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vendredi, 06 janvier 2012

Visiter Jeanne d'Arc

On va beaucoup parler de Jeanne d'Arc aujourd'hui, d'une Jeanne devenue un symbole politique brandi, honni, vénéré, récupéré, quand Jeanne, je préfère m'en souvenir,  c'est d'abord de la littérature, dans le sens le plus joyeux du terme. 

C’est d’abord la petite Jeanne qui demande régulièrement au poète en le tutoyant : Dis Blaise, sommes-nous loin de Montmartre, comme si un élastique de plus en plus fin se tendait entre la pointe de son épée devant la basilique et les terres de plus en plus glacées du parcours en Transsibérien : « tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t'a nourrie du Sacré Cœur contre lequel tu t'es blottie », repond Cendrars.

C’est ensuite cette Dame du Temps Jadis chantée par Villon, la «bonne lorraine qu’Anglais brulèrent à Rouen », à l’égal de la très sage Hélois, une sorte de Moyen Age à elle toute seule, portée par ces quelques paroles dans le vacarme de notre présent, et nous éprouvons cette distance qui nous sépare également de ce point lointain.

C’est enfin un mystère blotti le long d’une Meuse endormeuse, celui de Péguy et celui si universel de la partance :

« Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,

Qui demeures aux prés où tu coules tout bas,

Meuse adieu : j’ai déjà commencé ma partance

En des pays nouveaux où tu ne coules pas. »

Telle n'est pas hélas la chanson qu'on nous chantera à son propos dans l'actualité aujourd'hui...

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statue équestre de Jeanne d'Arc devant Montmartre

09:39 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jeanne d'arc, politique, actualité | | |

mercredi, 04 janvier 2012

La gazette de Solko n°15

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07:39 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, actualité | | |

mardi, 03 janvier 2012

La mer pour vingt balles

De 1914 à 1918  disparurent de nombreux jeunes gens alors en pleine force l'âge : Charles Péguy au front, Guillaume Apollinaire au retour, de la grippe espagnole. On cite aussi souvent le nom d'Alain Fournier. Ces disparitions ont éclipsé celles d'autres gloires nationales, plus âgées. Parmi elles,  Claude Debussy, emporté par un cancer, à 56 ans. Un musicen de génie qui a un front de chien indochinois, l'horreur de son prochain, un regard de feu et la voix légèrement enchifrenée C'est ainsi que le dépeignit Léon Daudet dans ses Salons et Journaux, avant de rajouter qu'il se régalait d'un oeuf pas trop cuit agrémenté d'un petit morceau de foie ou de rognon au jus.

  Paul Jean Toulet, qui se déclarait ami comme cochon  avec l'auteur du Prélude, entretint avec lui une correspondance qui s'étala sur 16 années. Paul Jean Toulet était l'un de ceux qui, au soir du 30 avril 1902, n'avait pas hurlé son déplaisir ni crié : "Nous ne sommes pas heureux non plus!" lors de la création de Pelléas et Melisande. A Toulet, Debussy confiait donc qu'il était "une des rares personnes dont j'aime à recevoir des nouvelles".  Cette correspondance est emplie des petites prévenances qui faisaient alors le charme des amitiés durables. On y parle souvent de nourriture : "Venez diner sans crainte demain, il y a une cuisinière  qui évidemment n'est pas la petite nièce de Brillat Savarin, mais elle fait ce qu'elle peut"

Le peintre Marcel Baschet, qui réalisa en 1884 le portrait de l'artiste  (on peut admirer le tableau au musée d'Orsay) ne se doutait pas qu'un jour, une reproduction à l'identique en serait tirée à des milliers d'exemplaires pour finir dans la poche de millions de Français. Pour quelle raison un Debussy valait-il deux Berlioz ? Cela reste un mystère que la Banque de France gardera sans doute bien bouclé dans ses coffres. Imprimé en 1980, le Debussy fut livré aux Français avec la gauche au pouvoir, Mitterand à l'Elysée et une rose au Panthéon, en 1981. Curieux destin, pour un farouche nationaliste, qui se fit appeler Claude de France. Comme le Quentin de la Tour, il fut conçu par Taurelle. On découvre le musicien  devant une mer et des récifs sur une face du billet.  Il n'y avait pas eu une telle valeur faciale depuis 1950, date du retrait du Vingt francs pécheur.

