mercredi, 28 septembre 2011
La gazette de Solko n°2
05:43 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, sénat, karachi, balladur, ps, primaires |
lundi, 26 septembre 2011
La monomane de l'envie
La brève existence de Géricault, dont quelques amateurs enchantés fêtent aujourd’hui l’anniversaire de naissance, est si éloignée de nos références et de nos soucis quotidiens qu’on a l’impression en parcourant des yeux les étapes de sa vie d’un personnage aux contours aussi intransigeants qu’irréels, comme l’Empire et ses prodigieuses batailles en produisirent dans quelques grands romans avant que le pays ne perdît à jamais tout sens et tout goût de sa grandeur. Songer qu’il est mort à 32 ans après avoir laissé je n’ose dire des tableaux mais bien plutôt des images, comme Le chasseur de la Garde ou encore Le Radeau de la méduse- des images au sens propre monumentales au même titre que l’Arc de Triomphe ou la Madeleine, mort à 32 ans après avoir été mousquetaire de Louis XVIII (il y a là quelque chose de déjà comiquement anachronique) - des conséquences d’une chute de cheval doublée d’une ruine financière, comme si la Terre brusquement n’avait plus voulu de lui, songer à Géricault, à ces trois syllabes aux accents inévitablement bibliques telle cette route sinueuse qui, de Jérusalem à Jéricho dévale les monts de Judée et sur laquelle le Christ rencontra le bon samaritain, ces trois voyelles si claironnantes et si fermées, si passionnées, si colorées aussi.
Le musée de Lyon possède l’un des cinq portraits de folles peints par le jeune Théodore pour le médecin chef de la Salpêtrière, le docteur Georget, qui était aussi son ami. Même si ce sont probablement des œuvres de commande, se découvre quelque chose de très moderne dans l’intérêt de Géricault pour ces folles anonymes, qui contraste avec ses tableaux historiques à la Vigny. Une sorte de face à face troublant avec les coulisses de la gloire. La monomane de l’envie, (dite aussi La Hyène de la Salpêtrière) m’a toujours fait penser au personnage de la cousine Bette, l’ouvrière en passementerie « énergique à la manière des montagnards », l’héroïne d’un des romans de Balzac les plus à mon goût. Balzac et Géricault ne reposent pas très loin l'un de l'autre, au Père-Lachaise. C’est ce rapport étroit entre folie et pauvreté, cette peinture du manque comme de la peur de manquer et finalement son dépassement dans la folie de l'envie qui, je crois, fascine en cette peau terne, ces sourcils froncés, cet œil vif, ces lèvres effilées, tout comme dans le portrait de Lisbeth Fischer, l'héroine balzacienne :
« Cet esprit rétif, capricieux, indépendant, l’inexplicable sauvagerie de cette fille, à qui le baron avait par quatre fois trouvé des partis (un employé de son administration, un major, un entrepreneur des vivres, un capitaine en retraite), et qui s’était refusée à un passementier, devenu riche depuis, lui méritait le surnom de Chèvre que le baron lui donnait en riant. Mais ce surnom ne répondait qu’aux bizarreries de la surface, à ces variations que nous nous offrons tous les uns aux autres en état de société. Cette fille, qui, bien observée, eût présenté le côté féroce de la classe paysanne, était toujours l’enfant qui voulait arracher le nez de sa cousine, et qui peut-être, si elle n’était devenue raisonnable, l’aurait tuée en un paroxysme de jalousie ».
(Balzac, La cousine Bettte, ch. 4)
La Monomane de l’envie, Musée des Beaux-Arts, Lyon
Géricault comme Balzac sont deux mythes français tels que le pays n'en produira jamais plus, car nous avons définitivement changé d'échelle, de monde et de culture. Mourir comme Balzac, aujourd'hui, mourir à 51 ans, c'est mourir jeune. Que dire de mourir à 32 ans, comme Théodore Géricault ? Pourtant, aucun de ceux qui meurent aujourd'hui à 32 ou 51 ans d'un accident ou d'une maladie n'ont produit Le Radeau de la Méduse ou la Comédie Humaine. Cela ne se peut plus, l'époque s'y refuse, n'en fournit plus la nécessité ni les moyens et l'on ressent comme un vertige à se sentir à la fois si proches et si éloignés de ces artistes, dont seulement pourtant quelques générations nous séparent.
