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mercredi, 30 septembre 2009

L'hôtel Dieu dans les flammes du pognon

La vitesse à laquelle le monde change est proprement terrifiante. TCL, poste, CNP … Chacun se retrouve obligé de défendre face au  rouleau compresseur   en route des biens, des droits, des acquis…. Chacun, seul, ou plus ou moins. De quelles causes, de quels combats, de quelles valeurs faudrait-il qu’en permanence nous soyons solidaires, vigilants veilleurs ?  Les démissions là aussi se multiplient.

Dans un tel contexte, qui va réagir à cette information proprement surréaliste, concernant le dôme de l’Hôtel-Dieu à Lyon ?

Je résume brièvement les faits : Les services hospitaliers de l’Hôtel Dieu de Lyon déménageant, on apprend dans une espèce d’indifférence molle que les corps de bâtiments  -et surtout le dôme construit par Soufflot, propriété des Hospices Civils de la ville de Lyon (dont le maire de Lyon, le socialiste et très bling-bling Gérard Collomb, est le président)- vont être vendus. S’y installeront des commerces de luxe, dans le genre de l’immonde magasin Zilli, et des hôtels internationaux. Le dôme de l’Hôtel Dieu, un hôtel de luxe ? Une succursale de l'aéroport de Dubaï ? 

Cela semble ne faire réagir personne.

Je me demande parfois si ce n’est pas moi qui déraille. Pendant que nous y sommes, transformons le Louvre ou plus exactement le Panthéon (œuvre de Soufflot également) en casino. Les machines à sous remettront, n'est-ce pas Gérard, un peu d'ambiance dans ces vieux bâtiments déserts et dans ces salles, dont les mètres carrés inoccupés demeurent tragiquement non rentabilisés.

Car c’est un socialiste, ou so call, qui annonce cela à la population. Pour mémoire.

Et c'est sous la tutelle d’un ministre de la culture glamour comme mes deux, neveu (au passage) d'un président so call socialiste (lequel président, pas davantage que ses prédécesseurs ou successeurs, n'aura été un cadeau pour le pays…. ) qui laisse faire...   Devant tant de démagogie, de cynisme, de lâcheté, je ne trouve d'autres arguments, que l'injure. Et je le dis.

Politiques de merde.

Quant à monsieur Képédékian, premier adjoint à la culture de la ville de Lyon, on se demande s'il existe vraiment, et de quelle culture il est l'adjoint.

 

Pour mémoire, également, je republie cet article du 28 janvier 2009, titré "Soufflot on se l'arrache", qui retrace l'histoire d'un des joyaux architecturaux de la ville de Lyon (ville dont Gérard Collomb et son équipe a la responsabilité), qui est (on se demande ce que cela signifie ) classé au patrimoine mondial de l'humanité  (!!!!)

Pour mémoire, enfin, voici  cette photo privée de l’Hôtel Dieu en flammes en 1944. Et je me demande s'il n’aurait pas mieux fait de cramer complètement à cette époque, le pauvre dôme de Soufflot, plutôt que de finir en chaîne hôtelière privée pour putes et maquereaux de luxe.

 

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mardi, 29 septembre 2009

Le prix du désir

Sans étiquettes ni code-barres, l’objet n’est plus signe que de lui-même, sous la haute verrière de la salle des ventes. Signe de lui-même et des tourments de son existence. Bois, cuir, porcelaine, étain, faïence, l’objet a retrouvé sa matière en même temps que sa race. Et sa pudeur est bouleversante sur le comptoir du commissaire priseur qui le palpe, le soupèse et l’exhibe.

