jeudi, 05 avril 2012
Le salaire du président
C’est la famille recomposée dans toute sa gloire. Avec Hollande et Royal à Rennes, les journaleux nous entretiennent d’une « superbe affiche », un peu comme si l’OM et le PSG s’étaient réconciliés. François et Ségolène craignent si peu le ridicule qu’ils en seraient presque touchants dans ce story-telling à deux francs six sous qu’est la conquête de l’Elysée version 2012. C'est le fifils Thomas qui a dû verser sa larme en les regardant. Si c'est pas du bling-bling carla brunesque digne d'une série TF1, tout ça...
Outre cette pitrerie, la journée fut marquée, nous dit-on, par l’annonce de la première mesure de Hollande, sitôt installé dans le bureau de son méchant prédécesseur : baisser son salaire et celui de ses ministres de 30%. Et vlan, ça c'est de la justice sociale et du dévouement (dénuement). Voilà qui va réjouir le cœur de tous les pauvres revanchards et mettre du beurre dans leurs épinards. C'est du socialisme ou je ne m'y connais pas. Des pauvres revanchards, ça peut servir par les temps qui courent, y'en a plein les bureaux de vote.
Une anecdote à ce sujet : je discutais hier matin avec une collègue «de gôche» (y’en a plein dans l’éducation nationale, que c’est pitié!) de la mort de Richard Descoings et lui faisait remarquer qu’on n’entendait guère les Martel, Demorand, Domenech et autres Barbier qui s'insurgèrent contre le salaire de Sarkozy protester contre « l’indécent salaire » du directeur de sciences po (24 000 euros net plus une prime variable par mois) quand celui du président de la République, objet de tant de polémiques, était de 19 000…par mois. Tu plaisantes, s’indigna-t-elle, celui de Sarko est de 190 000 par mois… J’eus beau lui dire que non, le président n'était pas footballeur ni Dany Boom, elle vérifia sur son iphone et dut admettre qu’en effet le directeur de sciences po gagnait plus que le président de la république dont elle avait multiplié par dix le salaire en imagination…
Cette anecdote pour souligner les fantasmes qui galopent dans l’esprit des gens. Pour moi, que la première mesure de Hollande concerne ce fantasme me révèle trois choses sur le bonhomme :
- son habileté relative à enfumer les gens en se faisant passer pour plus humble ou plus modeste que l'immooonde Sarko, ainsi que la piètre estime dans laquelle il tient de fait ce « peuple de gauche » si prompt à avaler la moindre de ses couleuvres (remarquez, il semble avoir raison de les prendre pour des c…, non ?)
- le fait qu’il n’ait plus trop besoin de pognon, lui, faisant partie des nantis de gauche qui payent l’impôt sur la fortune depuis longtemps comme ses potes sénateurs, présidents de région, comme DSK, Descoings et autres. Si ça continue ils vont bientôt enfiler des salopettes bleues en distribuant leurs tracts rose-fushia sur les marchés....
- son ambition très sarkozienne, in fine : le Paris de Henri IV valait bien une messe, celui de Hollande vaudrait bien une ristourne de salaire, d’autant qu’il a sans doute déjà trouvé le moyen de remédier à ce manque à gagner par un système de primes. Vous savez bien, contribuables, que l’Etat est une bonne mère…
05:14 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : ségolène royal, françois hollande, ps, richard descoings, politique, société, rennes |
mercredi, 04 avril 2012
Parole "tweets", rumeur de demain ?
Signe des temps : un certain nombre de blogues amis se mettent peu à peu en veilleuse, Ici, ici ou ici, comme définitivement assoupis ou provisoirement ralentis ; un autre s’interroge comme ici, sur le sens ou la portée de la parole sur le web. Cela tient-il de l’air du temps, pollué par une campagne sans enjeu véritable, dont des sondages récurrents nous annoncent que le vainqueur supposé, qui a bâti sa stratégie sur le rejet médiatisé de son adversaire, gagnera, somme toute, par défaut ? Qu’en dire de plus, sinon mon dégoût profond pour ce socialisme à la française, technocrate et pépère, qu’au fond rien n’incarne mieux que cet énarque débonnaire et sans relief dans les bras duquel le pays s’endormira pour cinq ans s’il est élu ?
Signe des temps, les informations qui nous arrivent par à-coups laissent notre chair et notre esprit dans une sorte de mépris indifférent, ingrédients absurde d’une société dont nous aurions déjà tout dit, tout pensé, et qui n’aurait plus qu’à se dérouler dans le désordre équivoque et frénétique du fameux tout se vaut : Dany Boom, acteur le mieux payé de France; une candidate transsexuelle finalement autorisée à concourir pour miss Univers ; un antisémitisme galopant de plus en plus insupportable dans les milieux islamistes ; de nouveau un tireur fou dans une université américaine, oui, je sais, je mélange tout sans hiérarchie, ou plutôt je juxtapose de l’info-parataxe, car c’est ainsi que tout me vient, et que ce tout qui me vient se métamorphose en un tout que je rejette. Après l’ère d’un avis sur tout, vous souvenez-vous …? - Le moindre artiste balavoinneux ou sportif noahesque sommé par l’Anne Sinclair de service d’avoir une opinion sur tout à l’heure de la soupe (le conflit israélo-palestinien, les tout premiers walkman, les colonnes de Buren…) -, nous guette à présent l’ère d’un avis sur rien, comme si la planète qui avait cessé depuis lurette d’être trop vaste était dorénavant trop pleine, à la fois d’humains et d’événements similaires et contradictoires, récurrents comme les semaines du calendrier et, finalement, vides d’intérêt tant ceux qu’on espérait différents au temps romantiques des récits de voyage nous ressemblent à celui du tourisme de masse..
