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lundi, 06 décembre 2010

Décembre 86

L’année 1986 finissante cristallisait de nombreux antagonismes. Depuis le 16 mars, la cohabitation entre le mitterrandisme « rose », déjà bien fané, et la chiraquie à la traîne des autres droites occidentales, instaurait un climat bel et bien faisandé. 

Premier ministre depuis le printemps, Chirac devait imposer à la tête de sa  majorité l’image d’un chef déterminé. Mitterrand devait de son côté restaurer sa légitimité malmenée par la défaite des socialistes aux législatives de mars ; tous deux, aux aguets l’un de l’autre, se positionnaient déjà en vue de la présidentielle de 1988. Climat détestable.

Le discours sécuritaire commençait à dominer dans tous les médias et à imprégner durablement les esprits, alimenté par ce qu’on appela rapidement à Paris « la vague terroriste » - une série de plusieurs attentats qui venaient de faire 11 morts en tout en septembre : bureau de poste de l’Hôtel de Ville le 8, dans le pub Renault des Champs-Elysées le 14, à la préfecture le 15, devant le magasin Tati rue de  Rennes, le mercredi 16.

L’installation du pays dans une politique de rigueur depuis 1983, laquelle n’a jamais cessé depuis, exacerbait le racisme ordinaire, lequel n’a pas non plus décru. Depuis plus d’un an fleurissait la petite main jaune, tandis qu’un certain Le Pen venait en 1984 de passer la barre des 10% à des élections européennes, presque le même score que Georges Marchais, dont le parti perdait d’un coup 9 députés, amorçant sa plongée aux enfers.

Tournant historique.

La cohabitation politique, le discours sécuritaire issu des attentats, le racisme ordinaire : trois maux qui lentement étaient en train de changer le monde, et dont l’insidieux mélange allait tuer un homme. Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, tabassé par deux CRS voltigeurs au fond d’une allée du 20 rue Monsieur le Prince, devant un fonctionnaire au ministère des Finances médusé par la violence des coups portés, mourait Malik Oussekine.

Le drame se produisait après une manifestation particulièrement stratégique, en plein cœur d’un mouvement d’étudiants dirigé contre la réforme Devaquet. Ce projet de loi, initié par le retour de la droite aux affaires, était l’un des premiers à véritablement tenter d’introduire la logique du privé au sein de l’université (hausse des frais d’inscription et mise en concurrence des universités). A l’époque, on insista sur le fait que Malik Oussekine n’était pas manifestant, comme si le fait d’être manifestant aurait pu justifier le meurtre. A l'époque, le Figaro Magazine osa cette phrase ahurissante : « Après la mort accidentelle du jeune Malik Oussekine, frappé par des policiers, Jacques Chirac retire le projet d'autonomie accrue des universités»,  et Louis Pauwells s'illustra avec son sida mental. Face à face, la droite la plus con et la gauche la plus pourrie. 

Je me souviens d’une manifestation silencieuse spontanée qui, le lendemain du meurtre d'Oussekine, réunit quelques centaines d’étudiants, de la rue des Ecoles à la gare de l’Est, avant le retrait définitif du projet et la messe de cloture du 8 décembre qui mit fin au mouvement dans d’impressionnants cortèges (cf. photo).  Cette manifestation du 7 novembre 1986 m’a laissé l’étonnant souvenir d’un bloc de silence compact, traversant le quotidien de Paris, comme un cortège réellement endeuillé par beaucoup d’illusions perdues.

C’est à ce moment-là que l’habile François tourna, vers cette jeunesse dont il fit plus tard sa « génération »,  un œil de faucon encore vif et si hypocritement paternaliste qu’on l’appela Dieu. Dans son ombre, l’habile Jacques dont les cheveux commençaient à se clairsemer - un faux-dur entouré de vrais professionnels, disait de lui le Président - apprenait à lustrer des pommes.

L’habile Nicolas, lui, avait depuis 3 ans installé son campement à la mairie de Neuilly. De sa première épouse, avant Carla  Cécilia, lui naissait un second fils, Jean.  Quant à l’habile Ségolène, pour préparer les rencontres internationales de Mitterrand, elle quittait son poste de conseillère municipale à Trouville-sur-Mer dans le Calvados, en raison de « fonctions d’importance croissante à l’Elysée. »  Diable…  Quoi de neuf sous le soleil ?

 

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Paris, manifestation silencieuse du 8 décembre 1986

Commentaires

Excellente leçon d'histoire récente qui a l'air si ancienne déjà, vingt ans! Il est vrai que le retour de la droite en 86 a signé la fin de la récréation même si le plan d'austérité de 1983 l'avait déjà annoncée. Vrai aussi que la violence des matraqueurs a symbolisé le retour du règne sécuritaire qui nous donne désormais des morts par flash balls sans qu'on s'insurge.

Écrit par : Zoë Lucider | lundi, 06 décembre 2010

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