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mercredi, 14 novembre 2012

Le guide du démocrate

Soudain retentit  le générique des Dossiers de l’écran, et, comme si s’ouvrait un rideau, le spectacle peut  commencer. Conçu à la croisée de deux textes, Le Guide du démocrate d’Eric Arlix et Jean Charles Massera  et We are l’Europe de  Jean Charles Massera,  il prend forme au croisement de deux partis-pris scénographiques :

-          une succession de croquis  montrant un couple d’homo democraticus  aux prises avec la réalité de leur banale survie en société  démocratique  post-moderne d’une part ;

-           les conseils ironiques d’un tonitruant démocratiseur, à mi chemin entre le coach et l’expert d’autre part, qui tantôt les observe et tantôt se mêle à leur existence.  

Dans l’entrelacs de ces deux jeux, le spectacle trouve rapidement un véritable rythme, grâce notamment à l'interprétation des trois comédiens, qui tient la route sans défaillir un instant.

Le démocratique a-t-il tué la démocratie ?

Cette question tient lieu de lancinant fil d’Ariane pour coudre entre eux l’ensemble des tableaux. : celui de la météo et celui de la cantine, celui de la télé réalité et du story-telling politique, du sexe d’autant plus triste qu’il est libéré, de la convivialité d’autant plus feinte entre membres d’une même tribu qu’elle est inexistante partout ailleurs, des déboires d’un quotidien pour la survie bricolée, également éprouvés par des mâles et des femelles pris en sandwich entre le dernier Goncourt et le pamphlet d’Hessel…  Car les personnages que la création aux Ateliers de Délétang propose sont imbibés à part égale de deux éléments  contradictoires : les sons, les images et les lieux communs dont la  société du spectacle les abreuve (nous abreuve) ;  les concepts dont  la tradition critique de la société du spectacle les a emplis  (nous a emplis).  Comme ils  semblent n’être plus en mesure d’adhérer ni  à la société du spectacle ni à sa critique, mais contraints de les subir tour à tour comme le côté pile et face d’un même conditionnement démocratique, leur état de non adhésion au Réel, qui  constitue à la fois leur force et leur faiblesse, devient rapidement le ressort de l’intrigue.

 

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Cela  engendre beaucoup de bruit, trop sans doute pour eux qui, entre espérance et lassitude, renoncements et questionnements ne tiennent visiblement plus en place, comme des enfants Ainsi est-ce au spectacle de  leur infantilisation (notre infantilisation) que nous sommes conviés.  Le théâtre de Deletang  met ainsi en scène  les mésaventures de la pensée critique aux prises avec « la mondialisation des échanges et des informations », la pensée critique n’étant plus dans les démocraties modernes qu’une modalité d’échange et un mode d’information de plus, une des formes conventionnelles et obsédantes du vide. La scénographie et le décor montrent avec une joyeuse efficacité l'impasse dans laquelle la mise en relation des lieux communs produits conjointement par la société du spectacle et par sa critique placent les personnages (et les spectateurs).

Que faire alors pour bousculer tout ça ? Comme le tableau final le met à jour, même le discours politique (surtout lui) est devenu un objet de marketing insipide et creux en démocratie : le guide se révèle un non guide, pas même un escroc, un individu comme un autre qui ne propose aucune solution. Dans un tel contexte et avec un sujet aussi verbeux, maintenir en vie la fonction critique inhérente à la représentation théâtrale  relève du tour de force : c’est une affaire de rythme et de croisement des points de vue, une affaire d'humour aussi; Deletang y parvient malgré tout, dans le mesure où le questionnement sur la démocratie demeure réellement vivant durant  l’heure et demi que dure la représentation, et jusqu' la fin, contradictoire. Le guide du démocrate mérite donc le détour. C'est aux Ateliers, rue du Petit David, c'est dense et tonique, et c'est jusqu'au 6 décembre.

 

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©David Anemian.

Le guide du démocrate ou Les clés pour gérer une vie sans projet

Mise en scène de Simon Délétang, avec Lise Chevalier, Steven Favournoux, François Rabette. Du 13 novembre au 6 décembre 2012.

dimanche, 28 octobre 2012

Le café aux trois typos

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Lyon, rue Ferrandière, n° 32 : Nous n’irons plus boire le jus matinal au café des PTT qui reste clos, et personne ne franchit plus sa façade aux trois typos. Tel est le piteux résultat de l’incroyable projet historique de réaménagement du quartier Grolée dans le deuxième arrondissement de Lyon, dont le maire Gérard Collomb a été l’initiateur mégalo.

