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mardi, 14 juin 2011

La gôche Péhesse

J’entends Elisabeth Guigou déclarer ce matin sur une chaine de télé qu’elle soutiendra Martine Aubry, si cette dernière se présente, parce qu’elle :

·         A le sens de l’amitié

·         A su rassembler le PS  et, dit-elle en clignant de l’œil, ce n’était pas facile.

·         Saura rassembler la gauche

·         Saura parler aux Français

 

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C’est tout ?  C’est tout.

Martine parlera. Elle parle déjà. Comme tous les siens, elle sait que la politique, c’est un discours : J'en veux pour preuve celui de Villepin, sur une autre chaîne, face à Bourdin : "Sarkozy ne parle pas suffisamment aux Français. On a besoin d'une parole". Mais qu'ont-ils, tous, à croire qu'on a besoin de bouffer leur verbe ? 

Martine serait donc une bonne maman républicaine. Après Tonton le lettré, Maman, la parleuse.  Le socialisme deuxième ou troisième génération, plébiscité avec humour par Chirac, serait ainsi de déclamer de bons principes à longueur de plateaux télé, de colonnes de journaux, jouer la messe laïque, blablater. Je connais des gens, encore juste assez mais pas plus que ça touchés par les effets de la crise européenne et mondiale, encore capables de ne se contenter que de symboles, à qui ça suffira. Une image de soi convenable, rassurante, professorale ; un anti-discours contraire à celui que la presse et les medias ont construit au président Sarkozy. Et hop, je pose mon cul sur le strapontin. Le tour est joué. Relire Bernays.

Et après ?

Ma dentiste me rappelait un jour que c’est elle qui, ministre du travail, avait, dans un éclair de réalisme économique, supprimé le remboursement des soins des gencives.

La gôche  Aubry, la gôche Péhesse, quoi, tout un programme

08:12 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : aubry, politique | | |

dimanche, 12 juin 2011

Telle une antithèse baroque

Frêle sont l’instant du bonheur,

Lourd, le lieu du malheur

Dans la durée comme dans l’espace

Mais constant l’un de l’autre

Arrimés, amarrés.

Traverses d’un seul corps, d’un seul âge.

Toi funambule

Du plein au vide,

Du vide au plein,

De l’un, malheur, de l’autre, bonheur.

 

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22:41 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : antithèse, poésie, littérature, listeners | | |

Les années Chirac

Les années Chirac tentent de reprendre vie dans les bacs des librairies. C’est ce qu’on appelle des mémoires. Quelques-uns sont illustres : Saint-Simon, Chateaubriand, De Gaulle… Le premier a su dépeindre à merveille les intrigues de la Cour et les mesquineries des grands règnes ; le deuxième a su comme nul autre imposer entre deux époques la trace frêle et sublime de son passage ; dans les troubles de son temps, le troisième a su ériger la grandeur de sa statue.

Qu’a su Chirac ? Cet homme médiocre qui a beaucoup trahi (Giscard, Barre, Séguin, l’héritage gaulliste) et qu’on aura en retour beaucoup trahi (Balladur, Pasqua, Sarkozy), aurait pu, dans le motif du retournement de veste et du coup de poignard dans le dos, puiser le ciment et l’épice (c’est-à-dire le contenu et le style) qui font cruellement défaut à son pensum éditorial. Il aurait pu laisser trace vivante des nombreuses ambigüités de son temps, fait de reniements tacticiens, de compromis politiciens et de décomposition des convictions, lui que trois cohabitations et une réélection digne de Pantalon ont placé au centre d'un jeu de chaises aussi pitoyable que carnavalesque. Mais pour ça, il eût fallu qu’il fût un tant soit peu écrivain, un tant soit peu historien. Or cet homme à peine journaliste a le style terne et le contenu insipide. Cela surprendra-t-il grand monde ? Ce qui fait que son bouquin se parcourt tel une gare routière presque déserte au matin, une autoroute privatisée, dans le creux d'un mardi, sous un ciel mi-gris.

Le style, tout d’abord : celui d’un inventaire, ou d’un catalogue. « J’ai vu que, j’ai décidé que, j’ai pensé que… »  Pas la moindre  mise en scène de soi (ce qui fait l’intérêt du genre), pas d’ironie ni de lyrisme, pas d’exploration de l’être intime ni le moindre point de vue sur l'Histoire, mais une exposition fade et presque fossile de l’ego, orchestré par une abondance d'un je gestionnaire de faits plus que d’actions.

