jeudi, 05 novembre 2009
Au bal des ardents
Le jeudi 5 novembre
à partir de 18 heures,
la Librairie le Bal des Ardents
accueille
Serge Rivron et Pierre Autin-Grenier
les deux derniers lauréats du prix Léo Ferré
pour une rencontre et une lecture autour de leurs textes.
Librairie Le Bal des Ardents
17, rue Neuve / 69001 LYON
tel : 04 72 98 83 36
La librairie Le Bal des Ardents est située sur la Presqu'île, entre la Place des Terreaux (métro Hôtel-de-Ville) et les Cordeliers (métro Cordeliers).
Le prix Léo Ferré est décerné par la ville de Grigny.
Pierre Autin Grenier l'a obtenu en 2007 pour Un cri
et Serge Rivron pour La Chair en 2008.
07:33 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : lyon, littérature |
dimanche, 01 novembre 2009
Etre en avance sur son temps
Il est un rien plaisant de lire dans Lyon Citoyen ( le magazine gratuit d’information et de propagande de la politique culturelle de la ville de Lyon) que la même équipe municipale qui s’apprête à céder l’Hôtel Dieu à un repreneur privé «affirme son attachement à la pensée humaniste » à l’occasion d’une exposition consacrée à Etienne Dolet pour le 500° anniversaire de sa naissance (1)
Il est par ailleurs amusant de voir qu’au lieu d’essayer de comprendre en quoi Etienne Dolet fut vraiment un homme de son temps, ce qui est la seule question vraiment digne d’intérêt, la communication de la Ville de Lyon insiste sur le fait qu’il fut « tragiquement en avance sur son temps »…
Ce lieu commun, depuis si longtemps asséné à propos de tout et de n’importe quoi, dit bien le narcissisme idiot de notre temps, de notre monde, et de notre société qui se croit avec une imbécilité rarement égalée le centre ou le devenir de tout.
Au fond si Dolet est intéressant aux yeux du rédacteur de l’article, c’est parce qu’il « paya de sa vie sur le bûcher ses idées progressistes ».
Toute cette terminologie si pontifiante et si bête est usée. Et c’est parce qu’elle est devenue insignifiante qu’elle fonctionne comme fonctionnent ces panneaux signalétiques qu’on reconnait de loin : parking, urinoir, rampe pour handicapés…
Toute cette pensée anesthésiée, cette non-curiosité véritable de l’autre convient si bien à l’époque.
Comme au fond nous conviendront ces bâtiments historiques partout reconvertis, derrière lesquels les repreneurs feront leur business, et dont le citoyen lambda se contentera, pour au fond se croire cultivé, de photographier en quelques secondes la façade restaurée, juste avant de remonter dans le car.
Tout cela pue tellement la mort, la charogne.
Ah j’oubliais, pour affirmer son attachement à la pensée humaniste, la ville de Lyon a non seulement soutenu l’exposition organisée par la Bibliothèque Municipale, l’association laïque des amis d’Etienne Dolet et l'Université Lyon 2 (2) mais elle a aussi émis un timbre à son effigie et acquis une édition originale (on ne sait de laquelle de ses œuvres, et d’ailleurs demandez à n’importe qui de vous dire ce qu’il a écrit …)
Quid de l’Hôtel-Dieu ?
(1)Exposition sur ETIENNE DOLET du 12 novembre au 4 décembre, bibliothèque municipale de la Part-Dieu.
(2) Tout ce qui est dit là concerne bien entendu la communication municipale à propos de cette exposition et ne présume en rien de la qualité ou de la non qualité de ladite exposition.
10:06 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : etienne dolet, culture, lyon, hôtel-dieu |
jeudi, 22 octobre 2009
Collomb, Perben, l'Hôtel-Dieu & moi...
