représentatif, n’est-ce pas ? Personnellement, si j’en avais encore les cuisses, je préférerais être un vaillant coureur du Tour qu’un de ces navrants députés. Les coureurs du Tour transportent avec leurs bécanes un peu de la magie de cette France éternelle, dont les députés se gargarisent en l’anesthésiant et la démembrant un peu plus chaque jour, de loi en loi, de décret en décret. Longeant fleuves et canaux, traversant bourgs et capitales, roulant sur des avenues ou des chemins de traverses, bien plus même que les footballeurs sur leurs artificielles pelouses [ de plus en plus déclassés malgré ce qu’on raconte dans la presse], ils donnent à vivre au territoire, et demeurent en ce sens héritiers d’une histoire. Ce que ne sont plus les politiques enlisés dans leurs éléments de langage foireux et leurs vues de l’esprit toujours en retard d’une locomotive.
Revenons aux régions. Des sondages venus d’on ne sait d’où nous font croire que cette réforme serait une demande prioritaire des Français. Ils auraient élu Moi Président pour cela. Résultat : C’est évidemment une aberration de séparer la Loire Atlantique de la Bretagne, comme de séparer l’Auvergne du Limousin. Il semble que ni l’Histoire ni la géographie n’aient plus de sens face au diktat européen qui veut de grandes régions, organisées par des énarques zélés autant que bésiclés autour de grandes métropoles économiques, comme on jette des bouses sur une carte. On vous découpe ça comme il n’y a pas si longtemps, on créa dans la brousse et la savane des états africains. Tant qu’on y est, pourquoi ne pas marier ce Limousin qui reste en rade avec la Corse et l’Alsace, puisque les électeurs s’y sont prononcés contre tout rattachement de leur région il y a tout juste un an [référendum sur lequel, au passage, le très démocratique pingouin qui nous gouverne a posé son gros cul] ? Cela ferait un bel ensemble à colorier.
Tout ceci n’impressionne guère, certes, ni la Loire qui continue son cours, ni les Pyrénées qui dominent, ni la Beauce qui s’étend, ni les volcans d’Auvergne qui continuent, tels des dieux morts, de dormir. On comprend que l’homme de la rue, au fond de lui-même, s’en foute bien. Ces hommes désincarnés ne peuvent accoucher que d’un pays désincarné qui ne sera jamais le sien. Mais il risque d’être celui -et c’est toujours sur cela que comptent les imposteurs-, de ses enfants. C'est cela qu'on appelle réformer en novlangue, hélas...
armoiries du Limousin - pub du café Sanka
22:31 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : limousin, aquitaine, carte des régions, politique, france, réforme territoriale, tour de france |
dimanche, 22 juin 2014
La culture sauce hollandaise
«La culture, ça fait partie de la République et le rôle du chef de l'Etat, c'est de défendre toujours et encore la culture. Je le ferai, y compris dans ces moments où il y a un certain nombre de professions qui s'inquiètent pour leur avenir. (...)Ma responsabilité, c'est de faire en sorte que la culture prenne toute sa place en France et que la France rayonne partout dans le monde grâce à la culture. »
François Hollande, samedi 21 juin à la fête de la musique, Institut du monde arabe à Paris
Première contre vérité : « la culture fait partie de la République. » Quel aveu ! Non, la République est un élément de la culture si l’on veut, en tant que système d’organisation politique du monde, au même titre que n’importe quel autre système politique. Imagine-t-on un roi dire que la culture « fait partie de son royaume » ? La culture n’a pas commencé avec la République, Dieu merci, et surtout pas la culture française, qui rayonna sur l’Europe aux XVIIème et XVIIIème siècle, et qui sans aucun doute lui survivra puisqu’elle est présente dans toutes les sociétés humaines, et de tous temps. Elle n’a donc pas à être vassalisée et instrumentalisée pour la cause républicaine, surtout quand cette cause se révèle aussi piètre que sous un tel gouvernement, traître aux intérêts et aux idéaux de son propre pays de surcroît. Je rajouterai que ni la République, ni la culture n’ont de même à être sacralisés.
La responsabilité du Chef de l’Etat : le Chef de l’Etat surtout quand il est partisan, sectaire et derechef inculte comme celui-ci, s’il pouvait se mêler le moins possible de la culture, on lui en saurait gré. Le rôle du chef de l’Etat n’est donc pas de défendre la culture, à moins de réduire cette dernière à la propagande de sa propre idéologie. Son rôle serait plutôt de participer à sa diffusion, en se montrant lui-même sous un jour moins partisan, précisément, plus ouvert aux différences et respectueux des réelles diversités parmi lesquelles nous comptons la Tradition. On en revient sans cesse au novlangue d’Orwell : Le mot culture, dans la bouche d’un tel homme, signifie tout autre chose. Appelons ça secteur économique en crise, si l’on veut, ou mélasse idéologique à bout de souffle…
Méfions-nous par ailleurs des gens qui évoquent leur responsabilité ou leur devoir à propos de tout et de n’importe quoi. Il faut quand même une sacrée dose imbécillité, quand on s’appelle monsieur 3%, qu’on vient de brader Alstom aux Américains, après avoir imposé les cours en anglais à l’université, pour affirmer sans la moindre conscience de son propre ridicule, que la culture va « prendre toute sa place en France » grâce à son action personnelle. Quant au rayonnement de la France, on prend peur à se dire que c’est avec la sous culture du PS et de la promotion Voltaire que ces gens prétendent l’étendre partout. Car ces gens-là sont bel et bien une insulte à l’esprit et à la raison qu’ils prétendent incarner.
