Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 14 mars 2009

Henri Béraud : Ce que j'ai vu à Berlin

Le second grand reportage d'Henri Béraud publié en volume fut, en octobre 1926, Ce que j'ai vu  à Berlin. Après la jeune et inquiétante URSS, donc, la non-moins jeune, et non-moins inquiétante République de Weimar. D'une incertitude, l'autre. «De Paris à Berlin, les trains vont vite. C'est l'affaire d'une petite journée. A peine le voyageur a-t-il perdu de vue l'Arc de Triomphe qu'il aperçoit la Porte de Brandebourg. » Trois ans plus tôt, été 23, c'était l'inflation, celle qui, dit-il ironiquement « fit en Allemagne 60 millions de milliardaires » et « transforma en compteurs toute une nation, et mit une règle à calculs dans le crâne du plus humble  balayeur public. » On a, dit-il cent fois décrit « cette époque démente qui rendit le crédit soluble  et vit fondre comme du sucre le blockhaus de la fortune bourgeoise ». Ce qui restait de morale, ajoute-t-il, de pudeur et de sentiment fut emporté : «Pour un million de marks, le touriste aux dollars achetait indifféremment une boite d'allumettes ou une nuit d'amour. L'argent, qui n'était plus qu'un signe, avait, chose étrange, acquis un pouvoir irrésistible. Ce papier avili, les gens en avaient plein leurs poches et, ne sachant qu'en faire, ils le convoitaient toujours. Les banques elles-mêmes ne pouvaient prendre au sérieux cette comptabilité astronomique. On ne comptait plus. On ne pouvait plus compter. Un jambon valait 5 trillions 300 milliards de marks. Le fameux boucher de Hanovre tuait pour un complet usagé et faisait manger aux bourgeois ses victimes dépecées... Un beau jour, tout cela prit fin. On brûla la planche à billets sous la chaumière du rentenmark qui s'appelle à présent le mark tout court, et le pays se trouva retourné comme un gant.»

 

berlin.jpg


 Il y aurait beaucoup à dire du choix des adjectifs (étrange, irrésistible, astronomique), des parallélismes percutants (boite d'allumettes, nuit d'amour), des antithèses (en avoir plein les poches, convoiter), de l'emploi de l'indéfini (on), des connotations (jambon, fameux boucher donnant à manger ses victimes)... Béraud journaliste reste Béraud écrivain, dans le choix des sonorités comme dans celles des images. L'ancien poilu note toutefois : « C'est à peine si, de ces temps indescriptibles (quatre ans ont passé), on garde le souvenir. Ils n'ont servi, dirait-on, qu'à faire oublier la guerre ». Et le matois journaliste de noter : « On ne voit pas sans déplaisir la stabilisation du mark coïncider avec la baisse du franc. Il eût mieux valu que cela s'accomplît en même temps. » Un humour, par ici,  grinçant : « A tous les thèmes rédempteurs  de la Tétralogie, qui lui sont si chers, l'Allemagne en peut ajouter un, - et non le moins fabuleux, - celui de la Rédemption par la banqueroute.» Une indignation, à ce point, virulente :

« N'est-il pas inique et monstrueux qu'en 1926, huit ans après sa capitulation, l'Allemagne puisse, à la face du monde, proposer de racheter aux Belges appauvris, contre des francs dépréciés, Eupen et Malmédy, villes belges, que le sort des armes remit à la Belgique pour prix de son sang ? ». Oubliée, la guerre ? Terminée, la guerre ? Partout, en Europe, la guerre a accouché d'un monde neuf, inconnu, dont les formes, les langages et les buts sont entièrement à décrypter. Travail de journaliste, boulot de reporter : Kessel, Londres, Béraud.  Ce monde nouveau a placé aux commandes, partout, « des aventuriers », découvre-t-il. Ce qu'il est donc venu chercher en Allemagne, il l'annonce sans la moindre ambiguïté : « Dans l'Allemagne de 1926, il y a de grandes forces pacifiques. Mais il y a des éléments profondément et violemment belliqueux, appuyé sur toutes les forces militaires, et dont le pouvoir civil n'est point le maître. Ces gens sont forts. Ils sont audacieux. Ils menacent et provoquent notre pays. Je les montrerai à l'ouvrage, tels je les ai vus » (Avertissement)

Béraud ne lâchera pas l'Allemagne sans avoir longtemps déambulé par ses rues, humé son air du temps, pris le pouls de son opinion. L'esprit grégaire (qu'il appelle « l'unanimité dans l'obéissance ») le choque partout où il le rencontre. Le  pragmatisme diffus et résigné de la population le hérisse et le scandalise : On dirait que pour eux, la guerre est une fatalité : « Es war Krieg... Es war so ! » (C'était la guerre. C'était ainsi.) : «Ce pourrait bien être l'expression d'un sentiment assez complexe, où il entrerait, certes, du calcul mais aussi l'acceptation très sincère de l'inévitable. Se soumettre aux circonstances, tout en s'efforçant d'en organiser le jeu à son avantage, n'est-il point, chez tout Allemand, une habitude d'esprit ?»

