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vendredi, 29 janvier 2010

Les ponts du Change à Lyon

pierre à nemours 1846.jpg

Construire, déconstruire, reconstruire.

Le daguérréotype ci-dessus, qui date de 1846, montre la destruction du plus vieux pont de pierre qui, face à la loge du Change et l’église Saint-Nizier à Lyon, enjambait la Saône depuis le onzième siècle.  On n'en voit plus que les piliers. Large de six mètres, il comportait six arches dont celle dite « Merveilleuse» au-dessus du courant de « la Mort qui trompe ». La Monarchie de Juillet remplaça l'ancien pont du change par un pont du change plus moderne, afin de favoriser la circulation des péniches. Sur le cliché, il est à gauche de l'ancien, alors presque achevé

« Je ne puis le traverser une seule fois sans me ressouvenir du vieux pont, à la chaussée étroite, décrivant une courbe élevée au-dessus de l’eau, bordée de cadettes qu’avaient creusées les pas des piétons et formant, les jours de pluie, une flaque ininterrompue dans laquelle on plongeait, bon gré mal gré, jusqu’à la cheville », écrit Monsieur Josse en 1887 (1)

 

reconstruction pont du change 44.jpg

 

En 1944, les Allemands firent sauter une arche de ce deuxième pont et le cliché ci-dessus nous montre les travaux de remise en état. Quelques trente ans plus tard, ce second pont connut le même sort que le premier : les services de navigation obtinrent sa destruction en 1974.

Les quais actuels portent la cicatrice de l’emplacement de ce bijou médiéval sacrifié à la navigation fluviale, avec des gradins implantés et un parking qui se font face, entre la place Saint Nizier et la place du Change…

conférence 22.jpg
Pont de Pierre, par Hippolyte Leymarie, 1843 (musée Gadagne, Lyon)
(1) Monsieur Josse - A travers Lyon - Storck, 1887

 

11:01 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : monsieur josse, lyon, pont du change | | |

samedi, 19 septembre 2009

Promenades de Monsieur Josse


Journées du patrimoine : Monsieur Josse, ami de Solko & promeneur infatigable par les ponts, les places, les boulevards et les rues en pente, aurait aimé vous livrer  quelques clichés d'une ville en réaménagement perpétuel. Mais il semble que les compétences techniques de monsieur Josse, comme celles d'ailleurs de Solko, ne soient pas à la hauteur du projet : aussi, si vous ne pouvez pas visionner la video ci-dessus, la maison vous prie de lui pardonner son incompétence technologique. Elle fera mieux l'an prochain.

Et pour faire bonne mesure, Nizier du Puitspelu, autre ami de Solko & monument du patrimoine local, vous offre ces quelques lignes de sa main, tirées des Vieilleries Lyonnaises  :

 

« On ne se laisse pas, souventefois, de rencontrer des gens ayant peine à comprendre que l’on puisse aimer le vieuximg1454.jpg Lyon, même le regretter. Hé quoi ! disent-ils, renouvelant des plaisanteries un peu fripées, vous préférez donc le pavé pointu au caillou plat, la cadette au trottoir, le cul-de-sac Saint-Charles à la rue Impériale ?

Les bonnes âmes ignorent-elles que plus d’une fois, il arrive d’aimer les choses et les gens indépendamment de ce qu’ils sont : parce qu’on les aura vus jeunes, parce que leur présence fait revivre un passé mort ; parce qu’ils vous tiennent enfin par le meilleur de vous-même.  Les choses, à part elles, ont peut-être leurs poids, mesures et conditions, mais au-dedans de nous, l’âme les taille comme elle l’entend. Parfois, leurs défauts même nous attirent : Veluti Balbinum polypus Agnae.

