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dimanche, 31 octobre 2010

La chaussure au milieu de la route

 

La chaussure n’est pas seulement au milieu de la route, elle est aussi au centre du recueil. Comme la seule trace métonymique qui demeure du personnage, après disparition. Un symbole de l’identité perdue, si l’on veut. Le personnage ? Chaque nouvelle s’organise autour d’un,  plus particulièrement. Et en général, ce dernier finit mal.  Ou bien il finit autre, comme dans la Veuve.  Ou plutôt, pour dire bref, il ne finit pas, il finit même, puisqu’on le retrouve dans la peau du héros de la nouvelle suivante. Car il s’agit bien de « Variations solipsistes ». Variation sur le seul soi-même, autrement dit, entendu ce soi-même que le lecteur reçoit en partage le temps d’une lecture, ce soi-même autour duquel la matière textuelle de chaque nouvelle s’organise.

Les décors, ce sont souvent des routes. Ou bien des bureaux. Une plage. Des chambres d’hôpital. Pour ce narrateur, « maniaque de la précision », on sent que le lieu n’est pas d’une importance capitale puisque le véritable décor est surtout la conscience éprouvée de son personnage, que ce dernier ait dévoré trop de  Laforgue ou qu’il soit tout juste sevré de Nietzsche. Je ne voudrais pas déflorer ici les intrigues, puisque chacune entretient son suspense particulier. Plus que la chaussure, il est un objet dont la situation est placée bel et bien au milieu des préoccupations de Stéphane Beau, cet objet, c’est le livre. Le livre par lequel, en effet, nous avons tous pu rêver le monde (où le monde nous a rêvés), le livre par lequel nous nous sommes tous aussi conçus, et ce faisant auto-condamnés à l’étrangeté du solus in ipse. Or, en lui apportant tout ce dont il a besoin pour se dire (une unité de temps de lieu, d’action) la nouvelle est un genre qui convient tout particulièrement au « solipsisme » tel que Stéphane Beau le pratique, et qui opère finalement comme le centre nerveux de chaque intrigue, un basculement du personnage, qui d'autre devient lui-même.

J’ai rencontré Stéphane Beau à travers Georges Palante. Du moins à travers la réédition qu’il avait donnée, en 2007, d’un petit texte de ce dernier, La sensibilité individualiste.  M’attendais-je à retrouver trace du vieux philosophe de Saint-Brieuc dans le parcours de ces nouvelles ?  Au détour de l'une d'entre elles, Journal Intime, je découvre en tout cas le patronyme  de celui qui avait causé indirectement la mort de Palante, ce  Jules de Gaultier avec lequel il s'était battu en duel, et le trouver là me semble tout naturel. Le héros de la nouvelle vient alors d’acheter une de ses œuvres et se fait cette réflexion  : « Son livre s’intitule le Bovarysme. Le thème me convient bien, puisqu’il parle de cette capacité qu’ont les êtres à se concevoir systématiquement et inexorablement différemment qu’ils ne sont ». Ce qui habilement nous ramène au projet philosophique qui sous-tend la trame de chaque récit : perpétuels étrangers à soi-même et aux autres, et soumis aux aléas d'un Réel rêvé qui brutalement se retourne contre eux, les héros de Stéphane Beau sont tous victimes du reflet qu’ils ont fabriqué de leur propre substance. Leur aventure, pourtant fantastique, renvoie ainsi le lecteur vers l’expérience la plus quotidienne qu’il fait de son propre enfermement en lui-même. La réussite littéraire du nouvelliste se niche là, dans cette capacité qu’il a de  rendre chacun,  in fine, lecteur de sa propre duplicité.

 La chaussure au milieu de la route : parmi tous les ténors de  la rentrée littéraire, un livre discret mais efficace, et qui mérite de trouver sa place parmi les piles et d'y laisser de nombreux trous.  

