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vendredi, 29 janvier 2010

Les ponts du Change à Lyon

pierre à nemours 1846.jpg

Construire, déconstruire, reconstruire.

Le daguérréotype ci-dessus, qui date de 1846, montre la destruction du plus vieux pont de pierre qui, face à la loge du Change et l’église Saint-Nizier à Lyon, enjambait la Saône depuis le onzième siècle.  On n'en voit plus que les piliers. Large de six mètres, il comportait six arches dont celle dite « Merveilleuse» au-dessus du courant de « la Mort qui trompe ». La Monarchie de Juillet remplaça l'ancien pont du change par un pont du change plus moderne, afin de favoriser la circulation des péniches. Sur le cliché, il est à gauche de l'ancien, alors presque achevé

« Je ne puis le traverser une seule fois sans me ressouvenir du vieux pont, à la chaussée étroite, décrivant une courbe élevée au-dessus de l’eau, bordée de cadettes qu’avaient creusées les pas des piétons et formant, les jours de pluie, une flaque ininterrompue dans laquelle on plongeait, bon gré mal gré, jusqu’à la cheville », écrit Monsieur Josse en 1887 (1)

 

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En 1944, les Allemands firent sauter une arche de ce deuxième pont et le cliché ci-dessus nous montre les travaux de remise en état. Quelques trente ans plus tard, ce second pont connut le même sort que le premier : les services de navigation obtinrent sa destruction en 1974.

Les quais actuels portent la cicatrice de l’emplacement de ce bijou médiéval sacrifié à la navigation fluviale, avec des gradins implantés et un parking qui se font face, entre la place Saint Nizier et la place du Change…

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Pont de Pierre, par Hippolyte Leymarie, 1843 (musée Gadagne, Lyon)
(1) Monsieur Josse - A travers Lyon - Storck, 1887

 

11:01 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : monsieur josse, lyon, pont du change | | |

jeudi, 21 janvier 2010

Lyon, mon pays (Henri Béraud)

(re)Voici un document rare. Exceptionnel : la voix d'Henri Béraud lisant son texte « Lyon, mon pays ». L'enregistrement, chez Columbia, date de 1928 et, grâce au succès de La Gerbe d'Or et du Flaneur Salarié, l'écrivain vit alors ses meilleures années. Il lance d'entrée un "Ici Lyon" tonitruant. Voici tout d'abord une photo du 78 tours où l'on peut lire  « Lyon, mon pays, Propos de Henri Béraud sur Lyon et les chants ».

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Le disque tourne : « Lyon sur le Rhône, Lyon les brumes, Lyon les canuts, Lyon la mystique, Lyon la gourmande, Lyon la pluvieuse, Lyon la cendrée. Parfaitement : c'est mon pays ! » Le phrasé est impeccable, la voix est encore jeune, le texte prononcé sans emphase, l'accent, malgré les r grasseyés, maîtrisé, le ton vif et soutenu :  « Il faut s'attarder un peu pour comprendre la poésie de nos beaux soirs lyonnais, à l'heure où les cantiques de Fourvière s'enlacent à la chanson des métiers, tandis qu'un beau rayon suspend au-dessus des rues bleues les caresses de sa lumière mouillée »  Pour en savoir plus sur Henri Béraud, cliquez ICI ;  

pour écouter l'enregistrement, cliquez sur la flèchen au centre de la photo ci-dessous.

mis en ligne par six février

20:28 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (39) | Tags : béraud, littérature, lyon, enregistrement, mémoire | | |

dimanche, 03 janvier 2010

Mes étrennes (2)

Dans cette page extraite de Chemins de Solitude (1946) l’écrivain Gabriel Chevallier évoque le temps de sa prime enfance et les vieilles personnes qu’il connut alors, gens de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle nés aux alentours de 1830  : occasion d'une rêverie sur le sort des humains.