L’objet n’a pour lui plus que sa naissance, sa patine, son cachet, son pedigree. Fils d’un artisan ou d’un amateur du dimanche, pauvre ou héroïque survivant, sur la banque de l’infortune. Les pros s’approchent, portable à la main, l’œil pimenté. Ils tâtent sa solitude ou lorgnent de côté, la moue aux lèvres, une poignée de mains à droite, un éclat de rire à gauche, un signe discret en faveur de  l’objet, puis s’en retournent par la travée d’un pas qui traîne jusqu’à à leur place. Auprès du pape du lieu, chacun nourrit son histoire très intime, entretient un négoce particulier, comme auprès de l’instit jadis : Ne l’appelle-t-on pas Maître également ?

Une tisanière accidentée début XIXème part à cinq euros, un porte flacon en chagrin rouge du XVIIIème à 130, une tête de Saint-Denis du XVIème à 240... Cela monte et redescend selon un rythme fort élaboré qui laisse à chacun le temps de souffler. Parfois de ronfler. Saine oasis dans l'univers libéral qui nous consume : j’y retrouve mille attentions émanant de maisonnées disparues. L’objet ne se prostitue jamais complètement comme le ferait un être humain. Il respire quelques secondes, le temps qu’il lui faut pour convaincre. Sa valeur, la sienne, qu’il connaît éphémère, dans la conscience de son unicité. On l’achète souvent dans le seul souci de le revendre : mais l’objet n’est pas dupe.

Quelques secondes à peine, de pure renaissance : Dans les galeries, les kiosques, les supermarchés, les aventures de la marchandise en rayons n’auront jamais ce parfum de luxe qui rôde somptueusement sur les contours infiniment désirés de l’objet mis à l’encan.

 

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09:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : enchères, écriture, objets, marchandises | | |

dimanche, 27 septembre 2009

L'usine, la cathédrale, le bordel

C’était il y a déjà un siècle. L’usine et les paysages qu’elle façonnait étonnaient encore le monde, et spécialement les artistes. Fasciné par « la cité maudite tuant toute végétation », Pierre Combet-Descombes mentionnait dans ses notes « les paysages malades de Saint-Fons, la statue rouge symbolisant l’usine de mort », « les fumées jaunes qui enveloppent les maisons et absorbent l’air »...

Le fer et le feu : Tel est le titre du triptyque qui naîtra de ces premières impressions déjà présentes dans les cahiers du peintre en 1909. Trois huiles sur toiles de 0,92 x 0,65.

L'histoire aidant, l’usine sera bien vite associée dans son imaginaire à la guerre, son outillage et ses « moyens de morts » (gaz asphyxiants notamment). L'usine sera la Cité Maudite.

L’usine, note Combet-Descombes en 1919, est « un lieu à sensations extrêmes, toxiques. » Avec ses « fumées en mouvement, sa vapeur en champignon, ses nuées sans couleurs », c’est une « cathédrale luxuriante où se lisent la beauté et la malédiction du monde moderne ».

Toute sa vie il restera stupéfié par ces paysages industriels. En 1925, Combet Descombes note un projet de décoration pour une Bourse du Travail : « L’usine maudite, l’usine rouge, inspirée par le thème de la métallurgie, cause de guerre ». En 1928, à propos du film, « Gueules Noires », il insiste sur « l’intensité photogénique de la machine, de tout l’outillage colossal d’une ville d’acier, et sur la féérie des fumées et des flammes ». Trente ans plus tard, en 1959, une inscription portée sur des chemises contenant d’anciens croquis : « Usines à revoir » : Le peintre y pense toujours.

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22:37 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : pierre combet-descombes, ziniars, hauts fourneaux de chasse, peinture | | |

samedi, 26 septembre 2009

Sur la disparition du franc

150px-10Francs1990revers.pngIl est d’usage de traiter ceux qui regrettent la disparition du franc de vieux ringards 10frs-mathieu.jpgnostalgiques, romantiques & déprimés. De fait, la disparition du franc aura été l’un des plus beaux hold-up réalisés par la Banque dans le porte-monnaie de consommateurs, qui ne s’en sont généralement rendus compte que trop tard, en faisant leur marché... Hold-up d’autant plus efficace qu’il s’est opéré avec leur assentiment, rigolent les financiers, c’est-à-dire démocratiquement 