Rappel des faits :

Le 24 décembre 2004, le maire de Lyon bradait 10 immeubles haussmanniens au fond de pension américain Cargill pour 87 millions d’euros. Un an plus tard, ce dernier revendait les seuls pas de porte à la SA les Docks Lyonnais pour 98,873 millions d’euros. L’idée était alors de transformer cette partie de la presqu’île en un carré d’or luxueux, à l’image de la rue Montaigne à Paris, afin d’anticiper sans doute la transformation tout aussi absurde, non loin de là, de l’Hôtel-Dieu en hôtel de luxe..

Après avoir réhabilité 19 000 m2 des 50 rez-de-chaussée de ces immeubles, les Docks Lyonnais lancèrent le délirant projet Up in Lyon. Seul le magasin Zilli vit le jour, fit trois petits tours et, la crise aidant, s’en alla. Le projet finit par capoter, quand seul le groupe Sephora (du luxe pour pauvres) ouvrit une enseigne non loin de la place de la République. Depuis, le quartier Grolée, vidé des commerces qui le faisaient vivre, et dont le café des PTT rue Ferrandière était un noyau, demeure à l’abandon. Combien de temps encore subsistera sa typo,  où se croisent les fantômes de plusieurs décennies d'habitués ?

 A quelques mois des municipales, le réaménagement du quartier Grolée figure l’un des plus beaux fiascos des deux mandats de Gérard Collomb.

 

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Linéales sur l'enseigne verte, didones dorées dans le style des années 30 sur la façade, réales sur l'auvent touge : le café des PTT et ses trois typos, victime de la mégalomanie du maire de Lyon

16:21 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : café des ptt, quartier grolée, lyon, gérard collomb, politique | | |

samedi, 27 octobre 2012

Les ténèbres électrisés

Quand venait le soir autrefois et que je regardais la ville, tout ce qui l’entourait restait plongé dans les ténèbres. La ville n’était qu’un ramassis de vieux toits et de clochers : le clocher pointu de Nazareth, celui de l’hôpital, le dôme de la gare, les deux tours carrés de l’église Saint-Michel sur l’une desquelles pendant plus de quatre ans, jour et nuit, une sentinelle allemande monta la garde. Certaines nuits sans lune étaient si noires que si nous devions sortir après le couvre-feu, il nous arrivait de nous perdre et de tâter les murs. Quel bonheur, quelle surprise quand les lumières se sont remises à briller ! Il y a maintenant trente ans et de plus en plus de lumières. Faut-il les croire ? 

Autrefois, j’entendais siffler les trains. Je voyais le train de Paris tout rutilant courir au fond de la nuit. Je ne le vois plus. Je ne l’entends plus siffler. Selon l’orientation des vents, j’entendais l’heure tinter au clocher de notre vieille cathédrale Saint-Etienne. Que s’est-il passé ?

Sur le plateau, là où s’édifie à présent la cité industrielle, on ne voyait que des champs et, parmi eux, un grand champ de colza. Je ne me lassais pas d’en regarder les moissons onduler au vent du soir. Le champ de colza, comme tout ce qui l’entourait, a disparu, à la place s’élèvent aujourd’hui de grands ensembles. Le soir, on dirait des blocs de cristal transpercés de lumière. La vieille ville est bien noire sous les orgueilleux lampions, toute consentie, toute résignée. Plus les lumières se multiplient autour d’elle plus elle se recroqueville, plus elle se cache, comme une vieille femme qui se ramasse sous un capuchon. A quoi rêve-t-elle ? Et où sont passées la vieille rue des Champs-Gibet et la rue de la Clouterie ? La rue des Filotiers ? La rue des Tanneurs ? Rien ne dure. Nous avons encore notre rue aux Toiles et notre rue Charbonnerie qui fut la rue des Charbonniers, notre rue de la Mare-au-Coq et la rue de la Fontaine Sucrée – mais pour combien de temps encore ? Ce qui reste de la vieille ville est comme un tison qui s’éteint au bout de quinze cents ans ! (…)

Le soir en regardant les lumières de la ville, je me souviens d’avoir ouï dire que, du temps de mes grand-pères, les rues n’étaient éclairées que par des lampes à huile, et encore ne les allumait-on pas les soirs de lune – mais sont arrivés les becs de gaz, et je me souviens fort bien de l’allumeur de réverbères, avec sa grande perche sur l’épaule, et la poire qu’il pressait pour faire la flamme, et après le gaz, la fée électricité et et les grandes lumières partout que c’en est une féerie. Oui mais sommes-nous mieux qu’avant ? Vend-on encore les pauvres gens ?  