 

 

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LA CHAUSSURE AU MILIEU DE LA ROUTE  Variations solipsistes

De Stéphane BEAU  - Durand-Peyroles - Septembre 2010

 

samedi, 30 octobre 2010

Nagasaki et l'Académie

Pari audacieux que de réécrire pour la énième fois cette histoire du vieux célibataire maniaque et vivant seul (« je ne suis pas grand-chose » murmure le héros-narrateur en incipit), un homme « sans charme particulier, terne. Honnête », guettant maladivement son frigo, soupçonnant soudainement dans sa maison la présence irréelle d’un être autour de lui : un poisson disparu, huit centimètres de moins dans un brick de jus de fruit vitaminé, un yaourt, Eric Faye oserait presque nous faire le coup du verre de lait s’il n’avait déjà été pris par Maupassant…

Nagasaki_Eric-Faye.jpgSon quinquagénaire de personnage vivotte donc, dans cette angoisse de vieillir que lui communiquent le culte des centenaires et les publicités du monde qui l'entoure : « Quatre actions anti-âges pour hydratant excessif ». Son personnage est un « homme des masses » à la Kaffa,  plongé en temps de Crise majuscule, celle « qui rend les hommes un peu plus seuls ». Son personnage a donc besoin « d’une bulle, d’une tanière, d’un terrier, d’un antre », où se reposer avec les choses « qu’il s’offre » (une boite de thé du soir qui n’empêche pas de dormir, un PC). Dès lors, cette présence rôdant autour de lui dans l'intimité de son espace, Shimura, puisque c’est son nom, la ressent comme un viol.

Nagasaki aurait pu ainsi être une énième fable sur la folie. Le motif est d'ailleurs évoqué en filigrane ; mais l’ingéniosité d’Eric Faye est, si on peut le dire, de réactualiser le topos de l’intrus (ou du double) : son court récit devient une fable moderne sur l’anonymat des grandes villes, la solitude des êtres ordinaires, les sans-logis, la perte du sens, la crise.

Inspiré d’un fait-divers inséré dans le texte avec une typo du genre mécanes, le personnage-narrateur relate donc le squat incroyable qu’une femme fit dans sa propre maison de son placard à futons inutilisé,  jusqu’à ce qu’au bout d’un an, il la surprenne dans sa cuisine grâce à une webcam et la fasse arrêter. Un procès s’ensuit. On en apprendra un peu plus sur l'identité cette femme, «qui avait mordu la poussière bien avant nous autres » et avait « élevé la discrétion au rang d’art de la survie ».  On aurait pu s’en tenir à ça, à la seule histoire de la  constitution d'un couple, la « fin de droits » et le « salaryman ». C'était suffisant pour faire un bon petit livre. Et dans la foulée un bon petit film.

 Mais Eric Faye a du métier. Il sait que « ceux qui continuent d’avancer pendant que d’autres meurent » ne sont ni des voyous ni des bourreaux : tout juste des gens ordinaires, « entre échec et réussite »,  qui ne retiennent que peu de choses de leurs jours écoulés, hormis bien sûr le surprenant, le fait-divers, lorsque par un coup du sort, ils en deviennent le centre, un centre digne de figurer dans la presse ou de passer à la télé. Des gens qui, comme son héros, fuient la surveillance des autres tout en ayant besoin de sécurité : n’est-ce pas cela, en définitive, ce que le  fameux sweet home « où se remettre des bosses et des bleus de l’existence » promet ? Ce sweet home improbable, rêve des classes moyennes occidentales entretenu avec férocité par la classe politique, Nagasaki nous conte la façon toujours imprévue dont il peut soudainement voler en éclat : Au centre du livre, la bonne blague du « type aux deux bombes » qui après avoir survécu à Hiroshima, trouva encore le moyen de survivre à Nagasaki, est évidemment placée là pour orienter la lecture vers un sens allégorique. « Je n’arrive plus à me sentir chez moi », murmure, hébété, Shimura à la barre du  procès de son étrange intruse…

Eric Faye connait le métier. Il sait captiver l’attention, complexifier un personnage, mettre en valeur une scène, être dense et efficace, tenir une plume pour plusieurs publics à la fois. Aussi l’Académie Française vient-elle de lui décerner son Grand prix. Il n’y a rien à redire à cela. Un limousin remplace du coup un limousin. L’insoutenable suspense pour savoir si Houellebecq décrochera oui ou non le pompon du Goncourt cette année se prolongera jusqu’au 4 novembre.  

