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mardi, 07 août 2012

Garder le frais

Dans les fermes du Beaujolais, il y avait toujours une pièce close. Les meubles  des beaux parents s’y recueillaient tout l’an, de nombreux bibelots aussi, des tapis, des tableaux. Dans le reste de la demeure vaquaient les vivants. La maîtresse de la maisonnée, dans un haussement d’épaules, veillait non loin de la porte à ce que personne n’y entrât, surtout pas les gosses ni les chats. Il fallait, disait-elle, « garder le frais ». : L’expression m’est restée.

Nous vivons un été clément. Les séquences anticycloniques, comme grimacent les godillots de la météo, ont été suffisamment réduites pour que nos nuits d’été ne perdent pas leur fraîcheur essentielle. C’est quand le soleil dérobe aussi la nuit que les organismes demeurent  démunis, interloqués, suffoquants.  C’est alors qu’il faut garder le frais.

Tout comme garder le silence, ou garder la forme, garder le frais nécessite un réel entraînement. C’est presque un effort, un art. Par temps caniculaire, je songe toujours à la science domestique des fermières du Beaujolais.

Pour garder le frais, il faut tout d’abord être matinal. Quatre heures du matin, toutes fenêtres ouvertes afin de susciter le plus grand nombre de courants d’air. Parfois, l’air ne veut pas, opaque et statique. Le plus souvent, à cette heure, il consent. Chaque pièce de la maison s’emplit alors d’un baume, d’une respiration. Vers sept heures, il faut tout refermer. On peut alors se recoucher.

Pour bien garder le frais, il faut de fermes volets et de lourdes tentures. La fraîcheur et la pénombre sont deux jumelles, parfums qui n’investissent la maison que si on les y invite. Il faut éviter tout instrument électrique. Pour débusquer le chaud, on peut arroser d’eau fraiche les carreaux. Le carreau retient ce qu’on lui donne.

Après, c’est une question de mouvement. Eviter de trop remuer, de trop parler, de trop respirer : le mouvement cuit. Retenir son souffle, comme dans le mutisme des profondeurs sous-marines. Le battement de jambes des plongeurs, tel celui d’un cil, qu’à cela soit réduit tout remuement.

On comprend pourquoi les vigilantes fermières du Beaujolais veillaient si vaillamment : c’est le vivant qui chauffe et recuit, pour garder le frais il faut le bannir des lieux. Nous manquons d’espace, tous, pour garder vraiment le frais. Dans une maison à ma guise, il faudrait une pièce pour le frais, une autre pour le silence, une troisième pour le parfum. Et le reste pour nous tous. 

La brodeuse ou Alice cousant 53 x 44.jpg

Jacques Barçat, Alice cousant


18:51 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : littérature, poésie, lyon, france | | |

Commentaires

Un beau texte, Solko.

Écrit par : Michèle | mercredi, 08 août 2012

Merci ! Je sais qu'à Tarbes aussi, on garde le frais.

Écrit par : solko | mercredi, 08 août 2012

Comme Louise, on ouvre tôt le matin, au premier étage puis au rez-de-jardin, le bois grinçant des volets qu'on referme dès le soleil, au rez-de-jardin puis au premier étage... :)

Et puis bien sûr, on essaie de garder ses neurones au frais. Z'obéissent pas toujours :)

Écrit par : Michèle | jeudi, 09 août 2012

" il faudrait une pièce pour le frais, une autre pour le silence, une troisième pour le parfum. Et le reste pour nous tous..." Pour nous tous, enfin presque, il faut , tout de même, une pièce pour jeter un froid, trop d'harmonie nuit comme en excès d'utopie..Votre idéal serait des pièces e

Écrit par : patrick verroust | mercredi, 08 août 2012

le message s'est enfui, votre blog a quelques problèmes ces temps, les pages ne s'affichent pas pu très lentement, je suppose que je ne vous apprends rien.

Votre idéal, disais je, serais des pièces en franc! Vous allez me rendre la monnaie de ma pièce, ce sera le début d'une collection...

Écrit par : patrick verroust | mercredi, 08 août 2012

Des problèmes ? C'est un peu les vacances en ce moment et je suis moins assidu que d'habitude sur le web. Diable, Solko serait-il l'objet d'un mauvais plaisantin ? En tous cas je n'ai rien remarqué. La monnaie de votre pièce ? Eh, ça pourrait être ça :
http://solko.hautetfort.com/archive/2009/04/05/le-dernier-franc.html

Écrit par : solko | mercredi, 08 août 2012

Ces derniers temps, l'accès à vos pages se faisait avec lenteur (je pensais que mon ordi était fatigué). Aujourd'hui, ça s'est affiché illico presto :)

Ah "Le Dernier Franc", on ne se lasse pas de le relire et jouir de l'habileté mise au service d'un peu de justice !
Le "billet de mille", Minerve, Hercule, le petit cheval qui sort de la corne et les trois oiseaux fins, le nombre de pétales de fleurs et de fruits dans les grappes... :)

Écrit par : Michèle | jeudi, 09 août 2012

Solko:

Les problèmes que j'évoque n'ont rien avoir avec vous ni avec vos vacances, ils sont à mettre , je pense sur le compte de la plateforme dont la réactivité s'est ralentie au point que le délai d'affichage peut être "interminable" voire impossible.

Bonnes vacances, néanmoins, meilleures que celles de l'été dernier...