Sous le fragile costume d'une république toute neuve, l'ancien poilu s'inquiète de sentir battre encore aussi vivement le cœur du Reich honni. Il constate que les manuels scolaires entretiennent son mythe et un esprit des plus revanchards. Pire. Il découvre que les théoriciens de l'Anschluss - les « reîtres chanteurs » de Nuremberg -, défilent dans les rues au pas cadencé, en chantant, haut les cœurs, des hymnes à Guillaume II, «l'exilé misérable ». Dans une brasserie en plein cœur de Berlin, il rencontre des Wilhemistes  qui se réunissent au grand jour. Sans être inquiétés, ces derniers échangent des propos ubuesques : Après avoir été l'un des premiers à dénoncer à l'opinion française la dictature soviétique, Henri Béraud aura été l'un des  premiers à la mettre en garde contre la montée de l'antisémitisme. Un antisémitisme dont vraiment, il ne revient pas :

 « C'est là leur entretien préféré. Nous n'avons aucune idée, en France, de ce que peut être l'antisémitisme des réactionnaires allemands. Ce n'est ni une opinion, ni un sentiment, ni même une réaction physique. C'est une passion, une véritable obsession d'intoxiqués et qui peut aller jusqu'aux crimes : Rathenau, Erzberger, Kurt, Eisner, Rosa Luxembourg, tombèrent moins à cause de leurs actions que de leur race. Les racistes rêvent pire encore. Ils sont les Aryens contre les Sémites, et ils se voudraient des âmes d'exterminateurs. Naturellement, ils soutiennent que Bolchevisme et Finance internationale ne font qu'un, celui-ci ayant son siège à Wall Street, celui-là opérant à Moscou. Comme tous les émotifs de la politique, je veux dire les gens qui donnent le pas à la passion sur la raison, ils ont une tendance à tout colorer au gré de leur fanatisme. La Société des Nations est juive ; la paix de Versailles est juive ; la guerre de 1914, elle-même, est juive ! A les entendre, elle aurait été voulue par la Banque Israélite comme une première étape des conquêtes orientales sur l'Occident. Ces folies ont cours dans une bonne partie de l'aristocratie allemande. (...) Contre le juif, le républicain, un seul recours, la Hahenkreuz, la Croix gammée ! Mais, observera-t-on, où donc est là-dedans la haine de la France ? Attendez ! Voici :  La France n'est, pour un vrai raciste, qu'une armée enjuivée au service de la juiverie, comme les Soviets, la Société des Nations, la Banque américaine et la République allemande. Hindenburg lui-même sert de pavillon à une combinaison juive... Le pape, et avec lui tout le catholicisme latin, sont alliés au Ghetto contre la  pure et sainte race luthérienne, contre la race nordique élue, contre l'Allemagne. Voilà où peut mener l'orgueil collectif. »

La guerre est-elle vraiment terminée ? Le journaliste finit par se le demander vraiment. Et l'on sent un effroi à fleur de peau parcourir sa prose. L'Europe aura-t-elle un jour le loisir de vivre en paix ? « Y'a t-il, chez les vaincus de 1918, un parti de la revanche ? Et si ce parti existe, s'il l'emporte sur les partis dits de rapprochement, faut-il désespérer de la paix du monde ? ». Cette dernière question, au sortir de cette enquête, orientera toute la réflexion de Béraud et de son lectorat. Il ne faut jamais oublier, pour comprendre l'évolution idéologique de  Français de ces années-là, les promesses de der de der qu'une génération a dû faire à des morts, à l'ombre des tombeaux. Malgré tout, Béraud en appelle à la confiance en la jeune république allemande  : « La vérité est que pour avoir la paix, il faut travailler à la paix. Or, on ne peut écarter les périls futurs qu'en aidant la démocratie allemande à juguler les partis de guerre. Et comment l'y aiderions-nous, si ce n'est en dénonçant des agissements et qui menacent à la fois l'Allemagne nouvelle et la tranquillité de l'Europe ? »

On lit en creux, cependant, la nécessité d'une parole forte dont il juge, déjà, que les discours des ambassades sont peu porteurs.  C'est pourquoi il faut des polémistes. Si possible virulents : le polémiste, c'est celui qui parle au nom de l'opinion, quand l'ambassadeur ne peut parler qu'au nom du gouvernement. Capitaine d'opinion : Le nous collectif, dans lequel Béraud inclut tous les lecteurs du Journal représente la France de l'été 1926, un pays fracturé entre des anciens combattants qui commencent à vieillir et des jeunots très idéologues, qui commencent à se toiser de haut, d'un extrême bord politique à un autre. Un pays qui voit, après le naufrage du Bloc national (1924), celui du Cartel des gauches, et dont il faut rappeler qu'il traverse une crise des changes particulièrement déstabilisante pour les nombreuses illusions dont il s'était nourrie après la victoire de 1918. .