 

Nagasaki, Eric Faye, Stock, 108 p., 13 euros.

 

11:16 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (5) | | |

vendredi, 29 octobre 2010

L'Intercontinental à l'Hôtel-Dieu de Lyon

Le projet retenu aujourd’hui pour l’Hôtel-Dieu de Lyon est celui du groupement constitué par Eiffage Generim (promoteur investisseur), A. Constantin (architecte), D. Repellin (architecte du patrimoine) et par la chaîne hôtelière Intercontinental ; il  se décline en trois fonctions : hôtelière, médicale, universitaire, les trois réparties autour des trois dômes de l’Hôtel-Dieu.  Dans un monumental contre-sens historique, le plus grand (haut de 32 m -celui imaginé par Soufflot)  revient à l’enseigne Intercontinental qui y implantera donc un banal hôtel de luxe. C'est ce groupe-là qui avait déjà été préféré par le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin lorsque avait été réglé le sort de l'Hôtel-Dieu phocéen. Le groupe d'hôtellerie britannique prévoit la destruction du plancher du 2ème étage pour créer des chambres en duplex d’une hauteur de 7 mètres. Le 10 août 2010, il publiait une bénéfice net à 141 milliards de dollars. Le revenu par chambre  (mesure de performance très utilisé dans le secteur hôtelier) a cru de 3,9% de janvier à juin 2010 (1). Le groupe exploite à cette heure 166 hôtels dans le monde. 

Dans le petit dôme, un centre de congrès permettrait d’accueillir les nombreux colloques de médecins qui se tiennent à Lyon. Dans le troisième, enfin, serait installé le Pôle régional d’Enseignement supérieur de Lyon. A partir de là, on commence à parler au conditionnel dès lors que la mairie de Lyon refuse de financer le moindre centime d'euro. On remarque au passage que l'ambition culturelle que Gérard Collomb a pour la ville qui lui est confiée se borne, comme toujours, à du développement commercial à moindre frais. Une partie des jardins, cloîtres et cours seront réhabilités et ouverts sur  une place avec restaurants et commerces, du côté de la rue Bellecordière. Dans le cadre de ce projet, un « centre d’interprétation muséal » de 4000m2 consacré à la médecine pourrait voir le jour (s’il trouve son financement, car la ville et son épicier de maire n’entend pas y placer un seul denier public), afin de regrouper en un lieu centralisé les différentes collections actuellement éparpillées à travers la ville.

La signature du bail, prévu pour 94 ans, aura lieu au second trimestre 2012. L'ouverture (partielle) du site est prévue pour 2014, l'ouverture définitive devrait avoir lieu en 2016.

Ce qu'en dit le maire : remarquez les nombreux "si"...


Hôtel-Dieu : le choix de l'avenir
envoyé par GerardCollomb

(1) : Sources : La Tribune.fr, août 2010


23:40 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, hôtel-dieu, actualité, gérard collomb | | |

mercredi, 27 octobre 2010

Yeux verts

La lucidité sidérante, la logique imparable, le charme ambigu  de cette gamine aux jolis yeux verts, âgée tout au plus de seize/dix-sept ans, engagée dans des études littéraires jusqu’au bac, et se préparant ensuite à faire des études de thanatopracteur parce qu’au moins disait-elle d’une voix fraîche, presque gourmande, « j’aurais toujours du travail.. »

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22:06 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : politique, france, société | | |

mardi, 26 octobre 2010

La ligne blanche,

Me disait-il. Il y avait naguère comme deux mondes antagonistes, aussi faux l’un que l’autre mais qui s’équilibraient l’un l’autre et permettaient aux gens de vivre dans un espace commun. Mais désormais, il n’y a rien, qu’une ligne droite, cette ligne tracée par le capitalisme, comme une ligne de fuite, et que tous suivent. Et de chaque côté de la ligne, plus rien n’est éclairé, ni derrière, ni devant, alors ils vont.