Pour tous ceux qui n’ont pas réalisé combien désastreuse fut la disparition du franc, voici un tableau de concordance non pas des valeurs (elles fluctuent), mais des symboles (ils demeurent), c’est-à-dire des pièces concrètes que nous avons dans les poches. Symboles auxquels, au gré des crises, on peut ajuster les valeurs fluctuantes, entre l’ancienne monnaie et la nouvelle.

euros

francs

500

 

200

 

100

 

50

500

20

200

10

100

5

50

2

20

1

10

 

5

 

2

 

1

50 cts

50 cts

20 cts

20

10 cts

10 cts

5 cts

5 cts

2 cts

 

1 cts

1 cts

 

On  part de la pièce de 1 euro, dont l’équivalent symbolique était la pièce de 10 francs.

Si vous divisiez naguère 10 francs par deux, vous rencontriez les valeurs intermédiaires de 5, 2, et 1 franc, alors que si vous divisez un euro par deux, vous tombez immédiatement sur celle de 50 cts. Ces échelles de valeur, qui constituaient à proprement parler le franc se sont, par un tour de passe-passe  rondement conduit, bel et bien volatilisées, en ce sens qu’elles ne trouvent plus d’équivalent dans la nouvelle monnaie. Ce sont donc ces échelles intermédiaires de 1, 2 et 5 francs (celles qui servaient de soupapes en hiérarchisant la hausse des prix pour n’importe quelle denrée de la vie quotidienne) qui ont purement et simplement été effacées, tandis qu’en haut de la pyramide se rajoutaient des symboles étrangers à la plupart de nos portefeuilles (100, 200 et 500 euros), symboles inutiles puisque les Français avaient l’habitude de régler les grosses dépenses avec des chèques et des cartes bleues

On comprend rétrospectivement que la seule fonction de la création de tels symboles fut la banalisation programmée du billet de 50 euros dans l’esprit du consommateur oublieux, billet qui sera bientôt (en valeur) l’équivalent de l’ancien billet de 200 francs. Telle fut la conséquence du gigantesque hold-up monétaire que fut le bourrage de crâne idéologique pro-européen des présidences de Giscard, Mitterrand, Chirac et à présent Sarkozy, lequel se pavane joyeusement, sur ses photos officielles, devant le drapeau européen dans la bibliothèque de l’Elysée tandis qu’on annonce la sortie en salle du Petit Nicolas, divertissement familial si l’en est dont le succès, dans cette France amnésiée au moins autant qu'amnésique devrait égaler celui, récent, du navet sur les Ch-tis

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vendredi, 25 septembre 2009

Louis Guilloux : d'une guerre l'autre

Nous saluons l'un des événements majeurs de cette rentrée littéraire, la parution dans la collection In quarto de Gallimard (et ce à quelques semaines de l'anniversaire de sa mort) de plusieurs récits de Louis Guilloux.  Le volume en question, préfacé par Philippe Roger, comprend la Maison du peuple & Compagnons, Labyrinthe, qu'on ne trouvait jusqu'alors que dans les "Cahiers rouges" de Grasset, ainsi que  Douze balles en breloques, OK Joe, Le sang Noir et L'herbe d'oubli (publiés par la Blanche et pour seulement quelques titres en folio). Les préfaces de Camus (La maison du peuple) et Malraux (Le sang noir) complètent le volume.

