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dimanche, 12 juin 2016

Le foot ce n'est pas ça

A priori, rien de grand mal à aimer taper entre copains dans un ballon dominical. Quand on se sait du village voisin, mais qu’on jargonne la même langue, appartient à la même Eglise, lit les mêmes bouquins, c’est même un passe-temps agréable et instructif :  on y apprend la compétition intraitable, le dépassement de soi salutaire, le respect de l’adversaire, de ses coéquipiers, sans oublier celui de l’arbitre, comme disent les adeptes de ce bon monsieur Coubertin. Au pire, le tout s’achève au soir en Guerre des boutons et laisse ensuite quelques inoffensives traces à la Clochemerle, rien que des bons souvenirs.

Que des pseudo-élites mondialisées se saisissent subrepticement du passe-temps pour en faire un enjeu éducatif, puis politique, et de là un business international, un produit industriel et médiatique, enfin, distribué sur la planète entière, on change de disque et de ritournelle. Le terme demeure, certes. Foot... Mais voilà que d'étranges danseurs ont envahi la piste. Des organisations brassant des milliards, en cheville avec des loges maçonniques brassant des programmes politiciens, des partis politiques chargés de les mettre en œuvre, des états couchés devant les grands groupes financiers qui s’occupent des divertissements des peuples. Ce n'est même plus le règne du Sol Invictus latin et de son trop célèbre Panem and circenses. La formule post-moderne est pire, plus sournoise, plus insidieuse et donc plus performante puisqu'elle emprunte les canaux d'internet qui croupissent aux tréfonds des fosses marines et ceux des satellites qui survolent et surviolent notre léthargie 24 heures sur 24 pour s'infiltrer dans le moindre écran. Le Léviathan du foot spectacle croit, s’organise, pompe le fric du contribuable pour faire advenir les stades dont il a besoin, et un temps d’antenne qui s’assimile depuis trente ans à la pire des propagandes, avec une armée d’experts qui vous commente d'un ton de mandarin sorbonnard le moindre coup franc comme si c’était un coup militaire d’envergure, une métaphore audacieuse, un algorithme inédit...

Ce qui est tolérable en temps de prospérité ne l’est plus en temps de crise. Les salaires des Zlatan, Messi, Zidane, les histoires de cul des Ribéry, Benzema et autres idoles en toc de cette micro-société, les entourloupes financières entre copains prennent peu à peu des allures de scandales internationaux. Et puis, ce matraquage. Des écrans en plein centre villes, on se croirait dans 1984.... des gens assis sur l’espace public comme si c'était un espace privé, buvant des bières et gueulant comme des putois orwelliens, des écrans géants pour marteler quoi ?  Une tragédie antique ? Un opéra de Verdi ? Un débat citoyen ? Une messe ? Vous n’y être pas. Des matches, des matches, des matches et encore des matches…

Alors, lorsque survient l’incident, les zélés spécialistes de sport viennent vous expliquer d’un ton juste ce qu'il faut de larmoyant, de ferme et de moralisateur, ce ton qui ressemble à celui des curés défroqués qui nous gouvernent que « le foot, non, ce ne n’est pas ça ». On s’en doutait, remarquez bien ! Curieux éléments de langage, malgré tout que leurs copains, les spécialistes de politique utilisent pour vous dire que la gauche ce n’est pas ça (le vilain libéralisme) ou les spécialistes du phénomène religieux pour vous dire que l’Islam, ce n’est pas ça (le wahhabisme saoudien et le salafisme daèchien). Bref. Ce qu'on voit, ce qu'on comprend, ce n'est jamais ça... Ils ont appris le déni de la Réalité auprès des mêmes experts en communication, tous formatés dans les mêmes écoles, pour insinuer leur parole d'expertise entre moi et ma raison.  Le foot, donc, ce n’est pas ça…  Mais ça quoi ? Et de quel foot parle-t-on ? Quel est ce ça qui sifflent à nos oreilles ?

Quand ce jeu a été instrumentalisé en compétition internationale pour servir d’église, de langue et de culture à un projet politique qui s’ingénie depuis, par ailleurs, à saborder les églises, réduire les langues à de la parole onomatopéique et raser les cultures à force de les mêler dans un melting-pot aussi incompréhensible qu’indigeste, je ne sais si ses odieux promoteurs avaient pensé que le foot n’étant ni une religion, ni une langue, ni une culture, leur entreprise serait voué à l’échec un jour ou l’autre. Sans doute ont-ils pensé qu'ils avaient le temps de faire fortune avant. Vouloir, à la façon du Grand Ridicule de l’Elysée, faire du foot une religion, une langue, une culture quand il n’est rien de tout ça, c’est lester un simple sport de trop d’enjeux, tel un sac de toile lesté de trop de kilos. C'est comme le mensonge électoral, cela finit par craquer. Le foot n’étant qu’une activité sportive, il est donc normal que le jeu de dupes que fut sa récupération politicienne s’achève au pire en scènes de guérillas urbaine, au mieux en un divertissement pitoyable encadré par des colonnes de CRS, un comble pour ce qu’on nous vend tel un symbole de l’art de faire la fête chez nous !!!….