Continuait-il

Il a fait toutes les manifs et ce que j’apprécie chez lui, c’est qu’il n’est pas dans l’auto-persuasion ni dans la fierté ou le moralisme de tant d’autres, ni dans leur machinisme, mais… « ça va arriver, me dit-il, ça peut arriver à n’importe quel moment, cette chose (il frotte le bout de ses pouces contre les phalanges de ses index) – quoi ? Le grand soir, je fais, presque ironique ?

Mais c’est à cause de cette ligne, qu’il me répond, il ne peut pas encore pendant des années n’y avoir qu’elle, tu vois, il la figure avec ses deux mains parallèles, d’un geste vif devant son visage vers le mien  - je vois - alors je te dis pas que ça va se passer comme ça, jeudi ou la semaine prochaine, mais ce qui est sûr, c’est que ça va a-de-ve-nir, parce que ça dépasse complètement cette histoire de retraites et ni Sarkozy ni les soc'es,  n’y peuvent mais, ni les syndicats non plus, ça va arriver à cause de cette ligne qui trace comme un cheval sans guide, qui ne sait plus où elle va, qui peut pas continuer comme ça…

Si, le mur, je pense. C’est peut-être ça qu’il veut dire. L'envie. Et qu’avant de rentrer dedans, plutôt que d’entendre crisser les pneus sur le grain du goudron toute sa vie, une stridence à s’en crever l’ouïe, c’est sauter de la bagnole qu’il faudrait, d'un coup, le laisser se viander comme un vieux machin en tôle qui vaut pas plus qu'une bagnole, le système, et manger l'asphalte, c'est comme ça qu'on dit ? mordre la poussière ?  oui, non, sait-il ? sais-je ? qui sait …

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18:42 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : politique, littérature, france, société, actualité, réforme, retraites | | |

lundi, 25 octobre 2010

C'est une chose étrange à la fin que le monde

Tout le monde sait que Jean d’Ormesson est académicien. Aussi lorsqu’il se présente sur le quatrième de couverture de son livre comme  un simple « normalien et agrégé de philosophie », le parti qu’il tire de la modestie sonne à la fois juste et faux, un peu comme les frères de roi qui se faisaient appeler Monsieur, quand aux bâtards étaient réservé le titre de Monseigneur. Cette posture du normalien, donc, permet à l’académicien de s’emparer sans ridicule d’un sujet qui dépasserait même un « immortel » : raconter le développement des modèles que les hommes se sont donnés au fil des siècles pour comprendre l’univers, et la quête de Dieu qui soutint ce parcours. La raconter, en quelque sorte, comme à monsieur Toutlemonde. Et ce depuis les premiers balbutiements de la civilisation jusqu’à cette fin que le titre emprunté à un vers d’Aragon proclame comme un point ultime et un point d’observation. Un point qui ne sera jamais énoncé d’Outre-tombe, comme l’osa  Chateaubriand, mais qui se veut tout de même le plus proche possible d’un consentement assumé à la mort.

9782221117026.jpgCe « roman » se présente en trois parties. Durant la première, deux instances narratives, «le rêve du vieux » et le « le fil du labyrinthe » s’interpellent, se conseillent, se répondent : en filigrane, on entend  la voix de l’auteur qui semble se demander : que reste-t-il, aujourd’hui, de la culture ? Qu’est-ce, aujourd’hui,  qu’un homme cultivé ? Le voilà donc parti à écrire à l’usage de tous le roman de cette fameuse culture générale, lui qui comprend mieux que personne à quel point ce roman ne sera jamais que celui de l’érudition impossible : « Ce livre est une sorte de Café du Commerce de la cosmologie et de l’histoire du monde », nous prévient-il, plus rusé, assurément, que les deux frères Bogdanov réunis.

