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vendredi, 23 janvier 2009

Henri Béraud : La force du temps

Je quitte à l’instant l’œuvre de Béraud. Et il me semble qu’il ne l’a jamais écrite, à peu de gens près, que pour lui-même. Comme tous les écrivains. Je ne parle pas, bien sûr, des grands reportages ni des pamphlets polémiques. Comme Joseph Kessel, comme Albert Londres, auxquels il ouvrit bien des portes, il rédigea les premiers pour vivre. Quant aux seconds, dans le contexte rudement cauchemardesque de la seconde moitié des années trente, il estima que c’était son devoir d'être de la bagarre en les faisant publier.

Je parle d’une bonne quinzaine de livres, ce qui n’est pas absolument rien. Et je n’hésite pas à croire que si la littérature française doit sortir vivante de la vacuité sidérante et du conformisme accablant dans lesquels l’ont plongée aussi bien l’institution universitaire que les politiques éditoriales de ces quarante dernières années, la redécouverte de cette œuvre par de jeunes ou de nouveaux lecteurs aura un rôle déterminant à jouer.

Car il y a dans la phrase d’Henri Béraud  quelque chose d’asséné et de brutal,  de juste et d’élégant, et même souvent de raffiné, qui fait sa fête à tout amoureux de la langue française. Henri Béraud ne fut ni un idéologue, ni un penseur, ni un politique Contrairement à beaucoup d’hommes de sa génération, il sortit la vie sauve de l’enfer des tranchées de quatorze dix-huit. Comme beaucoup d’hommes de sa génération, il sut alors qu’il avait sacrifié son existence, car la société au sein de laquelle elle s’apprêtait à se dérouler avant que la boucherie ne commence, cette société, bel et bien, n’était plus. C’est pourquoi il jeta sur le monde un regard à la fois baroque et lyrique, l’un de ceux qui siéent mal au sérieux que lui demandait son temps : un regard de revenant désenchanté. Iceberg anachronique et têtu, n’explique-t-il pas encore, en 1944 ainsi sa conception politique : « Elle s’exprime toute dans l’amour de la France , la haine des Anglais et le refus de toute obédience étrangère » Cette politique qui, dit-il « a suffi à nos vieux rois, aux hommes de 93, à Napoléon, peut bien suffire à un fils de boulanger

L’effacement d’un grand auteur, quel qu’il soit, est toujours significatif de quelque chose. Dans une démocratie sur-médiatisée de pied en cap, le fait d’honorer chaque 11 novembre la mémoire d’un soldat inconnu est évidemment moins compromettant que le fait de perpétuer la mémoire d’un soldat qui fut trop connu et, surtout, inconsidérément bavard. Pour sa défense, c’était son métier de parler ainsi. Loin de moi l’idée d’attenter à la justesse d’une commémoration dont Béraud lui-même écrivit un jour que les Allemands nous en enviaient l’idée. Le fait est que, pour son malheur, Henri Béraud a appartenu à cette génération-là - que des cadets opportunistes auront singulièrement réduite au silence- et qui, parce que la gloriole la faisait rire, a laissé faire. Brasillach eut les honneurs d’un procès en bonne et due forme. Celui de Béraud, qui passa avant, lui, est une atroce caricature. .  

«Pour moi la guerre n’est pas un sujet de littérature», écrivit un jour ce dernier. Elle fut, à vrai dire, cette guerre de Trente ans qui l'a conduit de l'an quatorze à l'an quarante-quatre, un horizon indépassable qui conditionna toute sa trajectoire parmi les hommes. Tandis que d’autres, de sa génération, se bornèrent à romancer leur guerre, il s’ingénia à démontrer qu’il n’y eut pas, qu’il n’y aura jamais d’autres guerres que la guerre économique entre les riches et les pauvres, en écrivant La Conquête du Pain, un ensemble de trois récits, fondé sur la dialectique du servage et de l’affranchissement. Témoin des bouleversements irrémédiables que le siècle imprimait à la société, il a dressé le tombeau éblouissant des jours qu’il vivait à mesure qu’ils s’écoulaient. Et sur le monde contemporain qu’il traversait avec effroi, il a passé son temps à rédiger des reportages, faisant de tout, même de sa propre mort, le prétexte d’une enquête.