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Ce billet termina sa vie avec la dernière série des francs, lors du passage à l'euro. Entre temps, en 1997, il s'était muni d'un discret fil de sécurité, chasse aux contrefaçons oblige.
Nous avons tous encore, logée dans un coin du cerveau, l'image de cette mer de dentelles chahutée par quelques rocs sous un ciel orageux, un toit qui ne serait plus très tranquille mais où marcheraient obstinément quelques colombes, car comme le disait le maître : "le génie musical de la France, c'est quelque chose comme la fontaine dans une sensibilité" : Mais jusqu'à quel point peut-on faire chanter un billet de banque ? Lequel d'entre nous, ce billet entre les mains, entendit vraiment résonner à son esprit quelques notes de la célèbre partition de 1905, tandis qu'il passait, blasé, indifférent ou gavé, à une quelconque caisse de notre univers terriblement anti-musical malgré (ou à cause de) son omniprésente technologie ?
Sur l'autre face de la vignette se profile derrière le visage encore jeune du compositeur, la fontaine et les arbustes d'un décor de Léon Jusseaume pour la création de Pélléas et Mélisande. Le Debussy, après le retrait du 10 fr. Berlioz, demeura la plus petite coupure du franc en cours légal. A ce jour, sans doute en raison de sa faible valeur marchande au moment de son retrait, c'est l'un des billets les plus collectionnés. Certains murmurent d'un ton de moins en moins feutré que nous risquons de revoir les francs bientôt, bien plus tôt que nous le pensons en tout cas. Et s'y préparent. Le cours de l'or n'a pas fini de grimper. Après l'incroyable déshumanisation des euros, quelles figures nationales hanteront-elles à nouveau le fond de nos poches ? Les paris sont ouverts dès à présent. Claude, lui, fait figure de revenant.

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dimanche, 01 janvier 2012

Chanson sur le souhait d'une fête

Pour commencer l'année en patois : 

          Que vo-z-aria. don vu de biaux-z-affére [1]

          Sin la plaive [2], qu'a tôt patafma .

          Lo vent, le nioules[3] leu-z-éliant contrère.

          Assu, zo min [vais] vo-z-u raconta :

          Ys-z-an, tartuis [4], fa ce qui-z-an pu fère;

          Diu a volu fère à sa volonta.


    « Que vous auriez donc vu de belles choses, -- sans la pluie, qui a tout abîmé. -- Le vent, les nuages leur étaient contraires. -- Or sus, je m'en vais vous le raconter.  Ils ont, tous, fait ce qu'ils ont pu faire; - Dieu a voulu faire à sa volonté. »

 

 Par vo fêta, y-z-an fa de peinture ;

An fa zoyi lo fifro, lo violon,

Irlumina lo bosquets de vardure ;

Vos zouillies boittes[5] ont chanta de chanson.

Lieu coeur sautiont et battiont la mesure,

Mèy sautiont d'una buna façon !

 

 « Pour vous fêter, ils ont fait des peintures; -- ils ont fait jouer les fifres, les violons, -- illuminé les bosquets de verdure; -- vos jolies filles ont chanté des chansons. -- Leurs cœurs sautaient et battaient la mesure, -- mais ils sautaient d'une belle façon!»

 

Pure-z-efans, lausse  étiant si joyuses,

De présenta à lieu more un boquet,

Qu'in l'avisant, le larmes amouairuses

Du coin du zieu a chaucune faillet,

Et lo garçon, d'une sorta curiuse,

Ayant le cœur que batiet lo briquet.

