mardi, 08 avril 2014
Redressement, abousement
Le seul pari que fait Manuel Valls est au fond celui que sa rhétorique du redressement trouve encore des oreilles où tomber. Depuis des décennies, nous entendons parler de redressement à chaque déclaration de politique générale d’un nouveau premier ministre. C’est déjà étonnant quand on change de majorité, mais ça l’est encore plus quand on passe de la majorité à la majorité comme c’est le cas dans la comédie qui se joue en ce moment. L’entrant (l’intrus ?) déclare donc trouver le pays dans un état déplorable, « Trop de souffrance, pas assez d’espérance », voilà donc d’après Valls l’héritage de Ayrault, ce qu’aurait pu lire Copé ou Fillon.
J’aurai donc passé ma vie dans un pays qui sera allé de redressement en redressement tout en ne cessant de s’abouser au fil des premiers ministres : en ce sens, Valls est déjà vieux, et l’énergie qu’on feint ça et là de lui trouver, dont certains même vont jusqu’à s’inquiéter comme ils s’inquiétaient de l’impétuosité de Sarkozy, n’est qu’un artifice. Après s’être trainée sur le ventre durant de longs mois, la politique de Hollande va continuer à le faire durant de longs autres : on remarque que ce catalan plein de ferveur pour la France, qui se fit applaudir pour avoir, « le cœur battant » demandé un jour la nationalité française, n’a pas dit un mot sur la signature imminente du traité transatlantique donnant à des multinationales le droit de traduire en justice des Etats qui n’appliqueraient pas leur politique. En guise de redressement, nous aurons un total abousement !
Célestin Nanteuil - La descente de la Courtille à Belleville, jour de carnaval
Il me prend souvent le cœur de rêver à ce que serait l’alliance des deux fronts, celui dit de gauche et celui dit national, contre ce projet, qui signera pour un temps indéterminé (s’il aboutit) la fin de la souveraineté politique. Et je dis bien de rêver, comme du temps où le légitimiste Chateaubriand et le républicain Carrel se rendaient tour à tour mutuellement visite, dans les geôles de Louis Philippe. Mais n’est-ce pas pourtant cette union insolite qui fut à l’origine des 54,68% de Français qui rejetèrent (en vain) le traité constitutionnel de 2005 et dont une sorte de remake risque- on l’espère- de se produire dans le silence des urnes, lors des élections européennes à venir ? Des députés anti-européens, pour ne pas dire frontistes d’un extrême ou de l’autre, pour signifier en grand nombre à la Commission Européenne et à la BCE ce qu’elle mérite d’entendre : que Valls - comme l’italien Renzi - qu’on nous présente comme l’avenir est déjà terriblement vieux, presque autant que ceux qui s'apprêtent à museler le monde et sa jeunesse et son avenir, au nom de la solidarité, au nom de la responsabilité et, pendant qu'ils y sont, au nom de la liberté.
20:26 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (32) | Tags : valls, politique, france, nanteuil |
Commentaires
Et ça rejoint quelque part les textes de Stéphane Beau sur les barrières...
Écrit par : Bertrand | mercredi, 09 avril 2014
J'entendais Valls parler des abaissements de charges, censés offrir 500 euros annuels de plus aux smicards, et je ne pouvais m'empêcher de penser à Attali et sa métaphore immonde sur les nations : un hôtel où il faut que le petit personnel soit bien traité pour qu'on puisse y accueillir des hôtes de marque...
Bref.
Sur ce coup là, je ferai, moi, plus confiance à un front qu'à un autre pour bousculer le parlement européen et ses élites embourgeoisées. Car il va bien falloir finir par appeler un chat un chat.
Écrit par : solko | mercredi, 09 avril 2014
Je pense que Front de gauche et Front national n'ont rien en commun puisque leur opposition (commune certes) aux traités européens tels qu'ils existent n'est pas de même nature et ne poursuit pas les mêmes objectifs.
Écrit par : Michèle | mercredi, 09 avril 2014
Vous ne vous opposerez jamais au pouvoir dérégulateur des multinationales sur un plan européen sans récupérer d'abord une souveraineté politique et la légitimité qui va avec.