Louis Guilloux, L’herbe d’oubli, 1984

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Lyon, fête des Lumières, édition d'hier ou de demain...

18:34 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : louis guilloux, fête des lumières, lyon | | |

vendredi, 12 octobre 2012

Soulages aux Beaux-arts, l'outre noir et la crise

« Ce que j’explore depuis plusieurs années est, pour une grande part, fondé sur la qualité particulière, l’éclat spécifique de la lumière réfléchie sur la toile, venant au devant d’elle, transmutée par l’état de la surface et le noir qui la renvoie ». Parole du maître offertes au visiteur profane et fatigué de sa journée, paroles exposées en sobres linéales noires sur la paroi du temple : A 92 ans, Pierre Soulages cultive de fait un sens de la communication tout aussi pimpant que ses minauderies de richissime vieillard : « Je n’aime pas les expositions », susurre-t-il alors que le musée des Beaux-arts de Lyon en consacre une très médiatisée aux vingt-six dernières toiles qu’il produisit au XXIe siècle. Une décennie très outre noire, durant laquelle il déclina le concept de manière presque continue,  tel une petite musique sur le sillon d’un vinyle.

On pourrait ainsi longuement disserté sur la résolution conceptuelle de la luminosité des couleurs posées sur toile ou issues de l’écran, après qu’un siècle de remise en cause de la figuration a laissé la contre-culture exsangue devant l’art officiel et son pompeux galimatias. On pourrait rêver à ce lieu imaginaire où se dissiperait l’illusion tenace du noir et du blanc, dans une fusion aussi improbable qu’oxymorique de la synthèse additive et de la synthèse soustractive, du pixel et du pigment, à l’endroit même où l’art expire. Seulement voilà, nous sommes en temps de crise.

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Aussi, tandis que le gouvernement socialiste songe aux intérêts médiatiques qu’il aurait à inclure dans le calcul de l’ISF toute œuvre d’art de plus de 50 000 euros, d’autres débats, plus pragmatiques qu’esthétiques se font plaisamment entendre à propos de cette très cultureuse niche fiscale Les vernissages de rentrée ne sont-ils pas des lieux de soucieuse urbanité autant que de pure contemplation ?

Cette mesure, le vieux renard de l’outre noir se déclare donc « farouchement contre ». Ce serait même « une catastrophe » affirme-t-il, évoquant l’exil fiscal des œuvres, pendant culturel et vaguement gauchisant à l’exil fiscal des capitaux sonnants et trébuchants des vilains Arnault de droite… « Il faut que les œuvres d’art ne soient pas comprises dans l’ISF », poursuit le maître, évoquant même le risque que naisse, (comme s’il n’existait depuis longtemps déjà,) « une sorte d’art officiel qui serait la pire des choses ». L’œil humide, on se prendrait presque à regretter ces bons temps mitterrandiens, quand les milliardaires de gauche et de moins gauche vendaient leurs yachts pour acheter des Picasso.

A cet endroit perce cependant un souci : Le marché de l’art contemporain et les tableaux de Soulages conserveraient-ils le même attrait, si Bercy se mettait à y jeter une calculette ? Outre noire se révèle décidément la fangeuse duplicité de l’époque ! Entre sombre lumière et claire obscurité jaillit alors la nudité sordide du jeu démocratique, dans le sillage d’un marché qui n’aura décidément jamais cessé de le contredire, le jeu démocratique. Et l’on se demande même,  tant commune est l'imposture, si l’on pourra longtemps garder la possibilité, futile et salutaire, d’en sourire ouvertement…

08:38 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : soulages, musée des beaux-arts, lyon, isf, oeuvres d'art, france, culture | | |

mardi, 09 octobre 2012

Une exposition sur Eugène Brouillard

D'Eugène Brouillard, on connait principalement les paysages, grands arbres en bordure de lacs ou de rivières, cieux crépusculaires se mirant sur les champs et les étangs. Autodidacte quelque peu marginal, cet ancien dessinandier dans la Fabrique de soie a pourtant développé un style varié, jouant de sa palette de couleurs dans des visions urbaines, des vues ensoleillées et des portraits originaux qui demeurent à découvrir.

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L’association des amis d’Eugène Brouillard, que préside Denis Vaginay, nous invite donc à approfondir la connaissance de son oeuvre grâce à une exposition qui aura lieu à Lyon, du vendredi 12 au mercredi 17 octobre, 70 rue Vendôme, Lyon 6ème.