On a pour le vieux Lyon quelque chose de ce qu’on a pour sa mère. Peu vous chaut que celle-ci fût une bonne femme. On l’aime mieux ainsi que si elle eût été princesse. Et ceux qui s’en émerveillent, ce qu’ils ont à de mieux à faire, c’est de ne pas s’en vanter. »

Nizier du Puitspelu, « Pourquoi l’on aime le vieux Lyon », Les Vieilleries lyonnaises (1879)

 

 

 

 

 

Entre nous, elles sont d'ailleurs bien étranges, ces journées du patrimoine, par lesquelles se réalise une vieille prédiction des situationnistes : "La France est condamnée à plus ou moins long terme à devenir un parc culturel européen."

Cette prédiction en reprenait une, plus ancienne encore (1934), puisqu'au moment de la61114_Big.jpg faillite de la fabrique de la soie, Marcel Grancher écrivait, dans un roman nommé Au mal assis (roman assez sympathique d'ailleurs) : "D'ici cinquante ans, Lyon sera une ville dans le genre de Bruges"

Le cul du XXIème siècle, que d'aucuns avaient prédit devoir être celui d'explorateurs dignes de Jules Verne, se retrouve donc dans la réalité à ne péter guère plus haut que le cul de Bouvard et Pécuchet.

C'est déjà pas si mal, dirait ce cher Gustave, ironique et bien élevé, s'il avait eu l'heur de le contempler et de le juger, à l'aune de ces journées-là ...

 

 

 

 

17:19 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : nizier du puitspelu, monsieur josse, auguste bleton | | |

dimanche, 07 décembre 2008

Le pont de Saone

Le plus vieux pont de Lyon n’est plus. Il enjamba durant des siècles la Saône pour relier la place du Change au quartier Saint-Nizier. Son peu de largeur le rendant insuffisant à la circulation d’une rive à l’autre, il avait été remplacé en 1845 par le Pont de Nemours, d’une largeur de 13 mètres. Ce dernier disparut à son tour en 1978 et fut remplacé par le pont Maréchal Juin, plus en aval.  L’autre pont de pierre, qui traversait le Rhône, a été démoli en 1954

Je suis toujours étonné que Lyon ait sacrifié ses deux ponts de pierre, témoins l’un et l’autre d’une histoire remontant au Moyen Age, sans autre forme de procès, quand tant d’autres villes ont su garder les leurs

Raconter l’histoire de ce pont construit sous l’archevêque Humbert et consacré par le pape Innocent III en 1070, c’est raconter une bonne part de l’histoire de la ville elle-même : En 843, le traité de Verdun avait donné la rive droite de la Saône au roi Charles-le-Chauve, et la rive gauche à l’empereur Lothaire : le Pont de Saône, dit Pont du Change, qui reliait les deux rives, reliait donc le Royaume à l’Empire et les mariniers pendant plusieurs siècles, pour parler de la tour défensive côté Saint-Nizier, dirent la tour d’Empire, et pour parler de celle côté de Fourvière, dirent la tour de France.

 

0a17_1.jpg

Le vieux pont était repérable immédiatement dans le paysage en raison des masures médiévales qui, outre les deux tours, le surmontaient au dessus de l’Arc des Merveilles  Les anciennes chroniques appelaient la première arche de ce pont (du côté de Saint-Nizier), l’Arc Merveilleux, en raison de l’antique fête des Merveilles, durant laquelle des bœufs ou des taureaux étaient projetés dans la Saône, puis récupérés par des mariniers qui les abattaient, à l’endroit même qui donna son nom à la rue Ecorche-Bœuf. Cette fête était le prétexte, pour les diverses corporations d’exhiber les pièces maîtresses de leurs métiers (mirabilia opera) et pour l’Église de célébrer ses quarante-huit martyrs (Fête des Miracles) à l’occasion de processions navales reliant Vaise à Ainay.  Le Clergé avait ses bateaux, les autorités civiles avaient les leurs, parmi lequel le célèbre Bucentaure ou paradait l’élite de la jeunesse. Jusque vers la fin du XIIème siècle, elle se déroulait de manière fixe, tous les 2 juin. Au XIIIème siècle, elle fut reportée au mardi avant Saint-Jean. La fête des Merveilpont du change.jpgles, à la fois païenne et sacrée, connut à partir du quatorzième siècle de nombreux débordements et finit par être abandonnée en raison des rixes, blessures et homicides qu’elle occasionnait. C’est aussi du haut de l’Arche des Merveilles que la bande des souffleurs jeta longtemps dans le courant de la Saône un mannequin nommé Carmentran, qui symbolisait la fin du carnaval de Mardi-Gras.En souvenir de la peste de 1628, un café mitoyen ayant adpté l'enseigne d'un squelette embouchant une tropette, on surnomma la partie du quai qui longeait cette arche ( cf. gravure) La Mort qui Trompe. A moins que ce nom ne provînt d'un passage partculièrement dangereux de la rivière, tout autaant pour le snageurs que pour les manoeuvres desmarinirs. Les avis divergent. .

