lundi, 27 juin 2011
2011 MD
Tous les cinq ans, tout le monde dit vouloir s’atteler à refaire, redresser ou refonder ce pays, dans lequel rien ne va jamais. Puis, tout continue comme avant. Cela dure depuis des décennies, quoique depuis peu, le rythme se soit accéléré. Avant, la mascarade, c’était tous les sept ans.
Avec ce système, rien ne va jamais : ni pour la moitié dont le poulain est au pouvoir, ni pour l’autre moitié qui trépigne en attendant que le sien y parvienne. Les premiers sont vite déçus par leur candidat et de pro deviennent anti. Dans les alcôves, tout comme dans une pièce de Shakespeare dont on ne cesserait de répéter l’acte IV, les courtisans d’hier peaufinent donc des stratégies pour lui piquer le siège. Jean Louis, Hervé, Dominique, Rama, Christine et Fadela…
De l’autre côté, ceux qui trépignent devant la porte des palais s’arrachent le cœur, le foie, la rate et les poumons pour faire mine de s'accorder sur le bon prétendant. Là aussi, la finalité n'échappe pas à l'observateur : Faute d’idées et de débats, il ne s'agit que de faire parler de soi à longueur d’antenne. Stratégie d’occupation, on dit de communication dorénavant : Martine, Ségolène, François, Manuel, Arnaud, Jean-Luc…
Nous vivons ainsi dans un étrange climat carnavalesque, pendant que tournent autour de nous des astéroïdes en tous genres. Aujourd’hui, 2011 MD (c’est son petit nom) passera à 12 300 km de nos affaires et de nos divers émois en milieu d'après midi. Pas de risque qu’il fasse de gros dégâts : on se dit que c’est presque dommage, tant après les tsunamis naturels, financiers, sociaux et politique de toutes sortes, notre sens du catastrophisme aurait bien besoin de nourriture céleste. Il n’est même pas certain que ce gaillard là ait de quoi rivaliser avec celui qui inspira au bon Hergé l’Etoile Mystérieuse. Il faisait pourtant aussi chaud qu’aujourd’hui, au tout début de l’album, vous souvenez-vous ?
13:04 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : 2011md, hergé, astéroïde, primaires socialistes, politique |
dimanche, 26 juin 2011
Le mariage gay
Comment sortirons-nous vivants de ce tunnel dans lequel droite et gauche nous contiennent, avec d’un côté l’extrême tolérance à l’égard des marchés, de l’autre la même tolérance à l’égard des individus ? Ne discriminer ni l’un ni l’autre, abolir toute morale, vis-à-vis des uns, comme vis-à-vis des autres. Laisser faire. Distiller in fine un laxisme généralisé dans l’opinion publique, ou plutôt faire en sorte que la pensée, déjà confondue avec l’opinion dans la culture de masse, finisse par se décomposer dans le laxisme du dire, du faire et surtout du payer.
Quelques boulevards du pays étaient emplis hier des défilés de la Gay Pride, et des revendications politiciennes de gaillards opportunistes tels que Lang, Mélanchon ou Joly, qu’on vit le soir sur les écrans en train de revendiquer d’une seule voix l’instauration du mariage gay et celle de « l’homoparentalité ». Même Villepin (que ne ferait-il pas ?) trouve qu'après tout, si d'un côté on rend obligatoire le vote (ce mec est fou), autant autoriser de l'autre le mariage gay... (il est quand même tolérant, non ?)
Si ce curieux mariage gay peut ainsi s'inviter aussi tôt dans une campagne présidentielle qui n’a pas même débuté, c’est parce qu’il ménage la possibilité d'un débat d’opinions aussi formidable que simpliste, à la maison comme au bistrot : ce mariage-là, qui qu’on soit, on ne peut-être que pour ou contre. Au-delà des intérêts réels qui pourraient être ceux des homosexuel(le)s, et des avis de tous, hétéros et homos sur cette question, on comprend dès lors pourquoi c'est la question qui intéresse les politiciens de tous crins : jetée en pâture sur la place publique, elle devient (parmi d’autres) une question faiseuse d’opinions. Et donc, éventuellement, de clivages et de votes.
