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mercredi, 19 mai 2010

Les barres de l'infortune

 

Aujourd’hui, à midi, cette barre immonde va disparaitre du paysage. Qui va la regretter ? Certes, pas moi. Implosée...

J’ai passé une partie de ma vie dans un immeuble de ce genre, un immeuble hideux dans une banlieue autre que la Duchère (dans le neuvième arrondissement de Lyon), mais qui lui ressemblait. Oui, l'immeuble pourri où j’ai vécu ce qu’on appelle l’adolescence était bien du même genre. Comme si, à une époque, ces fumeuses années  soixante & soixante-dix, on avait en effet décidé que dans le bétail humain, chaque membre se valait. Niveler les  habitats, les êtres, les esprits, les traditions, les  cultures,  les âmes. Les gens de droite (Pompidou, Giscard et ses sbires), puis les gens de gauche (Mitterrand et les siens)  n'ont à ça rien trouvé à redire. Au contraire... Habitat et humanisme... We are the world... Cette horreur de l'égalitarisme que je porte en moi me vient de là, d'eux. J'en ai expérimenté l'inanité dans le joyau de mon coeur. Pouah ! La banlieue... Que de conneries démagogiques n'ai-je pas entendu à son sujet, gens de gauche comme gens de droite confondus ?

Je revois le hall et ses boites aux lettres qui n’étaient alors pas encore disjointes., mais quel  vide quel ennui !  Les ascenseurs pas encore détruits par des loubards incultes, mais quelle uniformité, quelle zone ... Les couloirs déserts, pas encore hantés par des garces de quatorze ans, mais quelle tristesse, quel sentiment d'abandon!  Le gardien de la cité, homme débonnaire. Au-dessus des appartements (un assemblage cubique dérisoire,) des celliers. Ces immeubles avaient été construits pour les rapatriés d’Algérie, et furent longtemps gérés par les HLM. Au fur et à mesure qu’ils se sont enrichis, les rapatriés d’Algérie ont quitté ces lieux infâmes. Ils ont eu raison. Moi aussi, dès que j’ai pu. Il n’y a aucun charme, aucune gloire à vivre en banlieue. Rien. Banlieue = lieu du ban. C’est l’étymologie qui dit cela.

Il n’y a bien que Jack Lang pour oser déclarer que le rap est une culture. Et la banlieue, un lieu de vie...

De son appartement, place des Vosges…

Ah si. Le fils de Sarkozy, aussi. A ce qui parait. Le blondinet produit "le son du ghetto"... A suivre ICI

 

Ceux qui ont vraiment connu la banlieue pour avoir grandi dedans ne l’aiment pas et font ce qu’ils peuvent pour la quitter. Normal. Quel plaisir, aimer un enfer ? Un vide ? Du rien ? Ils ne vous diront jamais , comme Jack, et de ce ton-là, que le rap est une culture, ceux-là.  Ni que la banlieue est un endroit fascinant.

Ils se réjouissent que tombent une à une les barres de l’infortune et de l’aliénation.

20:22 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : barre 220, duchère, banlieue, société, politique, urbanisme, la duchère | | |

jeudi, 02 juillet 2009

Un sur quatorze

 Ne pas désespérer. C’est pourtant très long, une journée d’interrogations. Surtout lorsque c’est la toute première de la série. Et qu’elle commence tôt. Putain de bachot. Cela faisait longtemps que je n’avais pas mis les pieds (& tout le reste) dans la banlieue de Lyon : La vraie ; Décines, qui bientôt sera new Gerland, puisque c’est par là-bas qu’Aulas et Collomb veulent implanter leur OL Land. Bref.

Sur l’ancienne ligne de l’Est, longtemps désaffectée, un tramway flambant neuf. Au matin, 7h10, ne reconnais plus les lieux du tout.  Friches industrielles et friches tout court, champs à moitié terrains vagues et terrains vagues à moitié champs, des chantiers partout qui défilent, murs tagués, poteaux noirs, barres d'immeubles, des champs, et puis des champs à nouveau.  Petits lotissements en moellons. Allées goudronnées. Hangars à commerces.  Impression d’être dans le RER, au-delà de Tremblay-en -France. Comme si ce que j’avais fui, décidément, me courait après. Mais non, non... Je ne suis pas le centre du monde. Balle de flipper projetée dedans, plutôt, à toute vitesse. Monde partout pareil, hélas. Les banlieues se ressemblent et c'est pourquoi il ne faut que les traverser. Parmi d’autres qui lisent des gratuits. Lyon Part-Dieu-Décines-Grand large, c’est comme devenu Chatelet-Tremblay, désormais.  Les banlieues de capitales s'exportent. Sauf qu’à Décines, y’a le Grand Large quand même qui demeure, une large boucle de Rhône javellisée à la limite de l’Ain, sur laquelle on ne pourra pas construire. Javellisée, certes. Mais Rhône quand même ! Au moins pour le dégagement visuel qu'il offre généreusement. Des canards y barbottent encore, figurez-vous. Même si des bouteilles de bière flottent à la surface. Sordide humanité. S'est voulu inoubliable sur Terre. C'est réussi !