Parce qu’il fut identifié au régime honni de la Troisième République dans laquelle ses pamphlets lui attirèrent des ennemis en nombre incalculable, ses juges ont eu intérêt à ce qu’il disparaisse avec elle. Soit. Henri Béraud qui était l’habitant d’un autre monde, n'a pas voulu, lui-même, être du leur. Quiconque ne regarde cet autre monde qu’avec l’œil abstrait de notre époque ne comprendra rien à la beauté, à la puissance et au grand effroi dont elle porte la gravité jusqu’à nous :  "Par ma jeunesse, je touche au temps des diligences. J’ai connu les grand’routes, quand il y avait encore des auberges et des rouliers. Mon enfance, que hante le souvenir des pataches à bâches vertes, des picotins aux relais, des palefreniers à blouses blanches et bleues et bonnets de coton, me fait plus proche de mon bisaïeul que de mon cadet, plus semblable à un Mil huit cent trente qu’à un Moins de trente ans. Et je me crois jeune !"


Je l’imagine, parcourant à pieds les rues de Sarajevo, de l’Hôtel de Ville au pont Latinska, dix-huit ans après la mort de François Ferdinand. Il croise un cantonnier qui traîne son balai de bouleau sur la chaussée… Un garçon en veste blanche, qui prend le frais devant la boutique du coiffeur Papo. La nécessité d’un reportage pour Le Petit Parisien l’a conduit dans ces rues. Ses yeux s’attardent sur ce garçon. Il songe, bien sûr, aux sept millions de morts de la Première Guerre Mondiale, à la génération à laquelle il appartient, lui et d’autres, la génération sacrifiée… Plus particulièrement, peut-être, songe-t-il à Paul Lintier… Le garçon en veste blanche a dix-huit ans et pour lui, écrit-il sur un carnet de notes, « cette histoire qui date de sa naissance est vieille comme le monde. »

Je l’imagine en train d’écrire à l’ancienne, dans sa bicoque de pêcheurs sur l’Ile de Ré, de nuit, sur l’ancien pétrin de son père qui fait office de bureau, non loin de la chienne Sita. Les vagues mugissent comme les mots viennent, et couchent sur le papier l’épopée des manants de Sabolas, pour remettre en adéquation l’âme inquiète d’un ancien poilu et le monde: « Etre seul dans le grand silence, avec la certitude que personne ne viendra troubler votre tâche ou votre rêverie. »

Je l’imagine, tassé entre Charles Dullin et Albert Londres sur l’impériale de l’omnibus de la Bourse, traversant Paris à toute allure, un matin de septembre 1905, provincial émerveillé.. Si l’histoire et la vie d’Henri Béraud se confondent avec celles de la Troisième République, son œuvre, elle, nous apparaît tel un creuset où toute la complexité de l’héritage littéraire du dix-neuvième siècle trouve une forme de résolution personnelle. Elle constitue également l’un des sillons les plus dramatiques d’un régime qui fit naufrage parce qu’il fut incapable  d’assurer la sécurité de ses citoyens. Les enfants gavés des années soixante et de leurs succédanés oublient, lorsqu’ils considèrent les gens de cette époque, ce qu’ils doivent, eux, à la dissuasion nucléaire. Ce n’est pas le moindre mérite des pamphlets si décriés de Béraud, de nous le rappeler.

Lorsqu’il naît, en 1885, la Troisième République n’a que quelques années de plus que lui. Jules Grévy, premier président élu dans les formes définies par la constitution, ne siège à l’Elysée que depuis six ans. On ne fête le Quatorze Juillet que depuis cinq. L’enseignement primaire n’est gratuit que depuis quatre. Plus d’un français sur deux est alors paysan. Le bilinguisme, le voyage à l’étranger ne concernent qu’une élite fort restreinte. Lyon, sa ville natale, est en pleine restructuration. Malgré le centralisme parisien et l’académisme rigoureux qui régit la vie intellectuelle entre Saône et Rhône, il décide d’y tenter une carrière littéraire et journalistique en publiant plusieurs recueils de nouvelles et en fondant une revue polémique mensuelle, l’Ours.