Il fut un temps où l'idée même, laissant de glace, n’aurait pas même été posée. C’était celui de Wilde et de Gide, de Proust et de Cocteau, de Coco Chanel, de Joséphine Baker et d’Arletty. Me demande ce que l’un ou l’une de ceux-là aurait pensé de la question, eux qui avaient décidé soit d’abolir la norme, soit de s’en tenir à l’écart. L’idée d’un mariage homosexuel leur aurait sans doute fait horreur, comme par ailleurs pouvait leur faire horreur l’uniforme ou la soutane, en tant qu’emblèmes divers d’un ordre établi volontiers honni. Mais on était, alors, d’un autre courant d'opinion, au sens où l'on parle aussi de courant d'air. On ne cherchait pas en ce temps là à ce que tout le monde soit égal, pareil, normal.
Aujourd’hui, triomphe cette double et étrange revendication de la part des homosexuels de la Gay Pride (revendication collective, relayée par des associations, des artistes, des médias et tout à la fin de la chaine par des hommes politiques, notez-bien !) : revendiquer une identité différente et être semblable à la norme. On a déjà beaucoup glosé sur ce paradoxe : si je le relève, c’est parce qu’il est essentiel dans un dispositif qui fait du gay de base, comme de l’immigré de service ou de tout indigné une sorte d’agent de la non-discrimination, à une époque où le mariage gay intéresse -en tant que vecteur de propagande- et la gauche et la droite.
Car l’une comme l’autre ont trouvé dans la non-discrimination le lieu commun idéal pour amalgamer dans un même à peu près tout ce qui sert à définir par ailleurs leur res publica, cet « idéal républicain » dont ils ont la bouche pleine. No Pasaran est devenu pour eux No Discrimination : Touche pas à mon gay, variante de Touche pas à mon pote, et bientôt de Touche pas à tout ce qui pourra servir à diluer l’exigence intellectuelle et la connaissance des histoires de chacun dans la soupe de ce nouveau tabou dogmatique où droit à la norme et droit à la différence se monnayent. Tout ça parce que l’ordre mondial qui a choisi d’imposer partout le libre échange a aussi partout besoin de ne plus discriminer (du moins en apparences et en formules toutes faites) les individus ; on vend donc de tout à tous, y compris le mariage aux homos qui seront bientôt prêts à se damner pour obtenir ce dont il y a cinquante ans, aucun n’aurait voulu : libéraux et libertaires les acclament au sommet de la pyramide, Lang et Villepin feignent l'accord, Borloo et Melenchon.
Il faut saluer là l’efficacité diabolique de la bonne vieille propagande : le mariage gay et l’adoration de l’immigré n’étant que deux maillons d’un même chaîne, ou comment manipuler les gens en démocratie ; car mon vieux, si tu es contre le mariage gay, tu es aussi contre le respect dû aux immigrés, tu es contre l’Europe, l’euro et la mondialisation, tu es contre le nucléaire, la fête de la musique, et la légalisation du cannabis, contre les Indignés qui s’indignent ; tu es de surcroît forcément catholique, et tu votes au mieux Boutin, au pire Le Pen ou Sarkozy. Tu es donc forcément un pauvre con. Tu ne me crois pas ? Allume une télé et regarde…
17:32 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (15) |
samedi, 25 juin 2011
Faites du cinéma
Le jour où les adresses IP deviendront plus chères que les pas de portes, peut-être que le monde virtuel redeviendra à part entière une part domptée, une page écrite, un tableau achevé du monde réel. Ceux qui, croyant converser avec le monde entier grâce à leur portable s’apercevront, dépités, qu’ils n’ont jamais tenu le crachoir qu’à quelques dizaines, voire centaines de personnes éparpillées un peu partout, reviendront sur terre.