Le seul souci « historique » que Chirac parait  avoir dans l’exercice convenu qui consiste à écrire ses mémoires est la volonté d’éliminer les rivaux qui pourraient lui jeter de l’ombre dans son propre camp. Aux Giscard « aigri et prétentieux », Balladur « calculateur froid » du tome 1 répond à présent le Sarkozy « nerveux, impétueux » du tome 2. Glissé entre un Mitterrand qu’il oint d’un sentencieux et suspect respect (celui qu'on doit aux vieillards ?), un Le Pen devant qui il cherche à faire figure d’honorable et ferme gentil, et le cadet Sarkozy dont il savonne la planche sans même la moindre espièglerie, ce piètre président tente de se forger une place. Il laisse entendre qu’au fond, le plus honnête et le moins pourri dans son camp, le plus « normal » (pour paraphraser celui en qui il parait avoir trouvé son clone corrézien) et le seul valable  (hormis Juppé, persiste-t-il), serait lui. Sa pomme. Ce personnage qu’il donne à lire se présente au final pour ce qu’il fut : un président par défaut. Cela explique-t-il sa médiatique et républicaine boutade de faux soutien au candidat par défaut que tente d'être à présent François Hollande ? Du marketing ! On attendait autre chose, en tous cas, de celui qui fut, dans l'ombre des partis, le plus redoutable casseur de droite de son temps.

Pour ce qui est du contenu, ni secret ni révélation. Pas une ligne sur l’actualité judiciaire, bien évidemment. Les trois événements majeurs qu’auront été la dissolution, la non-participation à la guerre d’Irak et le fameux autant que fumeux 21 avril, sont traités sur le mode mineur du témoin privilégié qui, dans sa déposition, répète ce que la presse avait déjà dit. Conséquence d’un tel vide : les commentateurs, on les comprend, ne retiennent finalement que les remarques acerbes contre son successeur : mais surfer sur un « anti-sarkozisme » vaguement revanchard,  comme n’importe quel chroniqueur, c’est n’exister que dans l’air du temps volage, le persiflage politicien, exister -une fois de plus- a contrario. Piètre projet, piètre ambition. Voilà pourquoi, après une bonne heure et quelques minutes passées à traverser cet ouvrage de circonstance sur un fauteuil rosâtre de Virgin Megastore, je l’ai finalement reposé sur la pile. Au pouvoir, son auteur fut-il jamais autre chose que ça : le mari de Bernadette dont un musée, en Corrèze, conservera seul la trace ?

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19:26 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : chirac, politique, édition | | |

samedi, 11 juin 2011

Le clip de la honte

Les Hospices civils de Lyon, qui ont récemment 1) supprimé les primes de nuit des infirmiers/infirmières  2)  décidé de transformer (avec l'appui de leur président Gérard Collomb, maire de Lyon), le fleuron patrimonial de la ville en hôtel de luxe (voir ICI),  viennent de claquer 13 000 euros dans la réalisation de ce clip ridicule. Il s'agit d'embaucher une cinquantaine d'infirmiers. 119 volontaires ont participé à la réalisation. La DRH de l'hôpital affirme s'être inspiré du buzz provoqué par l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal en 2008. Les 13.000 euros proviennent du plan de formation des contrats locaux de d'amélioration des conditions de travail des HCL. On croit rêver. Me demande combien le chanteur Grégoire touche de droits dans cette honteuse falsification...



10:48 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : edouard herriot, gérard collomb, hcl, politique, lyon, hopital, médecine | | |

jeudi, 09 juin 2011

Le neveu de personne

 

-Que faisiez-vous, il y a plus de vingt ans ?

 

- Moi ? J’écrivais un roman.

-Vous n’aviez pas encore compris que c’était vain ?

-Il m’a fallu l’écrire pour cela.

-Que racontait votre roman ?

-Une vie. Pas la mienne, je vous rassure.

-Laquelle ?

-Celle d’un homme que j’avais rencontré dans la morgue d’un hôpital où je travaillais pour gagner ma croûte. Celle d’un gardien d’amphithéâtre.

-Et que se passait-il  dans ce roman?

-Honnêtement, pas grand-chose.  Cet homme veillait.

-Mais encore ?

-A un moment il tombait amoureux.