05:43 Publié dans Des inconnus illustres, Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : géricault, balzac, la cousine bette, la monomane de l'envie, musée des beaux-arts, littérature |
dimanche, 25 septembre 2011
Les nouveautés du Pont du Change
Avec Le pont du Change, Jean-Jacques Nuel a su créer une maison qui peu à peu trouve sa place et sa vocation dans la mise en avant de textes rares ou oubliés. Cette rentrée, il poursuit l’exploration de l’œuvre du croix-roussien Roland Tixier avec la réédition de Chaque fois l’éternité, recueil datant de 1989, et qui tente de faire revivre l’été de ses dix ans.
« Devant l’accélération du temps, je sens le besoin de partager des instants », disait ce dernier lors d’une lecture de Simples choses en 2009. A vingt ans d’écart, il est intéressant de constater que depuis ce lointain texte, la motivation première de sa poétique a finalement peu varié. Au risque d’une sobriété minimaliste et épurée, celle-là même qui le porta finalement vers la poétique du haïku, sa plume s’attachait déjà à formuler la primauté de l’instant dans la perception des objets et des lieux. A capter la présence des gens au travers de leurs mots, qu’ils fussent ultimes traces de patois (chabatz d’entrar), sigles politiques (F.L.N), noms des proches (Solange) ou des lointains (Françoise Hardy), qu’ils désignassent les outils immémoriaux (le piochou, la faux) ou ceux de la modernité qui s’installait (la moto, le transistor), les choses ou les animaux du réel (le bol, les genets, la grenouille) ou ceux qui déjà étaient signes (les affiches du cirque, la lettre d’Algérie), les quatrains les égrènent tel que l’enfant de dix ans parut les découvrir, avec leur mystérieux pouvoir de suggestion empli d’un cratylisme à fleur de pages. Ici, les verbes conjugués sont denrées rares, l’action comme éclipsée du regard et du dire : Tixier, qui s’avoua un jour « grand lecteur de Simenon » - et l’on sait quel souci du détail tisse la trame de cette écriture, pratique une poésie magnifiquement nominale, celle « du monde à portée de main », qui convient au dire de la lecture à voix haute, et au ralentissement.
L’autre bonne surprise de la rentrée du Pont du Change, L’agonie du papier et autres textes d’une parfaite actualité se propose comme un gai florilège de chroniques tirées des œuvres posthumes d’Alphonse Allais, lesquelles intriguèrent tout d'abord le million de lecteurs du Journal de Fernand Xau et Henri Letellier,de 1897 à 1905. Le regard de l’écrivain capte dans l’actualité de son temps les germes de ce qui, pour le pire comme pour le meilleur, forgera les inquiétudes du monde à venir, celui dans lequel nous sommes à présent. Et celui du compilateur sélectionne soigneusement, parmi tous les textes d’Allais, les quelques-uns qui, du langage SMS au féminisme intégral, apparaissent au lecteur comme des curiosités prophétiques. Car oui, de NRJ à Paris-Plage, Alphonse Allais avait semble-t-il bien tout prévu...
Roland Tixier, Simples Choses (2009) et Chaque fois l'éternité (2011), Alphonse Allais, L'agonie du papier (2011) aux éditions du Pont du Change (Suivre le lien en cliquant ICI)
Roland Tixier sera à la maison de quartier de Lyon 3 le 12 octobre 2011, à l amaison de Pays de Mornant le 15 octobre et au carré 30, rue Pizay, le 25 octobre 2011
11:39 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : roland tixier, alphonse allais, le pont du change, jean-jacques nuel, littérature, édition, actualité |
jeudi, 22 septembre 2011
Sécurité musicale
C’était en 1980, les premiers walkmans en France, on allait jusqu'aux States pour les avoir moins cher -environ 1500 balles là-bas quand même- le boitier bleu et gris SONY dans lequel se glissait lestement la cassette et hop -pas laisser la bande magnétique se prendre dans les fourches -, et puis les écouteurs en mousse noire, cette sensation soudain, ce décollage tu dirais, écouter le Messie d’Haendel dans la rue comme dans sa piaule et se déployer en stéréo au milieu des badauds comme un oiseau large de vingt mètres ou du Janis Joplin qui défonçait toute la place, toute la brume, toute la ville, les barres qui se dissipaient sous nos yeux et tout ce quartier de cons qui disparaissait en imagination, tout à coup la rue cessait d’être ici toute seule comme juste une rue et devenait du tout là-bas, où l’on voulait, le territoire feignant d’être large devant nos pas - même dans le bus de banlieue on était comme sur l’autoroute-, tout quoi qui s’élargissait et alors chacun avait le sublime ou le grandiose facile, ce qu'ils en ont produit à Taïwan t'as pas idée mon pote, à portée d’oreilles, comme si on était quand même libres, tu vois. Libres. La musique déplaçait les frontières locales et nationales et ça mon pote, ça faisait drôlement bien de trouver ça wouaahhh, l'air inspiré, en même temps chaque individu sans s’en rendre compte commençait à s’enfoncer en soi-même, tout recroquevillé à disparaître à force d’écouter Janis ou Haendel rue Victor Hugo, jamais tant coincés en soi depuis qu'on défonçait les frontières à coups de musique, comme si c’était fait pour ça la rue, à force que l’espace public devienne mon espace, ma piaule et c’est tout, là où j’écoute toute la musique que j’aime comme le braillait le Johny Ah que, trente ans avant de devenir, tu sais pas, comédien de théâtre, un vrai, mais oui. Bref, dans la rue, tu rencontrais Haendel, Janis ou Johny, le reste, c’était en gros plus que des beaufs, toi compris.
