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samedi, 30 mars 2013

Courts métrages

Les Courts métrages de Jean Jacques Nuel se proposent à la lecture (silencieuse ou à voix haute) tels de petits textes centrés sur un personnage (le Caméléon), un lieu (Le passage du temps) une situation (l’Amant de Thérèse)… On pourrait dire que Nuel est à la fois  l’homme des incipits et des clausules : chaque texte, en effet, en trois ou quatre phrases, saisit un élément du Réel qu’il enserre entre un début et une fin, comme le clip/clap d’une même prise de vue ; d’un texte à l’autre, la sensation de décousu qui pourrait naître du recueil s’estompe au fur et à mesure que se fabrique une vision du Réel propre à l’auteur.

Dans l’univers de Nuel, l’homme est pris au piège du mécanisme qu’il a mis en route et dans lequel, tout en se survivant à lui-même, il est condamné au mieux au surplace, au pire à la régression. D’où l’impression qui se dégage, mêlant un zest d’humour pince sans rire à un zest de fantastique diffus, une nostalgie sans lyrisme à une observation pointilleuse du Réel : Le dernier texte, qui met en scène un périphérique se resserrant chaque année  « d’un minuscule cran de sept mètres » autour d’une agglomération est à ce titre emblématique du recueil ; un recueil de 80 brèves, pour 80 jours, à découvrir en prenant son temps.

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Courts Métrages, de JJ Nuel, Ed. Pont du change, Lyon, 2013

On peut par ailleurs retrouver des textes de  Jean Jacques Nuel sur La Cause Littéraire ainsi que quelques Courts métrages sur You tube :


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lundi, 06 septembre 2010

Manuel de survie à l'usage de l'auteur...

Dans son Exégèse des lieux communs, Léon Bloy raille savoureusement le mépris très bourgeois affleurant dans l’expression Etre poète à ses heures. C’est à ce texte que m’a fait penser Tu écris toujours, l’entreprise de Christian Cotteret-Emard publiée au Pont du change, qui décline en 19 chapitres sa série de « Conseils aux écrivains ». Car « tu écris toujours ?»,  cette terrible phrase prononcée par le copain d’école qu’il rencontre deux ou trois fois par an, tout comme « être poète à ses heures », pose implicitement la même question : celle du statut (ou plutôt du non-statut) de l’écrivain dans la société. On parlait de poète maudit à l’époque de Bloy, pourrait-on à présent étendre cette qualification à l’ensemble de la gente écrivaine ?

Ecrire ? Quoi de plus commun, quoi de moins lucratif semble donc penser le représentant de la vox populi,  qui conclut l’entrevue par un hochement de tête signifiant : « Décidément, on n’a pas fait des étincelles, toi et moi ! » Il est loin, de fait, ce temps que Paul Bénichou, dans un essai devenu mythique (1) appelait pour qualifier la position de l’homme de lettres « le temps des prophètes ». 

De page en page se définit donc peu à peu un profil, une expérience, une nature : marginal et distancié dans la « déplaisante société », l’écrivain doit tout d’abord subvenir à ses besoins avec ce que les autres appellent un travail, mais qu’il considérera lui comme un simple job. « Pour de multiples raisons dont nous nous fichons éperdument, les écrivains dépourvus de rente ou d’héritage cherchent souvent un emploi. Je dis bien un emploi et non un travail, car tous les écrivains ont un travail » ; la perle rare demeurant bien sûr,  « un job qui vous permettra d’être payé à ne rien faire ».  Cela devient, concède Cottet-Emard, de plus en plus difficile. Qu’importe. L’écrivain doit poursuivre son œuvre malgré les rebuffades des éditeurs, le provincialisme des prix littéraires ou le sarcasme des amis et, s’il réussit, les questions imbéciles des journalistes comme les caprices des mécènes.

Ce dernier point concerne évidemment l’écrivain en partie institutionnalisé ; celui qui aurait, comme Sollers avec Venise, réussi à se forger, parmi tant d’autres, une image. Car c’est au fond la seule distinction que la société du spectacle est à même de proposer à celui qui écrit : cette image entre gloire et dérision, impuissance et facticité, le tout teinté d’une persistante fascination. D’où le ton à la fois caustique et léger avec lequel le poète-sociologue Christian Cottet-Emard enquête sur lui-même et les quelques spécimens parmi les siens. A lui le fin mot de l’histoire : « Le problème n’est pas de savoir si vous êtes un bon ou un mauvais écrivain. Savez-vous faire autre chose ? Voilà la vraie question et, bien sûr, la réponse est non. »

 

(1)  Paul Bénichou, Le sacre de l’écrivain (1973), Le temps des prophètes (1977), Quarto Gallimard, 1996

 

Christian Cottet-Emard : Tu écris toujours ? Manuel de survie à l’usage de l’auteur et de son entourage ; éd. Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert 69003 Lyon.