 

    « Pauvres enfants, elles étaient si joyeuses -- de présenter à leur mère un bouquet, -- qu'en la regardant, les larmes amoureuses --du coin de l'œil à chacune tombaient, et les garçons, d'une façon curieuse, -- avaient le cœur qui battait le briquet

 

Vo-z-aide bien cugnaissu lo visadze

Qui z-avian forrau dessu lo bufet,

A qui y presinlôve de z’omadze :

C'étiet celui du pore Grassoilliet

Avouai celi de sa feno, et ze gadze

Que vos los avi devinau to net.

 

   « Vous avez bien connu le visage -- qu'ils avaient fourré sur le buffet, -- à qui ils présentaient des hommages :- c'était celui du père Grassouillet -- avec celui de sa femme, -- et je gage que vous les avez devinés tout net. »

 

Car lo monchuqui, avouai sa cuaivetta

Preniet de blanc, de gris avouai de nai,

Los-z-a teri à'une façon finetta,

Qu'y on chacun, d'arrie le reconnaît.

Quand l'atniquii se forre de la fêta,

L'ouvre se fay est bien vrai.

 

« Car le monsieur qui, avec son petit balai (pinceau),- prenait du blanc, du gris avec du noir, -- les a retracés d'une façon si fine -- qu'un chacun, incontinent, les recon-naît. -- Quand l'amitié se met de la fête, -- l'ouvrage se fait, c'est bien vrai. »

 

Pouaysin[6] is z-anfa tortilli deflaumes;

An fa pela de la pudra dins l'air.

Cinqui tessible ce joua que dins lieu-z’aumes,

Vos z-atizi et rindi torzo clair.

Votra bonto io de noviau l’inflaume;

Oh! mè, sa pudra ne fa qu'un éclair.

 

 « Puis, ils ont fait tortiller des flammes -- ils ont fait tonner de la poudre dans l'air. -- Cela signifie ce feu que, dans leurs âmes, -- vous attisez et rendez toujours clair. -- Votre bonté tout de nouveau l'enflamme; -- oh ! vraiment, sa poudre ne fait qu'un éclair. »

 

Faut que tartuis, ze prenian nôtre tausse,

Et que tsacune varse à son vaisin

Ce zouli vin, que de tant butta grauce,

Le patron nos-z-[u] a bailli sodain,

Et qu'un viva bien intindre se fasse !

 Apre z-iran càbriolau insin.

 

  « Il faut que, tous, nous prenions notre tasse, -- Et que chacune verse à son voisin-- ce joli vin, que, de tant bonne grâce, -- le patron nous a donné soudain, -- et qu'un vivat se fasse bien entendre ! -- Après, nous irons danser ensemble. »

 

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La Saone vue de Fourvière (Laplace)

 

Cette chanson en patois a trait à une fête, qui fut donnée à la campagne de la Favorite, aux Massues, en l'honneur de Mme Vial, dont Revérony était le gendre. Cette jolie propriété appartient aujourd'hui à M. Demoustier, ancien agent de change.

 

 ____________________________________________

 

Ce qui a donné lieu à cette chanson fut un orage survenu au moment où on allait offrir un bouquet, la veille de la fête d'une mère de famille ayant pour patronne Marie, dans le mois d'août, en l'an 1776.

 