A cette époque, le Japon sera-t-il toujours habité ? La Grèce sera-t-elle ou non devenue une colonie chinoise ? Le Qatar aura-t-il envoyé le premier specimen humain sur mars ? Et la France ? Martine Aubry sera-t-elle enfin présidente ? Pourra-t-on enfin y fumer tranquillement son chichon sur le perron d'une église en sortant du baptême du fils de ses voisins gays ? De quel archipel financier indéfini sera-t-elle la colonie ? Non contents d'avoir voulu être tous égaux, serons-nous enfin tous pareils ?
Il parait que débute la fête du cinéma. Voilà qui me donne envie de faire de la musique, où d’offrir une cravate à pois, comme celle à Gilbert sur la photo, à mon vieux papa...
12:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fête du cinéma, société, politique, france |
jeudi, 23 juin 2011
Couty : le poids du monde
L’association Jean Couty a mis au point un site qui permet de voyager agréablement parmi l’œuvre du peintre lyonnais, dont on fête le 20ème anniversaire de la mort. Sur la page d’accueil, un diaporama riche d'une vingtaine de tableaux. Sous l’onglet « œuvre raisonnée », de nombreuses reproductions avec les fameuses « vues de Lyon », ses églises, ses chantiers, ses usines (on sait que c’est Tony Garnier, le concepteur du Lyon industriel, qui a encouragé Couty à ses tout débuts), ses quais du Rhône comme de la Saône (le tableau illustrant le billet précédent était de lui, bien sûr), ses nombreux portraits (un seul auto-portait) et natures mortes…
De nombreuses photos et vidéos, par ailleurs, une biographie détaillée, des articles de presse et une sélection d’affiches. La visite complète, c'est par ICI
En illustration : Le poids du monde.
08:31 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jean couty, peinture, lyon |
mercredi, 22 juin 2011
Les quais de Lyon
Sous la plume désuète d'une auteur oublié (1), je trouve ceci : « Les rives des fleuves, bordés de maisons de deux ou trois étages qui trempaient leurs fondations dans l’eau, et auxquelles s’accrochaient des auvents et des galeries en bois faisaient saillies sur le courant. De distance en distance s’échelonnaient des petits ports en forme d’anse, où l’on accédait soit par des marches, soit par le pente naturelle du sol. Dans les eaux basses, ces petits ports se tapissaient de verdure. Les enfants y venaient jouer. En tout temps y régnait une activité prodigieuse. »
L'oeil peine à présent à retrouver, dans l'alignement uniforme des quais tracés pour les automobiles en bordure de la Saône, traces de ces anciens et populeux débarcadères. Le port, comme l'église, signait alors la territorialité même de chaque quartier; chaque quartier, qui était une paroisse, était également un ténement et un paysage particulier : Ainay, Bourgneuf, Saint-Jean, Saint-Antoine, Pêcherie, Saint-Georges, Quarantaine...
A la fin du dix-huitième siècle et surtout durant le dix-neuvième, lorsque naquit l'idée d'aménager des quais, on les conçut d'abord comme des promenades : Le long du Rhône, du pont Morand à celui de la Guillotière, le quai dit des Brotteaux offrait à l'oeil une long sillon, face à cet autre dit de Bon-Rencontre, nom qui si poétiquement sollicite l'imaginaire. Ces premiers quais ne faisaient que reprendre le tracé d'anciens chemins de courtine, que le pas de générations de sentinelles avait tracés de veille en veille et de port en port parmi les hautes herbes, pour la sécurité des bons bourgeois endormis.
Les façades de deux hôpitaux (Hôtel-Dieu, Charité) et celles d'une prison (Perrache) formaient ainsi une seule perspective en bordure du Rhône. On y déambulait doucement et Louisa Siefert, poétesse parnassienne, sut dans ces alexandrins trouver des mots qui, comme des pas, laissent entendre le rythme de cette marche :
« Quand je vois ce long mur aux fenêtres grillées / Cet hôpital où sont tant d’âmes désolées / Puis ce long mur encore pleins de sombres hasards / L’hospice des enfants trouvés et des vieillards / Puis d’autres, puis enfin, sinistre, formidable, / La prison et plus loin le faubourg insondable, / Oh ! je l’avoue alors, ne pouvant rien sauver, / Comme le fleuve au bas, je voudrais tout laver ».