Et je crois que ces gens ont bien plus peur d'une majorité de députés nationalistes de tous pays au parlement européen que d'une hypothétique majorité de gauchistes. De toute façon, l'un n'empêche pas l'autre.
Écrit par : solko | mercredi, 09 avril 2014
Ce gouvernement remet sur l'établi des mesures sarkozystes supprimées par le sombre Ayrault (réforme territoriale) : deux ans de perdus. Comment veulent-ils que l'on fasse encore confiance aux hommes politiques : ils passent leur temps à détricoter ce que leurs prédécesseurs ont fait !
Je n'aime plus Valls depuis qu'il s'est fourvoyé dans l'affaire Dieudonné. Le récent discours en plein air qu'il a tenu, avec des propos diffamants et injurieux à l'encontre de Soral et Dieudonné (quoi que l'on puisse penser d'eux), entouré d'une clique de haute extraction (BHL, Marek Halter, Klasferld, ...), était à gerbé de bien-pensance.
Seule la Justice peut porter des jugement de "valeur" sur des hommes, des actes... Et encore... Mais, pas un homme politique, manipulé par sa femme et soumis à une communauté dont les membres affichent chez eux un drapeau étranger et se font enterrer au Moyen-Orient dans les 24 heures qui suivent leur mort (au mépris de la loi, grâce à un coup de fil des Rabbins aux Procureurs).
Vivement une révolution nationale.
Écrit par : Jérémie S. | mercredi, 09 avril 2014
Et Hollande un président à destituer le plus rapidement possible. Or la seule façon de le faire est de lui plonger le nez dans son caca. Les urnes servent à cela.
(PS : on comprend mieux la visite de Fleur Pellerin aux côtés du pingouin avec Obama à la Sillicon Valley...
Écrit par : solko | mercredi, 09 avril 2014
Écrit par : Jérémie S. | mercredi, 09 avril 2014
Écrit par : Jérémie S. | mercredi, 09 avril 2014
Écrit par : Solko | mercredi, 09 avril 2014
Écrit par : Jérémie S. | mercredi, 09 avril 2014
Non. Pas du tout, Solko. Les urnes servent à faire semblant de nettoyer les latrines pour y réinjecter aussitôt les mêmes microbes pathogènes.
Il y a longtemps que le véritable pouvoir a déserté les tables rondes de la démocratie.
Écrit par : Bertrand | jeudi, 10 avril 2014
Écrit par : Jérémie S. | jeudi, 10 avril 2014
Comme dans la vie : les ennemis de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis.
Le problème est que l'un et l'autre, dans l'hypothèse fort improbable où des urnes leur confieraient l'opportunité de mettre en œuvre leurs projets, seraient aussitôt obligés de se renier pour survivre politiquement.
L'éternelle chanson
Écrit par : Bertrand | jeudi, 10 avril 2014
Je vois autant de "haine" et de "mépris" contre le système en place dans leurs discours respectifs. Ce sont deux partis portés par le peuple des travailleurs contre les élites. Les différences sont marginales.
L'important c'est qu'ils soient tous les deux anti-Maastricht, anticapitalistes, pour la redistribution des richesses et la préférence nationale.
Écrit par : Jérémie S. | jeudi, 10 avril 2014
Mais ils n'ont pas le même projet (fantasmé) de société.
Écrit par : Bertrand | jeudi, 10 avril 2014
Je me contenterai de parler du Front de gauche, il appartiendra au lecteur qui le souhaite d'aller vérifier le programme du FN.
Sur la question de l'immigration, le Front de gauche ne promeut pas la haine des étrangers et n'est pas pour la chasse aux immigrés. Les gens qui votent Front de gauche n'ont pas peur des flux migratoires qui se développent dans le monde et ne méprisent pas l'immense apport humain et matériel que ces flux ont déjà procurés.
Ce que veut le Front de gauche c'est une politique qui ne ghettoïse pas la société, qui ne soit pas guidée par l'obsession du refoulement des étrangers.
Le Front de gauche se prononce pour le droit au regroupement familial.
Il est pour l'abrogation des lois successives sur l'immigration depuis 2002.
Il est pour une refonte du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).
Il est pour la régularisation des sans-papiers dont le nombre a augmenté du seul fait des réformes.
