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mardi, 29 novembre 2011

Les Lyonnais font leur promo

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L’univers du grand banditisme, celui de la police, celui du cinéma et celui de la téloche flirtent ensemble avec doigté. Surtout aux heures de grande écoute dominicales.

Pour s’en convaincre, il fallait zapper sur  Drucker ce dimanche. Sur les sofas rouges de son indécrottable talk show, Olivier Marchal, acteur, metteur en scène et ancien inspecteur à la brigade anti terroriste et anti criminelle présentait son film, Les Lyonnais, lequel sort sur les écrans mercredi. (Quel étrange emploi du verbe sortir, me dis-je. Mais passons.)  « C’est un film qui plait beaucoup aux femmes parce qu’il présente des hommes au grand cœur. » explique Marchal. Diable : c’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups !

Près de lui, deux de ses personnages, si l’on peut dire : Edmond Vidal, dit Momon, le célèbre truand, et Charles Pellegrini, le non moins célèbre flic qui arrêta Momon, un jour de décembre 1974. Tous deux blanchis par le temps.  Tous deux assis côte à côte, « comme deux anciens combattants entre qui la paix est revenu » susurre le gentil animateur à la voix mièvre. L’un et l’autre admettant, du bout des lèvres, que Les Lyonnais est « un beau polar ». (Pas encore des pros de la promo, mais ça viendra) : nous voici donc prévenus, on s’y rendra donc avec une infinie prudence.

Hasard du calendrier ? Ils avaient en réalité tous deux aussi  un bouquin qui vient de sortir à vendre (encore sortir, décidément, quand ferons-nous des choses qui rentrent et nous ramènent à la maison ?) : Pour une poignée de cerises du côté de Momon, l’ancien braqueur de banques de soixante-quatre ans (dont quatorze passés en tôle), et Histoires de PJ pour Charles le flic, lequel s’illustra également dans les affaires du petit Mérieux et du juge Renaud et avoua être  rentré dans la police pour avoir trop lu San-Antonio. On souhaite à tous deux (mais je n’aurai pas l’heur de vérifier) la même plume que celle du père de Béru.

Tous ces gens, flics, truands, acteurs et metteurs en scène se font applaudir tour à tour telles des stars miniaturisées par un public amorphe qui, ici comme ailleurs, consent à former tapisserie. Etrange magma que ces pixels en boites d’où jaillit la couleur sur le ciel laiteux et gris de ma fenêtre en novembre. Ces gens ne partagent qu’une seule valeur, leur notoriété et l’argent qu’ils en tirent. Tous, y compris ce pauvre Michel dont on ne sait, comme les maires ou les députés du PS ou de l’UMP, à quel âge il prendra enfin sa retraite pour libérer le terrain, tous  pareillement corrompus par le spectacle. Dans tous ces mots, ces phrases, et même dans ces applaudissements, quelque chose qui s’étire vainement, se prolonge pour rien, détaché de toute action, de toute signification.  Une sorte d’anéantissement de l’agir, du dire, du désir, du rêve de devenir shérif comme de celui de se faire la Société Générale, un jour, entre copains. Tous ces gens ont réussi. Des nantis. J’éteins la télévision.

Je n’ai pas vu Intouchables. Je n’irai pas voir Les Lyonnais.

samedi, 26 novembre 2011

Tout le monde connaît Roger Excoffon

 

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La première part
ie du XXème siècle fut véritablement pour la typographie un moment d’inventivité prodigieux, dont on retient quelques noms : Lissitsky,  Rodtchenko, Tschicholld, Ballmer, Morison, Peignot, Cassandre, Jacno…  Au regard de ce moment d’ébullition, venir après semblait tenir du défi.

Né à Marseille, dans une famille de minotiers et de juristes, Roger Excoffon (1910-1983) est «monté» à Paris à l’âge de 19 ans Après avoir œuvré comme dessinateur  dans une agence de publicité parisienne, il prit en 1945 la tête de l’antenne parisienne de la fonderie Olive, dirigée à Marseille par Marcel Olive, son beau-frère.