Avant que les bagnoles n’envahissent jusqu’à la nausée les abords des fleuves, les quais révélaient encore la densité des solitudes, au cœur même de la ville, suscitaient le recueillement des solitaires venus s'y égarer. Il n’est pas nécessaire d’être poète, peintre ou romancier pour ressentir tout ce que ces lieux ont à offrir de douceur, de rêve, ou de mélancolie. Je garde toujours au coeur l'onctuosité évaporée de ce que Jean Reverzy appelle le mal du soir :
« J’étais à Lyon sur les quais du Rhône et sous des platanes extrêmement parfumés. Le soleil se tenait entre d’extraordinaires images dont le relief et l’incandescence me stupéfiaient et à droite de la colline dont la seule image me rappelle l’odeur délicieuse des vieux bouquins de piété. Je me souviens que le Rhône découvrait de longs bancs de cailloux d’une blancheur absolue… Mais n’oubliez pas qu’à l’horizon fondait de l’or et de l’or… Dans la lumière inquiète et blanche du sunset, je vis s’éclairer des fenêtres ; ça et là tremblèrent de minuscules cristaux rouges. Un mystérieux esprit m’envahit, que j’appelle le Mal du Soir. »
Le temps d’une halte sur un quai la cité est saisie avec recul. Devenu lui-même flâneur, liquide, le regard en ne s’attachant à aucun détail, compose un paysage intérieur dont il s’émerveille naïvement : Comme l’espace aérien vu de Fourvière, l’espace de la Saône, vu du quai Jayr, agit, pour ce personnage de Georges Champeaux (2) tel un révélateur :
« Accoudé au parapet du quai, il ne se lassait pas de suivre du regard les travaux du bas-port et le mouvement de la batellerie. Et peu à peu s’établissait en lui la conviction qu’il avait sous les yeux un des plus beaux paysages de la terre. Tout en bas, le serpentement de la rive droite de la Saône , une route de campagne qui devient le quai d’un faubourg, comme succèdent aux pimpantes villas emmitouflées de Saint-Rambert le château d’eau, les grues et les cheminées de l’Industrie. Puis c’est le tassement autour de la Gare d’Eau des vastes entrepôts aux larges toits en pente douce, d’où surgissent, puissants et harmonieux, les trois blocs équarris des minoteries. Et, emplissant le paysage de sa présence, déployant à ses pieds le geste souple de son corps voluptueux, la Saône nonchalante qui paresse et se prélasse, cependant que, rangés le long des bas-ports, les noirs remorqueurs plats, les sapines béantes, les « plattes » pavoisées du linge mis à l’étendage, les péniches pansues ceinturées d’une bande claire, avec la futaie grêle de leurs mâts aux pointes blanches de minarets, parent ses profondeurs de leurs reflets. Longtemps le père Chatard avait méconnu la beauté d’un tel spectacle. Mais voici que du fer et de la pierre comme des feuillages et de l’eau, affluait une sympathie pénétrante. Et c’était l’âme même de ce paysage composite qui commençait à l’imprégner – une âme qui mêlait au sortilège originel de la nature la majesté poignante de l’effort humain »
Dans les fleuves se mirent la ville et toutes ses lumières. En n’exhibant que ses reflets, le fleuve, triomphalement, dénie la réalité de pierres et d’hommes, dont le rêve silencieux est captif. Dans ses Chemins de solitude, Gabriel Chevallier se souvient de tels instants d’oubli le long du quai de Tilsit :
« D’ailleurs, même aux instants où il ne se passait rien sur l’eau, il était doucement fascinant de regarder couler la rivière, qui reflétait des maisons vacillantes, des nuages furtifs, et des pans de ciel bleu. Une petite barque sollicitait la rêverie et laissait la pensée perdue, après que son sillage s’était effacé. Une voix soudaine m’appelait, qui me faisait tressaillir : « - Que fais-tu donc, qu’on ne t’entend pas ? - Je regarde la Saône … »
