dimanche, 02 novembre 2008
Jour des morts
JOUR DES MORTS :
"Enfin ! Nous voilà au cimetière ! Le Paradis Terrestre ! Quelle paix ! Quelle douceur ! Qui pourra dire le rafraîchissement procuré par la vue des tombes ? Ceux qui les habitent, grâces à Dieu ! n'en sortiront pas à leur gré pour tourmenter, une fois de plus, ceux qui ont encore à mourir! "
( Léon Bloy - "Petits poèmes en prose", Novembre)
Toujours surprenant dans ses formulations, Bloy, grand poète en ce sens.
Cet "enfin", d'abord, pour frapper la vox populi d'entrée de jeu, et d'entrée de jeu ne laisser que deux possiblités au lecteur : demeurer ou s'enfuir de suite. Ce "nous", englobant. Cette violente antithèse, "paradis", "cimetière" : nous y voilà ! Ces termes ici inattendus : "paix, douceur, rafraîchissement". Cet aveu, tout à coup, qui prend à contre-pied le sentiment du regret ou celui du deuil, convenus : ils sont morts, ils ne reviendront plus, grâce à Dieu ! C'est presque une jubilation, et l'on se demande à quel propriétaire sans pitié avec son terme, à quel épicier, à quel philistin il pense là, Léon. Ce verbe terrible, alors, pour qualifier la relation humaine : "tourmenter". Et puis, soudain, cette chute par laquelle se justifie tout ce qui vient d'être dit, oui. Il ne l'a écrite, sa phrase, et sans doute ruminé un certain temps, que pour cette chute-là, uniquement, alors la voilà : Nous les vivants, il nous reste à mourir... N'est-ce pas un tourment suffisant ? Il nous reste ça à faire, à connaître, à vivre... Jour des morts... L'épreuve, qui qu'on soit, à quoi qu'on croie ou ne croie pas, et quoi qu'on ait vécu, reste devant nous. Quelle cacophonie, soudain.
Magnifique, Léon Bloy.
Autre extrait, autre ton, du Journal (2 novembre 1899) :
"La misère des morts, en un siècle privé de foi, est une arcane de douleur dont la raison est accablée. Il m'est arrivé, pourquoi ne le dirai-je pas ? d'être réveillé par les morts, tiré de mon lit par les morts - par des morts que je connaissais et par d'autres que je ne connaissais pas. Une pitié terrible me précipitait, me maintenait à genoux, les bras en croix, dans les ténèbres, et, le coeur battant comme une cloche sourde, je criais vers Dieu pour ces âmes."
19:36 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : bloy, littérature, poèmes, toussaint, mort |
Commentaires
Écrit par : Sophie L.L | dimanche, 02 novembre 2008
"les vivants sont morts et ce sont les morts qui sont vivants"
Écrit par : gmc | dimanche, 02 novembre 2008
Ainsi Zola commence une saga de 20 volumes dans un cimetière abandonné avec des poires magnifiques cueillies sur des poiriers nourris de la décomposition des morts.
Quelle métaphore !
Quant à la seconde citation de Bloy elle me rappelle la relation que les Chinois ont avec leurs morts d'où le culte des Ancêtres leur seule religion en fait.
Sauf qu'ils sont plus animés par la peur des âmes errantes que par la pitié.
Écrit par : Rosa | dimanche, 02 novembre 2008
Écrit par : solko | dimanche, 02 novembre 2008
Écrit par : solko | dimanche, 02 novembre 2008
Écrit par : solko | dimanche, 02 novembre 2008
Écrit par : simone. | lundi, 03 novembre 2008
J'en parle beaucoup avec elle.
Personnellement je pense qu'il y a du danger dans cet excès.
Ma soeur est une ancienne gauchiste et son repentir n'en finit pas ! à tel point qu'elle devient trop radicale.
Donc pour en revenir à Zola, sans partager ses thèses je pense qu'il reste un génie de notre Littérature
un architecte de l'organisation d'un roman
une écriture superbe, lyrique, poétique et réaliste tout en même temps
et qu'il serait vraiment regrettable de le vouer aux gémonies.
Quant au nihilisme que je déplore autant que vous je pense qu'à trop le dénoncer on l'accompagne et on l'amplifie : une forme de résignation à sa prédominance en somme.
Cherchons ailleurs.
Écrit par : Rosa | lundi, 03 novembre 2008
Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008
Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008
Écrit par : simone. | lundi, 03 novembre 2008
Zola a le talent d'un visionnaire, d'un brasseur de scenarii, d'un faiseur de fresques. D'où sa modernité à l'époque. D'où, aussi, l'intérêt que l'ecole a pour lui. Le reproche que lui ont fait les symbolistes touche à sa plume (de journaliste), son style, dont on repère bien vite les ficelles. Le cinéma, sur ce terrain là, a fait tellement mieux.
Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008
Il n'y a plus que de vieilles ringardes comme moi pour continuer à apprécier son talent.