Y seront présentées une cinquantaine d’œuvres, dont plusieurs portraits, un genre qui n’avait pas été abordé lors de la première rétrospective. Ce billet est l'occasion de rappeler également le livre que Denis Vaginay et Didier Ranc ont consacré à ce peintre, et qu'a préfacé Paul Dini, Dialogues avec la modernité

Ci-dessus, Les moissons, une déclinaison en bleu, vert, jaune qui date de 1922. Ci-dessous, deux portraits : le premier, pâle sur fond noir de la mère du peintre, le second, plus surprenant encore et titré Le Féodal, daté de 1907.

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Exposition du vendredi 12 au mercredi 17 octobre 2012

70 rue Vendôme, Lyon 6ème

de 10 à 12 heures et de 14 à 17 heures

20:34 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : eugène brouillard, lyon, peinture | | |

dimanche, 23 septembre 2012

Antonin Ponchon

antonin ponchon,musée paul dini,peinture,lyon,ziniarsAntonin Ponchon (1885-1965) est né à Terrenoire (Loire), ce qui ne pouvait faire de lui qu’un peintre. Influencé par Cézanne, il rejoignit le groupe des Ziniars, auprès d’Adrien Bas et de Combet Descombes. On rencontre peu de personnages dans son œuvre (dans le tableau du bas, quelques humains suffisent-ils à justifier le titre de la toile, Bellecour animée ?), mais bon nombre de natures mortes ou de paysages, notamment de fruits et de poissons, de quais et de ponts : Les tableaux de cet ami d’Utrillo, qu’on voit à ses côtés (à droite en béret) en 1930 sur le cliché de Blanc et Demilly, manifestent ce goût de la géométrie ordonnée de la couleur vive. Résident du salon d’Automne, il fut animateur de la galerie des Archers auprès du fameux marchand de vin et critique d’art Marcel Mermillon, et fut exposé dans de nombreuses galeries lyonnaises. On peut à présent rencontrer certaines de ses œuvres au musée Paul Dini, à Villefranche.

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Bellecour animée : quand c'est pas plus animé que ça, c'est très vivable, très bien (NDLR)

10:26 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : antonin ponchon, musée paul dini, peinture, lyon, ziniars | | |

mardi, 07 août 2012

Garder le frais

Dans les fermes du Beaujolais, il y avait toujours une pièce close. Les meubles  des beaux parents s’y recueillaient tout l’an, de nombreux bibelots aussi, des tapis, des tableaux. Dans le reste de la demeure vaquaient les vivants. La maîtresse de la maisonnée, dans un haussement d’épaules, veillait non loin de la porte à ce que personne n’y entrât, surtout pas les gosses ni les chats. Il fallait, disait-elle, « garder le frais ». : L’expression m’est restée.

Nous vivons un été clément. Les séquences anticycloniques, comme grimacent les godillots de la météo, ont été suffisamment réduites pour que nos nuits d’été ne perdent pas leur fraîcheur essentielle. C’est quand le soleil dérobe aussi la nuit que les organismes demeurent  démunis, interloqués, suffoquants.  C’est alors qu’il faut garder le frais.

Tout comme garder le silence, ou garder la forme, garder le frais nécessite un réel entraînement. C’est presque un effort, un art. Par temps caniculaire, je songe toujours à la science domestique des fermières du Beaujolais.

Pour garder le frais, il faut tout d’abord être matinal. Quatre heures du matin, toutes fenêtres ouvertes afin de susciter le plus grand nombre de courants d’air. Parfois, l’air ne veut pas, opaque et statique. Le plus souvent, à cette heure, il consent. Chaque pièce de la maison s’emplit alors d’un baume, d’une respiration. Vers sept heures, il faut tout refermer. On peut alors se recoucher.

Pour bien garder le frais, il faut de fermes volets et de lourdes tentures. La fraîcheur et la pénombre sont deux jumelles, parfums qui n’investissent la maison que si on les y invite. Il faut éviter tout instrument électrique. Pour débusquer le chaud, on peut arroser d’eau fraiche les carreaux. Le carreau retient ce qu’on lui donne.

Après, c’est une question de mouvement. Eviter de trop remuer, de trop parler, de trop respirer : le mouvement cuit. Retenir son souffle, comme dans le mutisme des profondeurs sous-marines. Le battement de jambes des plongeurs, tel celui d’un cil, qu’à cela soit réduit tout remuement.