La faute n'en revient pas à ces hooligans avinés qui se sont laissés prendre au piège de ce montage grossier et qui gâchent la fête, non... Pas plus qu'à ces cégétistes irresponsables qui défendent leur bout de gras face aux promesses du monde de demain. Des pauvres types incultes, si vous voulez, mais certes pas, comme le braillent les médias, des responsables… Les responsables sont à chercher du côté du pouvoir mis en place depuis un quart de siècle, c'est à dire de ces trois là : je laisse à chacun le soin de penser lequel est le pire, pour ma part, mes lecteurs connaissent mon opinion, même si je n'en blanchis aucun.

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98, funeste date pour la France ; les responsables sont aussi à chercher de ce côté là

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Encore que ces cinq-là ne soient que la face visible d'un putride iceberg. Ils tireront leurs épingles du jeu en tout bien tout honneur, évidemment, se recasant qui au Conseil Constitutionnel, qui à la direction de la FIFA. Comme par hasard, c’est dans les centre villes, hors stade – non loin des fan-zones (quel curieux non pour une place publique, n’est-ce pas ?) que ça se passe dorénavant. Là où les gens - tous les gens, y compris ceux qui n'aiment pas le foot, et qui peut-être n'aiment pas non plus la politique et les medias, sont, vivent, travaillent et discutent ensemble. Le diable sait user de la raison quand il s’agit de ruser et ce coup là a été suffisamment bien monté pour faire oublier ça et ça :

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Avec le temps, il saura bien faire oublier ça : 

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Car l'homme, ainsi livré à lui-même par le libéralisme de marché et de mœurs, ce n'est évidemment pas ça...

15:06 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : platini, zidane, heysel, foot, euro, chirac, 98, euro2016, marseille, vélodrome, stade des lumières | | |

samedi, 12 mars 2016

Maike, Norma, Flavia, Naïna, Kumiko,Aline et tant d'autres...

 

Lorsque Hillary et Alain seront élus, l’une présidente des  USA et l’autre de notre malheureux hexagone, ils pourront se claquer de nouveau la bise durant les « sommets » qu’on continuera à organiser pour les dirigeants du monde, comme en 1996, lorsque l’une était femme d’un président et l’autre premier ministre de l’autre. Ce qui aurait vraiment de l’allure, en fait, ce serait de présenter Bernadette plutôt qu’Alain à l’Elysée 2017, histoire que nos féministes franchouillardes ne soient pas de reste face à la Tante Sam. Mais bon. La France court derrière, nous dit-on, elle est en retard, toujours, sur le grand frère américain.

En 1996, donc, le G8 n’était encore qu’un G7 et les enflures internationales s’étaient retrouvées à Lyon durant le beau mois de juin. A l’occasion, ce machin hideux avait été posé sur l’herbe dans un coin du Parc de la Tête d’Or à Lyon. Une lointaine inspiration soviétique, dans cet hymne en bronze à la gestion bilderbergerisée de nos affaires et de nos esprits et de notre pognon.

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Outre Clinton et Chirac, s’y serrèrent la pogne Ryutaro Hashimoto pour le Japon, Helmut Kohl pour l’Allemagne, John Major pour la Grande Bretagne, Romano Prodi pour l’Italie et Jean Chrétien pour le Canada, avant d’aller manger au MAC (Musée d’Art contemporain) un repas préparé par Bocuse en personne.

Il faudrait retrouver toutes les dames de ces braves humanistes en costards pour établir le casting du vrai renouveau, parmi le gratin démocratique mondial. Nul doute que nous pénétrerions ainsi avec plus d’ardeur encore, avec un vrai élan, dans la géopolitique complexe de ce  XXIe siècle.

Depuis ce beau sommet lyonnais, mesdames Kumiko Hashimoto et Maike Kohl-Richter eurent l’heur de devenir veuves. La politique étant plus gratifiante que le bridge ou la tapisserie, elles auraient tout intérêt à y investir quelques neurones. Quant à Norma Major, Flavia Prodi, Aline Chainé-Chrétien, toutes à peu près conscrites de Bernadette, elles viendraient avec enthousiasme compléter ce club de mamies décomplexées haut de gamme… Et vous verriez alors comme on ne ferait qu’une bouchée de la crise, du terrorisme islamiste, du réchauffement climatique et de tous ces plaisants dossiers brûlants que les gouvernants se refilent de mandats en mandats.