« La méthode suivie par Gérard Collomb est grotesque. Un gigantesque hôtel et vaguement, une activité à caractère culturel. Que l'Hôtel-Dieu devienne, à titre principal, un hôtel avec des galeries marchandes, c'est impensable ! Collomb n'a pas le droit de le faire ! On ne peut pas nier l'Histoire de la ville à ce point-là. Je suis tout à fait décidé à empêcher que ce projet aboutisse tel qu'il est aujourd'hui envisagé. »
Cette phrase est tirée du blog de Dominique Perben, « candidat malheureux » à la mairie de Lyon. Ancien ministre, Dominique Perben est on le sait membre de l’UMP. Parti pour lequel je n’ai aucune sympathie, pas davantage d’ailleurs que je n’en ai pour le PS. Simplement je voudrais dire à Mrs Perben et Collomb que même si, sur ce dossier, il se trouve que je suis en désaccord total avec Collomb et que j’aurais pu écrire mot pour mot ce qu’a écrit Perben, je ne brigue aucun mandat, aucune responsabilité, aucune carte dans aucun de leurs partis ; j’affirme aux deux que politiser l’avenir de l’Hôtel Dieu est une imposture et une sacrée forfaiture au regard de l’Histoire. Le passé de nos monuments, leur avenir, ne sont pas des enjeux à politiser. Il serait grotesque de penser qu’il y a une posture à priori de gauche qui consisterait à soutenir le projet de Collomb, et une posture de droite qui consisterait à s’y opposer.
Je pense à tous ceux qui depuis des siècles sont nés, sont morts, ont souffert, ont accouché dans ce lieu, à tous ceux qui y ont travaillé également, à tous ceux qui l'ont payé, enfin. Je m'emplis de cette mémoire. L’Hôtel Dieu appartient à l’histoire de cette ville et à l’histoire du monde.
Il appartient au peuple des donateurs puis à celui des contribuables sans lequel il n’aurait jamais existé.
Le céder au privé relève du vol. Gérard Collomb est un voleur.
Tous les gens sensés devraient refuser la politisation du dossier, s’opposer à tout projet, de quelque bord qu'il soit, visant à soustraire à la chose publique ce qui lui appartient.
La pétition est encore en ligne, et il ne manque que quelques signatures pour que nous atteignions le chiffre symbolique de 1000.
C’est évidemment très insuffisant.
Il en manque 9000 pour que nous soyons à 10.000
Et 99 000 pour atteindre le chiffre honorable de 100 000.
POUR SIGNER, VOIR LE BANDEAU DEROULANT A GAUCHE ET SUIVRE LES INSTRUCTIONS
23:40 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gérard collomb, politique, ps, ump, dominique perben, hôtel-dieu, lyon, patrimoine, soufflot |
mardi, 13 octobre 2009
Les deux fleuves
Sénèque, en l’an 55 de notre ère, dans un écrit satirique contre l’empereur Claude, né à Lyon, écrivait déjà:
« Je vis, dominant deux fleuves, un sommet
Que chaque jour Phébus regarde à son lever
Là où le Rhône immense précipite son flot
Et la Saône, hésitant sur le sens de son cours,
Sans bruit baigne ses rives d’une onde tranquille.
Est-ce cette contrée qui fut la nourrice de ta vie ? »
L’eau, comme la lumière, sont très clairement désignées dans ce texte pour leurs vertus nourricières. Sénèque reprend la remarque attribuée à César, et qu’on trouve dans La guerre des Gaules : « Flumen est Arar, quod per fines Haeduorum et Sequanorum in Rhodanum influit, incredibili lenitate, ita ut oculis in utram partem fluat iudicari non possit. » (Il y a une rivière, la Saône, qui va se jeter dans le Rhône en traversant le territoire des Eduens et des Séquanes, avec une lenteur si incroyable qu’on ne peut juger à l’œil du sens de son courant.) Déjà, cependant, l’opposition entre la rapidité du fleuve qui « précipite son flot » et la langueur de la rivière à « l’onde tranquille » attribue à chacun un caractère sexué qui deviendra, dès la Renaissance, un motif récurrent, tant sculptural que littéraire. De fait, opposer la singularité de chaque fleuve avant le confluent permettait d’accentuer celle de leur mariage. La symbolique des deux fleuves permit ainsi de fonder successivement et le thème pétrarquisant de Scève :
« Plus tôt seront Rhône et Saône disjoints
Que d’avec toi mon cœur se désassemble »,
et celui de la ville-Antithèse, cher à Jules Michelet :
« Oui, malgré l’effort méritoire des beaux fleuves qui viennent y mêler leurs flots et leurs populations, malgré le génie pacifique de cette noble reine, la Saône, malgré la peine que se donne, après cent détours, le Rhône pour atteindre ce mariage qui fait sa grandeur et son nom, la nature, front à front, y pose les deux révélateurs de la guerre intérieure de Lyon, deux rocs, la Croix-Rousse et Fourvière. »
20:55 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lyon, rhône, saône, littérature, claude farrère, jean reverzy, henri béraud |
mercredi, 07 octobre 2009
Solennelle autant que désirée
Plusieurs choses arrêtent le regard :
Tout d’abord ce mur d’affiches que battent la pluie, le vent
La taille des étages, sur des boutiques basses.