Les enfants, au nombre de six, dont quatre fils et deux filles, avaient engagé leurs père et mère à aller passer quelques jours auprès de leur tante, à Tassin, pour faire les préparatifs de la fête, ce qu'ils purent exécuter. Le lieu de la fête était dans la maison de la Favorite, près des Massues, où les arbres multipliés et les ombrages se prêtaient parfaite- ment aux dispositions projetées. Toutes les allées étaient décorées par des chaînes de lampions de diverses couleurs. On avait, par les soins et le travail du sr V. (1), maître de dessin des demoiselles et ami de la maison, disposé sur la terrasse un temple en papiers peints, cordes et pièces de soie, d'une dimension très grande. Le portique laissait apercevoir les portraits, en forme de bustes, de la mère et du père, placés sur l'autel de l'hymen, et nombre d'attributs et d'autres accessoires donnaient en quelque sorte une apparence de féerie au local.  Mais au moment où la mère et son époux arrivèrent, un orage violent détruisit en un instant tous ces préparatifs, et tout ce qui composait l'ensemble du temple fut mis en lambeaux flottant au gré des vents, et la fête fut convertie en une espèce de deuil. Les enfants fondaient en larmes, attachés au col de leurs auteurs (2), et les assistants partageaient la douleur, qui devint générale. Un des invités à la fête (3), qui avait concouru aux préparatifs avec les enfants, voyant l'état de tristesse où tous étaient plongés, monta dans un appartement, se fit apporter les habits du jardinier et, après avoir composé la chanson dont il est question, il monta sur un petit théâtre composé à la hâte, sur lequel il chanta les couplets qu'il venait de faire, ce qui fit diversion à la douleur, rétablit un peu de gayeté, et le reste de la soirée se passa assez agréablement pour faire oublier la  catastrophe qui avait jeté la consternation dans l'assemblée.

 

(La Revue du lyonnais,  série 5 - n°1 ( 1886 )  Chanson de Reverony, 1776)

 



[1] Sens populaire de hardes

[2]Plaive, pluie, ds pluvia, avec persistance du v tombé en français.

[3] Verbe composé du vieux  français pute, dont on a fait un adjectif péjoratif, et de fin. On dit aussi faire petafin, et dans certains patois faire pulafin, mot à mot faire mauvaise fin. Pute, du latin populaire puta, jeune fille, comme on apiitus, jeune garçon.

[4] Tartuis, de inter (?) et de tutti. C'est le trelous, de Molière. Tuttituis en vieux lyonnais, et encore aujourd'hui à Lentilly. Sur le sens comp. la loc, lyonnaise en partie tous, pour tous.

[5] Boitte, prononcez bô-lhe, signifie jeune fille dans tous les dialectes  romano-provençaux. L'étymologie bocula convient parfaitement comme  forme, mais l'image de jeune génisse pour jeune fille ne se rencontre  dans aucune langue romane. L'origine reste donc obscure.

[6] Pouaysin, dans nos campagnes pussin, composé de puis et du vieux franc, ains, au sens de bien plus, davantage. Comp. la locut. Puis déplus. Il suit de là que pouaysin représente la réunion contradictoire de post-ante (postius-antius).

 

13:38 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lyon, patois, nouvel an, reverony | | |

vendredi, 30 décembre 2011

Finir l'année

 

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J’entre à reculons dans cette année car j’ai horreur des années électorales : chacun y prend des airs d’importance, les vieux poncifs sur le changement se répandent partout et finalement, après l’orgie démocratique, chaque électeur rentre bredouille. Les trésoriers des partis comptent leurs sous, les candidats guignent les sièges ou les strapontins sur lesquels poser leur derrière et le même spectacle reprend.

Pourtant, je ne suis pas mécontent de quitter 2011, qui ne m’aura pas été bienveillante, au point que j’ai même failli rester un bout de patte pris dans ses rets. Il y en aura une, d’année, il y en aura un, de mois, qui pour chacun d’entre nous seront les derniers. Et nous ne savons lesquels. Avant de se souhaiter bonne année, il faudrait déjà se la souhaiter entière, ce serait un commencement de conscience : Mors aequo pulsat pede pauperum tabernas regumque turres, disait le bon Horace, nous rappelant que la mort frappe d’un pied égal les chaumières des gueux et les palais des rois. Du temps que j’officiais à la morgue, j’y pensais chaque jour ; je me souviens avoir passé tout étonné l’an 86 et avoir écrit :

Il n’y aura donc pas 86

Sur la dalle de pierre grise

Mais en travaillant à nouveau parmi les vivants ordinaires, je suis redevenu insouciants comme ils le sont ; le mois de mai fut une piqûre de rappel : Dans quelle année et dans quel mois me prendrais-je les pieds ? Mystère des chiffres et des lettres.