En 96, la Russie, c’est vrai, manquait à l’appel et Boris n’eut pas le plaisir de goûter la soupe VGE de Popaul puisqu’elle ne rejoignit le club très fermé qu’un an plus tard. Qu’importe ! Naïna, la jolie veuve d’Elstine, qui remplacerait avantageusement ce vieux macho de Poutine sur les photos officielles, ferait toujours l’affaire ! Vous imaginez Juppé, entourée de toutes ces affriolantes collèges, le « meilleur d’entre nous », toujours « droit dans ses bottes » ?  C’est Isabelle, toute femme digitale qu’elle prétend être, qui n’aurait qu’à bien se tenir…

 

13:53 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : g7lyon, paul bocuse, chirac, clinton, hashimoto, prodi, chrétien, major, elstine, mac lyon, politique, primaires, france | | |

vendredi, 05 septembre 2014

Les cloches de l'Hôtel de Ville

C’est aujourd’hui l’anniversaire de Louis XIV, qui aurait 376 ans. Peu de Lyonnais, en traversant la place des Terreaux, se souviendront qu’on posa en grande pompes la première pierre de l’Hôtel de Ville en son honneur, un 5 septembre 1646, alors que le jeune roi n’avait que huit ans. Cela ne porta pas chance au bâtiment de Simon Maupin puisqu’il fut ravagé par un incendie quelques vingt-huit ans plus tard. On fit appel alors à Jules Hardouin Mansart pour le restaurer et lui donner l’allure qui est encore en gros la sienne aujourd’hui. L’hôtel de ville de Lyon ne figure pas parmi les œuvres de Hardouin Mansart sur la page que Wikipedia lui consacre. On y trouve, en revanche, celui d’Arles, que je n’ai jamais eu l’heur de contempler autrement qu’en photo. Les deux façades ont bien un air de famille, sauf que le beffroi lyonnais est placé au centre, quand celui de la patrie de Jeanne Calment se trouve fortement déporté sur la gauche.

Hardouin Mansart avait fait placer au cœur du grand tympan au-dessus de la porte centrale une statue équestre de Louis XIV, selon la tradition italienne consistant à mettre en valeur le prince. Il s’agissait surtout, pour les échevins de l’époque, d’affirmer leur indépendance effective dans une fidélité symbolique au roi. Ces vieux bourgeois provinciaux, dans une ville de commerce qui n’avait jamais eu de tradition parlementaire, avaient bien compris le paradoxe politique de leur temps, et comment cultiver la réalité de leur liberté à travers l’affirmation de leur sujétion. La Révolution l’en chassa pour le remplacer par une pompeuse allégorie de la Liberté, dont elle seule eut le secret. On décida, sous Charles X, d’y rétablir un prince et c’est Henri IV, roi bien aimé à Lyon raconte-t-on pour son soutien à la Fabrique de soie de son temps et l’annulation de la dette lyonnaise suite à la Ligue, qui fut choisi. Il y trône encore aujourd’hui.

 

On peut sourire de ce souci d’apparat et le croire caractéristique de la monarchie. La République possède aussi le sien : lors du G7 de 1996 qui se tint à Lyon, on remplaça huit des 65 cloches du beffroi, et on leur donna le nom des 7 participants  (dont Clinton et Chirac) auquel tint à se rajouter le maire de l’époque Raymond Barre. C’est un dur métier que celui de carillonneur. Les cols blancs ne s’en doutent pas, il ne faut pas être trop mélancolique. L’un d’entre eux, André Combe, se suicida en 1986 en se jetant du beffroi dans le vide. Le carillon sonne régulièrement, de 7 à 20 heures, les deux premières phrases musicales de Big Ben toutes les heures, sauf à 9, 12, 15 et 18 heures, où le carillonneur peut jouer des mélodies en fonction des demandes. Songer que Clinton, Chirac, Barre et consorts jouent ainsi dos à dos du Béart, Gainsbourg ou Macias ne manque pas d’un certain sel, à l'heure de la cacophonie politique dont nous sommes les témoins impuissants.

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Maquette de l'Hôtel de Ville de Lyon,musée GADAGNE. Le bon roi Henri en son centre 

jeudi, 21 novembre 2013

L'Europe des déchets

Je découvre par hasard que cette semaine qui s’achève était la semaine européenne des déchets. Je connaissais l’année du Dragon, le mois du muguet, la journée de la femme, la minute de silence, mais j’ignorais que les semaines étaient aussi à l’honneur. Le temps, comme l’espace, est  donc encombré, saturé jusqu’à la nausée. Une semaine des déchets, curieuse idée qui n’a pu germer que dans la cervelle désœuvrée d’un fonctionnaire européen et belge de surcroît. Une tête blonde, peut-être, allez, ce serait la totale, blonde, belge et européenne, comme on dit de nos jours..

Tout ça pour propager dans les écoles, associations, institutions, et jusqu’au fond de nos hameaux  l’idée du tri sélectif et de la réduction des déchets.  Le terme ne doit pas être confondu avec la bonne vieille ordure, du vieux français ord qui signifiait « sale ». On peut être une ordure sans être un déchet, n'en déplaise aux bien-pensants. Ni avec  détritus, issu d’un verbe signifiant user en frottant.

Le déchet, qui provient du verbe déchoir,  a quelque chose à voir avec la déchéance, la fin de vie, la fin de race comme aurait dit Ludwig II. D’une certaine façon, nous autres Européens désormais  condamnés à survivre dans une zone entourés d’objets culturels indéterminés, nous sommes tous des déchets. Le fonctionnaire illuminé a donc eu  une bonne idée de créer cette semaine-ci. C’est la semaine de l’euro, celle  de la zone et de sa Commission,  des lobbies et des partis, des technocrates et des stars de football, des règlements abusifs et des taxes.

