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mardi, 04 novembre 2008

Archéologiquement vôtre

Je dis souvent à mes amis que Lyon est une ville croustillante, au sens qu'on emploie en parlant d'une simple pate feuilletée. Avant d'être celle de la gastronomie, Lyon fut, au seizième siècle, la capitale de l'archéologie. Le Petit Robert date de 1599 la naissance de ce  terme et en donne la définition suivante : « science des choses anciennes, des arts et des monuments antiques ».

Avant sa création, les érudits lyonnais disaient plus simplement : histoire. On se souvient peu que c'est le lyonnais Jacob Spon qui fut l'inventeur de ce mot. Spon, l'amoureux « des pierres qui parlent dans tous les coins de nos rues », du « Lyon romain retrouvé », de « l'antique grandeur enfouie sous nos pas », le médecin des hommes (comme Rabelais) et des pierres, qui consacra sa vie à l'exégèse de leurs étonnantes épigraphes latines. J'eusse aimé me promener en ce temps-là sur le site encore en grande partie livré aux caprices de Nature, comme disait alors Belièvre ou Champier.

Le Lyon moderne et industrialisé, celui que nous connaissons, a totalement éclipsé cette perspective. Elle se rappelle pourtant à lui à chaque fois qu'à l'occasion de la percée d'un tunnel ou de la creusée (c'est ce mot qui me vient, et non pas le plutôt laid creusement - qu'importe !) d'un parking souterrain, son passé antique et préhistorique vient cogner à ses tempes : les ancêtres sont têtus, et refusent que leurs opéra s'éclipsent si facilement devant les nôtres. L'Amphithéâtre des Trois Gaules possédait à ses côtés un Sanctuaire, lequel a littéralement disparu. Ne restent que ces piliers qui soutiennent la basilique d'Ainay.

On suppose une gigantesque terrasse, longue de cent mètres, au niveau de l'actuelle rue des Tables Claudiennes (nom rappelant justement les Tables de l'empereur Claude), avec des rampes d'accès donnant sur d'autres, étagées par en-dessous. Le souvenir de cette architecture antique transpire justement sous cette topographie si caractéristique des pentes de la Croix-Rousse, qui fait de la ligne 6 qui la parcourt en esses une des plus pittoresques du réseau TCL. 

Les pierres du Sanctuaire ayant servi de vaste carrière au Lyon médiéval, elles furent donc éparpillées telles de gigantesques dominos par toute la cité. La nature aura donc repris ses droits pendant plusieurs siècles, effaçant le souvenir de Condate. Ceignant de murailles et de hautes grilles leurs enclos et leurs potagers, les couvents qui s'y installèrent ont longtemps protégé la physionomie de ces lieux de tout ce qui aurait pu la corrompre. Après la Révolution, les marchands les plus fortunés ayant acquis ces terrains, ils y firent bâtir les hauts immeubles de rapport qu'on voit aujourd'hui, où s'entassèrent les canuts du dix-neuvième siècle, sur ces terrasses qui faisaient face aux monts alpins, et qu'on avait conçues pour des empereurs romains. Le bistenclac de leurs métiers retentit ainsi durant des décennies, comme le cri de leurs révoltes, juste au-dessus du vieux sanctuaire dont les mânes veillaient encore, enfoui sous leurs caves, sur les amours de ce malheureux prolétariat. Est-ce la saison, qui me rend l'âme toute archéologique ? Lorsque je traverse ce vieux et cher quartier, j'aime bien que grimpent à mes narines, depuis les temps d'Auguste et de Claude, et à travers ceux de jacob Spon puis de Louis Philippe, les effluves d'un lancinant parfum, qui, parcourant toute la ville, m'en rappellent toute l'histoire en un seul geste, de mon enfance à ce jour.

 

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Le sanctuaire des Trois Gaules, à Condate, aujourd'hui

15:02 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : littérature, archéologie, condate, jakob spon | | |

Commentaires

Ce billet complète le précédent.
Mais je ne suis pas sûre d'avoir tout compris.

L'Amphithéâtre des Trois Gaules possédait à ses côtés un Sanctuaire, lequel a littéralement disparu. Ne restent que ces piliers qui soutiennent la basilique d'Ainay.

Comment cet Amphithéâtre, situé au pied de la Croix-Rousse, a-t-il pu avoir un Sanctuaire dont les piliers soutiennent la basilique d'Ainay?

Que reste-t-il du Lyon médiéval, à part Ainay ?
Peu d'art roman à Lyon à ma connaissance...

Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008

@ Rosa : L'Amphithéâtre et le Sanctuaire (ou Temple d'Auguste) étaient côte à côte, dans cette autre ville que Lugdunum qui s'appelait Condate. Au déclin de l'empire, les débris de l'Ancien Sanctuaire et ceux de l'amphithéâtre ont servi de carrière : on retrouve dans toutes les églises de Lyon qui sont encore debout (Une soixantaine de détruites, tout de même) ces pierres, dont les deux piliers qui soutenaient le temps d'Auguste, coupés en deux, qui ont servi de piliers au dome de l'église d'AInay.
La forme en circonflexe des rues Tables Claudiennes et Imbert Colomes reproduit les terrasses de ce temple, dans lequel se trouvaient les fameuses Tables Claudiennes.
Quant au Lyon médiéval, il a été bien abîmé par le baron des Adrets au XVIème, puis la Révolution ("Lyon n'est plus déclara" Robespierre), et enfin les travaux de Vaisse ( = Haussmann lyonnais) qui ont remodelé toute la presqu'ile. Herriot et Pradel ont poursuivi l'entreprise. Savez-vous que ce dernier souhaitait raser une partie de Saint-Jean ? On doit la sauvegarde du vieux Lyon à une maîtresse de Malraux, un peu moins inculte que le maire de Lyon...
Le joyau lyonnais du Moyen Age gothique reste la chapelle des Bourbons, dans la primatiale Saint-Jean (dont la façade, elle aussi, a été fort malmenée par l'histoire...). De roman, restent l'église Saint-Paul (moins son hideux clocher) et des parts de Saint Nizier, Saint-Jean... Quelques porches recyclés ça et là...
Lyon a été si maltraitée que c'est miracle que l'Unesco ait encore trouvé quelque chose à y classer ! Plus un seul pont de pierres ( la circulation des péniches a eu raison de celui de Saône, celle des automobiles de celui du Rhône). Et combien d'églises ou de couvents détruits ! Florence ou Venise auraient dû subir de tels assauts, je me demande ce qu'il en resterait aujourd'hui !

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

PS. C'est bien de savoir tout ce que je viens de dire dans le commentaire du dessus afin de mieux comprendre, regarder, ressentir le paysage. Je ne fais pas là de l'érudition lyonnaise savante, ce n'est pas mon but, mon propos, et j'en serais d'ailleurs bien incapable. Mais vive l'érudition poétique !

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

Merci pour toutes ses explications.
Oui Pradel a failli raser Saint-Jean mais je croyais que c'était une association qui avait sauvé le quartier.
Association qui a d'ailleurs été consultée par la mairie de Pékin pour sauvegarder les hutongs qui restent.

Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008

A propos du Lyon industriel, avez-vous lu "Les dynasties lyonnaises" de Bernadette Angleraud ?

Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008

@ Rosa : La dame en question a fait entendre en haut lieu ce que réclamaient en effet beaucoup de gens regroupés en association depuis la Libération. L'association a beaucoup évolué et existe toujours (vous parlez sans doute de Renaissance du Vieux Lyon : http://www.millenaire3.com/Renaissance-du-Vieux-Lyon-R-V-L.69+M5ad88584000.0.html ?)
Régis Neyret, notamment, a fait beacuoup pour sauver ce qui restait du Lyon historique.

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

@ Rosa : Je ne connais le livre de B. Angleraud que de couverture et de nom...

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

Franchement "Dynasties lyonnaises" est très intéressant. Une bonne description de la bourgeoisie lyonnaise, ses valeurs, son fonctionnement. Et ses origines non lyonnaises, plutôt campagnardes d'ailleurs.
Oui je parlais de la Renaissance du Vieux-Lyon dont j'ignorais l'appui haut placé !

Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008

@ Rosa : Je prends note. Merci

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

Oui, Dynasties Lyonnaises est un livre instructif.
Il y a tellement de choses à raconter, sur le sanctuaire des Trois Gaules. Il faudrait invoquer soir et matin les manes de Monsieur Josse.
Dites, la prochaine fois que vous voyez passer un Vingtrinier à 50 euros, faites moi signe !

Écrit par : M.Rivière | mardi, 04 novembre 2008

C'est hélas fréquent. Pourquoi hélas, d'ailleurs ? Tant mieux !

Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008

A propos d'archéologie, n'oublions pas Johann Joachim Winckelmann, en hommage duquel un dénommé Henri Beyle choisit son pseudonyme, je crois...

Écrit par : B.redonnet | mercredi, 05 novembre 2008

@ Bertrand : Stendal (sans le h) était la ville de naissance de Winckelmann, en effet.

Écrit par : solko | mercredi, 05 novembre 2008

Spon n'a pas été l'inventeur du mot "archéologie" (que l'on trouve déja dans des publications de la fin du XVIe siècle en France) mais a été le premier à donner au mot le sens qu'on lui connait aujourd'hui. Pour sa définition, lisez les Miscellanea eruditae antiquitatis dans sa version de 1685. C'est en latin.

Écrit par : Y. | lundi, 27 avril 2009

@ Y : Merci pour cette précision.

Écrit par : solko | mardi, 28 avril 2009

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