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jeudi, 18 novembre 2010

Dieu, c'est le luxe.

Ça sera la grosse bourde du second mandat de Gérard Collomb, sa honte, son reniement… 
Car contrairement aux engagements de campagne, l’Hôtel-Dieu est bradé à une chaîne d’hôtel international l’Intercontinental,  avec la bénédiction gourmande et ridicule du maire de Lyon.

Avec l’intelligence d’un sénateur, l’imagination d’un élu de province et l’argument des gens de droite, qui vous diront toujours qu’il n’y a pas de sous, le maire le plus bling-bling que Lyon ait jamais eu considère donc qu’après tout, un dôme de Soufflot ne mérite guère plus que le hall d’accueil d’un hôtel de luxe et n’est tout juste bond qu’à abriter une clientèle fortunée.  

Entourés d’élus qui n’eurent d’autres paroles de protestation qu’au pire il faut, n’est-ce pas, un grand courage pour s’adapter aux dures lois de son temps, et au mieux qu’un silence gêné, gens sans imagination, sans culture, sans esprit, cette ville aura donc vendu jusqu’à son âme.

Elle ne cessera jamais de me percer le cœur, désormais, la silhouette de ce navire abandonné en plein centre du commerce, ayant sous les coups d’êtres veules et cyniques, rebattu les portes en bois de sa maison sur des siècles de soins, de naissances, de morts.  Dernière question aux flingueurs de mémoire sacrilèges : que deviendra (entre autres) la pierre tombale d’Elisabeth Dauby, incrustée dans le mur non loin de la porte E ?  Un présentoir à tarifs ?  Nous savons désormais ce qui compte pour ces gens : pour eux, Dieu, c'est le luxe.

 

Ci-dessous, quelques paragraphes d’un texte que j’aime beaucoup, qui restitue quelque peu l’ambiance d’une époque où le centre de Lyon n’était pas encore un centre commercial sans intérêt ni originalité, dont la visite n’apporte rien au cœur ni à l’esprit. Rue Bellecordière,  il  avait un journal, des bistrots de noctambules, des religieuses à cornettes, des prostituées, des journalistes, des truands, un hôpital millénaire, les messageries de presse.  Une ville. Aujourd’hui, Fnac, Gaumont et bientôt Intercontinental. La vraie chienlit qui plait aux étroites cervelles de  province….

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04:46 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gérard collomb, politique, hôtel-dieu, lyon, culture, urbanisme, société | | |

mercredi, 19 mai 2010

Les barres de l'infortune

 

Aujourd’hui, à midi, cette barre immonde va disparaitre du paysage. Qui va la regretter ? Certes, pas moi. Implosée...

J’ai passé une partie de ma vie dans un immeuble de ce genre, un immeuble hideux dans une banlieue autre que la Duchère (dans le neuvième arrondissement de Lyon), mais qui lui ressemblait. Oui, l'immeuble pourri où j’ai vécu ce qu’on appelle l’adolescence était bien du même genre. Comme si, à une époque, ces fumeuses années  soixante & soixante-dix, on avait en effet décidé que dans le bétail humain, chaque membre se valait. Niveler les  habitats, les êtres, les esprits, les traditions, les  cultures,  les âmes. Les gens de droite (Pompidou, Giscard et ses sbires), puis les gens de gauche (Mitterrand et les siens)  n'ont à ça rien trouvé à redire. Au contraire... Habitat et humanisme... We are the world... Cette horreur de l'égalitarisme que je porte en moi me vient de là, d'eux. J'en ai expérimenté l'inanité dans le joyau de mon coeur. Pouah ! La banlieue... Que de conneries démagogiques n'ai-je pas entendu à son sujet, gens de gauche comme gens de droite confondus ?

Je revois le hall et ses boites aux lettres qui n’étaient alors pas encore disjointes., mais quel  vide quel ennui !  Les ascenseurs pas encore détruits par des loubards incultes, mais quelle uniformité, quelle zone ... Les couloirs déserts, pas encore hantés par des garces de quatorze ans, mais quelle tristesse, quel sentiment d'abandon!  Le gardien de la cité, homme débonnaire. Au-dessus des appartements (un assemblage cubique dérisoire,) des celliers. Ces immeubles avaient été construits pour les rapatriés d’Algérie, et furent longtemps gérés par les HLM. Au fur et à mesure qu’ils se sont enrichis, les rapatriés d’Algérie ont quitté ces lieux infâmes. Ils ont eu raison. Moi aussi, dès que j’ai pu. Il n’y a aucun charme, aucune gloire à vivre en banlieue. Rien. Banlieue = lieu du ban. C’est l’étymologie qui dit cela.

Il n’y a bien que Jack Lang pour oser déclarer que le rap est une culture. Et la banlieue, un lieu de vie...