En six paragraphes sont par exemple réglés les sorts de Thomas et d’Augustin, comme à la veille d’un grand oral, la fiche de révision d’un normalien les aurait réglés. Tout ce qu'il faut savoir sur... A la différence qu’ici, le Grand Oral se métamophose en narration : la vision d’un siècle s’enchaîne donc, se tisse à la vision d’un autre ; on ne s’étonne pas qu’un peu plus loin,  Copernic, et peu après, Kant, « qui est à la philosophie ce que la révolution copernicienne est à l’astronomie », puis Darwin, Einstein, surgissent. Durant cette première partie, d’Ormesson s’avance à la manière d’un conteur à la fois pédagogique et pressé vers sa cible : l’impossible représentation qu’on peut se faire de l’origine, à présent que campons à la toute fin parmi non plus des saints mais des scientifiques : Edwin Hubble et ses galaxies, Fred Hoyle et le Big-Bang qu’il popularisa à son insu, Max Planck et sa théorie des quanta.

 

C’est à ce moment précis que le narrateur quitte le bois pour en venir à ses propres questionnements, ses propres cheminements, et pour avouer que le livre a jailli d’un moment de ravissement devant la beauté du monde, alors qu’après deux heures de nage dans la Méditerranée, il avait fermé les yeux et avait reçu cette question : « Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? ». D’Ormesson feint alors d’aborder les grandes questions existentielles en simple promeneur. « J’ai beaucoup aimé le monde que tant de grands esprits ont tenté de comprendre. Je n’avais pas l’ambition de percer ses secrets. Je ne l’ai jamais accusé, je ne l’ai jamais calomnié, je n’ai pas cherché à le fuir ni à le dénigrer : je m’entendais bien avec lui. J’ai surtout aimé m’y promener » Son phrasé n’adopte donc ni le tour du moraliste ni le pas du lyrique ni le style du mémorialiste, mais, sur le ton badin de la conversation, trouve pour répondre à la coloration tragique apportée par les événements du vingtième siècle une sorte de sobriété visant juste, en direction du sens le plus commun : s’étonnant simplement, s’excusant d’avoir pu traverser le désenchantement du monde en demeurant heureux.

 « Le pays et la langue auxquels j’appartenais ont lentement décliné à mesure que je vieillissais ». Nourri de ces humanités, le normalien d’Ormesson achève son conte-testament par un appel aux quatre sentiments qu’il affirme porter en lui-même, plus haut, plus loin que le désespoir, et qui donnent au monde sa teinte en effet la plus étrange. L'art et la science ont beau avoir tissé le monde, tous deux sont incapables de l'expliquer : pourtant le feuilleté même de ce texte inclassable, ses allusions culturelles incessantes – dont celles, à quelques pages de la fin, de la strophe dont le titre est sorti, tout le crie avec énergie, politesse et gourmandise : ces sentiments qui se donnent pour naturels sont avant tout culturels, ô combien ! C’est ce qui fonde leur rareté. Cela explique-t-il  qu’en ce mois de rentrée littéraire, le bouquin de d’Ormesson cartonne,  entre ceux de Houellebecq et Marylin Monroe ?  Sur le plateau d'une récente émission de promotion littéraire, j’ai entendu l’écrivain octogénaire qui n’est plus dupe de grand-chose se réjouir avec coquetterie de ce qui est déjà un succès éditorial, tout en affirmant que si une bonne centaine de jeunes gens le lisent encore vingt ans après sa mort, ce sera cela sa véritable consécration.

04_chronique_de_la_rentree_litteraire.jpgJean d'Ormesson - C'est une chose étrange que le monde - Ed. Robert Laffont - 318 pages - 21 euros

Ce livre a été chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec Chroniquesdelarentreelitteraire.com et Ulike