Pour avoir rendu publiques ces découvertes dès 1926, Henri Béraud sera désormais interdit de séjour en Allemagne. Après être devenu la bête noire des intellectuels bourgeois communistes ou plus ou moins sympathisants du Parti, le voilà dans un autre collimateur, non moins dangereux : Les titres de ses œuvres figureront  plus tard sur la liste Otto des nazis. Ce que j'ai vu à Berlin rassemble pas moins de 26 articles ; en voici quelques chapitres : Nouveaux pauvres et matériels humains, Pouvons-nous comprendre les Allemands ?, Le Graal et le zoo, A l'enseigne de l'empereur...  La perspicacité de cette étude sociologique et politique, après Ce que j'ai vu à Moscou, faisait de Béraud « le grand spécialiste français du reportage international », et ses confrères ne s'y trompèrent pas, qui le portèrent à la présidence de leur association.

 

 

 

 

 

 

11:15 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : reportage, henri béraud, allemagne, littérature | | |

Commentaires

Passionnant billet, merci Solko.

Écrit par : tanguy | samedi, 14 mars 2009

"Nous n'avons aucune idée, en France, de ce que peut être l'antisémitisme des réactionnaires allemands."
et pourtant cet antisémitisme était aussi bien ancré en France...
Béraud était germaniste ?
Ce devait être rare à Lyon pour cette génération.
J'aime bien le parallélisme entre boîte d'allumettes et nuit d'amour... il me fait penser à la petite marchande d'allumettes, elle aussi cherchait une nuit d'amour avec ses allumettes.

Écrit par : Rosa | samedi, 14 mars 2009

Quel cadeau magnifique. Mon sang ne fait qu'un tour à la vue du titre de ce billet, à la vue de la couverture de ce volume publié en 1926, et à la lecture de ce que vous écrivez et citez, Solko.

C'est terrible d'imaginer que tout est là, tout est dit, montré ; et ça n'empêche rien. On admire le courage de Béraud d'aller ainsi à contre-courant de tout, et de rendre public ce que sa grande liberté d'esprit lui permet de voir et de comprendre : une Allemagne en plein naufrage économique et politique, qui fait le lit de l'antisémitisme fanatique des réactionnaires, de ce parti revanchard qui veut la guerre.

Me frappent sa clairvoyance à repérer les comportements grégaires, sa capacité à être "choqué et scandalisé par le pragmatisme diffus et résigné de la population".

Me plaît son opiniâtreté, lorsque vous écrivez que Béraud " ne lâchera pas l'Allemagne sans avoir longtemps déambulé par ses rues, humé son air du temps, pris le pouls de son opinion. "

On fait, à la lecture de ce billet, un retour sur sa propre époque et on n'en sort pas glorieux.

Merci Solko de ce magnifique travail, d'information et d'élucidation, que vous faites. Merci pour nous, merci pour Béraud et merci pour la littérature, car, vous l'avez dit, Béraud journaliste reste Béraud écrivain.

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 15 mars 2009

Je me pose la même question que Rosa. Béraud parlait-il allemand ? On sait, avec La Gerbe d'or, qu'il n'a pas supporté l'enfermement qu'auraient représenté des études. Il a donc fait son éducation autrement.
Il me faut lire, je le sens, Qu'as-tu fait de ta jeunesse ? et puis, Les derniers beaux jours.

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 15 mars 2009

@ Tanguy
Je me permets de vous remercier ici (je n'allais pas réécrire après Solko), des choses gentilles que vous m'avez dites sur l'autre billet. Même si je ne les mérite pas, je suis allée sur Wikipédia et puis voilà, ça m'a fait bien plaisir. Merci.

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 15 mars 2009

@Michèle:
Ma foi la curiosité intellectuelle ne me parait pas un vice. J'en manque très certainement bien que j'estime cette qualité.
Il y a bien des façons de mériter ce qui nous est donné, ce n'est je crois pas à nous de le dire...
(bon qu'est ce que je peux être sentencieux pur mon âge c'est effrayant!)

Écrit par : tanguy | dimanche, 15 mars 2009

@ Tanguy
Et j'aime bien vos sentences ! et l'âge n'y fait rien.
Pour ce qui est de la curiosité intellectuelle, je ne connais pas bien votre blogue, il me faudra prendre le temps, mais ce que j'en ai vu me fait me dire que.
J'avoue avoir été assez impressionnée.
Je ne pense pas me tromper de blogue. :-)
Que la nuit vous soit douce.