Si vive, parfois, si intensément vraie, l’impression annihile le regard qui se fond en elle. Démiurge à la réalité temporelle qui impose l’illusion de son reflet mortifère, le fleuve capte les existences : Dans Le Voyage du Père, (3) le personnage errant de lieux en lieux finit, malgré la robustesse de son esprit, par ressentir de si éminents vertiges sous la plume de Bernard Clavel :
« Il y avait ainsi beaucoup plus de lumière dans l’eau que sur le coteau d’en face où s’étageaient des maisons aux fenêtres éclairées. Plus les maisons étaient hautes et loin, plus leurs lumières se nimbaient d’un halo. Il n’y avait pas d’étoiles. La lueur qui montait de la ville semblait rencontrer comme un plafond cotonneux posé sur les toits les plus élevés. Quentin regardait tout cela sans rien voir vraiment. »
Enfin, les fleuves et les quais de Lyon ne seraient pas ce qu’ils sont sans leur cortège de noyés. Me Debeaudemont dans L’Arbre Sec de Joseph Jolinon, la petite Noëlle du Ciel de suie de Béraud, pour ne retenir qu’eux, finissent ainsi leur mélancolique existence dans les fleuves :
« Et puis, ce fut l’arrivée entre deux agents de l’affreux brancard bâché de cuir, d’où coulait, pas à pas, une inépuisable traînée d’eau limoneuse et glacée ».
Et pour finir, une toile et une photo. Je laisse à votre sagacité le soin d'en retrouver les auteurs ...
(1) Emmanuel Vingtrinier
(2) G. Champeaux, Le Roman d’un vieux Grôléen Lyon, Ed. de Guignol,1919
(3)Bernard Clavel, Le Voyage du père, Paris, Robert Laffont, 1965
09:05 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : lyon, actualité, société, écriture, littérature |
mardi, 21 juin 2011
Fête de la musique
Dans sa naïveté, il espérait qu’ils en auraient tous marre un jour. Qu’ils comprendraient que cette fête qu’ils honoraient depuis trente ans n’était qu’une fête nationale aussi conne qu’une autre, que celles qu’ils critiquaient par ailleurs, une fête qui n’avait plus rien ni de festif ni de subversif, destinée à soutenir l’ordre en place. Comme les autres. Comme toujours.
Dans sa naïveté, il se disait qu’ils finiraient par ne plus vouloir ressembler à leurs mères et leurs pères qui déambuleraient cette nuit-là encore comme chaque année en troupeaux dans les rues, au milieu du vacarme des villes. Qu’ils se diraient enfin que, la musique, oui, mais pourquoi tous ensemble, pourquoi cette nuit-là, pourquoi en troupeaux, entre des barrières de CRS ?
Quel nom déjà, ce ministre qui avait si bien su brouiller tous les repères culturels des gens, et continuaitn déplumé, à faire le bellâtre à la télé ? Faites de la musique ! Tout ça pour un bon mot à la con... Ils en étaient là...
Dans sa naïveté, il se répétait qu’une fête ne pouvait ainsi se perpétuer sur commande, qu’il y aurait bien forcément un jour ou l’autre un mouvement d’Indignés contre çà aussi, tout ce bordel municipalement organisé à dates fixes par toutes les mairies de l’Hexagone, dans les provinces de l’Empire...
Qu’il suffisait peut-être de laisser passer encore un peu de temps…
09:58 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : fête de la musique, politique, france, empire |
vendredi, 17 juin 2011
Gallimard & les gallimerdeux
Gallimard, rue Sébastien-Bottin ; je ne sais pas vous, mais je trouve quand même que ça sonne mieux que le tautologique Gallimard, rue Gallimard. Et Solko, rue Solko, vous imaginez ?
La modification de deux numéros de la rue Sébastien Bottin (les 5 et 7) en rue Gaston Gallimard, qui agite le landernau éditorial me parait malgré tout d’un intérêt digne d’une sous-préfecture. Des éditeurs numériques indignés (Numerikkivres, Actualitte.com, Publie.net) en ont pourtant profité pour se faire un coup de com’ et ont lancé avec emphase un « appel du 15 juin », croyant sans doute tenir là un débat ou/et un combat de haute résistance, susceptible d’intéresser le chaland franchouilleux.