Excoffon fut le père de plusieurs polices, le Chambord, le Banco, le Vendôme, le Mistral, le Choc, l’Antique Olive, ainsi que de nombreuses affiches ou logos :  De 1960 à 1970, U&O puis  Excoffon Conseil ont ainsi réalisé les affiches d’Air France, Jet Tours, Bally, Larousse, Dior, Renault,  Dunlop, Rivoire et Carret, Campari,  Reynolds, SNCF, Caisse d’Épargne, Fluocaril, Sandoz, Lote… Les jeux olympiques de 1968 bénéficièrent également de la «patte » d’Excoffon, de même que l’emprunt d’État et la déclaration de revenus de 1973 ou l’affiche du film La prisonnière de Henri ­Georges  Clouzot (1969)…

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Roger Excoffon fut ainsi l’un des tapissiers les plus inventifs et les plus efficaces des Trente Glorieuses. Aussi l’exposition que lui consacre depuis hier le Musée de l’Imprimerie de Lyon est-elle en soi un petit événement à ne pas rater. On pourra trouver de nombreux documents iconographiques (polices et affiches) sur le billet que lui consacra Peter Gabor en 2008 sur son blog, à suivre ICI        

Le lundi 12 décembre à 18h15, aux Archives municipales de Lyon,  les commissaires de l’exposition, Tony Simoes Relvas et Samuel Rambaud, évoqueront leur rencontre avec Excoffon, ainsi que la variété de son œuvre.  On aura l’occasion de reparler de tout cela dans les semaines à venir.

Le site du Musée de l'Imprimerie et la lettre du mois à télécharger ICI          

Tout le monde connaît Roger Excoffon
Exposition du 24 novembre au 19 février 2012 

Musée de l'Imprimerie, 13 rue de la Poulaillerie - 69002 Lyon

12:40 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musée de l'imprimerie, typographie, actualité, lyon, roger excoffon | | |

mardi, 22 novembre 2011

Memento mori et autres postures

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L’Europe est vieillissante ; c’est un fait. La jeunesse, celle qui veut le bruit et la fureur et charrie l’énergie dans ses veines, gronde ailleurs : au Brésil, en Inde, en Afrique. Comme Chateaubriand l’écrivit un jour à propos du duc de Bordeaux : «Prolonger ses jours au-delà d’une éclatante illustration ne vaut  rien ; le monde se lasse de vous et de votre bruit ; il vous en veut d’être toujours là. » On aurait tout autant pu le dire à ce monsieur Rivier, dont l’enseigne occupa un jour si largement la  place des Terreaux. Son restaurant où se pressait la Bonne société de la Belle Epoque est dorénavant un magasin de fripes assez quelconque. Et l’on ne sait même plus le nom de l’artisan qui un jour, pour ravaler la façade, fit choir l’enseigne qui porta son nom au milieu des débris. Ni dans quel champ elle alla pourrir. Ce restaurant qui n'est plus, cela m'étonne et m'amuse de penser que Béraud, qui habita un certain temps au 4 de la place des Terreaux, dut s’y attabler en compagnie d’Albert Londres et de Charles Dullin au plus bel éclat de leur jeunesse,  avec cette même et somme toute ridicule privauté que les vivants du café Leffe d’aujourd’hui. 

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C’est certes dérangeant de se souvenir que, comme le duc de Bordeaux ou monsieur Rivier, nous passerons à notre tour. Certains âges de la vie jugent même la chose révoltante.  En même temps, il y a dans la mort quelque chose de consolant,  et j’entends bien ce lucide et caustique plaisir avec lequel Chateaubriand écrivit : « il vous en veut d’être toujours là ».  Heureux me dis-je celui qui, après avoir été insouciant à vivre, parvient à l’être autant à mourir, même si c’est assurément plus difficile.