Enrôlé à 29 ans dans la Première Guerre Mondiale, il en revient, bardé de certitudes, de dégoût, de nostalgie, d’espérances, et le cœur lourd de quelques serments, prêt à empoigner d’un poing vif tout ce que le Paris des années vingt peut proposer à une ambition provinciale. A L’œuvre, il débute une brillante carrière de journaliste en couvrant l’Ouverture de la Conférence de la paix au Quai d’Orsay. Au Petit Parisien, il devient grand reporter. Prix Goncourt en 1922, il arpente l’Europe durant deux décennies et publie, d’abord dans les colonnes des quotidiens, puis en recueil autonome, une série de reportages politiques (Le Flâneur salarié, Ce que j’ai vu à Moscou, Ce que j’ai vu à Berlin, Rendez-vous européens, Ce que j’ai vu à Rome, Emeutes en Espagne, Vienne clef du monde, Le Feu qui couve) dans lesquels il enregistre avec inquiétude les dangers que font peser sur la paix du monde les malfaçons du Traité de Versailles. Spectateur narquois de l’échec du Bloc national (1919-1924), de la faillite du Cartel des gauches (1924-1926), de la crise de 1929, de la ronde des ministres et des gouvernements, de la chute inexorable du franc, Henri Béraud se tient tout d’abord en marge d’un monde politique qui le dégoûte profondément et entreprend une œuvre importante d’écrivain (Le Bois du templier pendu, La gerbe d’Or, Les Lurons de Sabolas, Ciel de suie…). Mais au lendemain de l’Affaire Stavisky et du 6 février 1934, convaincu que la politique étrangère des dirigeants français successifs est inconsciente de ce qu’il appelle le Feu qui couve, et que le pays s’enfonce avec aveuglement dans une crise dont il ne sortirait pas indemne, il s’engage, au nom des « serments sur les morts » de « la der des ders » dans une polémique virulente contre le parlementarisme corrompu de la Troisième République. Il devient éditorialiste à Gringoire où Horace de Carbuccia le lie par un contrat exclusif. La violence de ses attaques contre Daladier, Salengro, Blum, l’outrance de son anglophobie font de lui le porte-parole dans l’opinion d’un nationalisme fougueux et radical, auquel son nom demeure encore aujourd’hui attaché. Béraud, pourtant, n’a appartenu à aucune ligue fasciste. Il fut même l’un des premiers à distinguer clairement et à dénoncer publiquement la dictature stalinienne, le fascisme mussollinien et la montée de l’antisémitisme dans l’Allemagne des années 20. En juin 40, s’il se rallie à Pétain, insulte les gaullards, c’est pour rejeter avec autant d’horreur toute collaboration avec les Allemands que toute alliance avec « l’ennemi héréditaire ». Comme beaucoup d’anciens poilus de sa génération, il s’enferme alors dans une vision nostalgique de l’honneur militaire et de la grandeur intraitable de la France et commence à jeter sur le monde qui l'entoure un regard figé, plein d'effroi.

La Troisième République fait naufrage; lui avec, donc, au nom d’une fidélité obstinée qui jettera le discrédit sur l’ensemble de son œuvre en le propulsant parmi les premiers écrivains condamnés des procès de l’épuration. Parce qu’il n’était précisément ni un idéologue ni un extrémiste, on s’arrangera pour qu’il incarne toute la mauvaise conscience de ce Régime désormais honni. En juin 1944, à la suite d’un procès tronqué, il ne dut son salut qu’à une intervention loyale et courageuse de François Mauriac auprès de De Gaulle qui le gracie, ne trouvant en son dossier aucune preuve « d’intelligence avec l’ennemi ». C’est ce dernier épisode que retiennent, dans l’histoire contemporaine, les gens qui parlent encore de lui sans avoir jamais lu autre chose, probablement, que quelques extraits de ses articles.

Cela revient à lire cet auteur à l’envers, pour ne pas dire ne pas le lire du tout. En marge de toutes les chapelles, alors que le genre romanesque est en pleine crise, nous avons là un authentique écrivain français, témoin précieux des troubles et des conflits d’une génération qui vécut en son cœur et en sa conscience le déchirement historique entre deux mondes. Sa prose extrêmement travaillée cherche à concilier l’héritage historique et littéraire d’avant-guerre avec ces vicissitudes. Tout change. Et pourtant rien ne change. Tel est le leitmotiv qui parcourt toute l’œuvre d’Henri Béraud, homme de goût, esthète, soldat,  patriote, conteur soucieux  que la littérature demeure la res publica accessible à tous.

Henri Béraud naquit à Lyon. Il en fut fier toute sa vie. « Pauvre Béraud, glorieux à la manière d’un comparse du théâtre des Célestins à Lyon devenu, par un coup de pot, secrétaire à la Comédie Française. » Le jugement d’André Salmon est dur mais révélateur d’un ostracisme bien français que, précisément, la carrière d’Henri Béraud faisait voler en éclat. Comme d’autres écrivains dits de pays, Béraud ne cessa pas, en devenant parisien, d’être lyonnais à sa façon. Mais contrairement à d’autres, Béraud connut une réussite journalistique insolente, voire dérangeante. On ne lui pardonna pas le jour venu des comptes à rendre.