Toutes ces boutiques qui, malgré matin qui luit, sont fermées.
C’est sans doute dimanche.
L’œil s’attarde aussi sur
Ce pavé dont j’aime toujours autant qu’il soit mouillé de pluie
Et ces rails de tramways et ces fils électriques
Qui profilent un itinéraire.
Un œil plus attentif se pose sur la carriole
Non loin de la porte-cochère et close.
C’est dimanche, oui, jour de repos, en ce pays encore.
L’étroitesse de la rue obscure qui attire l'attention
Au moins autant que la fuite vers la lumière, par la droite de l’immeuble
Un quai, là-bas, ou bien un boulevard.
Nos villes sont toutes faites de ces contrastes entre nuit et jour,
Saleté et luminosité,
De ces ouvertures atteintes par nos seuls regards
Mais jamais par nos pas.
Qu’est-ce donc encore que je recueille avec tant d'avidité
tranquille dans ce cliché ?
(Dont peut-être quelques lyonnais judicieux
Pourraient encore identifier l’endroit où il fut pris)
Le noir et blanc, bien sûr…
Cette précieuse poésie d’un réel passé et, bien que reproduit,
Transfiguré.
Supériorité indubitable du noir et blanc.
Et puis surtout, surtout,
Cette absence, si flagrante qu’on ne la remarque pas au premier abord,
Mais qui s'impose peu à peu au regard,
A l'âme,
Solennelle autant que désirée,
De tout bipède humain.
06:13 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, écriture, poésie, lyon, photographie, noir et blanc |
mercredi, 23 septembre 2009
Saint-Laurent de Choulans
« Découverte à l’occasion de travaux effectués sous la chaussée de la montée Saint-Clair- du Port, la basilique funéraire de Saint Laurent a été fouillée une première fois en 1947. En 1976, nous avons pu reprendre la fouille et mettre au jour l’abside orientale, puis dégager à nouveau la nef, les collatéraux et le portique, tout en complétant l’étude des sépultures. En 1983 des travaux de terrassement ont fait apparaître l’extrémité sud de l’abside ; en 1985, et en collaboration avec le Service archéologique municipal, nous avons pu mettre en évidence la clôture de la nécropole, sa porte d’entrée et quelques maisons construites hors de l'area funéraire. »
Jean François Reynaud, Lugdunum Christianum, Ed. de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 1998
Le quai Fulchiron est une voie d’accès très empruntée le long des berges de la Saône, vers le centre touristique du Vieux- Lyon. C’est par là que s’engouffrent les estivants qui, de la vieille capitale des Gaules, n’auront jamais connu que le tunnel de Fourvière, l’odieux complexe autoroutier qui défigure la place Carnot, les plaisirs pollués de l’embouteillage auquel on se résigne devant les caméras s’il s’agit de faire bonne figure auprès de Bobonne et des gosses au journal de 20 heures.
Dans ce flot de véhicules sans mémoire craché par la gueule hideuse de ce tunnel, qui se doute qu’en le pénétrant, il foule du pneu les velléités de repos éternel d'antiques dignitaires burgondes ?
