Addicted

Ces gens-là finiront par me rendre Sarkozy sympathique. Entre Ségolène la recalée ridicule qui présente ses excuses au nom d'un pays qui ne l'a jamais élue, et Chirac qui continue, comme si un troisième mandat l'avait couronné imperator à vie à parler au nom des Français, Carlito Bruni-Sarkozy a, c'est vrai, l'air soudainement presque normal d'exercer ses fonctions. Le monde a besoin de la Chine, a proclamé Chirac, dans une sorte d'imitation de visite officielle de Chef d'Etat (qu'il n'est plus).

 

Et l'électeur, dans ce jeu de dupes, tragiquement, réduit au rôle de spectateur, c'est-à-dire d'impuissant... Ce n'est pas nouveau. L'un des premiers à avoir enregistré cette désaffection sage et désabusée du peuple pour l'action politique, c'est François-René de Chateaubriand. Pourtant, au lendemain des journées de Juillet 1830, alors que le vieux Charles X traversait le sol français de Paris à Cherbourg pour, de là, prendre en bateau le chemin de l'exil qui le conduirait jusqu'à Prague, cette désaffection avait encore un certain panache, et le vieux mémorialiste pouvait noter : "Il faut se souvenir que Bonaparte ne fit pas plus de bruit en se rendant de Fontainebleau à Toulon, que la France ne s'émut pas davantage et que le gagneur de tant de batailles faillit d'être massacré à Orgon. Mais dans ce pays fatigué, les plus grands événements ne sont plus que des drames joués pour notre divertissement : La monarchie s'en allait. Et on se mettait à la fenêtre pour la voir passer."

Qu'est-ce que Jacques Chirac ? Ni Napoléon, ni Charles X, c'est certain. Un truc dans le genre de Vincent Auriol, dont on ne parlera plus trop dans cinquante ans. Une sorte de vieil addicted qui rêve peut-être d'occuper en fin de partie le siège de Giscard sous la Coupole où se fabriquent les Immortels (si ce dernier lui accorde la grâce de déblayer le terrain un zest de temps avant lui - mais il est grigou, Giscard, vieux grizzly des salons dorés). Un vieil addicted, rien de plus. Qu'est-ce que les Français en ont à foutre, de son cirque en Chine ? Cela réglera quoi dans notre vie d'aujourd'hui ? Et pourtant, la bobine tourne, les rédactions suivent les exploits du vieux vautour, au matin les journaux se répandent, et l'existence médiatique de cet individu sans scrupules se poursuit dans l'indifférence générale.  Cela fait longtemps que les vieux présidents n'étaient plus sages : désormais ils ne sont même plus attendrissants, dérisoires, ou mélancoliques. Ils sont, tout simplement, pitoyables. Comme ceux qui les ont élus, doivent-ils penser. Et cela n'arrange rien à la situation. Rien du tout.