Aujourd’hui rien de plus simple, rien de plus commun que ce quotidien musicalisé à ma guise, à ta guise, la sensation est usée et dès l’aube dans le bus chacun l’a dans l’oreille sa fuite, son slam, son évasion, y’a même des gars des garces qui n’ont jamais connu le monde d’avant, le silence pesamment indécrottable dans la rue, l’enfermement entre voisins dans le quotidien de ces quelques rues et le monde vrai qu’on imaginait loin tout autour quand fallait prendre son sac à dos et poireauter des heures sur une bretelle pour le rejoindre, on se demande même parfois ce qu’ils faisaient et ce à quoi ils pensaient les néanderthaliens du siècle dernier, quand ils n’avaient rien dans les oreilles chaque jour durant les trajets qui les emmenaient métro boulot dodo, comment ils respiraient, comment ils s'animaient, ce qu’ils devaient (pour parler poliment) se faire chier avec rien que leurs pauvres pensées à eux dans les oreilles, en ces temps-là que la musique ne s'écoutait qu'au salon, non, franchement, ça devait être insupportable, non, raconte, toi qui as connu cette préhistoire, cet autre siècle-là...
06:10 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : baladeur, années 80, musique, société, littérature |
mercredi, 21 septembre 2011
Gazette de Solko n°1
05:52 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : solko, société, politique, dsk, berlusconi, standard & poor |
mardi, 20 septembre 2011
Anaïs et les inédits de Kosma
« Mes parents chantaient. Mon père, surtout ! Le répertoire de l’opérette… ». C’est par ce recit des origines que débute notre entretien. Sa mère, me confie Anaïs Lancien, était quant à elle une adepte de chansons traditionnelles. A Lyon, le lycée de Saint-Just lui offrit plus tard ses premiers pas sur scène, avec le rôle du bouillant Achille dans La Belle Hélène.
A l’époque cependant, vouloir « être artiste », dans une famille de huit enfants, n’était pas un vœu simple ni courant : c’est donc dans le social qu’Anaïs Lancien commença à se professionnaliser. Durant dix ans, elle aura travaillé en tant qu’éducatrice spécialisée, auprès de délinquants, caractériels, psychotiques. La chanson dit-elle, y trouve naturellement sa place, comme moyen de transmission. Prévert, déjà, parmi d’autres. Prévert dont elle goute la révolte contre la culture classique qu’elle a reçue grâce à sa mère, Prévert dont elle apprécie la liberté de ton et une façon de s’émerveiller avec les mots. A 33 ans, elle débute une formation de pédagogie musicale et lentement se professionnalise. En 1986, l'association Animachanson est créée, qui se déploiera de Crémieu à la Croix-Rousse. Elle travaille avec tous les publics et commence à écrire ses propres chansons. Auprès d’André Bonhomme, elle chante aussi bien dans les cafés qu’à la Halle Tony Garnier, comme à l’occasion de la nuit des sans-abris.
Comment viendra-t-elle à Kosma ? Par le biais de Gerard Pellier, l’archiviste des Amis de Kosma à qui elle propose un spectacle et qui lui reproche de ne chanter que «les plus chiantes ». Aujourd’hui affirme-t-elle, que serait Prévert sans Kosma ? Pourtant la différence de statut et de fortune entre les deux hommes est patente et sur trop de plans, le premier a injustement éclipsé le second. Auprès de Gérard Pellier, elle découvre la brouille entre les deux hommes que cette différence a probablement occasionnée au moment de la création de la Bergère et le Ramoneur (1953 , qui deviendra le Roi et l’Oiseau (1980).
Pellier lui apprend que de nombreux inédits de Kosma ont été écartés, dont il possède les partitions. Dans le même temps, elle rencontre Eugénie Bachelot Prévert, la petite fille du scénariste et parolier, laquelle avait trois ans à la mort de son grand père en 1977 et qui est son unique ayant droit.