 Comme ses ancêtres laboureurs avaient conquis le pain, il partira donc, lui, à la conquête de la parole : C’est à la littérature, en effet, que ce fils de boulanger assigne, face aux tenants de la modernité élitiste qu’il nomme en blaguant, les Gallimardeux, la terrible mission de conserver trace de ce siècle, le XIXème, dont il a vu s’évaporer chaque jour un peu plus les odeurs et les nuances, de cet autre, le XXème, dont il saisit avec finesse toutes les convulsions, les utopies, les aspirations. De l’arrière boutique de la Gerbe d’or de son enfance à la cellule du bagne de l’Ile de Ré de ses avant-derniers jours, Béraud n’a cessé, tel un géomètre, de mesurer des écarts, d’interroger la modernité, d’assurer des transitions. L’homme n’a pas toujours eu raison.  Souvent, il n’a pas eu tort.

Béraud a beaucoup été aimé. Béraud a beaucoup exaspéré. Béraud a beaucoup été jalousé. Béraud a été condamné. Et puis il a été oublié. Etrange prémonition, que cette remarque sous sa plume, qui date de la fulminante croisade des longues figures, contre celle de Gide et celles des Gallirmardeux : « En littérature, paraître est bon mais disparaître est excellent. On connaît ainsi tous les avantages de la curiosité publique et l’on s’épargne les incommodités de la critique. » Aujourd’hui, Béraud a bel et bien disparu. Naguère tiré à des centaines de milliers d’exemplaires, ses livres ne sont accessibles aux amateurs qu’au prix de récurrentes et onéreuses errances chez les bouquinistes : Grands reportages, pamphlets, nouvelles, romans, souvenirs : C’est un point de vue singulier sur toute une époque qui, avec elle, risque de disparaître.

Les Français d’Après-Guerre et leurs enfants des années soixante ont eu des comptes à régler avec l’histoire récente de leur pays, certes. Béraud s’était trouvé déporté du mauvais côté, soit. Le temps a passé, celui des cours de justice et celui des règlements de compte. L’œuvre peut être relue, jugée d’un regard critique et dépassionné. Un jour, c’est toujours l’histoire d’une illusion, autant que l’illusion d’une histoire, que toute grande œuvre raconte à ceux qui s’intéressent encore à la littérature et à leur passé.  De l’expérience des tranchées et des serments d’honneur faits sur les morts jusqu’à l’épreuve de sa propre condamnation à mort par les tribunaux de l’épuration en décembre 44, en passant par la violence verbale des joutes polémiques, l’œuvre a pour axe cette exploration presque méthodique de l’effroyable violence humaine. Une façon d’être et d’écrire turbulente et chaotique, irrégulière vis à vis des façons de penser institutionnelles, c’est certain. Romanesque et vécu se côtoient, jusqu’à cette plongée dans les geôles de l’épuration et ce procès ubuesque qui apparaît presque comme une expiation désirée de l’effroi d’avoir survécu. Espérons que pour l’œuvre de Béraud, l’instant du purgatoire approche. En littérature, telle doit se manifester, envers et contre tous, la force du temps.

 

10:23 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (29) | Tags : littérature, lyon, béraud, histoire, troisième république | | |

Commentaires

Béraud a tissé un lien entre nos deux blogs

http://houdaer.hautetfort.com/archive/2007/06/21/beraud1.html

Écrit par : Frédérick Houdaer | jeudi, 22 janvier 2009

"Quelque chose d'asséné et de brutal, de juste et d'élégant" dans sa phrase, dites-vous, c'est exactement ce qui suscite le désir de le lire, quelque chose d'incroyablement vivant en lui...Et comme vous l'êtes, Solko! incroyablement vivant: c'est ça de l'être, d'avoir écrit ce billet-là et de le republier ici et d' agir autant pour que ce purgatoire approche. Las, comme vous dites, ce sont les éditeurs actuels qu'il faudrait convaincre, et c'est une autre affaire...n'est-ce-pas. Bonne journée à vous.En tout cas nous on est sur l'impériale de votre omnibus, émerveillés. Merci beaucoup, bien sûr!

Écrit par : Sophie L.L | vendredi, 23 janvier 2009

"Etre seul dans le grand silence"... Relire ce billet est une invitation. Les bibliothèques lyonnaises ont Béraud en leur rayon.
Je sais où je vais aller cet après midi... Merci Solko (J'ai failli écrire "Merci Béraud" tant vous semblez liés ;-) Bonne journée.