L’Europe des déchets. Que voilà un beau titre pour une toile crachée en quelques minutes, jaillie de la matière même de son peintre ; ou pour un roman de cent deux pages écrits avec 600 mots sans jamais dépasser la structure sujet verbe complément et lisible dans toutes les langues du marché. Ou pour un bâtiment délirant et bouffeur de subventions, entre le Bauhaus et la fraise-tagada, qu’une ministre de la CuCullture dans le genre de FiIippetti viendrait inaugurer en pensant à tout ce qu'elle doit à sa mère devant un parterre d’élus  somnolents. Ou pour un french-blockbuster racontant les mésaventures d’un garçon qui voudrait être une fille pour satisfaire les instincts mortifères de sa vieille maman, et finirait en tireur de l'ultra-gauche à moitié suicidé dans une caisse au fin fond d’un terrain vague.Ou pour les embrassades d'un ex-président de Chiraquie complètement gâteux et d'un nouveau en passe de le devenir. Faire semblant use.

Des déchets, rien d'autres. Faut s'y faire. Absolument, ou mourir. En se consolant dans les pages de Robert Challe ou d'un autre Illustre Ancien. Ou bien en suppliant une vieille chapelle romane du  Brionnais de nous accorder pour de vrai un bref et salutaire asile, loin de la furie du temps et du spectacle qui tourne en boucles des capsules.

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mardi, 15 novembre 2011

L'écharpe de K

Les ronds se tirent vite. Tout ça n’est pas nouveau, non. Mais depuis peu, ça s’est corsée, la vitesse à laquelle l’argent coule. De plus en plus leste, virevoltante et fatale, la monnaie : tirer sur chaque dépense jusqu’à la fin du mois, c’est devenu une façon d’être seul au monde. On y arrive en tirant par ci, par là, les bouquins, les plaquettes de beurre, les chaussettes. Geste furtif, et hop. Le franc est en train de vivre ses dernières années. Une clique d’économistes parie sur l’euro à venir. Comme ça, tout ça, paraît abstrait, lointain. Situation précaire, certes, que la sienne : tester la méthode torcheculative de Rabelais sur des infirmes moteurs et cérébraux dans une banlieue parisienne dont on vient juste de changer le nom, tu vois, de Les Gonesses à en France, comme si pour améliorer le sort des pauvres il suffisait de changer de nom… Et puis les occuper comme tu peux, les infirmes, ça s’appelle éducateur, il fait le job, comme on dit à présent des footballeurs, alors qu’il n’a même pas le diplôme en poches : avec la rigueur, mot depuis peu entré en fonction, on regarde plus trop nulle part qui fait quoi.

La seule conclusion qu’il en a tirée, c’est qu’au moins pour surnager, s’il doit vivre encore longtemps, durer, et sait-on jamais une vie, parfois ça dure,  il faudrait reprendre des études, ces sacrées études qui lui ont toujours tant coûté, comme si tenir en place à écouter des faux savants, non vraiment.

Parce que de véritables études pour lui jusqu’alors, ça restait quand même l'école de la rue, celle de la route, de la scène, et puis les petits jobs par ci, par là, d’usines en administrations, d’hôpitaux en commerces, le boulot, la démerde et la débine à chaque fois remise au lendemain. La scène et le carnet de notes, et toujours tout recommencer. Engagé dans rien, endetté de rien. Survivre en temps de crise. Tenir bon. Rien devoir à personne. 

Je raconte donc  l’histoire d’un étudiant tardif et fauché. Tu imagineras que la scène se passe au printemps 1986. Cet éternel  instable trime donc dans un foyer pour handicapés à Tremblay trois journées de treize heures, avant l’ère de la sinistre Aubry, ça faisait 39, la semaine pour tout dire. Depuis peu, la situation dans le pays s’est durcie. Elle en finira plus de se durcir, au fur et à mesure qu’on ouvrirait les frontières et ferait monnaie commune et qu’on l’aurait dans le cul, la situation. Le bel enfumage. Plus la même insouciance, non : Ni dans la capitale ni ailleurs. A moins que ce soit lui, depuis qu’il a vraiment réalisé dans sa chair de mortel qu’il est tout seul au monde, que c’est leur lot à tous, que se croire en famille c’est quand même un sacré luxe, et que trois rides lui barrent le front, à moins que ce soit lui qui finalement se soit rendu, ait accepté que ça irait peut-être mieux en retroussant les manches et en roulant une bonne fois pour toutes pour sa bosse par les sentiers de l'insertion.

Il a suivi ce jour-là la rue des Ecoles jusqu’à son extrémité, son bout. Il a passé la fière Sorbonne toute de pierres vêtue, le cœur-Villon pincé, il a filé devant le Collège de France dans le jardin duquel rêve, oui c’est le mot vraiment, rêve Montaigne, et comme on n’a pas voulu de son dossier à la Sorbonne –déjà trop vieux – il a poussé jusqu’aux tours si laides en face du Nemrod, ce campus hâtivement bâti. Il a d’abord bu un café, puis deux pour se remonter le moral, ah que n’a-t-il étudié du temps de sa jeunesse folle ? Dans la rumeur des conversations, le cliquetis de cuillers à café dans les tasses vertes que sur leurs plateaux ronds des garçons en pantalons noirs, tabliers blancs, trimballent comme s'il était en train de s'égarer dans une page de Sartre. Un rendez vous avec le Président de Paris VII, rien que ça, à quoi ça ressemble, un président de Paris VII songe-t-il en laissant traîner son regard sur ces tours salies dans la brume qui ressemblent à un coin de banlieue planté par mégarde à deux pas de Notre-Dame.