On apprend beaucoup de choses dans le monde, en effet, mais nulle part à passer la main. Imaginerait-on une école de ce genre, dont la devise écrite au tableau chaque jour serait celle du Memento Mori, et le diplôme de fin de cursus un congé définitif ? Se dire qu’on va mourir, n'est un plaisir - voire un luxe- que  pour celui qui estime que ça ne va pas se passer sur l’heure, je veux dire, à l’instant. Je sais que je vais mourir, mais je sais que je goûterai, là, encore quelques instants. Je les savoure. J’hume. Derrière ce memento mori, j'entends bruire mon souffle et résonner le pas sûr de ma vie. Et j’apprécie. Là réside la secrète et profonde délectation de la mélancolie. Si les  2000 vers du Testament de Villon sont si justes, si caustiques et si beaux, c’est parce qu’ils dégorgent de la joie de se savoir mortel et vivant à la fois. Le plus pauvre des pauvres, sûr tout soudain de son trésor.

S’il y a un point commun entre Villon et Chateaubriand , c’est que tous deux - est-ce assez singulier dans la littérature ! - ont adopté le point de vue de leur propre cadavre,  une parole issue de leur propre tombe :

« Item, vueil qu’autour de ma fosse

Ce qui s’ensuit, sans autre histoire,

Soit escrit en lettre assez grosse… », 

quémande le premier. S'il n'y avait cette joie, ce plaisir ironique de celui qui n'est pas encore mort et chante encore, ce serait certes ce qu'on appelle une posture. Sur quoi le second renchérit, de ce même ton, mettant à nu le plaisir vif du vivre encore  :  «Vous qui aimez la gloire, soignez votre tombeau ; couchez-vous y bien ; tâchez d’y faire bonne figure, car vous y resterez. » 


05:41 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : memento mori, béraud, chateaubriand, villon, place des terreaux, littérature, lyon | | |

jeudi, 17 novembre 2011

Novembre des canuts

Novembre des Canuts, manifestation créée en 2008, commémore cette année la révolte des tisseurs de 1831. Robert Luc ouvrait les festivités avant-hier à la mairie du 1er, avec une conférence sur Jean CLaude Romand, le tailleur créateur de la célèbre formule Vivre en travailant, mourir en combattant. Hier, au cinéma Saint-Denis, Bernard Warin et Françoise Chambaud de L'Esprit Canut retraçaient l'épopée des tisseurs lyonnais, de Louis XI à 1830. Ce soir, l'abbé Max Bobichon présente à l'église Saint-Denis une histoire des relations entre les canuts et l'Eglise. Demain vendredi, c'est l'itinéraire du fabricant Arlès-Dufour que Soierie Vivante mettra à l'honneur au musée Gadagne, tandis qu'une déambulation théâtrale, proposée par Valérie Zipper du Chien Jaune, entrainera le spectateur sur les pas de la révolte, à partir de 18 heures place Bertone. Jusqu'au dimanche 27 novembre, avec en point d'orgue, samedi 19 novembre à 14 heures, une table ronde à la Maison des Associations, rue Denfert Rochereau, cette édition du Novembre des canuts, désormais installée dans le paysage culturel lyonnais, promet d'être riche. 

Le programme entier ICI

 

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dimanche, 13 novembre 2011

L'initiation de Nicolas Sylvain

Cette nouvelle est une œuvre de jeunesse de l’écrivain Henri Béraud, qui a été publiée en 1912 parmi sept autres dans le recueil Les Morts Lyriques par Basset. Le jeune Béraud (qui signe alors Henry) y manie une prose poétique encore influencée par ses lectures de jeunesse, les symbolistes du siècle précédent, au rang desquels se trouvent  Elemir Bourges et Maurice de Guérin. « Nicolas Sylvain était connu comme paysagiste » : Derrière ce personnage de Sylvain se cache la personne de François Vernay, dont Béraud avait publié une biographie en 1909, pour lequel il eut une vértiable admiration, et qui fut le personnage d’une nouvelle entière (« Alors Vernay pleura ») dans un  autre recueil de nouvelles publié également en 1912, Le Voyage autour du cheval de bronze. Ci-dessous, l’une des très rares photos de Vernay.

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Ce peintre célèbre vivait comme un petit rentier. Il rentrait tous les jours aux mêmes heures, ayant suivi le même chemin. Il habitait depuis 1875 un petit appartement au cinquième, rue Saint-Jacques, et la plupart de ses voisins ignoraient jusqu’à son nom. D’ailleurs, ils se défiaient de cet homme qui, indifférent aux événements du quartier, faisait lui-même ses provisions, ne saluait personne et opposait aux curieux un silence de maniaque.