Écrit par : patrick verroust | jeudi, 09 août 2012

Il a fallu attendre un bon quart d'heure afin que votre page soit lisible et c'est encore meilleur de désirer longtemps pour accéder enfin à ce texte magnifique, ces tableaux délicats, quand écrire devient peindre nous entrons par de fines ouvertures sur des pièces rares qui nous mettent au regret de ne pouvoir s'y loger pour de vrai, au moins jusqu'à la Saint Maurice, le 22 septembre :
"Semis de Saint Maurice, récolte à ton caprice" dit le fermier de Brouilly à Ternand, et si l'on peut enfin récolter, c'est qu'on aura passé l'été, suffisamment au frais, on sait que cette année on vous devra cette grâce... et puisqu'il ne semble pas y avoir d'équivalent au verbe hiberner en plein été, "garder le frais" nous retrouvera longtemps près de "l'Alice cousant" ; c'est peut-être notre pièce ? j'aime votre troisième, une pièce pour le parfum, c'est déjà un poème qui ferait sans doute descendre l'Alceste de son arbre. Vous devriez songer à ouvrir une toute petite agence immobilière dans le caillou, vos maisons font beau vivre(s).
"Le carreau retient ce qu'on lui donne" comme on dit sous les ventilos de la Manille : "vous êtes un as, Solko !"

Écrit par : frasby | jeudi, 09 août 2012

La pièce idéale, pour garder le frais, l'esprit, la mémoire, c'est le cherclo de la Richaté. Mais lashé, elle n'est point à vendre. Cela dit, la question rémite d'être sopée : qui habite dans le Gros Caillou ?

Écrit par : solko | samedi, 11 août 2012

J'ai remarqué aussi une certaine "paresse" de la page à s'ouvrir, alors que les autres blogs que je visite s'ouvrent rapidement. Quand je clique sur "Solko", l'en tête apparait, la liste des commentaires et des titres aussi, mais la page reste blanche quelques instants....suspense.

J'aime bien ce texte. Moi, je vis au nord de la Loire, bien au nord, même, mais cependant, je veille à "garder le frais". Je ne crains rien tant que les nuits étouffantes, les chaleurs lourdes qui m'enlèvent toute envie de bouger. Je jongle avec les volets, fermant l'un pour ouvrir l'autre, selon le moment de la journée.

Écrit par : Julie des Hauts | vendredi, 10 août 2012

Il est bien difficile de garder le frais et le silence dans notre petit appartement du Montparnasse... Cette ville à le don de me mettre les nerfs en boule, et il n'y a même pas de tartes aux pralines ou de Saint-Genix dans les boulangeries pour se consoler! Enfin j'ai décidé de ne pas me laisser faire!

Une pièce pour la parfum... Je repense souvent au bureau de mon grand-père, en sous-sol, où il travaillait des heures durant, ses Gitanes Filtre au bec. Les livres que l'on remontait de cette pièce étaient imprégnés d'un parfum merveilleux et unique, arômes de tabac et de papier doucement mûri... Je pourrais flairer en vain tous les étals de bouquinistes sans jamais retrouver son égal.

Écrit par : Sarah. S. | lundi, 13 août 2012

Oh! Sarah, moi j'ai connu le bureau de ce grand-père. Mon père... C'en était un autre, un divan où je mangeais mes tartines de beurre et confiture en regardant es étagères pleines de livres, son bureau plein de son travail et sa règle à calculer... un père qui m'emmenait à la librairie pour m'acheter des livres... Tu garderas ça en toi toute ta vie et ça t'aidera...

Écrit par : Anne D. | mercredi, 15 août 2012

Mon père fumait, des gauloises bleues, l'odeur ne me dérangeait pas alors que je ne la supporte plus du tout.... Chaque maison a son odeur, on déménage, on change d'endroit, et l'odeur revient, au bout de quelque temps, malgré les travaux, la peinture fraiche, rien n'est plus puissant que l'odeur de notre maison.

Écrit par : Julie des Hauts | mercredi, 15 août 2012

Mon père fumait, des gauloises bleues, l'odeur ne me dérangeait pas alors que je ne la supporte plus du tout.... Chaque maison a son odeur, on déménage, on change d'endroit, et l'odeur revient, au bout de quelque temps, malgré les travaux, la peinture fraiche, rien n'est plus puissant que l'odeur de notre maison.

Écrit par : Julie des Hauts | mercredi, 15 août 2012

Désolée, encore un doublon.

Écrit par : Julie des Hauts | mercredi, 15 août 2012

Les odeurs et les goûts... Proust avait fichtrement raison! Encore aujourd'hui j'ai beaucoup de traces infimes, d'odeurs et de goûts "fantômes" qui reviennent, sans que je puisse toujours identifier le souvenir auquel ils se rattachent.

Écrit par : Sarah. S. | dimanche, 19 août 2012

Oui, tout à fait d'accord pour le cherclo de la richaté, mais je crois qu'il est très voticoné alors pas de regrets, nous y serions sans doute serrés comme des drasines et vous m'accorderez que pour prendre le frais, encore faut-il qu'on soit quantrille, sinon il vaut mieux être seul sur une braque sans pacheau au milieu du fleuve Rhône. Enfin c'est un point de vue serponnel mais chantré.

Qui habite dans le gros caillou ? Faudrait taper sur le caillou pour voir qui c'est qui va répondre :) ... Peut-être est-ce Alceste qui se cache des loufes estivales, ou bien c'est le même monsieur que ce quinco de phophisole qui écrit toutes les nuits dans le cherclo de la richaté ? Vous avez remarqué ? Toutes les nuits, cepal Toncep, cette ombre là haut, qui guarne le monde avec sa goubie ?

Écrit par : frasby | samedi, 18 août 2012

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