Non à la Gallimardisation du quartier crient certains. Au 9 de la rue Sébastien Bottin, que précèdent les 5 et 7 de la rue Gaston Gallimard, il paraît que les riverains ne savent plus trop quelle est leur adresse. Cela me rappelle la polémique humoristique de Béraud avec ceux qu’il nomma les Gallimardeux – Gide, Claudel, Suarès, Romain Rolland, à l’époque…
On nage en pleine controverse de type Troisième République.
Pauvre France ! Le 15 au soir, Jonathan Littell, Jean-Marie Rouart, Chantal Thomas, Philippe Djian, Alain Mabanckou, Philippe Sollers, Jean d’Ormesson, Philippe Labro, et toute l’écurie était donc là, d’après notre envoyé spécial, pour trinquer à la garden party en l’honneur de Gaston, après le discours du maire de Paris qui change les noms des rues un peu comme on change de chemises…
Pendant ce temps, la Grèce coule et le Japon devient, c'est le mot, de plus en plus inhabitable…
centrale de Fukushima, nuit du 10 au 11 juin 2011
08:32 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : fukushima, rue sébastien-bottin, gallimard, noms de rueséditions, littérature |
jeudi, 16 juin 2011
Recueillement 2
« Sois sage, ô ma Douleur… » Parole de poète qui me remonte en mémoire devant la beauté discrètement figée d'un lac artificiel, au parc de la Tête d’Or, à Lyon. Les travaux commencèrent en 1857, l’année que Baudelaire édita les Fleurs du Mal. Ce n’est pas la seule analogie, d’ailleurs, que je trouve entre ce recueil si célèbre et ce parc si fameux, sans doute pour m’être jadis récité dans ces allées les vers que j’étudiais dans le lycée non loin de là, vers naturels et apprêtés comme ces bosquets et ces jardins botaniques. L’oxygène est frais, tout autour de ce banc. Oies, canards, cygnes font querelle à la surface de l’eau. La ville en son affairisme quelconque s’est éclipsée.
« Sois sage… », donc. Parole d’un être capable d’identifier son mal, de quelque bord qu’il soit, au point de le nommer. Non seulement de le nommer, mais de le déterminer, même : ma, d’un lien réservé d’ordinaire à l’intime : ma chère ou ma chérie, ici soudain chargé de n’inscrire qu’un rapport étroit, précis à la douleur, une sorte de quotidienneté. Et puis cet impératif, ordre ou prière, on ne sait, recommandation, espérance… « Que Votre Nom soit sanctifié », murmure-t-on à Dieu, au subjonctif. Ici, à la douleur, sois sage. Etrange vœu.
Bien sûr, au centre de l’hémistiche, trône ce ô lyrique, et, ma foi, très Second Empire, telle la rocaille, non loin, où s’écume le clapotis. Est-il véritablement signifiant ? « Ô, ma Douleur ! » A ce point, à cette césure qu’il fait sonner à la manière d’un clairon, ce ô n’est-il là que pour fermer le e de l’adjectif, en réduire un peu la sagesse ?
« Sois sage, ô ma Douleur… »
Pour de bon, s’agit-il vraiment d’être sage ? Ou bien plutôt tranquille, c’est-à-dire docile, doux tel un enfant qu’on vient de gronder. « Tiens-toi plus tranquille », combien de fois ne l’ai-je pas entendu, gamin, ou bien aussi : « Sois gentil ». Est-ce que cela peut exister, une gentille douleur ?
Une douce douleur, plutôt, nous y voilà.
Qu’est-ce donc qu’une douce douleur, sinon une douleur qui s’est tue - une douleur matée par la grâce de l’injonction, vaincue par la force du subjonctif -, une absence de douleur, telle, dira Mallarmé (cet autre massif produit par le Second Empire), « l’absente de tout bouquet », la douleur que le vers brutalement a tirée du Néant.