Les candidats ( je dis ça comme ailleurs on dirait les clients ou les patients, ou les canards), les candidats défilent.

De quoi pour longtemps torpiller la littérature et toute envie d'écrire, d'être écrivain, vous savez ? Le champ lexical de ceci, le champ lexical de cela…par  ici la personnification… Et par là le texte nous montre que….  J’espère que « les miens », comme ont dit  dans la profession, ne sont pas en train de répéter la même chose à un autre prof mirliton.. Leur ai expliqué mille fois qu’un texte n’a pas de doigts. Mais bon. Barre à la tête, à force. Gosier sec. J’écoute.. Moulinets à bac, les Don Juan, les Fleurs du Mal, les Madame Bovary et autres Cid ou Candide se débitent à la tranche.  Discours appris, répétés, c’est d’ailleurs ça, un prof, un répétiteur, alors l'élève d'un prof, que peut-il d'autre, le malheureux …

Quand soudain en voilà un.

Un sur quatorze.

Je ne dirai pas, ici, sur quel texte il a brillé. La littérature, c’est ça. Briller ou rien.

Mais voilà soudainement que les choses retrouvent du sens. Les mots  leur sens. Incroyable, non ? Et extrêmement simple.

Osiris recomposé : la signification.

Un sur quatorze, qui ne répète pas du par cœur, qui ne bredouille pas, ne zézaie pas, ne joue pas au loto avec ce qui pourrait être juste ou faux, ne reste pas silencieux en disant voilà ,  ne soupire pas, mais comprend le texte et dit ce qu’il comprend.

Merci à cet élève, unique en cette longue journée, cet élève qui soudain a des allures de Rhône, parce qu'il m'explique un texte aux allures de Grand-Large…

 

LarusCanus.jpg
Larus canus au grand large...

jeudi, 11 juin 2009

Le sourire de Voltaire

Un billet sur une table en formica. Un frigo tout neuf. Un champ de maïs.  Ou de colza ? Les souvenirs ne sont plus assurés. On plantait les deux, jadis, dans ces grandes terres que cernaient des corps de fermes, avant que sur ces terres ne poussât la banlieue. Car madame, mademoiselle, monsieur, dans ces champs-là, moi-même qui vous parle, j'ai vu surgir la banlieue. L’avenue que nous avons empruntée pour venir jusque-là n’était qu’un sentier à escargots, et ce rond-point qu’une simple boutasse, aussi vrai qu’un et un font deux sur les ardoises d'écoliers. Dans la cour du collège en contre bas paissaient des ruminantes, qui rentraient le soir en file indienne par cette allée Pablo Picasso, plus sages que ces collégiens gueulards et dépenaillés qu'on y voit à présent. Quant aux barres et aux tours, me demande bien qui aurait pu, de ceux qui dorment à présent dans le cimetière en contrebas, en imaginer la saisissante croissance !

Il n’empêche. De maïs ou de colza, à la place du centre commercial, il y avait un champ quand nous avons emménagé ici. A cette époque, le billet de dix représentait un drôle de Voltaire au sourire aigre-doux, dessiné par un certain Lefeuvre. Comme tous les candides de France, j’avais dû avaler quelques sonates à Voltaire en passant par le collège, aussi l'écrivain représentait-il un pensum indigeste à mes quelques années d'existence. En son recto, néanmoins, le palais des Tuileries, rien que ça me disais-je. Voilà qui contrastait singulièrement avec les champs de colza qu’on voyait de la fenêtre en partie obstruée par le ventre du frigidaire. Le palais des Tuileries vu du quai d’Orsay. C’est Nicolas Jean Baptiste Raguenet qui avait peint en 1757 la toile dont s’inspira Le Feuvre pour le fond de sa vignette, et dont voici la reproduction afin de faire une sorte de pause.

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