18:17 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, écriture, pont du change, cottet-emard | | |

vendredi, 29 janvier 2010

Les ponts du Change à Lyon

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Construire, déconstruire, reconstruire.

Le daguérréotype ci-dessus, qui date de 1846, montre la destruction du plus vieux pont de pierre qui, face à la loge du Change et l’église Saint-Nizier à Lyon, enjambait la Saône depuis le onzième siècle.  On n'en voit plus que les piliers. Large de six mètres, il comportait six arches dont celle dite « Merveilleuse» au-dessus du courant de « la Mort qui trompe ». La Monarchie de Juillet remplaça l'ancien pont du change par un pont du change plus moderne, afin de favoriser la circulation des péniches. Sur le cliché, il est à gauche de l'ancien, alors presque achevé

« Je ne puis le traverser une seule fois sans me ressouvenir du vieux pont, à la chaussée étroite, décrivant une courbe élevée au-dessus de l’eau, bordée de cadettes qu’avaient creusées les pas des piétons et formant, les jours de pluie, une flaque ininterrompue dans laquelle on plongeait, bon gré mal gré, jusqu’à la cheville », écrit Monsieur Josse en 1887 (1)

 

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En 1944, les Allemands firent sauter une arche de ce deuxième pont et le cliché ci-dessus nous montre les travaux de remise en état. Quelques trente ans plus tard, ce second pont connut le même sort que le premier : les services de navigation obtinrent sa destruction en 1974.

Les quais actuels portent la cicatrice de l’emplacement de ce bijou médiéval sacrifié à la navigation fluviale, avec des gradins implantés et un parking qui se font face, entre la place Saint Nizier et la place du Change…

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Pont de Pierre, par Hippolyte Leymarie, 1843 (musée Gadagne, Lyon)
(1) Monsieur Josse - A travers Lyon - Storck, 1887

 

11:01 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : monsieur josse, lyon, pont du change | | |

dimanche, 07 décembre 2008

Le pont de Saone

Le plus vieux pont de Lyon n’est plus. Il enjamba durant des siècles la Saône pour relier la place du Change au quartier Saint-Nizier. Son peu de largeur le rendant insuffisant à la circulation d’une rive à l’autre, il avait été remplacé en 1845 par le Pont de Nemours, d’une largeur de 13 mètres. Ce dernier disparut à son tour en 1978 et fut remplacé par le pont Maréchal Juin, plus en aval.  L’autre pont de pierre, qui traversait le Rhône, a été démoli en 1954

Je suis toujours étonné que Lyon ait sacrifié ses deux ponts de pierre, témoins l’un et l’autre d’une histoire remontant au Moyen Age, sans autre forme de procès, quand tant d’autres villes ont su garder les leurs

Raconter l’histoire de ce pont construit sous l’archevêque Humbert et consacré par le pape Innocent III en 1070, c’est raconter une bonne part de l’histoire de la ville elle-même : En 843, le traité de Verdun avait donné la rive droite de la Saône au roi Charles-le-Chauve, et la rive gauche à l’empereur Lothaire : le Pont de Saône, dit Pont du Change, qui reliait les deux rives, reliait donc le Royaume à l’Empire et les mariniers pendant plusieurs siècles, pour parler de la tour défensive côté Saint-Nizier, dirent la tour d’Empire, et pour parler de celle côté de Fourvière, dirent la tour de France.