Après le démembrement de la Gaule, en effet, Lugdunum fit partir du royaume de Bourgogne. Gondahaire (ou Gondicaire), le premier roi des Burgondes (ou Bourguignons) avait pénétré le Lyon gallo-romain dès l'an 435. Il défit l’’empereur Majorien, au mois de décembre 458, et fonda la dynastie des rois burgondes, laquelle dura tout juste un siècle, puisque la ville passa aux Francs en 534. Je tiens tout ceci de monsieur Josse, alias Auguste Bleton, puisant régulièrement dans sa précieuse Petite histoire populaire de Lyon (ed. Ch. Palud, Libraire de l’académie et des écoles, Lyon, 1885), qui reste une mine.
Le site archéologique de la vieille basilique Saint-Laurent de Choulans vaut le détour. Derrière une paroi de verre fumé, les niches clairsemées des sépultures ouvertes sont laissées à l’abandon, tandis qu’au rythme poussif des feux colorés de la circulation, une clignotante et ininterrompue guirlande de véhicules en tous genres se répand, tantôt venu du pont Kœnig, tantôt de la montée de Choulans, et continûment tournoie autour du sanctuaire masqué, dont nul ne soupçonne plus en ce lieu l’existence. Une époque, la nôtre, tourbillonnant autour d'une autre, la leur.
« Ce tombeau, déchiffre-t-on, appartient pour ses mérites à Atto, de bonne mémoire, dont saint Laurent a recueilli le corps, afin qu’il mérite le pardon ».
Mais, l’une après l’autre dispersée pour fortifier d’autres demeures (une chapelle carolingienne, un hôpital pour pestiférés, de multiples habitats de notables ), la basilique ancienne égara ses pierres et accomplit ce naufrage dans le mauvais oubli des hommes. Seul demeure ce relief lisse de pierres violées, derrière cette paroi de verre et sous ces étranges ponts métalliques désertés par les passants.
Le séjour d’Atto servit ainsi de fondations à divers bâtiments, dont le célèbre hôpital de la Quarantaine qui ne passa pas, pour autant, le dix-neuvième siècle. De ces récurrentes transactions comme de cette compilation presque pâtissière d’époques successives, placée devant mes yeux et comme glissée à mon oreille, seul, le génie décadent d’un vieux mémorialiste catholique venu séjourner là quelques heures de son siècle romantique, aurait pu façonner la méditation en périodes croustillantes sur l’ironique, démembrée et corrosive puissance des temps ; quelques ans plus tard, un poète érudit se serait complu, en quelques maints sonnets pompéiesques, à retracer le douloureux roman d’un dieu Attys, lequel, « tant qu’il aima Cybèle en fut jaloux d’Atto ». Il aurait suffi qu’ensuite un breton sulpicien consolidât l’édifice en jetant à l’antique déesse certaine prière démocratique dont seul il posséda le secret, pour que Saint-Laurent de Choulans entrât en littérature. Sans doute aurait-il fallu également aux récents dirigeants de la Cité, une plus saine intelligence de son passé et un véritable amour des Lettres.
Les ruines à présent révélées de saint Laurent de Choulans auraient acquis aujourd’hui quelques lettres de noblesse avérées. Mais hélas, aucun Renan n’eut jamais le loisir, à propos d'une quelconque lyonnaise Acropole, de dialoguer avec le moindre Chateaubriand, et les Chimères de ces tombes dévastées restent à composer.
Le grès rocailleux et javellisé des sarcophages ne découvre à l’œil exercé que les mégots que de récents passants y ont jetés du haut des passerelles. Fièvre patrimoniale. Quant au flot des automobiles que le quai draine juste derrière ce vitrage, il m’empêche même d’écouter le silence des tombes. Je ne perçois que l’indifférence des vivants à leur égard : qui le rompra, Atto ? De la plate forme métallique d’où je contemple l’embarras de ces ruines, je comprends que s’est dérobé le temps de réciter le fond sec et incurvé de leur mirobolante vanité. Claquemurées au centre des embouteillages, cela ne ravirait que fort peu l’attention du public.
Ce constat attristant en tête, je quitte le bâtiment circulaire qui les abrite. En un instant, me voilà rendu sur le trottoir du quai Fulchiron. Une discrète borne kilométrique me rappelle, un peu plus loin, qu'il fut aussi sur les cartes routières la départementale D487.
Autres monuments perdus:
L'hôpital de la Charité :
http://solko.hautetfort.com/archive/2008/09/03/les-fantom...