A l’heure des maraîchers il quittait son logis, un cabas à la main, allant de son pas de vieil ingénu à travers les ruelles toutes bleues et bruissantes de rumeurs matinales. Les venelles familières dont chaque fenêtre s’éveillait à la même heure, les vieux hôtels aux façades ennoblies par les ans, l’air léger courant dans les arbres d’un petit jardin, tout le quartier enfin, par son existence intime et quotidienne, lui rappelait sa province.

Les boutiquiers, cognant le volet, le suivaient du regard. Son air et sa mine excitaient leur curiosité. On supputait pour des légendes le vague de ses allures ; et son ruban rouge étonnait le populaire, e principalement les paysans du marché avec qui il disputait en patois.

Quand il avait rempli sa filoche, il rentrait tout doucement parmi le tohu-bohu du faubourg au réveil, où des chars-à-bancs se croisaient avec des fiacres attardés. A la terrasse d’un cabaret, il demeurait une heure ou deux entre deux caisses de laurier, allumait une pipe, lisait le Petit Journal ; après quoi, il regagnait son atelier.

Ce lieu épousait le silence maussade d’une sacristie. Des portraits de famille ornaient les murs. Sur les meubles polis par l’usage on voyait de ces vases à fleurs qui sont dans les chambres des vieilles filles en province ; des branches de lunaire s’y consumaient. Il y avait encore un bénitier en vieille faïence, du buis et un grand chapeau de pêcheur. Sur toutes ces choses l’ordre régnait semblable à une poussière, et il semblait que le soleil du matin prît lui-même un air de proprette vieillerie en entrant dans cet intérieur. 

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lundi, 24 octobre 2011

Appian, paysagiste.

Adolphe Appian (Jacques Barthélémy) appartient à un temps révolu, celui où l’on naissait dans la rue. Comme le maire Gailleton qui vint au monde sur le pont du Change (depuis démoli), Appian quitta un 23 août 1818 le ventre de sa mère, à l’angle de la rue du Plat et de la place Bellecour. Formé aux Beaux Arts dans la classe de Grobon, il se destina d’abord à la Fabrique et appartint un temps à la fanfare lyonnaise auprès de son ami Joseph Luigini.

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Appian ne se consacra réellement à la peinture qu’à partir de 1852, après sa rencontre avec Corot et Daubigny. Il effectua alors de nombreux séjours à Fontainebleau, peignant aux côtés des peintres de Barbizon dont l’influence est sensible dans nombre de ses toiles ; peintre paysagiste et animalier, ses tableaux furent exposés aux salons de Lyon, ainsi qu’aux expositions universelles de Londres (1862) et de Paris (1889). Napoléon III et la princesse Eugénie apprécièrent, dit-on, son œuvre au salon de 1866, ce qui servit sa renommée.

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Marais du Roussillon, musée de Macon

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Ferme à Cerveyrieux, musée de Tournus 

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Paysage aux barques

Titulaire de 14 médailles d’or et de 21 médailles d’argent, Appian sut gérer une carrière prolixe grâce à la maîtrise attentive de ses réseaux de distribution : il fut présent au sein de plus de 300 expositions, dans 85 villes différentes.  A partir de 1860, sur les pas de Jongkind et Méryon, il « entrera en danse », comme le railla Baudelaire en 1862, pour suivre la mode de l’eau-forte. « C’est vraiment un genre trop personnel et conséquemment trop aristocratique pour enchanter d’autres personnes que les hommes de lettres et les artistes, gens très amoureux de toute personnalité vive », soulignait ce dernier dans son article sur la mode de l'eau-forte. «Non seulement l’eau forte est faite pour glorifier l’individualité de l’artiste, mais il est même impossible à l’artiste de ne pas inscrire sur la planche son individualité la plus intime»  Appian, dans ses eaux-fortes, développa son goût pour les paysages, bordures de rivières ou d'étangs :

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Appian se fixa quelques années dans le Bugey, puis à Monaco où il se découvrit une vocation tardive de mariniste,  et enfin à Collioure, dans les Pyrénées Orientales, où il travailla durant quatre ans.