Il est pour la décriminalisation du séjour irrégulier, pour la fermeture des centres de détention, pour le droit au séjour pour raison médicale.
Il respecte le droit d'asile qu'il estime devoir être déconnecté des politiques migratoires.
Sa vision de l'avenir s'appuie sur un nouveau Code de la nationalité, fondé sur le respect intégral et automatique du droit du sol dès la naissance et sur un droit de naturalisation permettant à tous les étrangers qui le souhaitent d'acquérir la nationalité française au-delà de cinq ans de résidence.
Je ne pense pas, comme Bertrand, qu'une fois au pouvoir le FDG se reniera pour "survivre politiquement".
Si c'était le cas, tous les électeurs auraient à chasser les imposteurs, à les destituer de leurs pouvoirs.
Concernant cet horrible concept de "préférence nationale" qui n'a JAMAIS été employé par le FDG, je développe dans un deuxième commentaire qui suit.
Écrit par : Michèle | jeudi, 10 avril 2014
Les politiques ne parlent que de vote de conviction ou bien vote de rejet. Depuis longtemps, les gens votent pourtant par stratégie, tantôt dans un camp, tantôt dans l'autre .Mais ça, personne n'en parle.
Je ne suis ni raciste ni haineux, mais je ne veux pas que la France perde définitivement le peu qui lui reste de sa souveraineté,et que l'Europe qui n'est qu'un état totalitaire signe ce traité après quoi tous les fronts de gauche du monde pourront bien faire toutes les manifs qu'ils voudront, nous connaîtrons ce que hélas a connu la Grèce.
Voter UMPS, c'est soutenir le traité.
Votez en grand nombre pour des listes nationalistes, ce n'est pas soutenir le programme de Le Pen, puisqu’il ne s'agit que d'élections pour le parlement européen.
C'est faire entendre a Hollande qu'on ne supporte plus son double jeu auprès d'Obama et de Bruxelles, à Valls qu'on n'est pas dupe de sa langue de pestiféré. C'est peut-être, si le PS est vraiment dans les choux, provoquer une crise de régime avant qu'il ne soit trop tard.
Et surtout, c'est faire entendre à la Commission européenne que le peuple français ne la soutient pas, ne la soutient plus. Il n'y a que ce vote qui peut lui faire peur.
@ Bertrand : Je sais que le vrai pouvoir est ailleurs. Le vote ne sert plus qu'à contrer la propagande. En ce sens, il n'est parfois pas complètement inutile.
Écrit par : solko | jeudi, 10 avril 2014
2/ Le programme du FDG (merci de me le résumer) est un danger car il ouvre les vannes à une immigration incontrôlée. C'est effrayant de défendre quelque chose qui aggraverait le chômage, augmenterait la dette et déliterait l'identité nationale.
Écrit par : Jérémie S. | samedi, 12 avril 2014
Et ce que j'appelle la haine des étrangers c'est cet argument fallacieux visant à faire porter la responsabilité du chômage et la hausse du coût des dépenses publiques aux "étrangers" qui viendraient manger le pain et les allocations diverses des "nationaux".
Valls premier ministre est naturalisé français. Avant d'être français il était catalan. Y aurait-il de bons et de mauvais "étrangers".
Personnellement j'aimerais bien pouvoir demander toutes les nationalités. Cela voudrait dire que je parle toutes les langues et pourrais vivre dans tous les pays. Nos pauvres vies n'y suffisent pas. Seuls y réussissent ceux qui ont eu des milliers de bonnes conditions au départ de leur vie, ou bien sont "naturellement" surdoués :)
Écrit par : Michèle | samedi, 12 avril 2014
Écrit par : solko | samedi, 12 avril 2014
Écrit par : Jérémie S. | samedi, 12 avril 2014
Écrit par : Michèle | samedi, 12 avril 2014
Mais ce sont EUX, LES GOUVERNEMENTS NATIONAUX, qui l’ont créé ce monstre européen.
Ils n’ont pas osé (les Etats) casser ostensiblement et brusquement les droits sociaux, la protection sociale, les services publics auxquels les vieilles sociétés industrielles étaient habituées.
Il leur a fallu faire intervenir des forces externes pour engager la mutation dont rêve le néolibéralisme.