L'amphithéâtre des Trois-Gaules :
http://solko.hautetfort.com/archive/2008/11/03/l-abbaye-l...
Le Pont de Saône :
http://solko.hautetfort.com/archive/2008/12/07/le-pont-de...
Le Progrès, rue Bellecordière :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/07/23/le-progres...
La passe des Cordeliers :
http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/06/passe-des-...
06:24 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, saint-laurent de choulans, tunnel de fourvière, archéologie, lyon, rois burgondes, gondicaire, quai fulchiron |
lundi, 21 septembre 2009
Naissance de Béraud
Un 21 septembre comme celui-ci, presqu'un dernier jour de l'été, celui de 1885, naissait à Lyon Henri Béraud. Ses parents, boulangers rue Ferrandière dans la paroisse de Saint-Nizier, avaient tous deux une ascendance dauphinoise qui inspirera grandement le futur romancier de la "Conquête du Pain", cycle de trois romans (Le Bois du Templier Pendu, Les Lurons de Sabolas, Ciel de Suie)
Voici pour le plaisir de ceux qui connaissent un peu cet auteur, ou de ceux qui souhaitent le découvrir, un bref extrait de sa prose poétique, du plus beau roman jamais écrit sur cette chienne de ville de Lyon :
A l'époque où il advint ce que je vais raconter, le quartier de la soie à Lyon était à peu près ce qu'il est aujourd'hui. De hautes maisons couleur d'averse et d'avarice y traçaient déjà ce gluant labyrinthe où, pour mieux se cacher, la fortune emprunte le visage de la misère.Chez nous, rien ne change, ni le ciel, ni la pierre, ni les âmes. Sur les pavés toujours gras, qui semblent renvoyer au ciel plus de clarté qu’ils n’en reçoivent, le jour tombe à plomb comme une pluie de cendres. Sans relâche, un relent de latrines s’exhale des cours et des impasses, où les gens glissent en silence, comme des noyés. C’est le Griffon. C’est le quartier des millionnaires.
L’étranger que l’aventure égare en ces lieux se demande s’il ne rêve point. Il se frotte les yeux, il se bouche le nez : « Quoi ! les plus riches commerçants de la terre vivraient là, dans cette ombre et ces odeurs ? – Ils y vivent. Et ils y meurent. »
C’est au fond de ces taudis que, poursuivant de père en fils la tâche séculaire, ils s’acharnent à la besogne. De génération en génération, l’usure des meubles leur a renvoyé le reflet de visages plus durs et plus tristes. Lyon leur appartient. Vingt mille immeubles leur suent des rentes ; leurs châteaux déserts règnent sur des lieues de vignes, de blés, d’étangs, et de bois ; leurs coffres regorgent ; ils pourraient dominer le monde et vivre comme des princes, et ils sont là, chaque jour, souvent seuls, dès l’aube et tard dans la nuit, même le dimanche. Ils ignorent la joie. Ils se refusent le moindre plaisir. Une seule passion les dévore, la plus ardente et la plus opiniâtre, celle qui ferme dans l’effort d’une suprême convoitise les doigts crochus de leurs moribonds.
A première vue, rien ne distingue le pays des canuts du pays des fabricants : mêmes bâtisses lombardes aux portiques enfumés, mêmes bruissements de ruches, mêmes puanteurs. Mais, sur son roc, l’homme de la Croix-Rousse domine la cité. Son faubourg, dont chaque rue semble conduire dans le ciel, en boit toute la lumière. On y retrouve des avenues, des arbres, des jardins. Mais à mesure qu’on descend, le réseau se resserre. A mi côte, déjà, c’est le dédale ; au Griffon, ce ne sont plus que ruelles de coupe-gorge.
D’une enjambée on barre le chemin. Les habitants ne circulent qu’en se frôlant du coude. On dirait que, pour cerner le vieux monde des ouvriers, les soyeux ont cimenté là ce barrage de murailles et de grilles. Labeur et révolutions, tout ce que charrient les pentes torrentueuses du vieux faubourg vient s’y drainer. En silence, depuis trois siècles, le ruissellement des velours, des satins, des brocarts, traverse cette écluse, avant d’aller se répandre en fleuve sur le monde ; depuis le même temps, la peine des pauvres et la colère des affamés viennent s’y jeter en vain.