Commence alors un long parcours du combattant auprès de la SACEM et de l’héritière, qui ne reconnait pas toujours les morceaux, pour enregistrer ces inédits. Comme en témoignent, dans l’album D’ombre et de lumière, les nombreuses et imprévues alternances entre morceaux chantés et morceaux parlés, tout n’est pas rose.
A entendre Anaïs Lancien parler de tout cela, on sent bien le lien qu’elle a tissé entre une certaine pratique sociale et la réhabilitation de cette musique de Kosma. Ici même, nous parlions de l’oubli dans lequel est tombé le compositeur des Feuilles Mortes à propos de la difficile reprise à Lyon de l’Oratorio des Canuts, qu’il entreprit avec un autre parolier, Jacques Gaucheron.
Anaïs Lancien conserve sous le coude plusieurs partitions inédites, dont certaines écartées par Paul Grimault, demeurent inconnues du public. Son album, D’ombre et de lumière, en a révélé quelques-unes : Jour de fête, Chanson du vitrier, le jour et la nuit, tango, vole vole vole. Elle se produira vendredi 30 septembre prochain à la librairie « Les yeux dans les arbres » à la Croix-Rousse. Occasion, pour ceux que cet univers intéresse, de rencontrer une chanteuse militante qui n’hésite pas à choisir un tableau de Ravier (crépuscule à Crémieu) pour illustrer son album et manifeste à elle seule un bel exemple de ce que peut la persévérance
D'ombre et de lumière, de la naissance à la liberté,
Anaïs Lancien chante Prévert et Kosma inédit,
Librairie les Yeux dans les Arbres, 1 rue du Pavillon, Lyon 4ème
Entrée 10/12 euros.
19:02 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : joseph kosma, jacques prévert, anaïs lancien, chanson française |
lundi, 19 septembre 2011
L'insomnie d'un inconnu
Tu ne dors pas, tu gis, veillant sur ta souffrance
Laquelle, en ton sommeil, pourrait percer ton cœur
Sans ta garde effrayée –crois-tu -, dans le silence,
Du dédain de la ville et du nœud de ta peur.
« Est-ce ton corps qui lutte, ou ton esprit qui songe
Cette perte de toi dans un souffle qu'on tord ? »
Admettent l’un et l’autre, en ce mal qui te ronge,
Ton corps, ton cœur. Ta chair venue humer la mort,
Ta chair te cuit : dans le grand vide, seule, ainsi
Vint-elle au monde un jour, cicatrice, ô nombril !
De l'étrange début ce même effroi t’endure.
En ton amour-brasier, veilleur inaperçu
Des rêveurs de bûchers, mais qui ne rêvent plus,
S'infuse un chagrin chaud tissé d'un rien qui dure.
R T.Août 2011
06:29 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, poésie |
dimanche, 18 septembre 2011
Les guerres des boutons
Deux Guerres des boutons à une semaine d’intervalle, avec le même argument de part et d’autre : la mort de Pergaud jetant son roman dans le domaine public, une adaptation immédiate, évidemment, s’imposerait. Quel aveu, n’est-ce pas ? Quel aveu ! L'argument marketting, comme dans l'isoloir, c'est de faire votre choix entre les deux. L’époque est si éloignée de la production du sens et de l’art, son industrie du divertissement si engluée dans le marché qu’au final, l’inutilité de ces deux adaptations ne semble choquer personne, et parait une motivation qui tiendrait presque de la nécessité artistique. Ce sera le boulot des critiques de cinéma d'en trouver une. J’ai même entendu dire que des gens s’apprêtaient à aller voir les deux ! Faire du pognon à moindre coût en zappant sur les droits d’auteur, avec la complicité d’un côté de Chabat et de l’autre de Jugnot, deux machines à faire du pognon bien vivantes et tragiquement vides, tel est pourtant le seul but revendiqué d’un côté comme de l’autre. Inutile de vous dire que le gardien de la boutique n’ira voir ni l’un l’autre : occasion toutefois d’un petit clin d’œil à Savignac, l’auteur de l’affiche du film de Yves Robert, qui fut aussi déclinée alors sur le livre de poche, et dont le trait résume à lui seul son époque. D’un autre, également, à Louis Pergaud, l’auteur du nid premier dans lequel tant de coucous cherchent à se nicher à présent, mort à la guerre de 14/18, et dont le corps ne fut jamais retrouvé...
02:30 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : louis pergaud, christophe barratier, la guerre des boutons, yann samuel |
samedi, 17 septembre 2011
Cora Vaucaire (1921-2011)
13:26 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cora vaucaire, chanson française |