Aussi toutes ces combines électorales du PS et de l’UMP, et ces pales figurants, Hollande, Sarkozy, dont les noms trottinent d’écrans en écrans et provoquent de telles passions, tant de tweets et de commentaires, quelle étrange vue de l’esprit font d’eux quelque chose, vraiment ?  Puisqu’il nous faut des chefs, on devrait commencer à penser à eux 15 jours tout au plus avant l’élection, entendre un discours de l’un, puis un discours de l’autre et laisser le sort choisir plutôt que de subir cette incessante propagande des deux côtés et ce bourrage de crânes de lieux communs.

Il nous reste une journée et quelques heures, avant que 2011 ne s’égare. Songeons à finir cette année au mieux, avant de nous demander comment nous passerons la prochaine. 

01:03 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : politique, 2011, 2012 | | |

jeudi, 29 décembre 2011

La plaisante sagesse lyonnaise

La nécessaire édification des lyonnais : tel est le but revendiqué en sa préface par Catherin Bugnard, académicien des Pierres Plantées et auteur, de La plaisante sagesse lyonnaise, derrière lequel se cache Justin Godard

Les fragments de La plaisante sagesse lyonnaise ne diffèrent en rien de ces recueils de maximes de n’importe quelle province, où une résignation qu’on appelle bon sens devient peu à peu une forme de soumission qu’on trouve plaisante pour décliner sur le mode de l’universelle persuasion les aléas conjoncturels d’une simple condition, qu’elle fut paysanne ou ouvrière. On y trouve donc des proverbes, sans doute réellement entendus, d’autres plus ou moins manigancés. Ce qui distingue la Lyonnaise des autres, c’est la revendication simultanée et permanente à un métier et à un quartier, le tisseur et la Croix-Rousse. C'est pourquoi les maximes de la plaisante sagesse lyonnaise se répertorient facilement autour de quelques thèmes: 


Les mortes saisons, tout d’abord, si récurrentes dans l’existence d’un canut, qu’elles feraient de l’espoir en l’épargne bourgeoise l’un des piliers absolus de sa sagesse :

- «Ce qui donne le plus de peine, c’est d’avoir rien à faire. » ;

- « Mange pas tout ce que tu gagnes durant que te le gagnes, si tu veux avoir de quoi manger quand te gagneras plus. » ;

- «Si tu veux avoir de l’argent devant toi, faut le mettre de côté. » ;

- « La première argent gagnée est celle qu’on ne dépense pas. » ;  

- « Faut remplir sa cenpote avant que de prendre soif » ;

- « L’argent est plat, c’est pour qu’on l’empile. ».


Le rêve de propriété ensuite. C'est ce rêve qui justifie l’effort fourni ; dans ces maximes, il croise souvent le regret de ne pouvoir travailler pour soi :

- « Nul ne fait si bien la besogne que celui à qui elle est » ;

- « Il n’y a rien de tel que d’être obligé d’y faire pour y faire » ; 

- « Faut pas faire le besogne pour qu’elle soye faite ; faut la faire pour la faire. »


- Le marchand fabricant dont on se dit, pour se consoler, qu’on sera un jour égal à lui, devant la mort qui tout égalise :

- « Ne lui demande rien ; il a mal à la main qui donne » ;

- « Va pas rien croire que le juste milieu est le milieu juste » ;

- « Qui se ruine à promettre s’enrichit à ne pas tenir. » ;

- « Vois-tu, bien des fois qu’arrive que, malgré ses sous, un homme riche ne soye quand même qu’un pauvre homme. » ;

- « On ramasse pas des argents à regonfle sans les tirer de la poche de quelqu’un. » ; - « Le fabricant mange quand il a faim, le canut quand il a pain. » ;

- « Quand on te mènera à Loyasse, t’auras beau avoir ramassé tant et plus et même davantage, te n’emporteras que ce que t’auras donné. » (Loyasse est un cimetière de Lyon)


La misère ou la  précarité, selon les périodes de chômage ou de prospérité :

- « Qui ne peut faire avec le trop fasse avec le peu. » ;

- « Pauvreté n’est pas vice, mais c’est bien plus pire. » ;

- « Le temps vous dure plus à attendre la soupe qu’à la manger. » ;

- « Vaut mieux prendre chaud en mangeant que froid en travaillant. » ;

- « C’est au moment de payer les pots qu’on sent qu’on n’a plus soif. » ;

- « Vaut mieux un métier qu’une femme.»