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15:35 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : 2010, gabriel chevallier, littérature, lyon | | |

samedi, 02 janvier 2010

Mes étrennes (1)

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Projet d’un grand pont suspendu sur la Saône (dit Pont d’Hercule), système Vergniais, entre Fourvière et les Chartreux (1852)

00:04 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : 2010, bonne année, lyon | | |

jeudi, 31 décembre 2009

Pont la Feuillée (1)

« Du pont de Pierre où j’étais alors, en me tournant vers la rivière, j’avais à ma droite le pont Seguin, et à ma gauche un autre pont suspendu dont j’ignore le nom, mais que les lions qui en retiennent les chaines désignent assez à la vue. J’aime ces lions ; ils sont bien posés, bien assis dans leur force ; ils serrent bien et avec volonté sous leurs griffes puissantes, les liens où viennent aboutir les derniers anneaux. Et je passe avec confiance sur ce pont, quelque lourd qu’il paraisse, sans craindre jamais que par fatigue ou distraction, ils ne me laissent engloutir »

« Une heure de flânerie », in Lyon vu de Fourvière, Léon Boitel, 1845

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Le pont La Feuillée décrit par le flâneur de Boitel était un pont suspendu ouvert en 1831. Il fut remplacé par un pont métallique en 1910, que les Allemands détruisirent totalement en 1944. Le pont actuel est en acier, et n’offre que peu d’intérêt.  

Sur la photo, on ne voit pas les lions mais le quai Saint-Vincent et les rails des tramways, ainsi que l’agitation sur la Saône. Le cliché, qui date de 1897, est de Jean-Jacques Dutey (1860-1924). Etrangement, le pont la Feuillée y est redoublé par une passerelle provisoire, comme en témoigne les poutres en bois de son pilier. Plus loin, le pont du Change, également disparu.

Sur la carte postale ancienne plus bas, on peut voir clairement le cul des lions, et presque leur tirer la queue. La carte a voyagé et le cliché est de moins bonne qualité. Il faut s'arracher les yeux pour connaître ce qu'on joue au théâtre, ce soir.

 

 

Les dernières jours d’une année sont comme les derniers pas que nous faisons sur un pont. Impression (souvent fausse) que les choses vont changer en posant les pieds sur une autre rive. Voilà un beau lieu commun, lourd, épais, éculé, que j’aime bien.

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00:25 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pont la feuillée, lyon | | |

vendredi, 18 décembre 2009

Mes ennemis sont des gens sérieux

On vendait hier soir à l’Hôtel des Ventes de Lyon la bibliothèque du chanoine Jean Vuaillat.  Né le 17 avril 1915 à Lyon ce dernier est mort récemment le 5 mai 2009. Durant la guerre, il avait, sur la demande du cardinal Gerlier, assuré un ministère auprès des jeunes de la STO. A son retour, il était devenu directeur de l’Ecole cléricale de Fourvière et, surtout, le maître de chœur de la Basilique. De 1959 à 1967, il avait été maître de la Chapelle de la Basilique de Lisieux. A Lyon, c’était une figure bien connue, comme on le dit.

Car le chanoine Vuaillat fut aussi un poète, qui vit ses tout premiers textes publiés dès l’âge de  à 17 ans. L’Académie Française le couronna à cinq reprises ; il aura publié en tout plus de 27 recueils de poésie et huit ouvrages de prose, dont principalement des biographies. En 1966, il avait fondé Laudes, une revue poétique qui parut jusqu’en 2006.

Le chanoine Vuaillat fut un bibliophile passionné. Ainsi qu’un collectionneur d’autographes. Hier après midi, ce furent pas moins de 206 lots d’autographes et de manuscrits (dont ceux du poète Pierre Aguétant) et autant de livres rares, qui attendaient un acquéreur sur la banquette. Parmi eux quelques trésors, il faut le dire. La table  des matières de Belluaires et Porchers (de la main de Bloy), une lettre de Chateaubriand au duc de Blacas, une page du Jeu de Patience de Louis Guilloux, une partition manuscrite de Fauré, le poème Heures du soir recopié par Verhaeren lui-même, un dessin de Jolinon… En matière de trésors, chacun aura ses choix personnels, je cite ceux-ci parmi les lettres, billets ou dessins de nombreux rois de France, présidents, écrivains (dont encore Flaubert, Barbey  Cendrars…)

On vit passer quelques livres magnifiques : éditions originales de Molière, Racine, Lamenais, Renard, Rimbaud…. Beaucoup de poètes régionaux, bien sûr, Aguétant, Kowalski, Bécousse, Montmaneix…  Dans la salle peu d’enthousiasme. Peu de portefeuilles suffisamment bien garnis sans doute.  Mais de l’intérêt, comme en ont les simples spectateurs. Un tiers des lots, à peine, trouva acquéreurs. A la fin, plusieurs éditions originales du pauvre Lelian, dont une de Dédicaces, paraphé de l’auteur, eurent du mal à partir.  La nuit était tombée. Les rangs étaient clairsemés. Il neigeait. Leurs yeux ont déjà vu tant de choses et tant de livres, déjà, sont passés par leurs mains. A la table centrale, l’expert, sans de départir de sa courtoisie, s’énervant un peu tout de même : « Vous avez la signature de Verlaine, tout de même la signature de Verlaine… »

 L’exemplaire fut bradé, de mémoire, à 500 euros – un tiers de sa valeur. Cinq cents euros tout de même.