On pourra s'étonner du ridicule du titre (D'une guerre l'autre), calqué sur l'expression célinienne, devenue une véritable tarte à la crême et le trait d'un snobisme autant salonnard que pseudo-universitaire fort irritant, titre que Louis Guilloux, j'en suis certain, aurait détesté.  Il n'empêche. Pour ceux qui connaissent et apprécient l'oeuvre de Louis Guilloux comme pour ceux qui, à travers cette ré-édition partielle (pourquoi n'y figure pas Le Pain des Rêves ? ) la découvriront, c'est une excellente initiative. L'occasion également de rappeler les articles consultables sur ce blogue à propos de l'oeuvre, majeure,  de Louis Guilloux

 

 

d'une guerre l'autre.jpg

 

Les articles à propos de Louis Guilloux consultables au fil de ce blog :

 

- A propos de l'émission Apostrophes que B.Pivot lui a consacré :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/13/louis-guilloux-franc-tireur.html

- Une lecture du  Pain des Rêves :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/18/louis-guilloux-et-la-chronique.html

- Une lecture du Sang Noir :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/17/louis-guilloux-l-esprit-de-fable-3.html

-Une lecture de La Confrontation :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/15/louis-guilloux-l-esprit-de-fable-22.html

- Louis Guilloux et l'esprit de fable:

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/14/louis-guilloux-l-esprit-de-fable.html

 

jeudi, 24 septembre 2009

A cheval & en latin

Le 9 juin 1508, Erasme rédige une lettre à son vieux pote Thomas More, pour lui signifier qu’il vient d’écrire, à cheval et en latin un texte à propos « des études qui leur sont communes »,  J’eus, dit-il, l’idée de «composer par jeu un éloge de la Folie ». L’idée, plus vaillante et originale encore, fut de confier son propre éloge à Folie elle-même.  Ce que souligne l’incipit en majuscules : C’EST LA FOLIE QUI PARLE.

 

Folie qui se déclare, dès le chapitre VII, fille de Plutus, « géniteur unique des hommes et des dieux, n’en déplaise à Homère et à Hésiode » et de la nymphe Hébé (la Jeunesse), entre ainsi dans le Panthéon des Humanistes. A partir de 1511, son éloge connait notamment plusieurs éditions à Lyon chez Sébastien Gryphe.  Quelques années plus tard (1555), Jean de Tournes publie le Débat de Folie & d'Amour d'une lectrice attentive d'Erasme, Louise Labé.

 

Il s’agit d’un ouvrage d'imitation néo-platonicien, conte mythologique plaisant traitant sous la forme d’un procès entre Amour et Folie (dont les avocats respectifs sont Apollon et Mercure) des aspects conflictuels de la passion et du désir.  Le conte met par ailleurs en scène de façon allégorique et fort originale la sociabilité lyonnaise de l'époque.

 

Avec cette imitation, voici donc désormais Folie admise au banquet des dieux. Et l'on connait le jugement de Jupiter, suite au différend que la dame a eu avec Amour : « Et guidera Folie l'aveugle Amour, et le conduira par tout ou bon lui semblera ». Jugement ambigu puisque la référence du pronom lui (Amour ou Folie ?) demeure floue : d’elle ou de lui, quel est celui qui devra conduire l’autre ?

 

Cet Eloge de la Folie aura donc été l’un des plus gros succès de librairie, l’une des meilleures « ventes » du XVIème siècle, l’une des fatrasies les plus appréciées et les plus imitées du lectorat de l'époque. Bref : ce qu'on nomme à présent best-seller.

 

C’est l’un des petits privilèges de ce métier curieux que j’exerce d’être, par la nécessité de « préparer des cours » conduit régulièrement à la (re)lecture des ouvrages du passé.

Ainsi, tandis que les « critiques littéraires » doivent se farcir les stars de la rentrée éditoriale, les Beigbeder, NDiaye, Chalandon, Toussaint ou Mauvignier, c’est en compagnie de Rabelais, Marguerite de Navarre, More, Montaigne et Erasme que je fais ma rentrée automnale. A cheval, le plus souvent, je dois le dire, tant ces (re)lectures tiennent plus du papillonnage que de l’immersion absolue. Et en latin, tant on ne cesse de s’étonner à quel point les grands textes littéraires sont, pour le lectorat contemporain – et pas seulement les adolescents il faut en convenir – devenus lettres mortes.