De son appartement, place des Vosges…

Ah si. Le fils de Sarkozy, aussi. A ce qui parait. Le blondinet produit "le son du ghetto"... A suivre ICI

 

Ceux qui ont vraiment connu la banlieue pour avoir grandi dedans ne l’aiment pas et font ce qu’ils peuvent pour la quitter. Normal. Quel plaisir, aimer un enfer ? Un vide ? Du rien ? Ils ne vous diront jamais , comme Jack, et de ce ton-là, que le rap est une culture, ceux-là.  Ni que la banlieue est un endroit fascinant.

Ils se réjouissent que tombent une à une les barres de l’infortune et de l’aliénation.

20:22 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : barre 220, duchère, banlieue, société, politique, urbanisme, la duchère | | |

vendredi, 02 avril 2010

Le pré de l'herpe part en fumée

Spectaculaire, toujours, ces cités dont les barres, en quelques secondes, volent en éclats. « Ce sera, avait titré le Progrès de Lyon, la plus grosse opération de démolition à l'explosif jamais réalisée en Europe». Et donc, à 10h 45 ce matin, on se pressait aux abords du quartier du Pré de l’Herpe, à Vaulx en Velin.  Une seule détonation, tout à coup, et puis, en un rien de temps, autant en emporte le vent. Dans un nuage de poussière épais et blanchâtre,  plus de quatre cents appartements, chambres, salons, cuisines, cages d'escaliers, d'ascenseurs, dont les occupants avaient vidé les lieux depuis 2008, sont partis en fumée. Il n'en reste que 52 000 tonnes de gravats, qui vont être broyés menus, réduits en petits cailloux pour remblayer l’ensemble du site. Et puis on recouvrira le tout de terre. Un nouvel ensemble verra le jour. Significatif, aussi, de ce que sont nos vies. Enchâssées dans des paysages de transit.  Personne, écrivait Joyce dans Ulysse, personne n'est quelque chose...

"Toute la population d'une ville disparaît, une autre la remplace, qui passe aussi; une autre viendra qui passera. Maisons, files de maisons, rues, kilomètres de trottoirs, piles de briques, pierres... ça change de mains. Ce propriétaire-ci, celui-là. On dit que le mort saisit le vif. Un autre se glisse dans ses souliers quand il reçoit sa feuille de route. .."

 


22:37 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : vaulx en velin, pré de l'herpe, urbanisme | | |

mardi, 04 novembre 2008

L'abbaye, le jardin, l'amphithéâtre

Le 8 juin 1785, le représentant du peuple Dupuis décide la formation à Lyon d'un Jardin des Plantes dans l'ancienne abbaye des Dames Bénédictines de la Déserte, située sur les pentes de la Croix-Rousse. En 1805, le tout jeune jardin est baptisé « Jardin de l'Impératrice », en hommage à Joséphine de Beauharnais qui fait don de plusieurs plantes exotiques qu'elle avait acclimatées dans son château de la Malmaison, parmi lesquelles une somptueuse collection de roses. A partir de 1831, Charles Seringe, directeur du Jardin, décide d'orienter ce dernier vers la réalisation des objectifs scientifiques de son temps : il constitue un herbier de plus de 17 000 plantes, une collection de bois utile à l'ébénisterie, rassemble une imposante collection de céréales utiles aux agriculteurs, met en place le premier étiquetage systématique et instaure un cours gratuit pour les étudiants des Beaux-arts à l'intérieur du Palais Saint-Pierre. Ravagé par un ouragan en 1853, le Jardin des plantes ferme alors ses portes. Quatre années plus tard, en 1857, profitant de l'inauguration aux Brotteaux du Parc de la Tête d'Or, Seringe transporte dans le tout nouveau jardin botanique toutes ses fragiles et précieuses collections. A partir de ces années là, le jardin des Plantes continue son développement dans ce Parc tout nouveau, fierté du préfet Vaisse, qui accueillera l'Exposition Universelle de 1876, tandis que l'ancien redevient un paisible jardin de quartier, un lieu oublié et sans histoire comme il en existe des centaines dans cette ville.

A cette époque, on savait bien qu'il y avait eu un amphithéâtre à Lyon, mais son emplacement, depuis le XVIème siècle, demeurait une énigme, l'énigme centrale de toute l'archéologie lyonnaise Le lieu était d'autant plus légendaire qu'en son enceinte avaient été martyrisés les premiers chrétiens de la communauté gallo-romaine, dont Blandine, Alexandre et Pothin. D'abord localisé à Ainay, puis à Saint-Jean, enfin à Fourvière, il fut enfin situé avec certitude grâce à la découverte de sa dédicace, sous le vieux Jardin des Plantes, devenu entre temps un jardin banal que se partageaient depuis un siècle pigeons, enfants, amoureux et nourrices. Des blocs de calcaire du midi donnant la nature du monument (un amphithéâtre), le nom des deux personnages (Rufus père et fils) ayant financé une partie de sa construction, furent exhumés et le mystère de l'emplacement de l'Amphithéâtre des Trois Gaules se trouva enfin résolu.