- L’endurance ( seule façon de ne pas désespérer ?) :

- « Pleure tant que te voudras, te finiras bien par te moucher. » ;

- « Il sait assez, celui ne sait, s’il sait se taire. » ;

- « Fais ce que tu fais ; t’occupe pas du reste. » ;

- « Les vrais bons gones, c’est ceux qu’ont des défauts qui ne font tort qu’à eux. » ;

- « Ca qui est, est. Manquablement, c’est temps perdu d’y faire contre ». 

- « Y’a pas de pays au monde où on s’en voye autant que sur cette pauvre terre. »


-L’inégalité des conditions, un constat récurrent :

- « Avec tout le bonheur qui se petafine dans le monde, que d’heureux on pourrait faire ! » ;

- « Quand tout un chacun fait ce qu’il peut, personne se crève.» ;

- « Nous autres, pauvres canuts, nous pouvons pas nous payer le médecin ; alors nous mourrons nous-mêmes. »   

 

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Ce florilège ironique et désenchanté se donne à lire comme le témoignage sans candeur d’une servitude résignée à la loi de la Fabrique, transmise telle un dogme et intériorisée dès le berceau : « T’es pas content de la vie ? Réfléchis voir un peu et te trouveras que c’est toi le fautif ». La Fabrique et sa dure loi y résonnent comme une allégorie universelle et baroque du monde lui-même. On songe à quelque cauchemar carcéral. La terrible lucidité du verdict est sans appel : « Entre les bêtes et les gens, y a ben souvent que le baptême qui  fait la différence ». Ou bien : « Je me pense que si, sur cette terre, une fois d’hasard, c’étaient ceux d’en haut qui soyent en bas, et ceux d’en bas qui soyent en haut, et ben le monde serait quasiment pareil. » : Ni en l’Eglise, ni en la Révolution, ne demeure un lieu où placer l’espérance. Sinon en la ville elle-même. Comment décliner plus amèrement la vieille formule de Plaute, que décidément, l’homme est un loup pour l’homme ?


 

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Justin Godart, auteur de la Plaisante Sagesse lyonnaisevisitant les hôpitaux du front (juillet - septembre 1917). 

Ministère de la culture - Médiathèque du patrimoine 

00:01 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : justin godart, plaisante sagesse lyonnaise, lyon, société | | |

mercredi, 28 décembre 2011

Gazette de Solko n°14

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01:10 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : depardieu, actualité, solko | | |

mardi, 27 décembre 2011

L'huis de l'huitre

« Loin de la mer, je n’ai pas envie d’huitres. C’est comme ça. ! »

Si c’est comme ça, se dit-on, mieux vaut ne  pas en discuter. En même temps le contraire pourrait aussi fonctionner très bien. Pour ma part, je n’ai jamais tant avalé d’huitres qu’une certaine année à Paris, alors que je n’avais pas quitté la capitale depuis je ne sais plus combien de temps, et qu’à chaque mollusque avalé c’est l’Atlantique tout entier qui me coulait en gorge.

La grosse dame véhémente s’en est donc allé loin des bourriches, à pas qui trainent.

J’ai toujours pris Francis Ponge pour un imposteur. On a eu beau m’expliquer son parti pris des choses en long, large, travers, son « monde opiniâtrement clos » qu’on  peut « pourtant ouvrir » comme métaphore des étages de la signifiance, du brusque dévoilement, etc, etc…  Ponge m’est toujours tombé des mains, comme tout ce qui se la joue trop simple pour faire en fin de compte très compliqué. 

