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mardi, 04 novembre 2008

L'abbaye, le jardin, l'amphithéâtre

Le 8 juin 1785, le représentant du peuple Dupuis décide la formation à Lyon d'un Jardin des Plantes dans l'ancienne abbaye des Dames Bénédictines de la Déserte, située sur les pentes de la Croix-Rousse. En 1805, le tout jeune jardin est baptisé « Jardin de l'Impératrice », en hommage à Joséphine de Beauharnais qui fait don de plusieurs plantes exotiques qu'elle avait acclimatées dans son château de la Malmaison, parmi lesquelles une somptueuse collection de roses. A partir de 1831, Charles Seringe, directeur du Jardin, décide d'orienter ce dernier vers la réalisation des objectifs scientifiques de son temps : il constitue un herbier de plus de 17 000 plantes, une collection de bois utile à l'ébénisterie, rassemble une imposante collection de céréales utiles aux agriculteurs, met en place le premier étiquetage systématique et instaure un cours gratuit pour les étudiants des Beaux-arts à l'intérieur du Palais Saint-Pierre. Ravagé par un ouragan en 1853, le Jardin des plantes ferme alors ses portes. Quatre années plus tard, en 1857, profitant de l'inauguration aux Brotteaux du Parc de la Tête d'Or, Seringe transporte dans le tout nouveau jardin botanique toutes ses fragiles et précieuses collections. A partir de ces années là, le jardin des Plantes continue son développement dans ce Parc tout nouveau, fierté du préfet Vaisse, qui accueillera l'Exposition Universelle de 1876, tandis que l'ancien redevient un paisible jardin de quartier, un lieu oublié et sans histoire comme il en existe des centaines dans cette ville.

A cette époque, on savait bien qu'il y avait eu un amphithéâtre à Lyon, mais son emplacement, depuis le XVIème siècle, demeurait une énigme, l'énigme centrale de toute l'archéologie lyonnaise Le lieu était d'autant plus légendaire qu'en son enceinte avaient été martyrisés les premiers chrétiens de la communauté gallo-romaine, dont Blandine, Alexandre et Pothin. D'abord localisé à Ainay, puis à Saint-Jean, enfin à Fourvière, il fut enfin situé avec certitude grâce à la découverte de sa dédicace, sous le vieux Jardin des Plantes, devenu entre temps un jardin banal que se partageaient depuis un siècle pigeons, enfants, amoureux et nourrices. Des blocs de calcaire du midi donnant la nature du monument (un amphithéâtre), le nom des deux personnages (Rufus père et fils) ayant financé une partie de sa construction, furent exhumés et le mystère de l'emplacement de l'Amphithéâtre des Trois Gaules se trouva enfin résolu.

 

 
amphi_3.jpg

Le touriste peut éprouver une déception légitime devant ce maigre réduit de terre rouge finalement exhumé, les quelques débris de gradins offerts à sa vue. C'est tout ce qui reste de la magnificence de l'Amphithéâtre des Trois Gaule qui dominait majestueusement Lugdunum sur la colline de Condate. Rien de plus lyonnais, finalement que ce bâtiment dilapidé dont les siècles et leur nécessité ont dispersé les pierres, et que l’imaginaire seul peut relever à sa guise : utilisé comme carrière afin de construire les murs de bords de Saône et bâtir les premières sanctuaires chrétiens, comme beaucoup d’autres au cours de l’histoire tumultueuse de cette ville, comme l’autel de Rome et d’Auguste, comme les églises Saint-Etienne et Sainte Croix, comme l’hôpital de la Charité, il s’est tout simplement « évaporé ».  Ce n'est pas le moindre charme de l'histoire cette ville fascinante, qu'un amphithéâtre se mue en abbaye, laquelle cède la place à un Jardin des Plantes, lequel accouche finalement du simple souvenir de l'amphithéâtre des commencements.

 

Commentaires

Il est vrai que c'est dommage de n'avoir que des traces mais comme direr un certain René Char "seules les traces font rêver".

Écrit par : Léopold | mardi, 04 novembre 2008

Les traces me font rêver , quand presque chaque jour j'y passe et m'y prélasse ... Mais d'apprendre tout ça , me donne une sorte de vertige... Ainsi quand j'y passerai désormais,j'imaginerai les fastes...
(que mon imaginaire n'avait pas su relever ou soulever ;-)
Merci à vous, Solko.

Écrit par : frasby | mardi, 04 novembre 2008

" Le sombre abîme du temps : Mémoire et archéologie", comme le titre Laurent Olivier, au Seuil...
En tout cas, merci pour ce morceau d'histoire. Très agréable.
Mes souvenirs de Lyon remontent à la période juste après 68...RDV à l'AGEL. La fête, bien sûr, avec des copains de l'INSA.
Je me souviens du Rhône majestueux qui musardait le long des quais et des ruelles de la vieille ville, déroutantes, fascinantes.

Écrit par : B.redonnet | mardi, 04 novembre 2008

@ Bertrand: Je ne connaissais pas le titre de Laurent Olivier: merci de nous le signaler. Beau titre, en effet. L'archéologie comme mémoire de l'histoire, c'est exactement ça.
La ville a changé beaucoup depuis le temps que vous évoquez, du moins dans son tissu apparent. Pour ce qui est de sa mémoire pierreuse, elle est resté la même.

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

@ Frasby : Il faut imaginer aussi, à côté du gigantesque amphithéâtre, le non moins gigantesque palais d'Auguste, construit en terrasses superposées face aux Alpes, et dont ne reste que la structure des rues en terrasses.
Nous nous sommes sans doute croisés souvent, si vous passez presque chaque jour par là !

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

@ Léopold : On a souvent évoqué le "pouvoir magnétique" de Lyon. je crois qu'en réalité, c'est de cela dont on parlait, de toutes ces traces de bâtiments à moitié enfouis, à moitié exhumés, parfois même seulement supposés, qu'on y rencontre, qui créent ce halo de rêve. Encore qu'en étant "retapée", la ville, qui gagne en beauté immédiate, ait perdu de ce charme plus poétique.

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

J'ai mis cette image de l'Amphithéâtre des Trois Gaules avec sa terre rouge, en fond d'écran de mon ordi du boulot. Un puissant adjuvant à la concentration ! :-)

Et puis j'aime bien les Gardiens d'Amphithéâtre...

Écrit par : Michèle | mardi, 22 septembre 2009

@ Michèle : Le gardien de celui-ci, surtout. Le gardien s'est si bien fondu aux pierres, au sol poudreux, à l'horizon, qu'il n'est plus rien d'autre que la mémoire des lieux.
La mémoire, en fond d'écran. C'est superbe.

Écrit par : solko | mardi, 22 septembre 2009

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