Finalement ça a marché. Il a fait valoir la compagnie théâtrale créée jadis, l’ouverture rectorale accordée à cette époque, un bouquin édité en 81, plusieurs articles sur une ou deux pièces, tout ça, il n’en revient pas, le président de Paris VII lui a dit : « vous n’allez pas perdre un an pour rien, ça peut faire une équivalence professionnelle tout ce que vous me racontez là, vous n’avez plus de temps à perdre… »  Une équivalence professionnelle ? Alors qu’il n’a pas suivi un seul cours, le voilà déjà en deuxième année, le voilà les deux jours de la semaine qui lui restent après les trois perdus chez les handicapés, à suivre un cours sur La Religieuse, un autre sur La Peau de Chagrin, et le plaisir de retrouver ce latin qu’il n’a jamais vraiment égaré depuis son cher et vieux lycée de province, le Pollio de Virgile et le Pro Archia de Cicéron. En septembre, les bombes ont pété rue de Rennes, à la Fnac où il va chercher les bouquins qui lui manquent. Comme c’est curieux, ça. Il lit la Poétique d’Aristote tandis que des passants innocents, non loin, payent la facture d’Eurodif, et Chirac, le soir, avec du sang sur les mains qu’on ne voit pas, mais tous ces rictus qu’on voit : « mes chers compatriotes », on dirait un Homais désappointé. A cette époque, il lit tout le temps, comme on respire.  Quand il marche dans Paris, c’est la force des auteurs qui le portent, exactement ça, et lui montrent les magasins d’aujourd’hui, le délabrement dans lequel les êtres sont. Ce qui fait que ce qu’il dit quand il ouvre la bouche n’est pas toujours clair, branché au bon endroit. Qu’importe, se dit-il. Autour de lui, ça ne compte plus.  Aucun ne l’aidera à survivre, à trouver salaire et pitance, rien d’autre que lire. Pas de temps à perdre. Plus de temps. Un prof, un jour, en lui rendant une copie lui dit : « vous, il faut passer l’agrégation, et vite… » Comme si tout à coup, au son de cette voix,  il rentrait à la maison... Comme si passer l’agrégation n’était au fond qu'une formalité ressurgie du néant.

Le voilà donc dans cet amphi où résonne un cours de licence. Enfin, un cours… On vient de la Sorbonne, on vient de l’ENS, on vient de Censier, de partout pour écouter la star. La star de Jussieu. Même à Paris, flotte quelque chose d’atrocement provincial, se dit-il.  Il s’est inscrit à son cours parce qu’il n’a pas de temps à perdre. Les stars l’emmerdent, l’ont toujours emmerdé, celle-ci comme d’autres, on dirait une madame de Bargeton égarée là devant ces Rubempré niais à mourir,  mais il paraît que K…, contre un exposé bien ficelé, refile facilement l’unité de valeur. Et ça, il en a besoin.  Comme il a besoin de monnaie. La sémiologie et lui, jusqu’alors, les théories du signe… De la Bible jusqu’à James Joyce, rien que ça, a-t-elle annoncé avant de distribuer à tous les auditeurs une liste d’exposés, comme si elle marchait sur la lune.

 K… est une fort jolie eurasienne, jadis trotskiste et parvenue avec la grâce d’une papesse de la gauche mitterrandienne dans ce qu’il est convenu de nommer la force de l’âge. Lui, il a tiré au sort « la théorie du signe dans la Logique de Port-Royal ». Diable ! Arnauld, Nicole, et cette affaire de raison janséniste, le jugement. Voilà de quoi l’occuper quand il garderait cette semaine les fauteuils au foyer. Jongler avec les syllogismes. Les mater. Ah, les mots considérés « comme des objets de pensée » et ceux qui ne font que renvoyer « à la forme et à la manière de nos pensées ». Ceux qui et ceux qui ne font que. Tout est là. S’il y a une théorie plausible là-dedans, nous partirons d’une prémisse remarquable, c’est qu’elle ignore l’arbitraire. Au sortir du métro, déjà des bradeurs d’écharpes étalées à même le sol. Il ya toujours eu des vendeurs à la sauvette, des vendeurs de tout, et puis des musiciens. La débrouille. Ces écharpes écossaises, à 20 francs l’une, il en portait d’ailleurs une en ce mois de février – ça devait être 1988 – qui commençait à s'effiler, nouée autour du cou, grise, blanche et noire, et qui gardait son odeur rance et tenace à lui, son propre parfum comme en conserve, qu’il humait dans la journée, comme on hume une superstition. Comme deux chiens affamés, Mitterrand et Chirac allaient se jeter à la gueule l’un de l’autre la libération des otages, toujours cette sale histoire de l’uranium et des millions d’Eurodif, « les yeux dans les yeux je le conteste », on s’en souvient, Dieu-Grenouille serait réélu, et Libération, le journal que lisait K… et dans lequel elle-même et les gus de sa bande écrivaient parfois des articles d’indignés  titrerait  bravo l’artiste, et le pays berné. La décomposition de l’artiste, comme celle du pays, galopante