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 15 mars 2009

Solko vous pensez quoi vous d'Henri Fraigneau?de "Camp volant"par exemple?et du reste?
Le Dilettante vient de sortir un recueil ("En bonne compagnie") de ses chroniques publiées dans les années 50.

Écrit par : Sophie L.L | dimanche, 15 mars 2009

@ Rosa et Michèle : Je crois d'une part que le français était plus parlé en Europe qu'il ne l'est à présent - c'est après 40 que l'anglais moderne s'est imposé vraiment - Et d'autre part que Béraud, autodidacte en tout, a dû, comme Londres et Kessel qui non plus ne furent pas que je sache de grands étudiants - apprendre sur le tas. Leurs reportages étant des commandes faites par les grands patrons de presse de l'époque, possible aussi qu'ils bénéficiaient de traducteurs (pour les entretiens avec les dirigeants, c'est certain). Je ne me suis pas posé jusqu'alors la question de la langue. Béraud parle souvent des monnaies quand il passe d'un pays à l'autre. Si je trouve des remarques à ce sujet, je vous en ferai part.

@ Michèle : Oui oui... "Qu'as tu fait de ta jeunesse" est écrit en juin 40, au moment de la débâcle, c'est un livre magnifique de Béraud sur son adolescence. Celui que je préfère, pour ma part. "Verlainien" au possible. Dans les "Derniers Beaux jours", il raconte en la résumant toute sa carrière de journaliste. Il y a parfois des emprunts entre eux et ce dernier volume,. La prose poétique est moins travaillée, mais c'est une mine de renseignements sur l'Europe d'entre deux guerres ( comme les recueils d'ailleurs). Allez voir sur "rare-book.com" (site de bouquinistes), vous trouverez largement votre vie...
Bon dimanche à vous et merci de votre très attentif commentaire

Écrit par : solko | dimanche, 15 mars 2009

@ Sophie :
Fraigneau ? Je ne connais que de nom, c'est à dire pas du tout. Encore un qui a été un peu mis sur la touche par la critique bien pensante, non ?
Je sens bien qu'il m'intéresse, mais il est plus jeune que Béraud et parle d'un monde plus proche de nous, comme Vialatte. Il y a aussi Bové que je garde sous le manteau depuis longtemps, et dont je n'ai pas lu la moindre ligne. Encore des belles années de lecture devant nous. Et de commentaires. Si vous avez lu du Fraigneau, ne vous gênez pas. Bon dimanche à vous.

Écrit par : solko | dimanche, 15 mars 2009

@Michèle:
Merci. (je pense que ce qui impressionne est l'outrance de mon âge, son absence de mesure, car vraiment il n'y a pas de quoi! je ne dis pas cela pour qu'on s'y précipite mais pour rendre justice à des blogs vraiment impressionnant et où on se sent pourtant très à l'aise...)

@Sophie & Solko:
André Fraigneau? Henri devient obsédant... Bon je me suis renseigné sur Bové, me doutant qu'il ne pût s'agir du moustachu à pipe.

J'ai donc trouvé cela (avec l'incipit d'un roman, et un florilège d'extraits):
http://www.emmanuel-bove.net/

Sur ce, bon Dimanche à tous!

Écrit par : tanguy | dimanche, 15 mars 2009

@ Tanguy : Merci pour ce site sur Bove et ces citations. Il y a des lettres manuscrites, dont l'une où il conseille à son frère d'acheter immédiatement "Du côté de chez Swann", parce que Proust est, dit-il, "plus intéressant que les hommes d'affaires". Et voyez, en fait ce n'est pas Bové, mais Bove. Voilà, tout imprégnés sommes-nous des temps présents, j'ai rajouté l'accent de José sur Emmanuel et m'en trouve fort marri.

Écrit par : solko | dimanche, 15 mars 2009

Merci Solko pour les précisions sur la langue.

En Haute-Savoie, mon père, né en 1915 avait étudié une seule langue au lycée : l'allemand alors que son père avait été tué en 1914. En effet l'anglais n'était pas du tout enseigné.
Il était devenu très germanophile.
Curieux quand même après ce traité de Versailles qui avait humilié l'Allemagne que l'allemand ait été, apparemment, beaucoup enseigné.
Pour la culture sans doute... ou alors une question de proximité géographique.

Écrit par : Rosa | lundi, 16 mars 2009

excellent article, merci

Écrit par : radin | mardi, 17 mars 2009

excellent article, merci

Écrit par : radin | mardi, 17 mars 2009

Les commentaires sont fermés.