12:02 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : culture, hollande, république, intermittents, littérature, théâtre, beaux-arts |
vendredi, 20 juin 2014
Notre pays ne peut avancer sans la culture
J’ai appris quelque chose en écoutant le talentueux orateur Manuel Valls - qui, plus que Hollande encore, ressemble à un pot d’échappement en panne quand il ouvre la bouche (popopom popopom popopom) -, c’est que la culture, ça sert à faire avancer un pays. Ce n’est pas ce qui le relie à la dimension la plus sacrée de la civilisation des hommes, ce qui fonde son identité acquise dans le substrat des siècles et lui garantit une mémoire, non. Pas non plus ce qui instaure en son territoire une réelle urbanité, en rendant les mœurs qu’on y pratique honnêtes et délicieuses, non !
Un peu comme l’essence, une voiture, voyez la culture, pour Valls, ça sert à faire avancer le pays. Pour aller où ? Il se garde bien de le dire, évidemment. Si je décode cet énoncé hautement intellectuel, cela signifie que dans le modèle médiatico-politicien que la gauche nous impose, la culture n’est qu’un outil de propagande particulièrement efficace auprès des classes moyennes pour le modèle sociétal et européen devant lequel cette même gauche est corps et âme vassalisée au nom d’intérêts dont elle ne parle jamais. Modèle imité et importé des contenus culturels américains, qu’il faut promouvoir encore un peu plus dans le pays exsangue et vidé de sa propre culture et de ses propres valeurs qu’est devenu la France. Un parc touristique pour Chinois, Russes et/ou Arabes riches et désœuvrés, comme Houellebecq le signifia fort bien il y a peu dans La Carte et le Territoire. Pendant que les Français les plus riches vont, eux, s'initier à d'autres cultures, du fin fond du Tibet aux safaris africains, en passant par les îles toujours bleues et couvertes de sable fin.
Avec sa rhétorique sans grande originalité – mais qui a fait ses preuves – Valls, en bon petit soldat de cette acculturation française programmée depuis l’après-guerre poursuit sa feuille de route (comme on dit aujourd’hui) : derrière les éléments de langage convenus, on comprend qu’en matière culturelle, la seule visée de la gauche au pouvoir, aujourd’hui, c’est :
- de faire un maximum d’économies,
- d’imposer le plus possible et de manière le plus uniforme sa police de la pensée,
- de limiter le plus possible l’hémorragie d’électeurs.
- Le tout en ayant l’air de faire de la Résistance (ah, leur bréviaire !) du haut de sa petite exception culturelle fantasmée dans le Grand Ordre des choses. Je collabore en résistant, voilà l'exception culturelle dans toute sa glire hélas !
Peut-on, dès lors, regretter que, dans ce tissu de lieux communs, la seule annonce susceptible d’intéresser Denis Gravouil, le secrétaire général de la CGT-Spectacle porte sur l’engagement de l’Etat à financer le différé d’indemnisation des intermittents jusqu’à l’automne ? Nous sommes décidément à mille lieues des beaux idéaux à la Vilar. Denis Gravouil s’en contrefout de la qualité des contenus culturels, il a ses ouailles à satisfaire, et eux aussi se battent pour leur porte-monnaie. Il a donc immédiatement opposé une fin de non recevoir au gouvernement : On le comprend, puisque le seul but de Valls est de sauver sa saison festivalière, comme la FIFA a (semble-t-il) sauvé sa coupe du monde.
On se prendrait à rêver que -dans un sursaut de dignité à la fois morale et politique, tous ces intermittents bazardent non seulement Avignon, mais tout le sale boulot que la gauche leur aura fait faire dans ce pays, à coups de drastiques et draquiennes subventions… mais rien de tout cela n’arrivera, nous le savons bien. Le plus cyniquement du monde, Valls se paye même le luxe dans un ultime rictus de faire une allusion à la France, patrie des Beaux Arts et des Belles Lettres, sachant bien que la bouillie culturelle qu'il incarne finira bien par la détruire. La fête de la musique et son cortège de vomi approche. ( ICI quelques actes isolés de résistance...) Le mieux, c’est encore, à l’écart du boucan, du vacarme et du vide, de se tirer et d’ouvrir ce qu’on appelle un bon livre, on en écrivit jadis des bibliothèques entières, il s'en compose par ci par là encore quelques-uns...