Qui réclamait le soir ? Qu’est-ce que le Soir, sinon l’apaisement, l’anéantissement, le néant ? Ce soir, il descend, le voici, et il n’est que douceur, atmosphère obscure et enveloppante. La ville se rend. Se peut-il que cette fin heureuse fût réclamée par la douleur ? Non, par le poète, assurément. C’est à lui qu’il vient d’adresser ce tu presque léger : « Tu réclamais le soir ? ».
Et moi, sur ce banc, c’est pareil. Une atmosphère obscure parait monter des eaux. En plein midi, je ressens dans la remémoration de ce vers comme le soir de ma douleur, et je ne peux que me reconnaitre parmi ces quelques-uns auxquels cette chute porte non pas le souci par lequel se clôt la strophe, mais bien plutôt la paix.
Avec une douceur étudiée, comme dans un sentier plein d’arômes, nous sommes passés de la douleur au souci, quand ce n’est pas, pour les plus heureux d’entre nous, du souci à la paix. Une fleur, véritablement, que ce mal qui s'est amoindri, jusqu'à se taire. L’horizon, là, paraît dégagé malgré la voie ferrée. L’île, on pourrait, dans un tel recueillement, l’imaginer inviolée. Il y a bien des silhouettes de promeneurs faufilées entre ce lac lumineux et ma douleur dorénavant apaisée, ceux-là ne dérangent plus rien du spectre du poète vif et murmurant :
« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci. »
07:33 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : baudelaire, recueillement, littérature, poésie, parc de la tête d'or, lyon, les fleurs du mal |
mercredi, 15 juin 2011
Le souffle, quand même
Le plus frustrant serait pour parvenir à déboucher une bouteille. Il se revoyait (dans une autre existence, ça ! ), la bouteille coincée entre les cuisses, mmmhh, tirant d’un coup sur le tire-bouchon – pas un tire-bouchon de bonne femme avec les deux leviers de chaque côté comme deux bras articulés, mais un simple tire-bouchon de bistrot, et ploc, un coup sec, le foutu liège du bouchon, eh bien dorénavant et pour quelques mois encore, que nenni, que nenni… Boire de la limonade, ou de l’eau minérale.
Grimper les escaliers à la Chaban (vous connaissez tous Chaban-Delmas, celui d’avant le stade de Bordeaux), d’un pas alerte, hein, rideau ça aussi pour quelques semaines encore, et presser tout soudain le pas quand arrive le bus ou bien s’enquiller juste avant la fermeture entre les deux caoutchoucs du métro, jusqu’à la prochaine, là encore, patience, patience. Ah les escaliers… Sur la colline, y’en a partout. Qu’en les mettant bout à bout disait sa grand-mère autrefois, on atteindrait rien moins que le Ciel. Pour l’heure, c’est le purgatoire, sans plaisanterie. Lui ne recherche que les parcours plats.
Cela dit, son état lui procure du recul. En retrait des gens pressés, il observe le monde, ses reliefs, ses aspérités inattendus.
La guérison est dans la maladie, c'est indéniable. Le monde : trop s’y presser donne des vertiges. Plus possible même de s’exalter pour un oui, pour un non : le souffle est rare et précieux. Hausser le ton, pour un tort, une raison... Suspendu, ça aussi. Artères du cou qui gonflent. Front qui se plisse. Tout rouge et sueur perlante. Qu'il fait chaud, partout ! Ah ces conversations politiques ou philosophiques enflammées de jadis… Laisser dire, mais laisser dire … Les mots, les choses, the end provisoirement. Calme à prier.
Il regarde donc le monde. Or, plutôt que les formes qui s’y agitent, il s’attarde sur les couleurs du fond. Tout à l’heure, la frondaison des platanes, d’un vert riche sur un bleu opulent. Il respire goulument, surtout, le peu qu’il respire, il n'en perd rien. Hume les couleurs de ce vert riche, de ce bleu opulent. Le souffle quand même.
Il y a là comme un geste monumental, au sens que chaque respiration est un monument, un fondement, la perpétuation admise de sa propre vie après et avant celle de tant d'autres. Respiration admise plutôt que mécanique. La cîme.
Là, comme en une sérénité privée, son altitude à soi, être bienheureux sans niaiserie.
00:26 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, souffle, poésie |