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dimanche, 16 octobre 2011

La grâce d'une cathédrale

Après Reims et Strasbourg et avant Rouen, Amiens, Paris et Chartres, les éditions  La Nuée Bleue sortent un ouvrage monumental sur la primatiale Saint Jean de Lyon. Cette parution vient heureusement combler un vide éditorial, au moment même où une dernière opération de ravalement vient de rendre à la vue de tous la façade du XVème siècle de la plus vieille église de France, qui encore aujourd’hui vaut à son évêque le titre de primat des Gaules. La Grâce d’une cathédrale, qui ambitionne de devenir l’ouvrage de référence, regroupe trente-six auteurs parmi les spécialistes de l’édifice sacré, architectes, historiens, tailleurs de pierre, théologies, archéologues. Il est certain qu’au vu de l’Histoire, la cathédrale actuelle, vestige d'un palais épiscopal qui fut si souvent pillé, saccagé, en partie détruit, avait besoin d’être ainsi mis en valeur, la riche histoire dont elle témoigne mise en lumière : en trois parties, « l’aventure de sa construction », « la description de l’édifice » et « l’histoire de la vie civile et religieuse au cours des siècles », il s’est donné les moyens de séduire un public très large, du touriste intrigué à l’érudit passionné. J’ai toujours beaucoup aimé la justesse rêveuse de la dédicace qu’en fit Sidoine Apollinaire au Vème siècle, dans laquelle s’exprime un ressenti à la fois limpide et précis du site lui-même, élevé dans le court espace qui sépare la Saône du mont Fourvière :

« L’édifice élevé brille et n’est déporté ni vers la gauche ni vers la droite, mais par le sommet de son fronton, il regarde le lever du soleil à l’équinoxe. A l’intérieur, la lumière scintille et le soleil est si bien attiré vers le plafond à caissons couvert de feuilles d’or qu’il musarde sur le métal fauve dans un même concert de couleurs. Le marbre, qui se moire d’une variété d’éclats, garnit dans son entier la voûte, le sol, les fenêtres et, sous les figures aux couleurs changeantes, un vert revêtement printanier fait s’incliner grâce à des tiges de vert émeraude des tesselles de saphir. A cet édifice s’appuie un triple portique, orgueilleux de ses supports en marbre d’Aquitaine ; à son imitation, une seconde série de portiques ferme un atrium plus lointain et une forêt de pierre couvre un espace médian, de ses colonnes placées plus loin. Ici la colline résonne, là la Saône renvoie l’écho ; d’un côté se réfléchit le bruit du piéton, du cavalier et du conducteur de chars grinçants, de l’autre le chœur des rameurs courbés élève vers le Christ le chant rythmé de la rivière, tandis que les rives répondent en écho Alléluia. Chante, chante ainsi,  matelot ou voyageur, car c’est ici le lieu où tous doivent se rendre, le lieu où se trouve la route qui mène au salut ».

Certes les vaguelettes de la Saône ne lèchent plus le chevet de la vieille église, le palais épiscopal fut en parti détruit, et les niches de la façade demeurent, depuis le passage du baron des Adrets, vides d’images. C’est justement ce qui rend ce genre de publication indispensable : un livre dont les 500 pages et les 600 illustrations feront date.

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Lyon Primatiale des Gaules, La grâce d’une cathédrale, Ed. La Nuée Bleue, à suivre sur ce LIEN 

 

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Statue de Jean Baptiste

 

 

 

samedi, 18 juillet 2009

Le patriarche Bartholomée 1er à Lyon

Le 7 mai 1274, et pour plusieurs semaines, à l’appel efficace du pape Grégoire X (1271-1276) se réunit le deuxième concile général de Lyon.  De nombreux seigneurs, cinq cents évêques, soixante abbés de monastères, plus de mille ecclésiastiques et plusieurs représentants de l’église d’Orient se retrouvèrent à cette occasion sous les voutes toutes neuves de la primatiale Saint-Jean. Les chroniques stipulent que « toute la foule lyonnaise n’avait pu prendre place dans l’église, que les ponts et toute la place étaient noirs de monde ». Philippe le Hardi, roi de France, s’était lui aussi déplacé pour entendre le souverain pontife lire l’épitre que les prélats de l’église d’Orient lui avaient adressée, et qui admettait la réunion des églises grecques et latines sous son autorité. Il me plait d’imaginer dans la pénombre un peu humide la frêle stature de Grégoire X contemplant les croix des deux églises qu’on déposait aux deux extrémités du grand autel, et de l’imaginer, comme les chroniques le racontent, pleurant de joie non loin des remous de la Saône, tandis que George Acropolite, grand logothète, s’avançait, sans doute grave, au centre de la cathédrale et prononçait devant l’autel, sans doute ému, le serment par lequel il renonçait au schisme et acceptait la suprématie de Rome. Quel moment ! Il me plait d’imaginer ensuite le lent défilé des ambassadeurs des églises de la Grèce signant alors l’acte solennel qui avait été préparé, les chœurs et les canons éclatant, et toute cette théâtralité si magique, dont seul le catholicisme le plus séculaire a le secret.

Ce concile, l’un des plus importants du Moyen Age, fut endeuillé par la disparition de deux bons docteurs : l’angélique Thomas d’Aquin, qui mourut en s’y rendant ; le séraphique Bonaventure, qui mourut quelques jours avant sa fin, au couvent des Cordeliers où il était hébergé. C’est à la perpétuation de cette mort inopinée qu’on doit l’église Saint-Bonaventure.

 

 Il me plait de songer aux pierres du Vieux Lyon et à celles de sa vieille primatiale, dont on ne se doute  jamais véritablement, nous, les vivants de bref passage, à quel point  elles  sont effectivement vieilles. Il me plait de songer à ces pierres sous ce jour historique et auréolé par une légende embaumée d’encens,  comme dans ces albums enluminés, où l’on nous racontait sur du papier épais, jadis, la vieille histoire du bon royaume de France.  Il me plait d’arpenter la rue Saint-Jean, de glisser ma mortelle silhouette entre les façades séculaires de ces bâtisses, de cheminer d’un bord à l’autre de la gargouille centrale, fermant les yeux sur les déambulations empesées des touristes obèses et bruyants qui s’y trainent, d’oublier les commerces de bric et de broc et de laisser littéralement mon imaginaire aller entendre sonner les cloches, comme au temps du concile de Grégoire, voir les bannières aux vives couleurs et les étendards rutilants, et renifler les encens.

Je raconte tout cela parce qu’aujourd’hui samedi 18 juillet à dix-sept heures, le cardinal Barbarin célèbrera une messe dont le patriarche œcuménique Bartholomée 1er, de passage à Lyon pour deux jours, prononcera l’homélie. Cet événement fort rare qui, pour beaucoup n’aura aucune incidence - voire même aucune existence, pour quelques-uns heureusement ranimera durant quelques minutes un fort vieux songe et une histoire haute en panache, le songe et l’histoire de tous ces hommes aujourd’hui bien poudreux qui ont édifié le palais épiscopal, dont seul demeure actuellement la cathédrale Saint-Jean ainsi que sur le bord de Saône, tout le reste de cette vieille cité gallo-romaine et chrétienne. L’histoire de leur culture, laquelle passe par celle de leur tradition et croise le chemin de leur religion - qu’on le veuille ou non, nous, modernes, notre héritage.

 

 

 

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 Le patriarche oecuménique Bartholomée Ier