Écrit par : frasby | vendredi, 23 janvier 2009

Tu as bien fait de publier ce billet maintenant mais il contient tant de choses qu'il est difficile à commenter.

Béraud et le retour de guerre : on imagine que sa réaction a dû être celle de beaucoup d'autres poilus. Mon grad-père n'est pas revenu et je me suis toujours dit, en fouillant dans ses lettres et autres documents qu'il n'aurait pas été capables de se réadapter à la société.
Celui qui est revenu était en revanche très attaché au 11 novembre. Et moi aussi, cette cérémonie (quand j'étais à l'école primaire on y assistait avec nos instits) était justement le seul lien qui nous reliait au monde d'avant.

Béraud nous montre que nos opinions sont guidées par notre vécu et notre affectivité : elles sont toujours irrationnelles.
Voilà pourquoi j'essaie de respecter ceux qui ne pensent pas comme moi : je me dis que derrière chaque opinion aussi critiquable qu'elle me paraisse, il y a un être humain et que l'homme vaut souvent mieux que les idées (en politique j'entends).

Ce billet reste dans la mouvance de ta critique de la modernité et je pense que ce n'est pas par hasard que tu le publies à nouveau aujourd'hui.
Comme Béraud chacun de nous vit cette modernité différemment et pour les mêmes raisons que lui.
Je ne suis pas sûre d'avoir été claire mais tant pis...

Écrit par : Rosa | vendredi, 23 janvier 2009

@ Sophie : Et moi je suis sur l'impériale de l'omnibus de Béraud, d'où je ne désespère pas de convaincre des éditeurs. Vous allez voir, dès qu'il sera dans le domaine public, comme ils vont se ruer dessus...

Écrit par : solko | vendredi, 23 janvier 2009

@ Frasby : C'est vrai, il y en a certains en bibliothèque. Ciel de Suie, La Gerbe d'Or, sans doute. Bonne chasse !

Écrit par : solko | vendredi, 23 janvier 2009

@ Rosa : Je ne sais pas. Ce billet est exclusivement consacré à l'oeuvre de Béraud. C'est tout. Le reste me parait sans rapport.

Écrit par : solko | vendredi, 23 janvier 2009

Merci Monsieur, d'avoir écrit un si long papier sur Henri Béraud.
J'ai lu presque toutes oeuvres et aussi ce magnifique livre qui le réhabilite de : Jean BUTIN...Mon age me permet de dire que j'ai vu Béraud dans ma jeunesse avec mon père, dans un café de LYON. Mon père avait une admiration sans bornes pour lui, et comme lui fils de boulanger, et combattant de 14/18... Une phrase de Jean Butin m'avait amusée : Comme Béraud regrettait d'être obligé par contrat de travailler pour Gringoire, il avait dit : " Ah, si j'avais pu leur donner que des points..et des virgules ! "

Je suis allée deux fois à l'Ile de Ré sur sa tombe : Il y avait là un très vieux cyprès rongé de vieillesse, mourant..et pas une seule fleur...j'ai déposé une rose, en souvenir de mon Papa, la première fois que j'ai découvert sa tombe.

Puis, j'y suis retournée quelques années plus tard après avoir revu ses livres en librairie...ce qui m'a causé un immense soulagement. J'ai déposé une autre rose sur sa tombe...Eh bien, le vieux cyprès était en train de reverdir !

Il détestait les Anglais, les Allemands, les Parisiens, les fourbes, les traitres...et de leur côté les Parisiens le détestaient et jalousaient son talent...Tous se sont bien vengés ... Nopus avons eu beaucoup de peine pour lui..Et je le relis souvent...

Que dire de plus MERCI pour cette réhabilitation. M.L.

Écrit par : mere grand | vendredi, 23 janvier 2009

@ Mere Grand : C'est moi qui vous remercie. Vous n'imaginez pas à quel point votre témoignage de lectrice de Béraud me touche. Comme le point de sincérité d'où il vient. J'ai l'impression que je n'ai réédité ce billet que pour vous permettre d'y laisser ce commentaire. Je suis allé, moi aussi, à Saint Clément les Baleines. Savez-vous que Jean Butin est toujours vivant, et qu'il est, à quelques rues d'ici, mon voisin ? Ah, merci beaucoup vraiment.

Écrit par : solko | vendredi, 23 janvier 2009

Solko a raison, vous témoignage est très émouvant, mère grand. Et ce que vous racontez sur vos Neiges d'Antan est très intéressant pour des Lyonnais dont vous faites revivre leur ville au temps de votre enfance.