Ces grosses portes, ces lourdes murailles, ces grilles de forteresses, on s’explique leur durée quand on sait ce qui s’est passé là. Quel fabricant, tirant, à nuit close, la porte de son magasin, n’a vu parfois, dans les ténèbres du vieux carrefour, remuer l’ombre d’un drapeau noir ? Lequel n’a tremblé qu’ils ne redescendent quelque jour, ceux des cayennes et des mutuelles, les blêmes insurgés de 31 et de 34, les Voraces, cette canaille de canuts qu’on n’a jamais fini de fusiller ?
Dur et tenace comme un cœur de maître, Le Griffon guette la Grande Côte. Tant qu’il restera chez nous de la soie et des soyeux, le sombre rempart tiendra bon – jusqu’au jour où le pic et la pioche en viendront à bout quand, à force d’égoïsme, les Crésus de la fabrique auront achevé la misère de ceux qui les ont faits ce qu’ils sont.
(Ciel de Suie - 1933)
Chevet de l'église Saint-Nizier, vers 1896 Dessin de Joannes Drevet
in - Lyon pittoresque, d'Auguste Bleton.
On trouvera ci-dessous divers liens avec des billets concernant ses œuvres :
- une biographie commentée :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/01/22/henri-bera...
- une critique de la Gerbe d'Or :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/01/25/la-gerbe-d...
- une critique du Plan Sentimental de la Ville de Paris :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/02/27/plan-senti...
- une critique de son roman Lazare :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/08/c3066770e1...
- plusieurs commentaires de la première période de Béraud, dite "lyonnaise" (avant 1914) :
http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/19/comment-pe...
- un commentaire de trois grands reportages de Béraud (Moscou, Rome, Berlin) :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/03/02/1925-berau...
20:29 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : henri béraud, littérature, lyon, saint-clément les baleines |
samedi, 05 septembre 2009
Jean-Jacques de BOISSIEU
Jean-Jacques de BOISSIEU est né à Lyon en 1736. Son père est un médecin originaire du Forez. L’un de ses ancêtres, Jean de Boissieu, fut secrétaire des Commandements de la reine Marguerite de Valois. Ses parents le destinent à la magistrature, mais lui s’intéresse très tôt à l’Art. Ils se décident alors à le placer sous la direction du peintre Frontier. Le jeune Jean-Jacques fait des progrès rapides et acquiert une grande habileté dans l’imitation des paysagistes hollandais Ruysdaël, Wynants, van de Velde, Karel Dujardin… Sur cette première gravure ci-dessus l'ancien pont de la Guillotière, identifiable avec sa tour de garde,et ses arches ; derrière les remous du Rhône, on voit la façade de l'Hôtel Dieu que Soufflot vient d'achever. En arrière-plan, le mont Fourvière sur lequel se devine le modeste clocher de l'ancienne chapelle.
On le retrouve ensuite à Paris, de 1761 à 1764. Il s'y lie avec divers artistes, dont Vernet, Soufflet, Greuze. Hélas une allergie maladive à l'huile altère sa santé et il doit renoncer à cette technique. C'est la raison pour laquelle il se spécialise dès cette époque dans l'eau-forte. En 1758, il publie à Paris six feuilles de croquis à l'eau-forte sous le titre de Livre de Griffonnements inventés et gravés par de Boissieu. Pour parfaire sa technique, il voyage en Bourgogne puis part en Italie avec le duc de La Rochefoucauld et rencontre des graveurs, dont J.G.Wille. Il en revient avec de multiples eaux-fortes, dessins aux crayons (mine de plomb, sanguine, pierre noire), lavis, représentants des monuments, des paysages campagnards, des intérieurs de fermes et quelques portraits. Dans la collection de l’institut Stade à Francfort sur le Main, on dénombre environ 140 pièces. Ci dessous, le Pont de pierre, gravure de 1799.