 

samedi, 23 octobre 2010

Louis Cretey au musée des Beaux-Arts de Lyon

C’est une très bonne idée que le Musée des Beaux-Arts a eue de rendre justice à Louis Cretey, peintre méconnu. C’est le blog Des(illusions) qui avait attiré mon attention sur l’exposition. Et puis je me suis rappelé que j’avais reçu une invitation et je m’y suis donc rendu hier soir. Si depuis une vingtaine d’années, l’œuvre est lentement exhumée, on ne sait pas grand-chose de l'existence de son créateur, sinon qu’il est né entre 1630 et 1635, dans la paroisse de Saint-Pierre le Vieux à Lyon. C’est d’ailleurs par cette information que l’exposition du Palais Saint-Pierre accueille le visiteur, avant de lui  proposer la découverte progressive d’une soixantaine de tableaux rassemblés pour l’occasion. Il pénètre alors dans un univers oscillant entre la convention et le merveilleux, la scène de genre et l'invention, l'édification et le dépaysement.

La vie mondaine de Cretey s’est partagée entre des séjours à Lyon et des séjours à Rome où il serait mort après 1702. L’exposition réussit dans sa présentation à rendre compte de l’évolution du style du peintre, des très grandes toiles exposées dans les églises comme le Christ et les pèlerins d’Emmaüs ou la vision de Saint-Jérôme, à des tableaux aux dimensions plus raisonnables, conçus à l’attention des collectionneurs, comme ceux-ci ronds (Saint-Antoine ermite, Saint-Julien dans un paysage) ou octogonal (La Transfiguration).

J’ai quitté l’exposition en emportant avec moi cet effroi questionneur lu dans l’œil de ces personnages devant ce Dieu évidemment toujours hors-champ, toujours absent de la nature dans lequel ils naissent, vivent et meurent, et vers lequel toute leur chair est tournée.  Tableaux édifiants, certes, mais tableaux cependant troublants par leur façon de ne jamais montrer ce que désignent leurs mouvements et leurs lignes. Me demeure à l’esprit également ce traitement particulier que ce peintre eut de la couleur et des contrastes qu’il aménage, entre classicisme et naïveté (comment dire cela ?). Et je me souviens particulièrement des drapés miroitants des robes (bleue du Christ, rouge de Saint-Jérôme, blanche de Saint-Bruno).  Comment aussi ne pas s’étonner du traitement accordé à ces visages, visages déformés et qu’on dirait masqués, masques aux traits figés entre animalité et humanité et qui se bornent à n’être que des regards. Seul bémol : j'ai rencontré chez ce peintre un souci obsessionnel de la diagonale. Souci parfois lassant pour l’œil, mais qu’équilibre la présence dans de nombreux arrière-plans d’une nature foisonnante et ténébreuse, forêts aux troncs épais,  aux frondaisons sinueuses, ciels ardemment nuageux, et qu’on dirait presque déjà romantiques. Ces décors m’ont parfois entrainé dans des souvenirs de lecture hofmanniens, comme si ces personnages de Cretey qui peuplent ses scènes mythologiques ou religieuses,  saints, soldats, dieux ou héros, étaient nés d’un coup de crayon plus fantastique que classique : je pense à ces trois moines blancs comme des pierrots lunaires, à ces nombreux saints en arrêt devant la vision d’un sacré juste aussi mirobolant qu’effroyable.  Au centre de l’exposition, cette question digne de Magritte et ingénument  posée au visiteur : que représente ce tableau ? On y voit le corps dénudé d’une femme, donnant le sein à un corps monstrueux, tandis qu’au fond, quelque scène en effet énigmatique de sorcellerie se déroule. Le tableau eut de multiples titres et les organisateurs de l’exposition ont laissé un cahier auprès de cette Bacchante énigmatique pour recueillir vos suggestions :

 

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Louis Cretey n’est pas, certes, un peintre majeur.  En 1757, l’abbé Pernetti qui le trouvait « admirable dans le clair obscur et la composition », le disait par ailleurs «mauvais dans la justesse des formes et maniéré ». Cet entorse au classicisme aujourd’hui n’arrête plus l’esprit et j’ai trouvé dans son œuvre vite entrevue ce soir une unité, un cachet, un parfum.  Et puisque le musée des Beaux-Arts offre la possibilité de le connaître, on aurait tort de s’en priver. L’exposition reste en place jusqu’au 24 janvier 2011.