 

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Le vieux pont était repérable immédiatement dans le paysage en raison des masures médiévales qui, outre les deux tours, le surmontaient au dessus de l’Arc des Merveilles  Les anciennes chroniques appelaient la première arche de ce pont (du côté de Saint-Nizier), l’Arc Merveilleux, en raison de l’antique fête des Merveilles, durant laquelle des bœufs ou des taureaux étaient projetés dans la Saône, puis récupérés par des mariniers qui les abattaient, à l’endroit même qui donna son nom à la rue Ecorche-Bœuf. Cette fête était le prétexte, pour les diverses corporations d’exhiber les pièces maîtresses de leurs métiers (mirabilia opera) et pour l’Église de célébrer ses quarante-huit martyrs (Fête des Miracles) à l’occasion de processions navales reliant Vaise à Ainay.  Le Clergé avait ses bateaux, les autorités civiles avaient les leurs, parmi lequel le célèbre Bucentaure ou paradait l’élite de la jeunesse. Jusque vers la fin du XIIème siècle, elle se déroulait de manière fixe, tous les 2 juin. Au XIIIème siècle, elle fut reportée au mardi avant Saint-Jean. La fête des Merveilpont du change.jpgles, à la fois païenne et sacrée, connut à partir du quatorzième siècle de nombreux débordements et finit par être abandonnée en raison des rixes, blessures et homicides qu’elle occasionnait. C’est aussi du haut de l’Arche des Merveilles que la bande des souffleurs jeta longtemps dans le courant de la Saône un mannequin nommé Carmentran, qui symbolisait la fin du carnaval de Mardi-Gras.En souvenir de la peste de 1628, un café mitoyen ayant adpté l'enseigne d'un squelette embouchant une tropette, on surnomma la partie du quai qui longeait cette arche ( cf. gravure) La Mort qui Trompe. A moins que ce nom ne provînt d'un passage partculièrement dangereux de la rivière, tout autaant pour le snageurs que pour les manoeuvres desmarinirs. Les avis divergent. .

 

C’est tout naturellement en des points stratégiques de la ville que les échevins, lorsqu’ils placèrent officiellement la ville sous la protection de Marie le 12 Mars 1643, s’engagèrent à élever deux statues de la Vierge en marbre blanc. L’une devait être placée sur la place du Change, l’autre, précisément, au milieu de ce pont de Saône que tout un chacun empruntait, « sous un petit dôme triangulaire composé de trois petites arcades de la largeur de trois pieds sur six de hauteur ». La délibération des cinq échevins précise que l’arcade faisant face au côté de midi «sera enrichie de deux petites colonnes de pierre noire polie », et le reste du dôme « de même pierre noire sans polissure ».

Le monument commémoratif du Pont de Saône fut commandé le 23 janvier 1659 au sculpteur Mimerel et édifié en 1662 « sur l’avant-bec de la quatrième pile du côté de Saint-Nizier, où précédemment il existait une croix en pierre indiquée sur les plans de Simon Maupin de 1625 et de 1659 »  (1) Les circonstances de la disparition de la Vierge de Mimerel du pont de Saône et celles de son transfert jusqu'à la chapelle de l'Hôtel Dieu, où elle passe pour miraculeuse, sont mal connues. Grisard rapporte une légende selon laquelle la Vierge elle-même aurait décidé de son nouvel emplacement :  

« La statue de la Vierge qui était sur le pont de pierre de Saône ayant été fracturée, on en plaça les débris sur un chariot attelé de deux bœufs, pensant les faire disparaître en les transportant au loin. Mais arrivé devant l’entrée de l’Hôpital, l’attelage refusant d’avancer malgré les efforts e son conducteur, on crut voir dans ce comportement le désir exprimé par la Mère de miséricorde pour faire admettre sa statue dans l’asile réservé au malheur et à la souffrance, et sur le champ, sans autrement délibérer, on transporta le chargement dans l’intérieur de l’Hôtel-Dieu ».

 

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Pour conclure ce billet, une remarque de Monsieur Josse (A Travers Lyon, 1887) sur ce vieux pont de pierre, alors détruit depuis  quarante deux ans :

« Nous voici face au Pont de Pierre. Car pour les Lyonnais, c’est sous ce nom que le pont de Nemours ou du Change est connu. Je ne puis le traverser une seule fois sans me ressouvenir du vieux pont, à la chaussée étroite, décrivant une courbe élevée au-dessus de l’eau, bordée de cadettes  (trottoirs) qu’avaient creusées les pas des piétons et formant, les jours de pluie, une flaque ininterrompue, dans laquelle on plongeait, bon gré, maugré, jusqu’à la cheville ».

 

Autre pont disparu : l'ancien pont Morand.

 



(1° Le vœu des échevins de la ville de Lyon, J.J. Grisard, Pitrat, Lyon, 1888

17:44 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : pont de saône, lyon, saint-nizier, monsieur josse, pont du change | | |