On comprend pourquoi les vigilantes fermières du Beaujolais veillaient si vaillamment : c’est le vivant qui chauffe et recuit, pour garder le frais il faut le bannir des lieux. Nous manquons d’espace, tous, pour garder vraiment le frais. Dans une maison à ma guise, il faudrait une pièce pour le frais, une autre pour le silence, une troisième pour le parfum. Et le reste pour nous tous. 

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Jacques Barçat, Alice cousant


18:51 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : littérature, poésie, lyon, france | | |

samedi, 14 juillet 2012

Louis Calaferte (1928-1994)

  « Si je parle si longuement des livres, c'est qu'ils favorisèrent en moi une sorte de système d'autodéfense à l'égard de ma condition » écrivit Louis Calaferte au début de Septentrion, dans ce passage très long et très beau qu'il consacre à la lecture :

« La lecture contribuait à tempérer au fond de moi cette anxiété dont j'ai longtemps souffert, de n'être qu'un raté » Ou bien encore : « Longtemps, mes rêves de la nuit ont été encombrés de librairies aux proportions fabuleuses où j'étais accueilli en ami bienvenu, où l'on mettait à ma disposition des bibliothèques cachées contenant des éditions introuvables ».

 Un peu comme son aîné, le briochin Louis Guilloux, qu'il cite souvent dans ses entretiens, Calaferte a promené toute sa vie ses blessures d'enfance dans le paysage littéraire français. Comme lui, il n'a cédé que de façon épisodique au parisianisme littéraire et ne s'est jamais relié à une quelconque chapelle. Né, pour mémoire à Turin le 14 juillet 1928, il a grandi à Lyon, dans la zone, comme il le rappelait, où il a souffert de la précarité de sa condition. Dès l'obtention du certificat d'étude, il est entré comme garçon de courses dans une entreprise textile, puis comme manœuvre dans une usine de piles électriques.  De l'occupation allemande qui marqua sa jeunesse, il a tiré bien plus tard C'est la Guerre, l'un des ses derniers récits écrit en 21 jours (1993), quarante-et-un an après le Requiem des innocents (1952), le premier texte publié et lui aussi inspiré de son enfance difficile.

Louis Calaferte a débarqué à Paris en 1946, dans un dénuement complet, avec l'intention de devenir comédien. On trouve d'ailleurs trace de lui dans des rôles de figurants au théâtre du Vieux-Colombier ou à l'Odéon, où il croisa Jean Vilar, « un cafard galopant sur son manteau », raconte-t-il. Dans ce Paris d'après-guerre, Calaferte vit à l'hôtel, comme Genet, écrit beaucoup, se cherche.  Grâce à Kessel, il entre chez Julliard avec son Requiem des Innocents, qui connaît un large succès. Malgré cela, il revient à Lyon dès 1953, s'installe à Mornant en 56, dans la fameuse maison où il composa durant cinq longues années de mutation intérieure Septentrion, roman dans lequel perce l’influence de Céline, et auquel le ministère de l'Intérieur offrit, en interdisant sa publication, une gloire immédiate. Parallèlement pour assurer son existence, il mène jusqu'en 1974, une activité de producteur-animateur à la radio lyonnaise, ensuite à l'O.R.T.F, puis à F.R.3. 

Par bien des aspects, Calaferte s'est démarqué des auteurs de sa génération. « Je ne suis pas un inventeur de formes », disait-il, prenant à contre pied les adeptes du textuel et du structuralisme.. La seule influence littéraire qu'il se reconnut fut celle d’un bourlingueur, Cendrars, à propos de qui il parle de "révélation" : « Chez un bouquiniste, rue de Provence, j'ai volé un livre de Cendrars, je devais avoir dix-huit ans. A partir de ce moment-là, j'ai cessé de lire des romans, des choses sans intérêt. J'ai compris qu'il y avait deux littératures » On a souvent dit, par ailleurs, que Calaferte était un pessimiste, voire un désespéré, faisant à son égard le même raccourci qu'à l'égard de Léon Bloy. Comme Bloy, dont il se démarque avec vigueur, Louis Calaferte est croyant, pèlerin même, à sa façon. Outre ses Carnets, publiés chez Denoël et l'Arpenteur de 1956 à 1981, on peut lire à ce propos le dernier entretien qu'il a donné à Jean-Pierre Pauty, publié chez Julliard l'année de sa mort, et titré L’Aventure intérieure.


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09:02 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (29) | Tags : louis calaferte, littérature, lyon, culture, quatorze juillet | | |

samedi, 23 juin 2012

Nouvelle bannière

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Les bannières auxquelles vous avez échappé 

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03:16 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : solko, bannières, lyon | | |