-Et alors ?

-Il résistait.

-Pourquoi ?

-Parce qu’il savait comment tout finit entre deux serpillères.

-Et vous avez trouvé un éditeur ?

-A l’époque, oui.

-Lequel ?

-A quoi bon le nom précis. Non loin de Saint-Sulpice,  et de cette magnifique chapelle dont le plafond fut peint par Delacroix.  Dans une petite rue en pente.

-Et alors ?

-Dans cette honorable et vieille maison, on m’a proposé d’éditer mon roman, à condition que j’y retouchasse deux trois bricoles.

-Vous avez accepté ?

-Non.

-Vous avaient-ils demandé l'impossible ?

-J’avais conçu l’amphithéâtre comme une véritable métaphore de la conscience. Une architecture inhérente au texte. Aux personnages eux-mêmes.  Une véritable métaphore de la conscience du pays qui était en train de disparaître dans les années 80, voyez. Disparaître ! La France des rivières non polluées, où se péchaient des vairons. Cette France dont mon gardien veillait, sans autre raison que la précarité matérielle qui déjà gouvernait son existence, les morts. Ils ont trouvé qu’il y avait trop de métaphores pour un public déjà bien peu « littéraire ». C’est eux qui affirmaient cela, je précise.

-Je vois à votre mine qu’ils ont renâclé pour autre chose.

-Ils m’ont dit : « gardez le principe de votre conscience, mais rendez tout cela plus croustillant. Si votre gardien pouvait coucher un peu, de ci de là, avec ses morts… »

-Vous avez tiqué ?

-Ce n’est pas le mot. J’aurais pu accepter, rentrer dans le circuit, le marché comme on dit. C’était avant Darrieussecq, Beigbeder, Catherine Millet et le reste des guignols…  C’était ça, donc, ou bien…  Je n’ai pas voulu me vendre. J’ai repris mon manuscrit.

-Quelle vanité !

-J’ai  passé les concours d’enseignement. J’ai gardé ma liberté de parole.

-Votre liberté ? Mais si personne ne vous lit ?

-Je n’ai pas besoin qu’on me lise pour pouvoir manger. Ni pour payer mes crédits.

-Et vous ne regrettez pas cette décision ?

-Dans un monde où tout est à crédit, non !

-Ils sont plus riches que vous, les guignols…

-Ils ne viennent pas, non plus, d’où je viens.

-Franchement ?

-A la surface des choses, parfois, évidemment, j’ai de profonds regrets. Ah, tâte-toi le cœur, tâte-toi le cœur, me dis-je !  Car l’enseignement de la littérature, enfin de ce qu’est devenue cette malheureuse littérature française -et je rajoute bien : française - dans ce que sont devenus l’école, les lycées… L’enseignement de la littérature est un métier…   A la surface des choses, donc,  m’arrivent parfois de profonds et mélancoliques regrets. Mais en mon for intérieur, jamais ! Je n’ai jamais regretté.

-Et aujourd’hui, si on vous proposait à nouveau…

-Quoi ?

-Si on vous proposait…

-Je me sens plus lourd, beaucoup plus opaque qu’à l’époque, blindé. Et aussi beaucoup plus léger. Incroyablement plus décrotté. Si un éditeur me proposait…

- Eh bien ?

- Connaissez-vous la fin du Neveu de Rameau ? C’est un livre extraordinaire, savez-vous ? Un des dix ou quinze bouquins qui s’emporteraient sans réfléchir à deux fois sur l’ile déserte s’il fallait demain déguerpir…. Tout le monde y danse un peu le pas de cette pantomime, savez-vous ? La superbe pantomime des Gueux.

-Continuez !

-On m’a marché sur la queue, et je me relèverai, dit le Neveu au Philosophe incrédule.

-Et alors ?

-Peut-être est-ce ce que je dirai à l’Editeur. Vous m’avez marché sur la queue, et je me suis relevé. Après tout, qu’est-ce qu’un éditeur, quand on a son salaire qui tombe chaque mois ? De quoi avons-nous besoin de lui ?  Je lui dirai : marchand…

-Il vous rira au nez

- Je lui dirai : marchand, appartenez-vous toujours à la Compagnie Générale des Eaux, ou quelqu’un d’autre vous-a-t-il encore racheté les bottes, l'assiette et le chapeau ?

-Vous le ferez vous rire au nez, c’est assuré !