 

A cheval. Et en latin : L’attelage n’est certes plus trop au goût du jour ; c’est tant mieux.  Me demande bien de quel œil sarcastique et distant Erasme et sa redoutable Folie observeraient la rentrée si communément marchande qui amène chez les libraires des piles d’ouvrages déjà programmés pour finir leur vie en cartons de pizzas. L’une des vertus de cette satire étant de nous faire aimer ce qu’elle tourne en dérision, à savoir la folie des hommes, nul doute qu’en son plat farci, chacun en son assiette trouverait à déguster pour son compte.

 

A propos de tous les écrivains Folie ne déclare-t-elle pas, au chapitre L de son propre éloge : « Tous me doivent énormément, surtout ceux qui griffonnent sur le papier de pures balivernes. » ? Goncourt, Renaudot, Femina… à l’heure des premières sélections, et tandis qu'on ne sait quel éditeur et quel auteur emporteront cette année le pactole, saluons une fois encore, et indiscutablement, Folie notre mère à toutes et à tous, qui règne sans partage sur la grande foire d’empoigne et le grand marché aux vanités :

 

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« Voyez-les plastronner sous les éloges, et montrés du doigt par la foule : Le voilà, cet homme fameux ! Les libraires les exposent en belle place ; au titre de leurs ouvrages se lisent trois noms, le plus souvent étrangers ou cabalistiques. (…) Le fin du fin est de s’accabler d’éloges réciproques en épitres et pièces de vers. C’est la glorification du fou par le fou, de l’ignorant par l’ignorant. Celui qui vous dit supérieur à Cicéron, vous le déclarez plus savant que Platon. On se cherche parfois un adversaire pour grandir sa réputation par une bataille. Deux parties contraires se forgent dans le public ; les deux chefs combattent à merveille, sont tous deux vainqueurs et célèbrent leur victoire. Les sages se moquent à bon droit de cette extrême folie. Je ne la nie pas. Mais en attendant, j’ai fait des heureux qui ne changeraient pas leur triomphe pour ceux des Scipions. »

Erasme, Eloge de la Folie (L)

06:28 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jean de tournes, louise labé, sébastien gryphe, érasme, littérature, écriture | | |

mercredi, 23 septembre 2009

Saint-Laurent de Choulans

  « Découverte à l’occasion de travaux effectués sous la chaussée de la montée Saint-Clair- du Port, la basilique funéraire de Saint Laurent a été fouillée une première fois en 1947. En 1976, nous avons pu reprendre la fouille et mettre au jour l’abside orientale, puis dégager à nouveau la nef, les collatéraux et le portique, tout en complétant l’étude des sépultures. En 1983 des travaux de terrassement ont fait apparaître l’extrémité sud de l’abside ; en 1985, et en collaboration avec le Service archéologique municipal, nous avons pu mettre en évidence la clôture de la nécropole, sa porte d’entrée et quelques maisons construites hors de l'area funéraire. » 

 

Jean François Reynaud, Lugdunum Christianum, Ed. de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 1998

 

Le quai Fulchiron est une  voie d’accès très empruntée le long des berges de la Saône, vers le centre touristique du Vieux- Lyon. C’est par là que s’engouffrent les estivants qui, de la vieille capitale des Gaules, n’auront jamais connu que le tunnel de Fourvière, l’odieux complexe autoroutier qui défigure la place Carnot, les plaisirs pollués de l’embouteillage auquel on se résigne devant les caméras s’il s’agit de faire bonne figure auprès de Bobonne et des gosses au journal de 20 heures.

Dans ce flot de véhicules sans mémoire craché par la gueule hideuse de ce tunnel, qui se doute qu’en le pénétrant, il foule du pneu les velléités de repos éternel d'antiques  dignitaires burgondes  ?  