Revenu à Lyon, l'aquafortiste poursuit son œuvre artistique avec grand succès : Goethe collectionne ses œuvres, le frère du roi de Prusse vient visiter son atelier, il est reçu à l'Académie de Lyon (1780). Il réalise également quelques planches pour l’Encyclopédie de Diderot.
Tout en habitant Lyon, il acquiert la charge de conseiller du Roi en 1771, trésorier de France au bureau des Finances, et en 1773 épouse Anne Roch de Valous, d'une famille consulaire lyonnaise.
Pendant la Révolution, il est protégé par le peintre Louis David et ses cuivres sont placés « sous la sauvegarde de la loi ». En 1802, il est nommé membre de la commission administrative du Conservatoire des Arts. Il séjourna alors dans son château de Cruzol.
Jean-Jacques de Boissieu est maire de la commune de Lentilly dans le Rhône de 1806 jusqu’à sa mort, le 1er mars 1810.
Ci-dessus, l'autoportrait de l'artiste, ci-dessous, une scène représentant des paysans du Charollais
12:29 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : gravure, peinture, lyon, jean-jacques de boissieu, pont de la guillotière, soufflot |
mardi, 01 septembre 2009
Fin de l'Odéon ; Mort des CNP ?
Trois cinémas lyonnais sont menacés de fermeture définitive: Pour le premier, l’Odéon de la rue Grolée, c’est déjà fait. Les deux autres, le CNP Bellecour et le CNP Terreaux sont dans l’attente de connaître leur sort.
Pour mémoire, ces salles appartiennent à Galeshka Moravioff depuis 1998 et ont été crées par Roger Planchon sur le modèle du TNP.
Au mois d’août, sur l’ordre de son PDG, et alors que ses employés étaient en congés, l’Odéon de la rue Grolée a été vidé de tous ses sièges et son matériel de projection a été expédié dans une salle marseillaise.
A la suite de cet événement, les employés des CNP ainsi que l’association "les Inattendus" organisent le SAMEDI 5 SEPTEMBRE 2009 une journée de protestation PLACE DES TERREAUX à partir de 9H30.
Voici un extrait de leur appel :
Afin que cette journée soit à la mesure de l'indignation suscitée par la fermeture de l'Odéon et de l'inquiétude ressentie pour le sort des deux autres sites des CNP ainsi que des personnes qui y travaillent, et qu'elle constitue une manifestation marquante et efficace de cette indignation et de cette inquiétude, il faut évidemment qu'elle regroupe un nombre aussi important que possible de participants !
D'autant que, plus généralement, c'est la question de l'existence de cinémas indépendants dans la Presqu'île lyonnaise, mais aussi la pérennité à Lyon de la diffusion de tout un pan du cinéma (qui ne se cantonne pas à l'Art et essai dit « porteur ») que pose cette triste affaire.
Nous en appelons à votre confiance : de concert avec les employés, nous allons tout faire pour que cette journée soit à la fois dynamique, mémorable ET cinéphile ! A la stupéfaction qu'a provoquée la fermeture abrupte de l'Odéon, nous tenterons de répondre par de très heureuses surprises, qui soient à la hauteur de l'amour et de l'admiration qu'on peut porter au travail de transmission cinématographique des CNP.
Nous insistons sur le fait que cet événement se déroulera sur la journée entière, aussi nous vous invitons à la réserver pour celui-ci. Un repas collectif aura lieu à midi : merci de bien vouloir y contribuer en boissons et/ou nourritures terrestres ! Par ailleurs, chacun pourra librement participer aux frais de la journée.
En attendant, vous pouvez émarger au comité de soutien créé par les employés des CNP en vous rendant sur l’un des deux sites encore en activité : le CNP Terreaux (40 rue Président-Edouard-Herriot Lyon 1er, Métro Hôtel de ville) ou le CNP Bellecour (12 rue de la Barre Lyon 2ème, Métro Bellecour).
Si vous ne pouvez pas vous y rendre avant le 5 septembre, voici l’adresse du comité, à laquelle vous pourrez laisser vos nom, prénom, adresse postale et électronique, message de soutien : collectifsoutiencnp@gmail.com
Photo : Le Progrès
19:28 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : galeshka moravioff, cnp odéon, cnp bellecour, cnp terreaux, roger planchon, lyon, cinéma |