Un jour, son tour vint d’aller mendier son 18/20 devant la bruissante assemblée. Pendant que les strapontins claquaient, miroir de poche en main, Julia se refaisait une beauté habile. Car elle commence à avoir l’Eurasie fatiguée, ça se comprend. Derrière elle, le tableau est empli d’équations et sur le bureau est posé le chiffon pour effacer les traces de ceux qui nous ont précédés. C’est ça, la connaissance, un long chemin. Il avance la main pour s’en saisir, de ce chiffon empli de poussière blanche, et au tout dernier moment s’aperçoit qu’en réalité, ce chiffon est une écharpe, une vraie, comme celle qu’il porte à son cou. Une de ces écharpes que les pauvres vendent au noir à des pauvres dans le métro, vingt balles, oui, on disait alors vingt balles,  vendre comme on jouerait de la guitare et la porter de longs jours jusqu’à ce qu’elle sente l’odeur, ton odeur. Il hésite.

K… fait une moue et pose sur sa main à lui qu’il vient d’immobiliser devant cette foutue écharpe ? ce maudit chiffon ? il ne sait plus qu’en penser. Elle pose son regard aux longs cils  et c’est vrai qu’il est beau et profond, ce regard qu’elle laisse glisser le long de son avant-bras à lui, son bras, sa bouche, ses yeux maintenant, elle le fixe quelques secondes tandis qu’il rosit, pris en flagrant délit de pauvreté. Et elle, l’universitaire qui théorisa si joliment les lois les plus retorses du langage et de la Révolution, d’une voix sèche, sucrée, tombant comme un couperet lâche : « Vous ne pensez tout de même pas que cette écharpe est à moi ? »

Je dédie cette fable à toutes celles et tous ceux qui galèrent pour mener à terme quelques études leur permettant (peut-être) de survivre dans la Jungle.

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dimanche, 12 juin 2011

Les années Chirac

Les années Chirac tentent de reprendre vie dans les bacs des librairies. C’est ce qu’on appelle des mémoires. Quelques-uns sont illustres : Saint-Simon, Chateaubriand, De Gaulle… Le premier a su dépeindre à merveille les intrigues de la Cour et les mesquineries des grands règnes ; le deuxième a su comme nul autre imposer entre deux époques la trace frêle et sublime de son passage ; dans les troubles de son temps, le troisième a su ériger la grandeur de sa statue.

Qu’a su Chirac ? Cet homme médiocre qui a beaucoup trahi (Giscard, Barre, Séguin, l’héritage gaulliste) et qu’on aura en retour beaucoup trahi (Balladur, Pasqua, Sarkozy), aurait pu, dans le motif du retournement de veste et du coup de poignard dans le dos, puiser le ciment et l’épice (c’est-à-dire le contenu et le style) qui font cruellement défaut à son pensum éditorial. Il aurait pu laisser trace vivante des nombreuses ambigüités de son temps, fait de reniements tacticiens, de compromis politiciens et de décomposition des convictions, lui que trois cohabitations et une réélection digne de Pantalon ont placé au centre d'un jeu de chaises aussi pitoyable que carnavalesque. Mais pour ça, il eût fallu qu’il fût un tant soit peu écrivain, un tant soit peu historien. Or cet homme à peine journaliste a le style terne et le contenu insipide. Cela surprendra-t-il grand monde ? Ce qui fait que son bouquin se parcourt tel une gare routière presque déserte au matin, une autoroute privatisée, dans le creux d'un mardi, sous un ciel mi-gris.

Le style, tout d’abord : celui d’un inventaire, ou d’un catalogue. « J’ai vu que, j’ai décidé que, j’ai pensé que… »  Pas la moindre  mise en scène de soi (ce qui fait l’intérêt du genre), pas d’ironie ni de lyrisme, pas d’exploration de l’être intime ni le moindre point de vue sur l'Histoire, mais une exposition fade et presque fossile de l’ego, orchestré par une abondance d'un je gestionnaire de faits plus que d’actions.