 

Après le démembrement de la Gaule, en effet, Lugdunum fit partir du royaume de Bourgogne. Gondahaire (ou Gondicaire), le premier roi des Burgondes (ou Bourguignons) avait pénétré le Lyon gallo-romain dès l'an 435. Il défit l’’empereur Majorien, au mois de décembre 458, et fonda la dynastie des rois burgondes, laquelle dura tout juste un siècle, puisque la ville passa aux Francs en 534. Je tiens tout ceci de monsieur Josse, alias Auguste Bleton, puisant régulièrement dans sa précieuse Petite histoire populaire de Lyon (ed. Ch. Palud, Libraire de l’académie et des écoles, Lyon, 1885), qui reste une mine.

Le site archéologique de la vieille basilique Saint-Laurent de Choulans vaut le détour. Derrière une paroi de verre fumé, les niches clairsemées des sépultures ouvertes sont laissées à l’abandon, tandis qu’au rythme poussif des feux colorés de la circulation, une clignotante et ininterrompue guirlande de véhicules en tous genres se répand, tantôt venu du pont Kœnig, tantôt de la montée de Choulans, et continûment tournoie autour du sanctuaire masqué, dont nul ne soupçonne plus en ce lieu l’existence. Une époque, la nôtre, tourbillonnant autour d'une autre, la leur.

 

« Ce tombeau, déchiffre-t-on, appartient pour ses mérites à Atto, de bonne mémoire, dont saint Laurent a recueilli le corps, afin qu’il mérite le pardon ».

 

Mais, l’une après l’autre dispersée pour fortifier d’autres demeures (une chapelle carolingienne, un hôpital pour pestiférés, de multiples habitats de notables ), la basilique ancienne égara ses pierres et accomplit ce naufrage dans le mauvais oubli des hommes.  Seul demeure ce relief lisse de pierres violées, derrière cette paroi de verre et sous ces étranges ponts métalliques désertés par les passants.

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Le séjour d’Atto servit ainsi de fondations à divers bâtiments, dont le célèbre hôpital de la Quarantaine qui ne passa pas, pour autant, le dix-neuvième siècle. De ces récurrentes transactions comme de cette compilation presque pâtissière d’époques successives, placée devant mes yeux et comme glissée à mon oreille, seul, le génie décadent d’un vieux mémorialiste catholique venu séjourner là quelques heures de son siècle romantique, aurait pu façonner la méditation en périodes croustillantes sur l’ironique, démembrée et corrosive puissance des temps ; quelques ans plus tard, un poète érudit  se serait complu, en quelques maints sonnets pompéiesques, à retracer le douloureux roman d’un dieu Attys, lequel, « tant qu’il aima Cybèle en fut jaloux d’Atto ». Il aurait suffi qu’ensuite un  breton sulpicien consolidât l’édifice en jetant à l’antique déesse certaine prière démocratique dont seul il posséda le secret, pour que Saint-Laurent de Choulans entrât en littérature. Sans doute aurait-il fallu également aux récents dirigeants de la Cité, une plus saine intelligence de son passé et un véritable amour des Lettres.

Les ruines à présent révélées de saint Laurent de Choulans auraient acquis aujourd’hui quelques lettres de noblesse avérées. Mais hélas, aucun Renan n’eut jamais le loisir, à propos d'une quelconque lyonnaise Acropole, de dialoguer avec le moindre Chateaubriand, et les Chimères de ces tombes dévastées restent à composer.

Le grès rocailleux et javellisé des sarcophages ne découvre à l’œil exercé que les mégots que de récents passants y ont jetés du haut des passerelles. Fièvre patrimoniale. Quant au flot des automobiles que le quai draine juste derrière ce vitrage, il m’empêche même d’écouter le silence des tombes. Je ne perçois que l’indifférence des vivants à leur égard : qui le rompra, Atto ?  De la plate forme métallique d’où je contemple l’embarras de ces ruines, je comprends que s’est dérobé le temps de réciter le fond sec et incurvé de leur mirobolante vanité. Claquemurées au centre des embouteillages, cela ne ravirait que fort peu l’attention du public.