Dédicaces, paru en 1890 comprend 41 poèmes. Je tire cette information ce matin, de ma petite édition de prof (Robert Laffont, Bouquins, septembre 1998) :Quelques hommages (à Villiers de L’Isle-Adam, à Léon Bloy, à Rimbaud) de nombreux pastiches, dont certains sont féroces (Jean Moréas, Jean Richepin Laurent Tailhade…).

Le tout se clôt par une Ballade pour s’inciter à l’insouci, dédiée à Maurice Barrès, une ballade qui vaut le détour :

 

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J’ai cet honneur d’avoir des ennemis

D’ordre privé dont je suis trop bien aise

Et m’esjouis autant qu’il est permis,

Car la vie autrement serait fadaise

Et, parlons clair, une belle foutaise.

Or j’en ai moult, non des moins furieux,

Mais comme on dit, ardents, chauds comme braise :

Mes ennemis sont des gens sérieux.

 

Ils ont passé ma substance au tamis,

Argent et tout, fors ma gaîté française

Et mon honneur humain qui, j’en frémis,

 Eussent bien pu déchoir en la fournaise

Ou leur cuisine excellemment mauvaise

Grille et bout pour quel maux injurieux ?

Sottise, Lucre et Haine qui biaise !

Mes ennemis sont des gens sérieux.

 

Ils iraient bien jusqu’au crime commis.

Satan les guide et son souffle les baise.

Prière au ciel d’en garder mes amis.

Caïn certes était dans leur genèse

Et son péché forme leur exégèse.

Leur discours va flatteur et captieux :

Tel un serpent rampe en un plant de fraise.

Mes ennemis sont des gens sérieux.

 

ENVOI :

Prince des cœurs que rien ne déniaise,

Mon cœur tout rond, tout franc, tout glorieux

De battre et d’être, et d’aimer qui te plaise,

Mes ennemis sont des gens sérieux.

19:28 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dédicaces de verlaine, chanoine jean vuaillat, littérature, lyon | | |

mardi, 08 décembre 2009

Le 8 décembre du temps des OTL

On ne me refera pas : je suis ainsi. J’ai besoin du recul et de la distance. Une sorte de presbytie intellectuelle fait que je ne comprends la qualité des choses que de loin, et que je ne n’accède à l’appréciation de leur juste valeur qu’à travers le souvenir. L’instantané, en trois mots, me casse les pieds. L'ici et maintenant, érigé en système, l'éphémère en figures, ou en langage, me glacent le sang. J’ai donc besoin du temps qui a passé et de sa valeur accomplie, comme un ivrogne de son alcool ou le funambule du fil sur lequel il chemine, en équilibre. Comme d'une véritable perspective. Les choses ne me paraissent magnifiques et belles que vues de loin. Il en va ainsi de ces 8 décembre anciens, sur lesquels le grand vent du tourisme mortifère et de la globalisation commerciale n’avait pas encore soufflé, comme du reste. Dame, la ville ne possédait alors même pas son métro ! Songe-t-on que, dans nombre de rues quasiment vides (de piétons comme d'automobiles), la véritable marche à pied était alors encore de mise ?

 

 

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Et cette espèce de disponibilité absolue que l’on demande à présent aux transports en commun eût semblé incongrue ; les lignes OTL (Office des tramways lyonnais) ne pratiquant l’abonnement que ligne par ligne, accordant à la limite un abonnement groupé pour deux, on était voyageur autorisé sur la ligne 13 ou sur la 28, et pour le reste, basta ! Le moyen de transport le plus efficace pour qui voulait arpenter les quartiers demeurait encore ses deux jambes. C'est comme ça que je les ai arpentées, les rues de Lyon, en même temps que, des deux yeux et de tout mon imaginaire, les pages de mes livres. Car Lyon tout autant devenait, au gré d'un détour, le Paris de Balzac, le Dublin de Joyce, le New York de Dos Passos. Le grain de la pierre ne figurait rien d'autre, en ces temps non dysneylandisés, que la rêverie que le promeneur projetait dessus.