- Je lui dirai : allons, allons, je veux voir aussi le pas de votre danse…

- Il vous répondra d’aller vous faire f… dans vos classes bondées !

- Mais je fais cela très bien sans lui, et depuis fort longtemps. Connaissez-vous la dernière phrase du Neveu de Rameau ?  J’irai me faire foutre, lui dirai-je, à condition qu’il me la lise.

- Il vous dira vanité !

- Je répondrai ignorance. Allons, allons, petit bonhomme, qu’il me la lise et sur-le-champ!  Elle sonne si juste à mon oreille que quand il m’arrive parfois de relire les feuillets de l’Amphithéâtre, je me réjouis tout seul à me la répéter.

-N’est-ce pas vous qui prétendiez qu’écrire un roman vous semblait désormais vain ?

-Que dire alors de l'éditer ?

-Et que dire d’enseigner ?

-Vous touchez-là un sujet délicat. Nous en avons déjà parlé hier, le motif est sans fin. Mais je ne suis, moi, le Neveu de personne. Passez, monsieur mon contradicteur, la nuit qui vous convient. Et n’oubliez pas de lire, à la toute fin…

 

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 Le Neveu de personne a été écrit en 2009 (déjà). Je le republie aujourd’hui, en vous invitant également à lire ICI le billet qu’un écrivain consacre, sur son blog, à ses rapports avec divers éditeurs … 

 

 

mardi, 07 juin 2011

La fortune du peintre

Où s’épuise la fortune du peintre…

Dans un méli-mélo tragi-comique, digne d’un mauvais Zola. Un méli-mélo qui demeure à écrire, et qu’on situerait entre L’Œuvre, La Curée et son Excellence Eugène Rougon. Politique, sexe, gloire et pognon, New-York et la place des Vosges, tous les ingrédients du roman de gare sont réunis et la distribution est presque à jour : Anne Sinclair dans le rôle assez risible de la sainte milliardaire ou de la cocue magnifique, DSK dans celui du politicien libidineux ou de l’affligé repentant,  Nafissatou Diallo dans un troisième qui reste à écrire et dont je crains qu’il finisse par être celui du bouc-émissaire. Sans côté la horde des avocats roués, de journalistes à l’affût, du PS en campagne, du téléspectateur blasé… 

Le peintre, dans tout ça ? Il fait office d’alibi culturel, d’ancêtre glorieux, de gage de sérieux.

picasso sinclair.jpg

Portrait de Madame Rosenberg et sa fille, daté de 1918. Portrait dans la pure tradition des portraits de cour, un portrait de commande, du peintre à son galeriste. Offert par Anne Sinclair au musée Picasso à l'occasion de son entrée dans le conseil d'administration en 2010.


12:42 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : politique, scandale dsk | | |

lundi, 06 juin 2011

En Saint-Denis, Croix-Rousse

Du dehors, l’édifice paye franchement pas de mine. Le clocher qui ouvre sur la rue : Trois fenêtres, un bossage rustique et un petit dôme à lanterne supportant la croix. La façade : rien que beaucoup d’austérité, que perce un unique vitrail, étroit et rond. Il faut franchir le porche, et s’avancer de quelques pas pour rencontrer quelques primes sensations.

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Vers 1910

Les Pères Augustins Réformés (qu’on nommait les petits Pères) qui posèrent là la première pierre de l’édifice en avril 1629 sont défuntés depuis lurette. On pénètre alors la pénombre de leur ancienne église conventuelle. Elle n’avait, comme le clocher, rien de remarquable : c’était une nef rectangulaire, couverte d’un simple lambris, et terminée par un modeste chœur. Deux chapelles latérales, l’une dédiée à la Confrérie de la Bonne Mort, l’autre à Notre Dame des Sept Douleurs lui furent adjointes. Au début, les Pères n’étaient guère plus qu’une douzaine en leurs cellules, au milieu des champs, des saules et des vergers, interdits d’aumône par le Consulat, et contraints de donner aux rares habitants du faubourg les sacrements de Baptême, Eucharistie et Pénitence en cas de nécessité.