Manet, Le fifre
09:34 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : avignon, politique, france, société, houellebecq, littérature, valls, culture, gauche, denis gravouil, cgt, intermittents |
vendredi, 30 mai 2014
Fin de course
Tout respire la fin de course. Les éléments de langage ressassés par les politiciens véreux, la morosité d’événements sportifs qui s’enchaînent, les milliardaires cannois qui s’entre-congratulent à l'occasion d’un palmarès dont tout le monde se fout. Ce n’est pas de l’Europe que les gens sont lassés, mais de la sous culture – ou plutôt du déni de sa propre culture – que les économistes ont engendrée ; pendant ce temps, l’inexorable déclin des moyens de production se poursuit. Depuis l’arrivée du président Plan-Plan, un président d’un autre siècle, vraiment, une sorte de contre-sens, c’est l’équivalent d’une ville comme Lyon qui a été jetée au chômage. Crise, courbe, impôts, euros, impôts, violence, guerre : les infos répètent en boucle les mots d’ordre démonétisés de ce paysage dévasté.
On peut, certes, fermer les écoutilles et se plonger dans son monde à soi. Depuis quelques semaines, quand mon boulot m’en laisse le temps, je vis ainsi au rythme des aventures de Merlin et de Uter, après celles de Joseph d'Arimathie. La Table Ronde tout juste fondée, le duc de Tintagel est mort et Uter s’est empressé d’ensemencer, comme on le disait alors, la noble Ygerne . Le roi Arthur vient donc de naître, grâce à un divin ou diabolique malentendu sur les apparences, et Merlin vient de le confier, nourrisson, à Antor. Le Graal pour tout salut : Se ressourcer à d’anciens mythes collectifs ; dans la débandade narcissique qui s’est saisie de chacun pour la plus grande joie des marchés et des actionnaires repus, cela ne peut pourtant être qu’un ressourcement individuel, loin, bien loin d’une véritable fête collective, réparatrice. Mais c’est au moins ça. Comme disait les gens d’autrefois, « ça que les Boches n’auront pas ». Ce qui est tout dire...
Ygerne abusée par Merlin et Uter, iconographie du Merlin, BNF Paris
01:31 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, moyen-âge, europe, merlin, arthur, table ronde, tintagel, graal |
jeudi, 22 mai 2014
La zone me rend triste.
C’est devenu une mode, Valls aidant, une tendance de se proclamer patriote, français. Je l’entendais brailler dans un poste tout à l’heure, le Manuel : « Moi j’ai choisi la France, ce qui ne m’empêche pas de me sentir fier de mes origines catalanes. » Grand bien lui fasse. D’ailleurs, il fait son meeting de campagne à Barcelone pendant que l’Allemand Martin Schultz dégoise dans l’hexagone. On nous prépare au fédéralisme, à petites doses. Moi, me dis-je en entendant le tout jeunot Prime Minister moi, je n’ai pas choisi la France. Je suis tombé dedans quand je suis né, un peu comme Obélix dans la potion magique. Et ça a fait un grand plouf.
L’autre jour, nous étions quatre profs attablés à une pizzeria. L’une (prof d’espagnol) commence à expliquer que sa famille maternelle vient de Murcie, d’un ton très feutré. Une autre (prof de gestion) réplique que du côté de son père, on était catalan. La dernière (prof d’anglais) est née au Maroc. Soit. On dirait de nouveaux aristocrates se régalant de leurs frais blasons. L’ambiance est très cosy, bobo (très prof), ça fait aussi parvenu, sans réelle hauteur d’esprit. Vous me direz, à l’heure des pizzas... Me dis soudain qu’il n’y a plus que moi dans cette honorable assemblée à n’avoir pas le passeport élargi de la zone. A être par conséquent un vrai roturier. « Ma mère est née à la Croix-Rousse et mon père à Villeurbanne », je lâche, un brin excédé par cet entre soi gélatineux qui feint de se trouver des accointances. « Mais j’ignore lequel a traversé le Rhône le premier.» Et je rigole un coup, parce que je sens qu’on se demande autour de moi si c’est du lard ou du cochon, et quelle réaction il convient d'adopter. Cosy, bobo, n'est-ce pas....
Oui ça me fait chier ce souci d’être français et cette fierté d'être d'ailleurs, revendiqués comme un compte en banque bien garni, parce que je ne me sens pour ma part pas fier d’être français, juste français. Et encore : La culture française s’est tellement dilapidée, dégradée ! A moitié moins français que mes parents, et pour un quart seulement quand je pense à mes grands parents. Je me souviens de ce que prophétisait cet irakien rencontré un jour, à propos des Américains : « Ils veulent qu’il y ait autant de différences entre moi et mon petit-fils qu’entre vous, Français, et vos grand-pères.» (LIre ICI) Oui, la zone me rend triste. La zone sonne faux. Elle est en toc, emplie à nouveau d'imbéciles heureux qui sont nés autre part. chanterait Brassens s'il revenait parmi nous, Parce que cette sociabilité des origines n’a pas plus lieu d’être chez les nouveaux ou récents arrivants que chez les Français de souche, comme on dit dans la presse dite progressiste, pour ne pas dire les Deschiens. Sale presse, sale époque,où l’esprit se réduit comme une peau de chagrin, et la sociabilité, livrée à la seule dimension du consumérisme normé, n’a pas plus de goût que la crème allégée qu‘on nous sert en dessert....
07:00 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : france, français, europe, société, culture |