 

 

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Quant aux Illuminations… Nulle fourmilière, nulle ruche, nulle rue ou place congestionnées. Je crois bien qu’une ou deux étoiles accrochées à une guirlande aux ampoules globuleuses suffisaient à notre enchantement de mioches. C’était un monde qui ne se représentait encore qu’en noir et blanc et se serait affolé d’une débauche de lumière aussi surnaturelle qu'inconsistante. Il se trouvait pourtant, ce monde là, déjà moderne et démesuré par rapport à un autre, perdu, & dont nous entretenaient de vieux peintres qui posaient au matin leurs chevalets, sur la pierre d'un quai pour s'y laisser raconter des histoires par les pierres des ponts, tout en captant de leurs pinceaux  la fugacité d'un rayon de lumière qu'ils gravaient sur la toile.

Cliché : La rue Edouard Herriot, Blanc & Demilly

 

07:33 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : fête des lumières, lyon, 8décembre | | |

samedi, 05 décembre 2009

La dé-fête des lumières

Pour comprendre en quoi cette dixième fête des lumières lyonnaise est tout sauf réjouissante, il faut relire ce passage lumineux de L'Enseignement de l'Ignorance  (Jean Claude Michéa, Climats - 1999) :

 

C’est ainsi par exemple qu’en septembre 1995, - sous l’égide de la fondation Gorbatchev – cinq cents hommes politiques, leaders économiques et scientifiques de premier plan constituant à leurs propres yeux l’élite du monde, durent se réunit à l’Hôtel Fairmont de San Francisco pour confronter leurs vues sur le destin de la nouvelle civilisation. Etant donné son objet, ce forum était naturellement placé sous le signe de l’efficacité la plus stricte. Des règles rigoureuses forcent tous les participants à oublier la rhétorique. Les conférenciers disposent tout juste de cinq minutes pour introduire un sujet : aucune intervention lors des débats ne doit durer plus de dix minutes.

Ces principes de travail une fois définis, l’assemblée commença par reconnaître – comme une évidence qui ne mérite pas d’être discutée – que dans le siècle à venir, deux-dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale. Sur des bases aussi franches, le principal problème politique que le système capitaliste allait devoir affronter au cours des prochaines décennies put donc être formulé dans toute sa rigueur : comment serait-il possible, pour l’élite mondiale de maintenir la gouvernabilité des quatre-vingts pour cent d’humanité surnuméraire, dont l’inutilité a été programmée par la logique libérale ?

La solution qui, au terme du débat, s’imposa comme la plus raisonnable fut celle proposée par Zbigniew Brezinski sous le nom de tittytainment. Par ce mot valise, il s’agissait tout simplement de définir un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète .

 

Il convient ensuite de se souvenir qu'en septembre 1995, Raymond Barre vient d’être élu maire de Lyon. Il appartient, comme on peut le voir sur ce lien ou sur cet autre, à la commission Trilatérale fondé par Zbigniew Brzezinski en 1973 «club encore plus impénétrable que le Siècle, qui regroupait en 1992 environ 350 membres américains, européens et japonais, et qui constitue un des lieux où s’élaborent les idées et les stratégies de l’internationale capitaliste. »

Depuis 1989, Michel Noir avait déjà développé cette politique d’éclairage des ponts et de certains bâtiments, qui avait séduit les Lyonnais.

 

Le 8 décembre 1999,  pour le 10° anniversaire du plan lumières, on testa un éclairage exceptionnel : Illumination de l'hôtel de ville, illumination du théâtre des Célestins. La fête fut étendue au week-end précédent ou suivant. Elle durerait désormais 4 jours et fut baptisée « Fête des Lumières ». Un battage médiatique en bonne et due forme sur les chaînes nationales assura le succès de cette première opération

Ainsi redéfinie, elle s’inscrit dans la stratégie commerciale de la ville de Lyon, au même titre que le foot-business qui assure à l'OL une série de sept championnats. Aujourd’hui cette fête à dix ans. Elle n’a, contrairement à tout le discours traditionnel qui la sous-tend (voir plus bas des récits littéraires de plusieurs écrivains du XXème siècle) plus grand-chose de lyonnais sinon qu’elle se déroule dans les rues de cette veille capitale des Gaules, dont la pierre et le pavé sont  pris en otages avec tous ses habitants.