Autour de leur enclos s’établirent peu à peu d’autres frustes fermes, puis de rustiques hôtelleries pour voyageurs de passage. En ce dix-septième siècle, les chemins alentours n’étaient pas pavés : il y avait celui qui menait vers Bourg (l’actuelle Grande Rue), celui qui partait pour Neuville et l’autre vers Montluel et la Bresse. D’une croix en pierre rose de Couzon, posée à la fin du quinzième siècle, tout le plateau et les coteaux alentours tenaient leur nom.
La Grande Révolution passant par là, l’église conventuelle échappa de peu à la vente des Biens Nationaux et les Augustins disparurent. Avec la fondation de la commune Cuire Croix-Rousse, elle devint paroissiale en 1791 et fut confiée à ancien Augustin du nom de Charles Plagniard, qui devint curé constitutionnel. La Terreur se propageant, la Croix-Rousse s’était proclamée « commune Chalier » et l’église, devenue « temple décadaire », puis « temple de la raison », connut le culte étrange de « l’Etre Suprême ». A son entour, le quartier changeait et se développait de plus en plus vit avec la venue des ouvriers tisseurs. Le 29 Thermidor an VIII (1- mai 1797), la Croix-Rousse devenait une commune autonome et l’église Saint-Denis la paroisse des canuts.

Dans sa pénombre, se découvre un cénotaphe contenant le cœur d’un ancien curé bien aimé de ses paroissiens, Jean Antoine Artru, défunté le 17 mai 1875. C’est l’un de ses prédécesseurs, Claude François Nicod, qui donna à l’église son volume contemporain. Il avait pris la paroisse en 1830, à l’âge de 42 ans, et mourut en 1853. Sur un portrait, on lui découvre un visage long et bon, à la Lamennais. Toute sa vie, il aima le baron de Richemont, alias le duc de Normandie, qui se prétendait Louis XVII, l’enfant du Temple, et avait pris durant leur révolte le parti des canuts (voir ICI son étrange histoire) contre la Garde nationale et les fabriciens. Pour lui, Nicod écrivit en 1850 un ouvrage, L’Avenir prochain de la France, que le Cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, condamna solennellement. C'est, croit-on, ce qui précipita sa fin. 
Dès le début de son ministère, le curé Nicod fut soucieux d’obtenir du Conseil Municipal et du Conseil de la Fabrique des fonds pour agrandir l’étroite église des anciens Pères. En supprimant les anciennes chapelles et en aménageant de larges bas cotés, il fit d’abord doubler par l’architecte Antoine Marie Chenavard la nef, puis fit bâtir par Joseph Forest les trois hémicycles du chœur où il disposa les trois autels actuels. Grâce à une souscription, Nicod dota également l’église de ses orgues en 1838. En 1831, bien que légitimiste, cet étonnant curé donna officiellement la sépulture à deux canuts morts pendant les émeutes et cautionna en 1833 un service funèbre à la mémoire des insurgés tués sur les barricades.
C’est un autre curé, Zacharie Paret, qui paracheva son oeuvre en 1876, en confiant au peintre lyonnais Auguste Perrodin la réalisation des trois fresques des voûtes. La vieille église se transformait soudain en une vénérable micro basilique. Ce même Paret, en 1891, redonna vie au culte de Notre-Dame des Sept Douleurs en ouvrant une chapelle qui demeure toujours.

Vous voilà donc dans cette église aujourd’hui. Sur la cuve à cinq pans de la chaire en noyer massif qui sortit au dix-septième siècle des mains d’un sculpteur inconnu, vous reconnaissez des épisodes des Ecritures : La remise des Tables de la Loi sur le mont Sinaï, Jésus marchant sur les eaux, au puits de la Samaritaine, chassant les vendeurs du temple, Saint-Michel terrassant Lucifer. Un peu plus loin, vous voici face à la bannière de la Corporation des Tisseurs de Lyon. Puis à deux reliquaires ; le plus vieux, à deux étages, date probablement des vieux Pères fondateurs. Sur l’autre, est posée une tête de Saint-Denis. Derrière sa façade modeste, Saint-Denis recèle ainsi des trésors d’histoire et de mémoire, au même titre que les grandes églises du centre-ville bien plus visitées, Saint-Nizier, Saint-Bonaventure, Ainay ou la primatiale Saint-Jean. Elle reste le plus souvent ouverte et vaut le détour.

dimanche, 05 juin 2011

Qui sait ?