Le seul souci « historique » que Chirac parait  avoir dans l’exercice convenu qui consiste à écrire ses mémoires est la volonté d’éliminer les rivaux qui pourraient lui jeter de l’ombre dans son propre camp. Aux Giscard « aigri et prétentieux », Balladur « calculateur froid » du tome 1 répond à présent le Sarkozy « nerveux, impétueux » du tome 2. Glissé entre un Mitterrand qu’il oint d’un sentencieux et suspect respect (celui qu'on doit aux vieillards ?), un Le Pen devant qui il cherche à faire figure d’honorable et ferme gentil, et le cadet Sarkozy dont il savonne la planche sans même la moindre espièglerie, ce piètre président tente de se forger une place. Il laisse entendre qu’au fond, le plus honnête et le moins pourri dans son camp, le plus « normal » (pour paraphraser celui en qui il parait avoir trouvé son clone corrézien) et le seul valable  (hormis Juppé, persiste-t-il), serait lui. Sa pomme. Ce personnage qu’il donne à lire se présente au final pour ce qu’il fut : un président par défaut. Cela explique-t-il sa médiatique et républicaine boutade de faux soutien au candidat par défaut que tente d'être à présent François Hollande ? Du marketing ! On attendait autre chose, en tous cas, de celui qui fut, dans l'ombre des partis, le plus redoutable casseur de droite de son temps.

Pour ce qui est du contenu, ni secret ni révélation. Pas une ligne sur l’actualité judiciaire, bien évidemment. Les trois événements majeurs qu’auront été la dissolution, la non-participation à la guerre d’Irak et le fameux autant que fumeux 21 avril, sont traités sur le mode mineur du témoin privilégié qui, dans sa déposition, répète ce que la presse avait déjà dit. Conséquence d’un tel vide : les commentateurs, on les comprend, ne retiennent finalement que les remarques acerbes contre son successeur : mais surfer sur un « anti-sarkozisme » vaguement revanchard,  comme n’importe quel chroniqueur, c’est n’exister que dans l’air du temps volage, le persiflage politicien, exister -une fois de plus- a contrario. Piètre projet, piètre ambition. Voilà pourquoi, après une bonne heure et quelques minutes passées à traverser cet ouvrage de circonstance sur un fauteuil rosâtre de Virgin Megastore, je l’ai finalement reposé sur la pile. Au pouvoir, son auteur fut-il jamais autre chose que ça : le mari de Bernadette dont un musée, en Corrèze, conservera seul la trace ?

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19:26 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : chirac, politique, édition | | |

lundi, 06 décembre 2010

Décembre 86

L’année 1986 finissante cristallisait de nombreux antagonismes. Depuis le 16 mars, la cohabitation entre le mitterrandisme « rose », déjà bien fané, et la chiraquie à la traîne des autres droites occidentales, instaurait un climat bel et bien faisandé. 

Premier ministre depuis le printemps, Chirac devait imposer à la tête de sa  majorité l’image d’un chef déterminé. Mitterrand devait de son côté restaurer sa légitimité malmenée par la défaite des socialistes aux législatives de mars ; tous deux, aux aguets l’un de l’autre, se positionnaient déjà en vue de la présidentielle de 1988. Climat détestable.

Le discours sécuritaire commençait à dominer dans tous les médias et à imprégner durablement les esprits, alimenté par ce qu’on appela rapidement à Paris « la vague terroriste » - une série de plusieurs attentats qui venaient de faire 11 morts en tout en septembre : bureau de poste de l’Hôtel de Ville le 8, dans le pub Renault des Champs-Elysées le 14, à la préfecture le 15, devant le magasin Tati rue de  Rennes, le mercredi 16.

L’installation du pays dans une politique de rigueur depuis 1983, laquelle n’a jamais cessé depuis, exacerbait le racisme ordinaire, lequel n’a pas non plus décru. Depuis plus d’un an fleurissait la petite main jaune, tandis qu’un certain Le Pen venait en 1984 de passer la barre des 10% à des élections européennes, presque le même score que Georges Marchais, dont le parti perdait d’un coup 9 députés, amorçant sa plongée aux enfers.

Tournant historique.

La cohabitation politique, le discours sécuritaire issu des attentats, le racisme ordinaire : trois maux qui lentement étaient en train de changer le monde, et dont l’insidieux mélange allait tuer un homme. Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, tabassé par deux CRS voltigeurs au fond d’une allée du 20 rue Monsieur le Prince, devant un fonctionnaire au ministère des Finances médusé par la violence des coups portés, mourait Malik Oussekine.

Le drame se produisait après une manifestation particulièrement stratégique, en plein cœur d’un mouvement d’étudiants dirigé contre la réforme Devaquet. Ce projet de loi, initié par le retour de la droite aux affaires, était l’un des premiers à véritablement tenter d’introduire la logique du privé au sein de l’université (hausse des frais d’inscription et mise en concurrence des universités). A l’époque, on insista sur le fait que Malik Oussekine n’était pas manifestant, comme si le fait d’être manifestant aurait pu justifier le meurtre. A l'époque, le Figaro Magazine osa cette phrase ahurissante : « Après la mort accidentelle du jeune Malik Oussekine, frappé par des policiers, Jacques Chirac retire le projet d'autonomie accrue des universités»,  et Louis Pauwells s'illustra avec son sida mental. Face à face, la droite la plus con et la gauche la plus pourrie. 

Je me souviens d’une manifestation silencieuse spontanée qui, le lendemain du meurtre d'Oussekine, réunit quelques centaines d’étudiants, de la rue des Ecoles à la gare de l’Est, avant le retrait définitif du projet et la messe de cloture du 8 décembre qui mit fin au mouvement dans d’impressionnants cortèges (cf. photo).  Cette manifestation du 7 novembre 1986 m’a laissé l’étonnant souvenir d’un bloc de silence compact, traversant le quotidien de Paris, comme un cortège réellement endeuillé par beaucoup d’illusions perdues.