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 Louis Cretey, Saint-Jérôme

 

 

Le p'tit bois d'Montout

Il n’y a pas qu’à Bellecour que ça casse : Sur le Montout, il y avait un petit bois de même surface que la place dont on a beaucoup parlé cette semaine.... 

Ce petit bois vient d’être éradiqué, suite à une convention établie entre son propriétaire, la Communauté urbaine de Lyon, et la société foncière du Montout  : L’Olympique lyonnais ayant projeté d'aménager sur cet emplacement son OL Land,  de nombreux sites archéologiques étant basés sur ce secteur, une mise à la disposition temporaire des terrains supportant cette réalisation de diagnostics a été décrétée par monsieur le préfet, pour permettre le diagnostic archéologique qui se déroulera en deux tranches.

Exit, donc, le petit bois, place aux infrastructures : Dans ladite convention, on peut lire que le grand stade « doit être opérationnel en 2013 », qu’il sera de nature « à participer au rayonnement de l’agglomération »,  qu’il collaborera enfin « à l’offre d’intérêt général permettant à la France de disposer dès 2014 de grandes enceintes permettant de participer à l’Euro », and so, and so…

 

 

Au même moment, le futur hôtel de luxe /hôtel-Dieu, destiné à abriter les gracieuses majestés des footballeurs qui viendront disputer les joutes planétaires ainsi que leurs épatantes cours, fermait définitivement ses portes sur des siècles d'histoire. Des infirmières des Hospices Civils en grève (HCL dont le patron est Gérard Collomb), distribuaient  des tracts dans la rue, sur lesquels elles expliquaient qu'on profitait de ce transfert pour leur retirer à partir du 1er janvier 2011 des primes de nuit soudainement jugées non statutaires...

Ni Collomb ni Aulas ne toucheront, certes, à celles des footballeurs...

 

12:50 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : football, ol, lyon, politique, gérard collomb, bois de montout, décines | | |

vendredi, 22 octobre 2010

Lugdun'hommes

Cette page s'enrichissant de mois en mois, elle est régulièrement reactualisée. 

 

Ecrivains, Poètes

·         Maurice Scève

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/28/myrelingue...

·         François Rabelais

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/10/04/rabelais-e...

·         Pierre Dupont

http://solko.hautetfort.com/archive/2010/10/18/conference...

·         Clair Tisseur (Nizier du Puitspelu)

http://solko.hautetfort.com/archive/2007/06/15/clair-tiss...

·         Léon Boitel

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/08/leon-boite...

·         Auguste Bleton

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/29/monsieur-j...

·         Paul Lintier

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/02/09/paul-linti...

·         Gabriel Chevallier

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/07/29/chemins-de...

·         Louis Calaferte

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/07/14/louis-cala...

·         Petrus Sambardier

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/07/22/petrus-sam...

·         Ecrivains de la fabrique

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/06/01/ecrivains-...

·         Baron Raverat

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/24/le-baron-r...

·    Roger Kowalski

http://solko.hautetfort.com/archive/2010/09/06/roger-kowa...


 

 

 Peintres, photographes

·         Auguste Ravier

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/05/02/francois-a...

·         Jean-Jacques de Boissieu

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/05/jean-jacqu...

·         François Miel dit Vernay

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/02/18/souvenirs-...

·         Pierre Combet-Descombes

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/27/l-usine-la...

·         Jules Sylvestre

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/04/jules-sylv...

·         Blanc & Demilly

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/07/28/blanc-demi...

·     Louis Cretey

http://solko.hautetfort.com/archive/2010/10/22/louis-cret...

 

 

Libraires, imprimeurs   

      ·  Jean Honoré 

       http://solko.hautetfort.com/archive/2010/08/31/fin-de-par...


 

Saltimbanques

·         Le Père Thomas

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/01/11/le-pere-th...

·         Le Père Coquillat

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/04/21/le-pere-co...

 

 

 

 

 

 

15:33 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lyon, littérature, peinture, société, culture | | |