Je préfère dans Le Rat et l’Huitre, celle, épanouie de La Fontaine. Au moins trouve-t-on là un parti pris affirmé, celui du personnage. Celui de la musique, aussi : Quand je lis « Il laisse là le champ, le grain, et la javelle, Va courir le pays, abandonne son trou. », je me dis que toutes les syllabes d’avant la dernière ont été choisies pour mettre en valeur ce trou paternel trop brutalement abandonné, pas le moindre ou et pas le moindre t avant,  avez-vous  remarqué ?

Quant à cet autre alexandrin qui dit la marche faussement précautionneuse du Rat vers le piège de l’Huitre : « approche de l’écaille, allonge un peu le cou », il contient juste ce qu’il faut d’insouciance et de fatalité pour être à la fois drôle et tragique, héroï-comique disait-on. Grand art.

Tristan Bernard a défini le comble de l’optimisme dans le fait « de rentrer dans un grand restaurant et de compter sur la perle qu’on trouvera dans l’huître pour payer l’addition. » Est-ce tant que ça le « comble de l’optimisme »? J’y verrais plutôt un art extrême de tenter de sort, ou de se mettre dans des situations difficiles, un art qui est le propre des aventuriers. Nous entrons dans quelques journées dans une année  électorale : « compter sur la perle qu’ils trouveront dans l’huître pour payer l’addition », n’est-ce pas un peu tout ce que les candidats venus et à venir vont tenter de faire? A nous de ne pas trop jouer les rats… 

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Jan Steen - La mangeuse d'huitres

00:32 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jan steen, francis ponge, la fontaine, littérature, poésie, huitre | | |

dimanche, 25 décembre 2011

L'indignation en polo Lacoste

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Drôle de jour. J’apprends par hasard la mort de George Whitman. La Shakespeare and Co, dont le nom nous ramène à Sylvia Beach et à James Joyce, est en deuil. Cette photo des années 1920 appartient aux mythes de la modernité enfouie. La librairie du 37 rue de la Bûcherie tiendra-t-elle le coup ? Depuis la disparition des PUF, place de la Sorbonne, on n’est plus trop sûr de rien. A Lyon, toutes les librairies d’envergure du vingtième siècle ont fermé.  La plupart ont disparu, quelques courageux ont pris le relai et les centres de distribution d’objets culturels Mainstream, pour parler le langage Martel, ont tout avalé.

A propos de librairie, une phrase saisie au vol devant une télé allumée, hier. C’était sur LCP, l’émission Librairie Médicis. Frédéric Beigbeder qui vendait son Bilan après l’Apocalypse (pas lu, lirait pas) et entretenait le chaland de son indignation disait ceci : « Je suis un Stéphane Hessel en polo Lacoste ». Comme si Stéphane Hessel était, je ne sais pas, un terroriste ou un loubard de banlieue. Comme si ce vieux diplomate n’était pas déjà l’image même du polo Lacoste. Du polo Lacoste indigné. Le pire.

Tout ça me fait penser à cette phrase du regretté Christopher Lasch, dans son Culture de masse ou culture populaire de 1981 : « Il est certes tentant pour des gens de gauche de croire qu’en retransmettant des images de rébellion politique ou en diffusant des idées radicales, l’industrie de la communication pourrait être transformée en agence de contre-propagande. Mais loin de subvertir le statu quo, les medias de masse récupèrent les mouvements radicaux et l’idée radicale à l’instant même où ils leur concèdent « un temps de parole égal ». 

La différence entre une librairie ancienne et un centre de distribution d’objet culturel indéterminé, c’est que la première avait les moyens d’être parfois une agence de contre-propagande, le second, où s’empile l' indignation en polo Lacoste à 3 euros, incarne le media de masse par excellence. Celui qui n'est là que pour faire des affaires en grand nombre.