Après Benoît et son Artémis, j’accueille aujourd’hui un heureux chantre de la Charente. Certes, les strophes ne sont pas d’une égale mélodie, et quelques alexandrins sont  faux. Mais le texte contient l’écho juste et prégnant d’un romantisme à la fois idéaliste et grave, un romantisme que n’aurait pas entachée l’époque actuelle, sa veulerie, ses renoncements. L’homme qui a écrit ces vers a tenu à conserver l’anonymat. Pour paraphraser Vigny et sa Bouteille à la mer, « Il tient dans une main cette vieille campagne » dont il sait le luxe. A vous de l’apprécier :

 

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Qui sait ?

Notre mère avait dit de garder ce refuge
Pour les jours de détresse ou de calamité,
Or personne ne pense au retour du déluge,
Personne n'y croit plus, mais moi je dis « qui sait? »

Lorsque viendront les jours où l'Afrique et l'Asie
Se seront essaimées par nos villes par millions
Et qu'insidieusement, ou bien par tyrannie
Se seront répandues leurs mornes religions,

Paris débordera sur la Beauce et la Brie
Chartres et Tours ne feront qu'une même banlieue
On cherchera en vain à trouver un abri
Regrettant le bon temps que connurent nos aïeux.

Notre Dame, qui sait, aura son minaret,
On refera qui sait, la queue au  ravito
Mais à B… l'église gardera son clocher
Les légumes au jardin pousseront à nouveau.

Quand seront épuisées nos sources d'énergie,
Que pour se réchauffer il faudra faire du feu,
L'âtre sera toujours là pour des brûleries
Et l'on fera encore rouler le vélo bleu.

Qui sait s'il s'agit là de vaines conjonctures
Pour des demains lointains et des temps hasardeux...
Mais aujourd'hui déjà,  dans sa douce verdure,
Le calme charentais est un luxe fabuleux.

Juillet 2006

09:39 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : poésie, littérature, charente, vigny | | |

samedi, 04 juin 2011

L'hulot gaffeur

Le journal le Monde affirme que c’est une boulette. En bonne maîtresse d’école, Eva Joly fait les gros yeux à Nicolas Hulot,  l’amateur qui vient d’assurer un peu vite qu’il aurait envisagé un tandem avec Borloo : « Borloo, le meilleur élève de Sarkozy. Il faut en politique,  savoir distinguer ses alliés de ses adversaires », renchérit la dame aux yeux bleus et à l’accent scandinave. Le plus drôle vient de Jean-Vincent Placé), disant à propos de Hulot : « C’est un centriste qui n’a aucune culture de gauche »

Là, je dois remercier cet illustre inconnu, qui est, paraît-il, le bras droit de la zézayante Cécile Duflot. Car il me permet de comprendre un peu plus pourquoi, si les gens de droite m’indiffèrent, ceux de gauche m’exaspèrent vraiment. Peut-être parce que cette prétendue culture de gauche, qui exista indéniablement et de quelle façon du temps de la Guerre Froide, est devenue ce salmigondis d’anti-mondialisme, d’anti totalitarisme, d’anti-racisme, d’anti-lepénisme, d’anti-sarkozisme, d’anti-catholicisme, d’anti-nucléaire, bref, un entre-soi qui n'est bâti que de l’anti, mâtiné d’une nostalgie jospiniste ou tontonphile, et de l’idée que tout étant égal à tout, tout se vaut. En gros, dit Placé, il n’a pas notre culture, il n’est pas des nôtres. Voire il n'est pas normal. Que voilà un beau discours de gôche ! Je crois que Hulot n’a pas fini de regretter le bon temps d’Ushuaia !

Ce discours d’une extrême tolérance et d'une intelligence vive, je le reconnais, cela dit, tel que je l’ai vu fleurir au sein de partis ou de syndicats divers, se revendiquant toujours de cette gauche. Il est la raison même de mon désengagement ou si l'on veut de mon contre-engagement.

Comme je l’ai écrit sous l’excellent billet de Nauher (lire ICI) d’aujourd’hui consacré à Marine Le Pen,  «Ce qui serait drôle, c'est que le deuxième tour oppose Sarkozy et Le Pen. Imaginez tous les anti-sarkozistes et les gens "normaux" du PS contraints d'aller, après avoir voté Chirac autrefois, voter pour le petit Nicolas. Vrai. Moi qui ne me rends plus non plus dans les bureaux de vote, j'irai ce jour-là rien que pour les prendre en photos ! » 

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15:37 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, nicolas hulot, eva joly | | |