Dans le numéro de Lyon citoyen de décembre 2009 (gratuit mensuel en papier glacé de 40 à 50 pages distribué dans toutes les boites aux lettres), le roué Gérard Collomb, successeur de Raymond Barre et 7 fois champion de France avec le non moins rusé Aulas, inclut sa présentation du programme de l’édition 2009 à un appel pour le moins ridicule à être tous « ensemble pour 2016 » (voir page 7 sur le lien plushaut) . Curieusement, deux manifestations caractéristiques du programme défini en 1995 s’y retrouvent instrumentalisées au profit d'un auto-sacramental dont nous commençons à être las  : le divertissement et le foot comme programme de gouvernance…

Dans le même numéro, on découvre un interview de Stéphane Bern venu faire la pub du maire de Lyon, et qui affirme tranquillement que la fête « devient de plus en plus culturel. » On y trouve un programme des « événements » qui du 5 au 8 vont transformer la ville en une gigantesque crèche, à l’intérieur de laquelle la déambulation silencieuse de millions de badauds s’effectue en rangs serrés, d’un show tournant en boucle à un autre show tournant en boucle.

« L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit. Plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L’extrémité du spectacle par rapport à l’homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représente. » écrit Guy Debord dans la 29ème remarque de sa Société du Spectacle : Dirait-on pas qu’il est venu se promener à Lyon ces dernières années ?

La promotion gratuite de l’événementiel sera assuré entre autres par de nombreux blogueurs qui se précipiteront dans les rues pour remplir d’images leurs pages et leurs colonnes. Dans tout cela ne percera jamais l’ombre d’une analyse ni l’ombre d’une critique du moins sur le fond et l’histoire de cette manifestation.

La lecture du programme est cependant éclairante, si l’on peut dire.

En pas moins de 23 pages, on détaille les manifestations inspirées par la municipalité avec la collaboration  des associations de quartier (bénévoles ou bien plus ou moins subventionnées) enrôlées dans la préparation de la fête, dans tous les quartiers et arrondissements de la ville : Presqu’île,  vieux Lyon, colline de Fourvière, Croix-Rousse, parcours au fil du Rhône, Montchat, Duchère, Gerland… Quelle belle et touchante unanimité...

Il faut attendre la 24ème page pour qu’on signale, sous un titre pour le moins ambiguë (Autour de la Fête) les événements religieux (veillée spirituelle et accueil, montée aux flambeaux  avec le cardinal Barbarin, et liste des messes à Notre Dame de Fourvière.)

La fête traditionnelle se trouve ainsi excentrée et satellisée  « autour » de la fête technologique, laquelle par ailleurs ne cesse de revendiquer sur les dépliants touristiques sa filiation avec elle, qui lui sert de caution. Paradoxe du spectacle, aurait dit Guy Debord. Magnifique illustration de l’entertainment, également,  tel qu’il fut définit à l’origine par ses concepteurs. La tradition, tout comme l’innovation technologique, se retrouvent récupérées et instrumentalisées à peu de frais dans une opération qui n’est plus que politico-commerciale, et qui ne manquera pas de servir de communication au staff électoral de la mairie .

  
Aux Lyonnais qui sentent confusément qu’on leur a dérobé « leur fête », demeure la liberté d’allumer quelques lampions déposés sur le rebord d'une mélancolique fenêtre. Même ceux-là, hélas, n’auront d’autre alternative que d’être récupérés par le spectacle, puisque que comme le dit dans sa langue de coach simpliste et de mage inspiré le mégalo-maire de Lyon (qui s’apprête à vendre l’Hôtel-Dieu par ailleurs) dans son opuscule de propagande municipale : « Le soir du 8 décembre posons des lumignons sur le rebord de nos fenêtres ; tout en perpétuant notre tradition nous montrerons à quel point nous pouvons nous mobiliser et participer. L’avant-veille le 6 à 19 heures, nous avons rendez-vous avec le feu d’artifice reporté le 14 juillet en raison des intempéries ; il aura toute sa place lors de la Fête des Lumières. Ensemble, nous allons revivre cette fête, passion au cœur. La passion, celle qui engendre l’enthousiasme dont dons avons tant besoin… »

( On croirait entendre Zbigniew Brezinski – voir plus haut- troublant, non ?)