C’est à ce moment-là que l’habile François tourna, vers cette jeunesse dont il fit plus tard sa « génération »,  un œil de faucon encore vif et si hypocritement paternaliste qu’on l’appela Dieu. Dans son ombre, l’habile Jacques dont les cheveux commençaient à se clairsemer - un faux-dur entouré de vrais professionnels, disait de lui le Président - apprenait à lustrer des pommes.

L’habile Nicolas, lui, avait depuis 3 ans installé son campement à la mairie de Neuilly. De sa première épouse, avant Carla  Cécilia, lui naissait un second fils, Jean.  Quant à l’habile Ségolène, pour préparer les rencontres internationales de Mitterrand, elle quittait son poste de conseillère municipale à Trouville-sur-Mer dans le Calvados, en raison de « fonctions d’importance croissante à l’Elysée. »  Diable…  Quoi de neuf sous le soleil ?

 

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Paris, manifestation silencieuse du 8 décembre 1986

mercredi, 29 avril 2009

Addicted

Ces gens-là finiront par me rendre Sarkozy sympathique. Entre Ségolène la recalée ridicule qui présente ses excuses au nom d'un pays qui ne l'a jamais élue, et Chirac qui continue, comme si un troisième mandat l'avait couronné imperator à vie à parler au nom des Français, Carlito Bruni-Sarkozy a, c'est vrai, l'air soudainement presque normal d'exercer ses fonctions. Le monde a besoin de la Chine, a proclamé Chirac, dans une sorte d'imitation de visite officielle de Chef d'Etat (qu'il n'est plus).

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vendredi, 17 avril 2009

Abracadabrantesque

L’abracadabrantesque popularité de Jacques Chirac : tel est le titre d’un papier du Monde de ce soir, signé Raphaëlle Bacqué. 74 % de bonnes opinions ! Quand on lit ça, on regarde d’un air vraiment suspicieux 7 passants et demi sur 10 qu’on croise dans la rue. Et on se dit que la France est bien malade. On peut toujours se rassurer en se répétant que ce n’est qu’un sondage, et que seuls, 958 gugusses ont répondu (pourquoi ce chiffre de 958 – en quoi assure-t-il une représentativité ?). Dans le même article, on apprend aussi que l’un des escrocs politiques les plus habiles de la Cinquième République ; tous mandats confondus, se repose avec Bobonne à La Gazelle d’Or, un palace marocain, au milieu d’une belle orangerie. Jours tranquilles à Taroudant. Il doit vraiment prendre les Français pour des cons ; y'a de quoi, remarquez : une réélection à 82,1 %, une cote de popularité à 74 % après un septennat et un quinquennat aussi merdiques l’un que l’autre, qui auront fini de transformer en sous-préfecture d’opérette un pays ensarkozysé - faute d’avoir été enroyalisé (aurait-ce été mieux ? J’en doute…)- , et surtout jeté au bord de la faillite. Christine Albanel résume la situation en déclarant qu’il est un peu notre grand-père à tous …. (C’est ministre de la culture, ça ?). Avec l’aide d’un jeune historien, Chirac chie parait-il ses mémoires, c’est toujours bon à savoir, et se plait à recueillir des marques de sympathie. Il n’aura pas les miennes. Je n’ai jamais éprouvé la moindre estime pour Chirac, qui a squatté la vie politique française des accords de Matignon de 68 jusqu’à l’extinction des feux, avec une rare indécence de vieillard obstiné et de politicard véreux. Il avait été, il faut l’avouer, à bonne école avec son prédécesseur. Son ensachée Bernadette ne m’aura jamais été plus sympathique que lui. Je suis convaincu que si le pays va mal, à bien des points de vue, c’est aussi parce que Mitterand comme lui-même auront fait chacun un mandat de trop, en tout, douze ans de popotterie élyséenne veule, sept pour le second mandat de l’un, cinq pour le second de l’autre, ça n’aura rien, décidément, arrangé. Devant le triomphe sordide du politicard correct, comment agir, ô cœur volé ? Arthur, le bel, le disait il y a cent cinquante ans : Le poème Le cœur volé de Rimbaud date de mai 1871 et c'est là que le petit jacques a piqué son « abracadabrantesque »

 

Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur couvert de caporal :
Ils y lancent des jets de soupe
Mon triste cœur bave à la poupe :
Sous les quolibets de la troupe
Qui pousse un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur couvert de caporal.

Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs quolibets l'ont dépravé.
Au gouvernail, on voit des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques.
O flots abracadabrantesques
Prenez mon cœur, qu'il soit lavé.
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs quolibets l'ont dépravé !

Quand ils auront tari leurs chiques
Comment agir, ô cœur volé ?
Ce seront des hoquets bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques
J'aurai des sursauts stomachiques
Moi, si mon cœur est ravalé:
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé ?

06:26 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : rimbaud, chirac, abracadabrantesque | | |