Ce constat attristant en tête, je quitte le bâtiment circulaire qui les abrite. En un instant, me voilà rendu sur le trottoir du quai Fulchiron. Une discrète borne kilométrique me rappelle, un peu plus loin, qu'il fut aussi sur les cartes routières la départementale D487.

 

Autres monuments perdus:

L'hôpital de la Charité :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/09/03/les-fantom...

L'amphithéâtre des Trois-Gaules :

 http://solko.hautetfort.com/archive/2008/11/03/l-abbaye-l...

Le Pont de Saône :

 http://solko.hautetfort.com/archive/2008/12/07/le-pont-de...

Le Progrès, rue Bellecordière :

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/07/23/le-progres...

La passe des Cordeliers :

http://solko.hautetfort.com/archive/2008/10/06/passe-des-...

lundi, 21 septembre 2009

Naissance de Béraud

Un 21 septembre comme celui-ci, presqu'un dernier  jour de l'été, celui de 1885, naissait à Lyon Henri Béraud. Ses parents, boulangers rue Ferrandière dans la paroisse de Saint-Nizier, avaient tous deux une ascendance dauphinoise qui inspirera grandement le futur romancier de la "Conquête du Pain", cycle de trois romans (Le Bois du Templier Pendu, Les Lurons de Sabolas, Ciel de Suie)

Voici pour le plaisir de ceux qui connaissent un peu cet auteur, ou de ceux qui souhaitent le découvrir, un bref extrait de sa prose poétique, du plus beau roman jamais écrit sur cette chienne de ville de Lyon :

 

A l'époque où il advint ce que je vais raconter, le quartier de la soie à Lyon était à peu près ce qu'il est aujourd'hui. De hautes maisons couleur d'averse et d'avarice y traçaient déjà ce gluant labyrinthe où, pour mieux se cacher, la fortune emprunte le visage de la misère.Chez nous, rien ne change, ni le ciel, ni la pierre, ni les âmes. Sur les pavés toujours gras, qui semblent renvoyer au ciel plus de clarté qu’ils n’en reçoivent, le jour tombe à plomb comme une pluie de cendres. Sans relâche, un relent de latrines s’exhale des cours et des impasses, où les gens glissent en silence, comme des noyés. C’est le Griffon. C’est le quartier des millionnaires.

L’étranger que l’aventure égare en ces lieux se demande s’il ne rêve point. Il se frotte les yeux, il se bouche le nez : « Quoi ! les plus riches commerçants de la terre vivraient là, dans cette ombre et ces odeurs ? – Ils y vivent. Et ils y meurent. »

C’est au fond de ces taudis que, poursuivant de père en fils la tâche séculaire, ils s’acharnent à la besogne. De génération en génération, l’usure des meubles leur a renvoyé le reflet de visages plus durs et plus tristes. Lyon leur appartient. Vingt mille immeubles leur suent des rentes ; leurs châteaux déserts règnent sur des lieues de vignes, de blés, d’étangs, et de bois ; leurs coffres regorgent ; ils pourraient dominer le monde et vivre comme des princes, et ils sont là, chaque jour, souvent seuls, dès l’aube et tard dans la nuit, même le dimanche. Ils ignorent la joie. Ils se refusent le moindre plaisir. Une seule passion les dévore, la plus ardente et la plus opiniâtre, celle qui ferme dans l’effort d’une suprême convoitise les doigts crochus de leurs moribonds.

A première vue, rien ne distingue le pays des canuts du pays des fabricants : mêmes bâtisses lombardes aux portiques enfumés, mêmes bruissements de ruches, mêmes puanteurs. Mais, sur son roc, l’homme de la Croix-Rousse domine la cité. Son faubourg, dont chaque rue semble conduire dans le ciel, en boit toute la lumière. On y retrouve des avenues, des arbres, des jardins. Mais à mesure qu’on descend, le réseau se resserre. A mi côte, déjà, c’est le dédale ; au Griffon, ce ne  sont plus que ruelles de coupe-gorge.