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Pécheurs à Collioure

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Vue de Collioure

A partir de 1879, il s’installa à Sainte-Foy-les-Lyons, dans une maison qu’il baptisa «la villa des fusains » tandis qu’on le surnommait « le Delacroix des fusains ». Grand joueur de billard au café du XIXème siècle rue de la République, Appian devint président du jury de la Société lyonnaise des Beaux Arts en 1890, réalisa un grand panneau décoratif pour la préfecture en 1891, reçut la Légion d’honneur en 1892 et fut nommé président d’honneur des sections des Beaux-Arts de l’Exposition universelle de 1894 qui se tint au parc de la Tête d’Or à Lyon.

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Paysage fermier

Affecté par la disparition de son fils en 1896, il ne lui survécut que deux ans. Ce dernier, Louis Appian, laissa aussi quelques toiles. Tous deux sont enterrés au cimetière de Loyasse.

- Louis APPIAN 1862-1896. Portraits d'enfants. Huile sur carton.jpg

Louis Appian, portrait d'enfants

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Adolphe Appian, paysage boisé, musée du Louvre

13:32 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : école lyonnaise, adolphe appian, paysagiste, lyon, peinture, eaux-fortes | | |

dimanche, 16 octobre 2011

La grâce d'une cathédrale

Après Reims et Strasbourg et avant Rouen, Amiens, Paris et Chartres, les éditions  La Nuée Bleue sortent un ouvrage monumental sur la primatiale Saint Jean de Lyon. Cette parution vient heureusement combler un vide éditorial, au moment même où une dernière opération de ravalement vient de rendre à la vue de tous la façade du XVème siècle de la plus vieille église de France, qui encore aujourd’hui vaut à son évêque le titre de primat des Gaules. La Grâce d’une cathédrale, qui ambitionne de devenir l’ouvrage de référence, regroupe trente-six auteurs parmi les spécialistes de l’édifice sacré, architectes, historiens, tailleurs de pierre, théologies, archéologues. Il est certain qu’au vu de l’Histoire, la cathédrale actuelle, vestige d'un palais épiscopal qui fut si souvent pillé, saccagé, en partie détruit, avait besoin d’être ainsi mis en valeur, la riche histoire dont elle témoigne mise en lumière : en trois parties, « l’aventure de sa construction », « la description de l’édifice » et « l’histoire de la vie civile et religieuse au cours des siècles », il s’est donné les moyens de séduire un public très large, du touriste intrigué à l’érudit passionné. J’ai toujours beaucoup aimé la justesse rêveuse de la dédicace qu’en fit Sidoine Apollinaire au Vème siècle, dans laquelle s’exprime un ressenti à la fois limpide et précis du site lui-même, élevé dans le court espace qui sépare la Saône du mont Fourvière :

« L’édifice élevé brille et n’est déporté ni vers la gauche ni vers la droite, mais par le sommet de son fronton, il regarde le lever du soleil à l’équinoxe. A l’intérieur, la lumière scintille et le soleil est si bien attiré vers le plafond à caissons couvert de feuilles d’or qu’il musarde sur le métal fauve dans un même concert de couleurs. Le marbre, qui se moire d’une variété d’éclats, garnit dans son entier la voûte, le sol, les fenêtres et, sous les figures aux couleurs changeantes, un vert revêtement printanier fait s’incliner grâce à des tiges de vert émeraude des tesselles de saphir. A cet édifice s’appuie un triple portique, orgueilleux de ses supports en marbre d’Aquitaine ; à son imitation, une seconde série de portiques ferme un atrium plus lointain et une forêt de pierre couvre un espace médian, de ses colonnes placées plus loin. Ici la colline résonne, là la Saône renvoie l’écho ; d’un côté se réfléchit le bruit du piéton, du cavalier et du conducteur de chars grinçants, de l’autre le chœur des rameurs courbés élève vers le Christ le chant rythmé de la rivière, tandis que les rives répondent en écho Alléluia. Chante, chante ainsi,  matelot ou voyageur, car c’est ici le lieu où tous doivent se rendre, le lieu où se trouve la route qui mène au salut ».

