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lundi, 03 novembre 2008

20 francs & les faux-monnayeurs

Le cartouche de ce billet, dessiné par Chazal, avait d'abord servi pour une coupure de 25 francs, dont l'impression ne dura que quelques mois, du 16 aout au 5 décembre 1870. A l'occasion de sa sortie, la Banque de France inaugura son imprimerie de Clermont Ferrand, où la moitié du stock postérieur vit le jour. On trouve au recto une allégorie très classique de l'industrie. 

Muse  adulée d'un dix-neuvième siècle septuagénaire, elle trône, assise au centre un cadre de feuillages. Ronde de visage, lar60294ddd40a23cb53582fc6590ae2859.jpgge de hanches, dans le genre de Lisa Macquart, la charcutière du Ventre de Paris dont la chair se confond avec l'étal. Comme tous les billets dits bleus de ces temps-là, cette coupure fait la fête à l'article 139 du code pénal, qu'elle reproduit quatre fois (deux fois par face) dans des cercles bleu foncé : Depuis le 12 août 1870, on punit des travaux forcés à perpétuité tous ceux qui se risqueraient à contrefaire, falsifier ou introduire à l'intérieur du  territoire français de faux-billets. Ce billet de vingt francs, bicolore sur fond pâle, reste d'une imitation facile pour bon nombre de professionnels le 25 septembre 1873, le nombre de contrefaçons atteint 48, 21 faussaires sont condamnés par les tribunaux. Trois ans plus tard, un rapport de la Banque de France signale que 15.769 billets de 20 francs faux sont en circulation. La plupart proviennent d'ateliers installés en Espagne, à Pampelune et Barcelone (1). Il fallut donc, pour déjouer de nouvelles contrefaçons, changer de billet, et améliorer ce qu'on appellerait à présent « le design »

B9.jpg

Sur papier filigrané en provenance d'Angleterre le recto représente, dans un encadrement bleu cobalt et un fond bistre, Mercure et Cérès assis chacun en un coin, le regard détourné l'un de l'autre, comme s'ils venaient de se disputer. Le dieu des voleurs et la déesse de la moisson sont les deux allégories préférées de la Banque de France : un aveu ? Comme on peut le voir ci-dessus, leur posture est moins figée que celle de l'allégorie de l'Industrie du billet précédent. La somme de vingt francs (il n'existe pas encore de billet de 10 et la seule coupure inférieure est le billet de 5) s'y trouve reproduite 3 fois en gros caractères. Une série de médaillons représentant des visages ornent le fond bistre, de façon à compliquer la tache des falsificateurs. 10 050 000 billets sont imprimés en 1874 et 1875. En 1904, l'impression est reprise avec 724 autres alphabets de 25 000 unités.  Ce billet, qui fut retiré au début de la Première Guerre Mondiale pour laisser la place au 20 francs Bayard a marqué la transition entre les billets monochromes et ceux polychromes de la fin du XIX° siècle.

Lui en poche, vous pouviez inviter dix personnes à déguster des bouquets de crevettes fraîches à la terrasse du fameux restaurant Marquery sur le boulevard Bonne Nouvelle. Dans ce même lieu très couru à la Belle Epoque, il fallait en aligner deux pour les régaler de dix portions de homard à l'Américaine. Dans un caboulot plus populaire, il donnait droit à dix repas complet. Le tarif des fiacres pris en gare étant, à l'époque, de 2 francs par heure, il permettait donc 10 heures de promenade dans Paris. Au théâtre Antoine (prix des places 5 francs), on pouvait à quatre se payer une représentation pur jus naturaliste. Avec la chance, peut-être, de rencontrer le maître. C'était aussi, en gros, le prix d'un livre broché. Un numéro de l'Assiette au beurre coûtait alors 50 centimes. Avec le vingt francs de l'époque, on pouvait donc s'offrir une jolie collection. Encore fallait-il avoir le temps de lire... (2)

 

(1) Henri Guitard, Vos billets de banque, Ed. France Empire

(2) Source : Le Crapouillot n° 29, spécial Belle Epoque.

 

10:06 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : billets français, littérature, crapouillot, belle époque | | |

Commentaires

mmm...des crevettes fraîches!

Écrit par : Sophie L.L | lundi, 03 novembre 2008

C'est vrai qu'ils n'ont pas l'air de s'entendre, vos deux ostrogoths là-haut, sur ce billet !

Écrit par : Marcel Rivière | lundi, 03 novembre 2008

@ Sophie : Des crevettes fraiches pas n'importe quand : Au temps de la Belle Otero et d'Aristide Bruant!

Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008

@ Marcel R. : Quand vous en serez à la rue des numismates, faites-moi signe...

Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008

Ils ont une rue attitrée ? Première nouvelle !

Écrit par : M.Rivière | lundi, 03 novembre 2008

@ Marcel R.
Non loin d'une jolie voûte. Vous ne voyez pas ?

Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008

Je vous ferai signe, promis. Je n'en suis pas encore arrivé aux numismates, mais je ne désespère pas.

Écrit par : M.Rivière | lundi, 03 novembre 2008

On pourrait imaginer que vous parlassiez des Faux-Monnayeurs de Gide et de son petit Journal...

Écrit par : Pivoine | vendredi, 05 juin 2009

@ Pivoine :
Oh, vous, vous êtes passé par un certain billet sur le subjonctif... Mais vous avez raison. Je vais mettre mon nez dans le journal d'Edouard, à la recherche d'une idée de billet : quelques valeurs faciales sont encore en rade.

Écrit par : solko | samedi, 06 juin 2009

Les commentaires sont fermés.