 

C’est tout naturellement en des points stratégiques de la ville que les échevins, lorsqu’ils placèrent officiellement la ville sous la protection de Marie le 12 Mars 1643, s’engagèrent à élever deux statues de la Vierge en marbre blanc. L’une devait être placée sur la place du Change, l’autre, précisément, au milieu de ce pont de Saône que tout un chacun empruntait, « sous un petit dôme triangulaire composé de trois petites arcades de la largeur de trois pieds sur six de hauteur ». La délibération des cinq échevins précise que l’arcade faisant face au côté de midi «sera enrichie de deux petites colonnes de pierre noire polie », et le reste du dôme « de même pierre noire sans polissure ».

Le monument commémoratif du Pont de Saône fut commandé le 23 janvier 1659 au sculpteur Mimerel et édifié en 1662 « sur l’avant-bec de la quatrième pile du côté de Saint-Nizier, où précédemment il existait une croix en pierre indiquée sur les plans de Simon Maupin de 1625 et de 1659 »  (1) Les circonstances de la disparition de la Vierge de Mimerel du pont de Saône et celles de son transfert jusqu'à la chapelle de l'Hôtel Dieu, où elle passe pour miraculeuse, sont mal connues. Grisard rapporte une légende selon laquelle la Vierge elle-même aurait décidé de son nouvel emplacement :  

« La statue de la Vierge qui était sur le pont de pierre de Saône ayant été fracturée, on en plaça les débris sur un chariot attelé de deux bœufs, pensant les faire disparaître en les transportant au loin. Mais arrivé devant l’entrée de l’Hôpital, l’attelage refusant d’avancer malgré les efforts e son conducteur, on crut voir dans ce comportement le désir exprimé par la Mère de miséricorde pour faire admettre sa statue dans l’asile réservé au malheur et à la souffrance, et sur le champ, sans autrement délibérer, on transporta le chargement dans l’intérieur de l’Hôtel-Dieu ».

 

pont du change sur la saône.jpg

Pour conclure ce billet, une remarque de Monsieur Josse (A Travers Lyon, 1887) sur ce vieux pont de pierre, alors détruit depuis  quarante deux ans :

« Nous voici face au Pont de Pierre. Car pour les Lyonnais, c’est sous ce nom que le pont de Nemours ou du Change est connu. Je ne puis le traverser une seule fois sans me ressouvenir du vieux pont, à la chaussée étroite, décrivant une courbe élevée au-dessus de l’eau, bordée de cadettes  (trottoirs) qu’avaient creusées les pas des piétons et formant, les jours de pluie, une flaque ininterrompue, dans laquelle on plongeait, bon gré, maugré, jusqu’à la cheville ».

 

Autre pont disparu : l'ancien pont Morand.

 



(1° Le vœu des échevins de la ville de Lyon, J.J. Grisard, Pitrat, Lyon, 1888

17:44 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : pont de saône, lyon, saint-nizier, monsieur josse, pont du change | | |