D’une enjambée on barre le chemin. Les habitants ne circulent qu’en se frôlant du coude. On dirait que, pour cerner le vieux monde des ouvriers, les soyeux ont cimenté là ce barrage de murailles et de grilles. Labeur et révolutions, tout ce que charrient les pentes torrentueuses du vieux faubourg vient s’y drainer. En silence, depuis trois siècles, le ruissellement des velours, des satins, des brocarts, traverse cette écluse, avant d’aller se répandre en fleuve sur le monde ; depuis le même temps, la peine des pauvres et la colère des affamés viennent s’y jeter en vain.

Ces grosses portes, ces lourdes murailles, ces grilles de forteresses, on s’explique leur durée quand on sait ce qui s’est passé là. Quel fabricant, tirant, à nuit close, la porte de son magasin, n’a vu parfois, dans les ténèbres du vieux carrefour, remuer l’ombre d’un drapeau noir ? Lequel n’a tremblé qu’ils ne redescendent quelque jour, ceux des cayennes et des mutuelles, les blêmes insurgés de 31 et de 34, les Voraces, cette canaille de canuts qu’on n’a jamais fini de fusiller ?

Dur et tenace comme un cœur de maître, Le Griffon guette la Grande Côte. Tant qu’il restera chez nous de  la soie et des soyeux, le sombre rempart tiendra bon – jusqu’au jour où le pic et la pioche en viendront à bout quand, à force d’égoïsme, les Crésus de la fabrique auront achevé la misère de ceux qui les ont faits ce qu’ils sont.

 (Ciel de Suie - 1933)

 

 

 

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  Chevet de l'église Saint-Nizier, vers 1896 Dessin de Joannes Drevet

in - Lyon pittoresque, d'Auguste Bleton.

 

On trouvera ci-dessous divers liens avec des billets concernant ses œuvres :

- une biographie commentée :

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/01/22/henri-bera...

- une critique de la Gerbe d'Or :

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/01/25/la-gerbe-d...

- une critique du Plan Sentimental de la Ville de Paris :

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/02/27/plan-senti...

- une critique de son roman Lazare :

http://solko.hautetfort.com/archive/2009/09/08/c3066770e1...

- plusieurs commentaires de la première période de Béraud, dite "lyonnaise" (avant 1914) : 

 http://solko.hautetfort.com/archive/2008/06/19/comment-pe... 

- un commentaire de trois grands reportages de Béraud (Moscou, Rome, Berlin) :

 http://solko.hautetfort.com/archive/2009/03/02/1925-berau...

 

20:29 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : henri béraud, littérature, lyon, saint-clément les baleines | | |

dimanche, 20 septembre 2009

Ma pièce

Une pièce dans un immeuble, un immeuble dans une rue, une rue dans une ville…

On se perd, au-delà,

Si peu bâtis, sommes-nous, pour l'infini.

Au delà, ce sont des métropoles entraperçues d’un hublot nocturne,

Ces tapis de lumières que n’abattent jamais tout à fait ni l’horizon ni l’obscurité,

En lignes, en courbes, en pointillés, en paillettes,

A perte de vue :

La terrible, l'insatiable, l’infernale présence humaine, sur la boule Terre

Jusqu'au vertige rendue non, jamais totalement visible,

Pas plus qu'imaginable ...

 

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Ma  pièce, rien qu’un tout petit point lumineux parmi ces milliards d’autres pièces, disséminées,

Et pour retrouver dimension plus sereine, plus adaptée à soi-même, partout des écrans, des images :

Télés, ordis,

Page d’un livre, tracée de sillons,

Mots, qu’on lit,

Ou blanche, 

Oui, page blanche, 
Qu’on écrit.

21:00 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, écriture, poèmes, soir | | |