Écrit par : M. Riviere | vendredi, 23 janvier 2009

"Ciel de suie" et "Gerbe d'Or" , exactement... Mais Béraud ne se chasse pas, il se pêche . Ces 2 titres me font penser aux titres de Giono
... Et (rien à voir, tout à entendre) avez vous noté les petites affinités sonores qu'il y a entre Béraud et Debord ? c'est idiot mais j'aime bien...

@Mere grand: Quand je vous lis... Il me vient à rêver (si j'étais plus organisatrice dans l'âme), de réinstaurer les "veillées de conteurs" dans nos humbles maisons; ou plutôt dans un de nos appartements pourvus de ces tapisseries d'alcôve, et vous seriez notre conteuse... Avec vous la mémoire devient si vivante, qu'on se laisserait bien bercer par votre voix. Merci.

Écrit par : frasby | vendredi, 23 janvier 2009

J'ai lu "Le bois du Templier pendu", en cinquième Il a aidé mes "premiers émois érotiques" (la danse nocturne de la Gitane devant le feu !), suscitant l'ire de mon père, qui fit retirer ce livre de la bibliothèque. J'ai relu cele en première, mêmes émois, même colère paternelle, mais maintien du livre. "Béraud pornographique" : il ne lui manquait plus que cela... Je me souviens de ce massacre des serfs de Sabolas, lorsque les seigneurs tranchaient les mains levés vers eux : "Merci ! Merci !" - cela voulait dire, bien sûr : "Grâce ! Grâce !" Merci, Danke schön, pour toutes ces précisions sur cet auteur. Je transmets l'article aux Editions du Bord de l'Eau.

Écrit par : collignon | samedi, 24 janvier 2009

@ Collignon : cela peut les intéresser ?

Écrit par : solko | dimanche, 25 janvier 2009

J'ai terminé tôt ce matin "LE MARTYRE DE L'OBESE", trouvé hier à la bibliothèque de Bagnères-de-Bigorre. Je suis sous le choc de cette écriture raffinée et de cette histoire menée de plume de maître.

"Cette bière est excellente. A votre santé..."
Un alexandrin ouvre le récit, suivi de deux autres
"Oui, monsi-eur, j'ai toujours été gros, toujours... Voici une photographie, regardez-là."

Tout l'incipit donne le ton, une élégance qui ne lâchera pas le texte, un humour qui tiendra la dragée haute à la douleur d'être amoureux et trop gros pour être pris au sérieux. C'est en tout cas de ce point de vue-là que le narrateur se confie à un compagnon de bistrot :

"Quant à vous dire, monsieur, ce qui m'amène en cette ville, c'est une autre affaire, et bien délicate. Mais vous m'inspirez confiance. Je vous vois, ce soir, pour la première fois, et pourtant il me semble que vous me comprendrez. Oh ! ne vous attendez pas à des confessions mystérieuses ! Un homme qui remplit bien son pantalon est rarement un homme compliqué. Est-ce vrai ?"

On ne lâchera pas le récit de cet homme.

Henri Béraud fait une dédicace du roman (qui a eu le Goncourt en 1922, avec son précédent roman "Le Vitriol-de-Lune") :

Au Maréchal JOFFRE
A Georges PIOCH, A Edouard HERRIOT
A Gustave TERY
A G. de PAWLOWSKY, A Paul SOUDAY
A Pierre BENOÎT
A Lucien GUITRY, A MANSUELLE, A PAULEY
Au Docteur REHM
A Félia LITVINNE, A Blanche SELVA
A Robert de JOUVENEL, A Maurice VLAMINCK
A Robert DIEUDONNE
A Pierre SCIZE, A Paul LOMBARD
A Albin MICHEL

JE DEDIE CE LIVRE
QUE LES MAIGRES PRENDRONT POUR UN LIVRE GAI

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 01 février 2009

Un autre titre était mentionné lorsque j'ai fait une recherche sur Béraud à la bibliothèque samedi, "Les mystères de Lourdes". J'étais curieuse de lire Béraud là-dessus, mais le livre n'était pas accessible, étant "à la Conservation". Je n'ai pas eu la présence d'esprit de demander ce que cela signifiait techniquement, j'étais toute à ma déception. Je reviendrai à la charge. Je lirai ce livre (est-ce un livre, ou un article ?), non mais !

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 01 février 2009

@ M.P :Mais où en etes-vous avec la Gerbe d'Or ?

Écrit par : solko | dimanche, 01 février 2009

Je n'ai jamais entendu parler des "Mystères de Lourdes" par Henri Béraud et Georges Dupont ne le cite pas dans sa bibliographie pourtant complète. Il ne figure pas non plus dans la liste des ouvrages collectifs ... Le mystère est épais...