 

 
amphi_3.jpg

Le touriste peut éprouver une déception légitime devant ce maigre réduit de terre rouge finalement exhumé, les quelques débris de gradins offerts à sa vue. C'est tout ce qui reste de la magnificence de l'Amphithéâtre des Trois Gaule qui dominait majestueusement Lugdunum sur la colline de Condate. Rien de plus lyonnais, finalement que ce bâtiment dilapidé dont les siècles et leur nécessité ont dispersé les pierres, et que l’imaginaire seul peut relever à sa guise : utilisé comme carrière afin de construire les murs de bords de Saône et bâtir les premières sanctuaires chrétiens, comme beaucoup d’autres au cours de l’histoire tumultueuse de cette ville, comme l’autel de Rome et d’Auguste, comme les églises Saint-Etienne et Sainte Croix, comme l’hôpital de la Charité, il s’est tout simplement « évaporé ».  Ce n'est pas le moindre charme de l'histoire cette ville fascinante, qu'un amphithéâtre se mue en abbaye, laquelle cède la place à un Jardin des Plantes, lequel accouche finalement du simple souvenir de l'amphithéâtre des commencements.

 

jeudi, 30 octobre 2008

Noms de rues, les rues

C'était jadis l'initiative populaire seule qui attribuait aux rues les noms qu'elles portaient : les rues Torche-cul, du Boucher, de l'Enfant qui pisse ou de la Truie qui fyle couraient, si j'ose dire, les rues. Avec la Révolution Française, l'oligarchie administrative a commencé à se saisir de ce droit. Alors, de commission en commission, la nomenclature des rues n'a cessé d'échapper aux habitants des rues, du début à la fin du dix-neuvième siècle, puis à travers tout le vingtième. Prétextant d'un prétendu souci d'éduquer ce pauvre peuple ignorant, les premiers révolutionnaires avaient eu le souci de donner aux voies qu'ils traçaient les noms des hommes les plus illustres, de manière à faire des villes un tableau de l'Histoire de France : rue de Duguesclin, de Charlemagne, de Vauban, de Sully...  A cette époque ont fleuri également des rues portant des noms d'allégories (la Tempérance, l'Egalité, l'Humilité, la Concorde...) Avec l'Empire et la Restauration ont surgi des noms représentant chaque famille politique, des bonapartistes, des légitimistes, des orléanistes, des républicains, et les choix furent dictés par un souci de propagande. Un cours Henri IV devenait ainsi un cours Eugénie pour se retrouver dans la peau d'un cours Gambetta. A Lyon, la rue de la République fut d'abord une rue Impériale. Avec le déclin de l'instinct belliqueux, surgit le goût pour les hommes de Lettres. Ce fut la grande époque des rues Victor Hugo, Anatole France et autres Emile Zola.

L'oligarchie administrative, malgré ses prétendus soucis d'édification historique et morale, ou son désir moins avouable de propagande, a entretenu ainsi la prétention des plus obscurs quidams, laquelle prétention s'est mise à tapisser par tout le pays le damier des quartiers. Car au fond, à bien y regarder, qu'est-ce que c'est que cette manie d'afficher des noms de notables au coin des rues ? Quoi d'autre qu'une criante manifestation de vanité ? Ce souci très bourgeois, qu'on retrouve dans les tombeaux édifiés dans les cimetières des grandes villes, les ex-votos de certaines chapelles, de laisser, faute de mieux, au moins un nom à l'immortalité. Quand on est député, conseiller municipal, bienfaiteur des hospices, avocat, médecin, banquier, on a le droit à une reconnaissance publique, prolongement post-mortem du ruban ou de la médaille. Mais les hommes célèbres ne le sont que grâce à leurs œuvres, les autres resteront, quoi qu'on fasse dans l'anonymat. Ainsi nombreuses plaques sont demeurées lettres mortes, malgré les quelques lignes explicatives qu'on a cru bon d'y joindre parfois,; et le public continue d'habiter rue Ruplinger ou Vaudrey (je puise au hasard dans l'excellent Brun et Vallette, Lyon et ses rues - 1969), comme il habiterait rue Punaise ou Lanterne.

Dans une notice sur le changement des noms de la ville de Lyon qui date de 1884, Steyert, historien et érudit lyonnais remarque : « Et ce qu'il y a de plus singulier, c'est que ce sont précisément d'austères républicains, dédaigneux, disent-ils, des hochets vulgaires, qui se montrent les plus zélés à propager cette mode puérile et vaniteuse ».

Dans ces conditions, et pour en revenir à une remarque judicieuse qui m'a été faite dans un billet précédent, comment s'étonner que la ville de Lyon qui s'honore d'une rue pour chacun de ses maires et de ses préfets, y compris certains de sinistre mémoire qui firent tirer sur la foule, n'ait nulle part, dans le damier sinueux de ses arrondissements, su garder une place pour le chantre premier, Maurice Scève ? Etait-ce dans ce cas si opportun d'abandonner la rue des Grenouilles ou celle des Six-Grillets ?

 

21:23 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : noms de rues, urbanisme, lyon | | |