A partir de ce soir, tout le périmètre du centre ville sera fermé. Il n'y a bien que les commerçants qui se frottent les mains devant cette  grand messe du commerce. La piètre équipe municipale également, qui gère l'image de la ville comme si c'était une entreprise, et qui n'a plus à présenter à la population que ce genre d'événementiel pour redorer son blason.  Pour le reste, la plupart des gens que je connais me disent : "vivement le 9 !"

 

Si vous avez le temps, voici quelques témoignages d'écrivains du vingtième siècle  décrivant des impressions d'enfance sur les Illuminations du 8 décembre. Des descriptions plus politiques, également, sur les luttes qui opposèrent les laïcards et les cathos. Tout ceci ne manque pas de sel, et est à suivre au fil de ces différents liens :

 

- témoignage de Marcel E Grancher

- témoignage de Charles Joannin et suite

- témoignage de Tancrède de Visan et suite.

- témoignage de Pétrus Sambardier

- Contre les Lumières  (Solko, 2008)

- Procedo, cessi, cessum

- Le 8 décembre du temps de l'O.T.L.

 

19:13 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : politique, lyon, fête des lumières, noël | | |

vendredi, 27 novembre 2009

Pont de l'Université

Ce n’est qu’en 1896 (un 10 juillet) que Lyon songea à se doter d’une Université digne de ses ambitions. Une rumeur crédible prétend que la bourgeoisie locale avait craint jusqu’alors de détourner les vocations des jeunes gens du commerce et de l’industrie de la Soie. Il existait bien des Facultés de Science (1834), de Lettres (1838), de Droit (1875) et de Médecine (1977) mais elles étaient éparpillées en différents points de la ville. C’est sur un rapport d’Antoine Gailleton (qui sera maire de 1881 à 1900) que, le 23 avril 1875, le Conseil Municipal a voté l’achat d’un terrain en bordure du Rhône, le long du quai de la Vitriolerie. Un an plus tard, le 20 mars 1876, il confie à l’architecte en chef de la ville Abraham Hirsch la réalisation du Palais de l’Université, qui sera livré 10 ans plus tard.  Pour honorer la Médecine et son enseignement, le vieux quai de la Vitriolerie est rebaptisé Claude Bernard en 1878

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Construction du pont des Facultés (Fonds Sylvestre, 1901 -Collection BML)

Mais passer le pont était alors une aventure, en ce temps où la bonne bourgeoisie de Saint-Jean ne traversait le Rhône qu’à l’occasion de visites forcées à quelque parent pauvre. La Part-Dieu était un quartier de militaires (on devrait plutôt dire de soldats) et la Guillotière un quartier d’ouvriers : Cabarets, hôtels de passe, immeubles bas, jeux de boules : L’emplacement retenu donna donc lieu à de nombreuses polémiques au sein d’une bourgeoisie qui craignait pour la sécurité de ses filles après les cours du soir. Mais la faible valeur du terrain sur une lône marécageuse du Rhone qu’il fallut consolider emporta les ultimes et pudibondes réticences de ces descendants de soyeux économes.

 

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Le pont de l’université en 1907- Fernand Arloing - photographie positive noir et blanc, (Collection Bibliothèque municipale de Lyon)

 

Le pont de l’Université, avec ses balustres ouvragés, ses lampadaires signés et coiffés d’un coq, ses piles décorées aux initiales de la brave République et ses trottoirs dégagés de 2.m 50 de large, reçut donc pour mission de favoriser le confort de la traversée des têtes pensantes destinées à constituer bientôt l’élite municipale. C’est, de fait, un très beau spécimen de ces ponts métalliques qu’affectionna la Belle Epoque, ivre d’elle-même et de ses nouveaux matériaux. Le pont Morand, le pont de la Boucle, autres réalisations de ce XXème siècle balbutiant, n’ont pas eu le bonheur de le traverser de part en part : l’un dut céder devant l’avènement de l’automobile, l’autre devant celui du métro. S’il est quelque chose de magnifique à contempler du haut du pont de l’Université, tous les rêveurs le savent bien, c’est cette échappée lointaine du Rhône vers la Méditerranée, ouverture vers le Sud, et lorsque le vent d’automne finissant vous caresse et pique légèrement les joues, vers le Soir.

 

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Les fortunés « messieurs-dames » qui viennent faire leurs études sur le nouveau quai Claude Bernard ont aussi d'autres besoins.

18:08 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pont de l'université, abraham hirsch, lyon, université de lyon | | |