Simone moi j'essaie de ne pas confondre une oeuvre avec la vie privée de son auteur sinon autant jeter toute la Littérature à la poubelle.
Écrit par : Rosa | lundi, 03 novembre 2008
Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008
Je pensais plutôt aux jeunes profs de Lettres
J'en ai entendu une me dire "Zola m'a rasée au lycée je ne risque pas de le faire lire à mes élèves"
Je ne pense pas qu'elle fera lire Léon Bloy. Je déplore aussi l'académisme des auteurs de manuels mais ils ont le mérite d'étudier des textes du patrimoine.
Moi j'ai lu Zola à la lumière d'une lampe de poche, sous les couvertures.
J'étais interne dans une pension de religieuses et il était à l'index donc interdit.
Cette lecture transgressive a été un de mes premiers pas vers la liberté.
Je lui suis restée fidèle car c'est mon caractère !
Écrit par : Rosa | lundi, 03 novembre 2008
Écrit par : solko | lundi, 03 novembre 2008
C'était L'ÉGLISE qui avait mis Zola à l'index !!!
LEs religieuses ne faisaient que suivre et je dois reconnaître que celles que j'ai connues n'étaient pas parmi les pires, elles m'ont beaucoup apporté par ailleurs.
Pour vous dire l'ambiance de l'époque.
Elles avaient un registre concernant les lectures.
Quand on rentrait le dimanche soir, on devait faire vérifir les livres qu'on apportait.
Globalement on avait droit, lycée de filles oblige, à Delly et Berthe Bernage.
Lectures moralisatrices et socialement normatives.
Ceci dit on ne nous préconisait pas pour autant Léon Bloy, davantage Bernanos.
J'ai dû voir un nombre certains de fois "Le dialogue des carmélites", dont je n me suis pas lassée pour autant.
Voilà pourquoi je rest méfiante par rapport à certaines tendances littéraires.
Il y a longtemps que je lis votre blogue mais avec méfiance malgré la grande qualité de vos billets. Je n'osais pas commenter.
Finalement ce sont vos lecteurs qui m'ont rassurée et j'apprécie votre remarque ; faire la différence entre la pensée et la qualité littéraire.
Votre admiration pour Calaferte a fini de me rassurer.
Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008
Cette disctinction entre littérature et idéologie est fondamentale : Lorsque Vitez a monté Le Soulier de Satin de Claudel, il a donné un très bel entretien à ce propos dans l'Humanité, expliquant qu'on pouvait lire Claudel sans devenir catholique de la même façon qu'on pouvait lire Sophocle sans devenir Grec Ancien pour autant !
Mais c'est vrai que chez les bonnes soeurs dont vous parlez, comme chez les idéologues les plus bornés de la gauche, il a régné une vraie terreur dans les lettres...
Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008
Je crois même que c'était un homme.
En fait une série "Brigitte" déclinée "jeune fille, maman etc"
Je n'en ai pas lu mais je sais que le but était de fabriquer des femmes "modèles".
Les bonnes soeurs n'étaient pas bornées dans tous les domaines juste sur le sexe.
J'ai acheté "Mécanique des femmes" de Calaferte car je suis curieuse de connaître sa perception de l'univers féminin.
Merci de m'avoir incité à le lire.
C'est vrai que la Littérature a trop été soumise à l'idéologie gauchiste mais il faut veiller à ce qu'elle ne devienne pas soumise à un conservatisme stérile.
Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008
Berthe Bernage était bien une femme...
Brigitte, une héroïne de notre temps... Peut être lue à partir de 12 ans
Série couronnée par l´Académie Française.
Entrez dans l'univers de Brigitte, saga familiale, chronique passionnante, au jour le jour, d'une grande famille française, vision romanesque qui tourne le dos aux côtés sordides de l'existence, véritable antidote à la laideur, à la lâcheté, à la perversité...
35 ouvrages qui couvrent une vie, celle de Brigitte et des siens, devenue au fil des ans chef de famille.
Trop tôt décédée, Berthe Bernage avait confié à sa plus proche collaboratrice le soin de continuer l'oeuvre Brigitte. C'est ainsi que celle-ci a été poursuivie par Simone Roger-Vercel.
Grâce à un important résumé en tête d´ouvrage, élaboré par Simone Roger-Vercel, on peut désormais aborder la saga de la famille d'Hauteville en commençant par la Saison 3 : Renouveau.
Brigitte a tout connu des bouleversements de notre époque, depuis les années 20 jusqu’à nos jours. Sa joie de vivre, sa vitalité, sont contagieuses. Cette chronique a valu à sa créatrice, Berthe Bernage, les plus hautes récompenses littéraires.
Une vision romanesque de la vie qui ne se polarise pas sur le sordide et les laideurs, mais en exalte les beautés. Le roman aide ainsi les jeunes à aborder l’avenir avec confiance : La vie vaut d’être vécue...
Écrit par : Rosa | mardi, 04 novembre 2008
Écrit par : solko | mardi, 04 novembre 2008
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