Ces forces externes, ils les ont présentées comme une fatalité historique baptisée « mondialisation », mais ce sont eux, les Etats nationaux qui les ont construites en plongeant les individus dans un climat de compétition permanente et généralisée.
C’est d’abord l’administration Reagan et le gouvernement Thatcher qui ont déclenché la libéralisation financière en 1980 et l’Europe continentale a suivi.
Avec la libre circulation internationale des capitaux, la liberté de créer n’importe quel type d’instrument financier spéculatif, l’effacement de la séparation entre banques de dépôts et banques d’affaires ; avec la libre compétition internationale, « grâce » aux privatisations, à toutes les déréglementations, l’extension du libre-échange aux services, aux investissements et aux marchés publics.
Avec le Marché Unique des biens, des services, des capitaux et du travail, prévu par le traité de l’Acte unique en 1986, mis en œuvre en 1993, et dès 1990 pour les capitaux.
Et ce palier supérieur atteint au milieu des années 2000 avec l’élargissement de l’UE aux anciens pays communistes d’Europe centrale et orientale.
(Ceux qui sont nés après 1970, n’ont pas connu d’autre monde que celui façonné par le capitalisme financiarisé et la guerre économique.)
Et ce n’est pas une catastrophe naturelle qui l’a engendré, ce n’est pas une invasion extraterrestre, ce n’est pas une guerre mondiale.
Cette mutation s’est produite en temps de paix et seulement PARCE QUE DES GOUVERNEMENTS ELUS DANS DES GRANDS PAYS INDUSTRIELS EN ONT DECIDE AINSI.
Ce n’est pas l’effacement du pouvoir du politique face à la puissance irrépressible des marchés, mais la décision unilatérale de quelques gouvernements nationaux qui ont habilement exploité la force des marchés pour imposer leur modèle au reste du monde et à leurs propres populations.
Alors cessons de croire les Etats impuissants, ils nous amènent volontairement au dernier ( ?) palier de leur rêve néolibéral : le pacte transatlantique qui, si les gouvernements le signaient, les réduirait effectivement à l’impuissance. Ils ont besoin que cette impuissance leur soit imposée. Ne jouons pas leur jeu.
Il n’est jamais trop tard. Il est toujours temps.
Écrit par : Michèle | jeudi, 10 avril 2014
Écrit par : solko | jeudi, 10 avril 2014
Et à tous ceux qui me disent bah les Européennes il va y avoir plein d'abstentions, les gens en ont marre, ça ne sert à rien, j'essaie, je dis bien j'essaie de dire l'enjeu terrible de ce vote...
Je sais que nous sommes d'accord sur la nécessité de bloquer la signature du marché transatlantique.
J'essayais seulement de dire à Jérémie que la souveraineté politique de la France que veut le Front de gauche c'est faire pencher la balance de l'histoire vers une coopération refondée entre les peuples européens plutôt que vers la pente mortelle du nationalisme.
"Sauver les meubles" franco-français sans se soucier des voisins ce serait dresser les peuples, les gens, les uns contre les autres comme le font aujourd'hui les politiques néolibérales.
Écrit par : Michèle | vendredi, 11 avril 2014
Écrit par : patrick verroust | vendredi, 11 avril 2014
Sinon, on ne prend le chemin ni de la paix, ni de la prospérité, ni de la liberté".
Écrit par : solko | vendredi, 11 avril 2014
Écrit par : patrick verroust | samedi, 12 avril 2014
Écrit par : solko | samedi, 12 avril 2014
Imaginer que le protectionnisme serait un moyen de stopper la machine à broyer que représentent les 147 compagnies transnationales (qui contrôlent quelque 43 000 grandes firmes) qui essaient de mettre les États à genoux, me semble un leurre.
Que les États gardent leur souveraineté, oui, bien sûr, eux seuls peuvent garantir "l'intérêt général", mais ils doivent regrouper leurs forces, comme le font les firmes.
Écrit par : Michèle | samedi, 12 avril 2014
Écrit par : patrick verroust | dimanche, 13 avril 2014
http://off-shore.hautetfort.com/archive/2014/04/18/appel-a-la-resistance-ii.html
Écrit par : Michèle | lundi, 21 avril 2014
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