Certes les vaguelettes de la Saône ne lèchent plus le chevet de la vieille église, le palais épiscopal fut en parti détruit, et les niches de la façade demeurent, depuis le passage du baron des Adrets, vides d’images. C’est justement ce qui rend ce genre de publication indispensable : un livre dont les 500 pages et les 600 illustrations feront date.

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Lyon Primatiale des Gaules, La grâce d’une cathédrale, Ed. La Nuée Bleue, à suivre sur ce LIEN 

 

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Statue de Jean Baptiste

 

 

 

lundi, 10 octobre 2011

Adrien Bas, par Béraud.

Je ne vivais plus seul. Dans mon vieux couvent, notre bande avait transporté sa confrérie. Dans chaque cellule, il y avait un peintre, et l’ancienne chapelle servait d’atelier. On y voyait un maître, Adrien Bas, celui qui, nous quittant le premier, laissa du pays sans lueur et sans contours les plus troublantes images.

Il peignait avec des nuées. Sous sa main naissait dans une vapeur de cendre toute la ville, avec ses sombres porches et ses clochers aux flèches de suie. Il faisait cela d’un air absent, en homme qui pense à autre chose. Et, de fait, son esprit vagabondait ailleurs, dans un univers mécanique hanté de manivelles, d’hélices, de balanciers, d’engrenages et de pistons. Ainsi que le grand Léonard, il dédaignait la peinture et s’adonnait aux inventions. Il les aimait saugrenus, et la collection de ses brevets vous donnait envie de vous coucher sur l’armoire ou de se coiffer d’un soulier. Il en riait à sa façon, sans que bougeât un pli de sa face mongole, où le cristal d’un monocle abritait un regard glacé. Une dizaine de musées conserve ses tableaux.

Henri Béraud, Qu'as tu fait de ta jeunesse, Ed.France, 1941

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Quartier Saint-Paul à Lyon

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Quais de Saône à Lyon

M. Adrien Bas s'est presque spécialisé dans l'interprétation des aspects de notre ville. Il est le flâneur à qui sont chers nos quais, nos squares, nos jardins suspendus.  Notre athmosphère d'argent, chargée d'eau et de fumée, nos brumes lentes montant jour et nuit sur les fleuves, notre mélancolique ciel d'automne qui semble sourire à travers l'ondée, toute l'âme pleureuse et dolente de la vieille cité catholique, M. Adrien Bas s'efforce de la fixer sur ses toiles. 

Je connais de lui des crépuscules sur la Saône qui sont des pages d'angoissante mélancolie. De grands ciels pluvieux ne laissent plus tomber surla ville qu'un jour pâle et les premières lueurs des faubourgs qui s'éclairent commencent à trembler au calme des eaux. Un pont s'efface au loin, les bicoques riveraines fument dans le soir, des traînes de bâteaux glissent dans la demi-ténèbre et tout semble se recueillir avant de s'évanouir dans le grand sommeil des choses. La cité s'endort. 

Henri Béraud - L'Ecole moderne de peinture lyonnaise, 1912

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Passerelle du collège

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 Chapelle de l'Observatoire

06:05 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : henri béraud, adrien bas, peinture, ziniars, lyon, littérature | | |

dimanche, 02 octobre 2011

On reparle de Brouillard

Du 3 au 15 octobre, la mairie du 3ème arrondissement à Lyon organise au 215 rue Duguesclin une exposition sur le peintre Eugène Brouillard, laquelle coïncidera avec l’inauguration de la salle des mariages qui vient d’être restaurée et qui porte désormais son nom.  Une rétrospective plus large lui sera consacrée un peu plus tard au palais de Bondy, du 12 au 24 décembre. Le même mois, Denis Vaginay et Didier Ranc publieront un ouvrage dédié au peintre et à son œuvre. Depuis le 6 août, une Association des Amis d’Eugène Brouillard a vu le jour :  On aura évidemment l'occasion de reparler de toutes ces nombreuses activités autour de ce peintre à (re)découvrir au fil de l'automne. 

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Immeubles de la Croix-Rousse

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Salle des mariages, Mairie du 3ème

17:07 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : eugène brouillard, lyon, peinture, denis vaginay, mairie du 3ème | | |