Écrit par : solko | dimanche, 01 février 2009

Aux travaux d'approche, j'en suis aux travaux d'approche avec La Gerbe d'Or. C'est-à-dire que je lis de Béraud tout ce qui n'est pas La Gerbe d'Or et qui explique que je fais cet énième tour sur votre site et qu'est-ce que je fous là, je vous le demande, au lieu de.
Je fais toujours ça, ou presque; je lis plein d'autres choses AVANT le livre que je DOIS lire.
On en avoue des choses à travers un comportement de lectrice.
Quand les questions sont directes.

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 01 février 2009

Quant aux "Mystères de Lourdes", que je n'avais effectivement vu mentionner nulle part (c'est pourquoi j'évoquais un article), le spécialiste ayant parlé, je crains que le titre n'ait été saisi au mauvais endroit.
Dommage, j'eusse aimé que Béraud parlât ainsi de ma région, même si c'eût été de ce que j'en connais le moins.

Bon, maintenant je n'ai plus le choix, je LIS La Gerbe d'Or.

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 01 février 2009

Bonsoir.
Je donnerai mon sentiment général de "La Gerbe d'Or" ce week-end. Je commence seulement le chapitre troisième, j'accompagne ma lecture de prise de notes et j'ai d'autres livres en lecture parallèle. Pas le choix; le week-end permettra le recentrage.

Et pourquoi je viens là ce soir, parce que je suis très touchée par ce que j'ai sous les yeux dans ce chapitre troisième. Béraud y parle du théâtre où il allait enfant et nous donne en quelques mots l'essentiel de la jouissance théâtrale, l'essentiel de ce que l'on va chercher quand on va au théâtre pour regarder des acteurs jouer.

"Une ou deux fois l'an, ma mère me conduisait au théâtre des Célestins. Ce qu'on jouait alors ? Je n'ai, depuis, jamais cherché à le savoir. Que m'apprendraient ces programmes jaunis ? (...)
L'orchestre du mélodrame préludait par quelques accords graves et des trémolos, tandis que montait la toile aux grands plis d'apparat. A PARTIR DE CE MOMENT, J'ETAIS SAISI PAR UN PLAISIR QUI ME TENAIT DEBOUT, IMMOBILE, SANS SOUFFLE. Il me semble que dans mon tout mon jeune âge je n'ai vu jouer qu'une seule pièce, toujours la même : c'était comme un bal vaporeux (...) "

Qu'ajouter à cette façon si belle et si juste, si belle parce que si juste, de parler du théâtre ? de ce corps à corps mystérieux qui se joue dans la tête et le corps du spectateur ?

Et plus loin, ces lignes magnifiques, la force éternelle d'une écriture si juste :

"Je fus longtemps à voir ainsi toutes choses. Bien des enfants dans le peuple de Lyon, poussent comme cela, sans chercher, dans le clair-obscur natal, le vrai contour des êtres. La cendre qui tombe de notre ciel nous apprend à vivre à tâtons, parmi des images nées de notre ennui, que nous finissons par substituer aux formes réelles et vivantes."

Béraud a écrit cela il y a quatre-vingts ans. Un joyau avec tout son éclat.
Béraud, qui, s'agissant de littérature, ne se laisse pas oublier une seconde.

Écrit par : michèle pambrun | mercredi, 04 février 2009

@ Michèle Pambrun : Oui. Plutôt que d'être passé par le tamis de l'institution scolaire et universitaire, broyé par l'édition grand public et la machine de la bien pensance, il est devenu un auteur pour "happy few", c'est peut-être aussi bien comme cela...

Écrit par : solko | jeudi, 05 février 2009

Si un éditeur avait le feeling pour lancer une réédition, je pense que Béraud rencontrerait un public au-delà des "happy few". Encore faut-il s'entendre sur les chiffres. J'avoue ne pas savoir à partir de quel tirage on considère qu'un écrivain a un public conséquent. Je ne parle pas bien sûr des auteurs en vogue et des best-sellers, ce mot me file des boutons.
La vraie question c'est jusqu'où on laisse un livre vivre. Qu'il soit là, vendu à une vingtaine par an. Mais ces questions sont très compliquées, je sais.

Écrit par : michèle pambrun | jeudi, 05 février 2009

Henri Béraud et "Les mystères de Lourdes", le mystère est éclairci.
Je reviens de la bibliothèque de Bagnères-de-Bigorre où j'ai ramené "Le martyre de l'obèse" et j'ai enfin eu "Les mystères de Lourdes", descendu de la Conservation, entre les mains.

1. C'est Jules Girard qui a écrit le livre et Henri Béraud en a écrit la préface.
2. Henri Béraud n'est pas Henri Béraud. Le Henri Béraud préfacier de ce livre, a écrit sa préface à Bordeaux le 28 février 1874 ! Onze ans avant la naissance de "notre" Henri Béraud. Cet Henri Béraud préfacier était en fait Rédacteur de la tribune de Bordeaux et l'édition du livre, c'est 1874.

J'ai signalé à la personne qui m'a procuré le livre qu'il ne faisait pas partie de l'oeuvre du Henri Béraud de La Gerbe d'or. La date d'édition du livre et de la préface suffisant à en désigner l'impossibilité. Cela l'a beaucoup moins émue que moi. C'est elle qui a raison.

Écrit par : michèle pambrun | vendredi, 20 février 2009

@ Michèle : C'est tout de même extraordinaire de trouver le Martyre de l'Obèse, dans la bibliothèque de de Bagnères-de-Bigorre. Je le dis soudain, avec le recul. Comme si j'entrevoyais une des qualités fondamentales du pays de France, qui subsiste, en marge de ce que Giono appelle "la marche du monde".
Eh bien la conclusion de l'enquête ne m'étonne pas. C'est dommage, car un texte inconnu eût été une surprise !
Bonne soirée.

Écrit par : solko | vendredi, 20 février 2009

Oui et j'eusse vraiment aimé vous "révéler" l'existence d'un livre de Béraud, inconnu de vous ! :-)
Dommage en effet...

Très bonne soirée à vous aussi.

Écrit par : michèle pambrun | samedi, 21 février 2009

Bonjour à toutes et tous,

C'est après avoir relu le bois du templier pendu et les lurons de Sabolas (Les éditions de France 1932 avec le tableau des filiations attaché !), issus de la bibliothèque familiale que je suis "tombé" sur ce site sympathique.

J'avais aussi lu ces livres en mon jeune temps, et précisément à l'époque du procès. Beaucoup d'agrément et de profit soixante ans après, avec l'éclairage nouveau qu'apportent les connaissances historiques et l'expérience du temps qui a passé.

Mais aussi quelle merveilleuse écriture !

Heureux d'avoir trouvé quelques compagnons de lecture

Écrit par : jp Mantelet | mardi, 21 avril 2009

@ JP Mantelet :
On parle de Béraud vendredi 24 à 18 heures au Xanthines (33 rue de Condé, 2ème arrondissement) : une conférence intitulée la force du temps et qui propose une lecture contemporaine de son oeuvre . Si vous êtes lyonnais, c'est une occasion de se rencontrer.

Écrit par : solko | mercredi, 22 avril 2009

Merci pour cet avis.
Je ne suis pas lyonnais mais parisien. Les messages antérieurs m'ont incité à commencer une petite enquête dans les bibliothèques municipales parisiennes.

J'ai commencé par la mienne : néant pour Béraud ! Je vais continuer par internet. La carte permet de consulter tous les catalogues y compris celui du dépôt central.

Sur un message direct : mon URL d'un site de droit de la copropriété paraît sans intérêt ici...sauf si, à propos des antennes relais, je retrouve la plaidoirie de Robespierre sur les méfaits des paratonnerres ! Je milite toutefois pour la sauvegarde de la langue correcte dans les sites professionnels. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.

Vous donnerez peut-être des indications sur les débats de la réunion, dont le sujet n'est pas dépourvu d'intérêt ? Il pourrait même être d'une actualité brulante.

Merci

Écrit par : jp Mantelet | mercredi, 22 avril 2009

Envie de partager le bonheur d'un geste d'amitié :
Ce soir une collègue m'a porté et offert trois livres de Béraud qu'elle a récupérés dans un carton dans le grenier de son père et qui allaient être jetés :
Ciel de suie (Les éditions de France, 1932)
Le Bois du Templier pendu, (avec 37 Bois originaux de Deslignières)Librairie Arthème Fayard, Paris. (J'en ai un exemplaire dans une édition toilé, trouvé à la librairie Pique-Puce, à Lustin, en Belgique).
Les Lurons de Sabolas (Les éditions de France,1932)
Ces livres ont été achetés à Versailles en 1941, par ce père, instituteur communiste. Soixante-dix ans qu'il les a.
Et aujourd'hui sa fille me les offre...

Écrit par : Michèle | mercredi, 26 mai 2010

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