A côté du blogueur et de ses lecteurs solitaires, se construit sur twitter un autre discours, une autre parole, un texte instantané, élaboré en un moment vaguement commun, constitué d’un incessant défilé de tweets, afin d’organiser l’actualité à sa façon et le monde à son goût en fonction des abonnés qu’on a choisis. Le goût commun -voire réciproque- remplace alors l’avis personnel, le collectif l’individuel, le bruit la pensée. C’est à la fois rassurant et inquiétant, festif et désolant, vide et abondant. La parole et la rumeur de demain ?
Norman Rockwell, The gossips
00:01 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : norman rockwell, tweets, twitters, blogues, société de l'information |
lundi, 02 avril 2012
Aube d'avril sur la ville
06:08 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : aube, poésie, littérature, ville |
vendredi, 30 mars 2012
La vie dans les bois
L’Ermite. — Je me demande ce que fait le monde en ce moment. Voilà trois heures que je n’ai entendu même une sauterelle sur les myricas. Les pigeons dorment tous sur leurs perchoirs, — sans un battement d’ailes. Etait-ce la trompette méridienne d’un fermier qui vient de retentir de l’autre côté des bois ? Le personnel rallie bouilli de bœuf salé, cidre et gâteau de maïs. Pourquoi les hommes s’agitent-ils ainsi ? Qui ne mange pas n’a pas besoin de travailler. Je me demande combien ils ont récolté. Qui voudrait vivre où l’on ne peut penser à cause des aboiements de Turc. Et… oh ! le ménage ! tenir brillants les boutons de porte du diable, et nettoyer ses baquets par cette belle journée ! Mieux vaut ne pas tenir maison. Disons, quelque creux d’arbre ; et alors pour visites du matin et monde à dîner ! Rien que le toc toc d’un pivert. Oh, ils pullulent ; le soleil y est trop chaud ; ils sont nés trop loin dans la vie pour moi. J’ai de l’eau de la source, et une miche de pain bis sur la planche. Ecoutez ! J’entends un bruissement des feuilles. Quelque chien mal nourri du village, qui cède à l’instinct de la chasse ? ou le cochon perdu qu’on dit être dans ces bois, et dont j’ai vu les traces après la pluie ? Cela vient vite, mes sumacs et mes églantiers odorants tremblent. Eh, Monsieur le Poète, est-ce vous ? Que pensez-vous du monde aujourd’hui ?
Le Poète. — Vois ces nuages ; comme ils flottent ! C’est ce qu’aujourd’hui j’ai vu de plus magnifique. Rien comme cela dans les vieux tableaux, rien comme cela dans les autres pays — à moins d’être à la hauteur de la côte d’Espagne. C’est un vrai ciel de Méditerranée. J’ai pensé, ayant ma vie à gagner, et n’ayant rien mangé aujourd’hui, que je pouvais aller pêcher. Voilà vraie occupation de poète. C’est le seul métier que j’aie appris. Viens, allons.
L’Ermite. — Je ne peux résister. Mon pain bis ne fera pas bien long. J’irai volontiers tout à l’heure avec toi, mais pour le moment je termine une grave méditation. Je crois approcher de la fin. Laisse-moi seul, donc, un instant. Mais pour ne pas nous retarder, tu bêcheras à la recherche de l’appât pendant ce temps-là. Il est rare de rencontrer des vers de ligne en ces parages, où le sol n’a jamais été engraissé avec du fumier ; l’espèce en est presque éteinte. Le plaisir de bêcher à la recherche de l’appât équivaut presque à celui de prendre le poisson, quand l’appétit n’est pas trop aiguisé ; et ce plaisir, tu peux l’avoir pour toi seul aujourd’hui. Je te conseillerais d’enfoncer la bêche là-bas plus loin parmi les noix-de-terre, là où tu vois onduler l’herbe de la Saint-Jean. Je crois pouvoir te garantir un ver par trois mottes de gazon que tu retourneras, si tu regardes bien parmi les racines, comme si tu étais en train de sarcler. A moins que tu ne préfères aller plus loin, ce qui ne sera pas si bête, car j’ai découvert que le bon appât croissait presque à l’égal du carré des distances.
L’Ermite seul. — Voyons ; où en étais-je ? Selon moi j’étais presque dans cette disposition-ci d’esprit ; le monde se trouvait environ à cet angle. Irai-je au ciel ou pêcher ? Si je menais cette méditation à bonne fin, jamais si charmante occasion paraîtrait-elle devoir s’en offrir ? J’étais aussi près d’atteindre à l’essence des choses que jamais ne le fus en ma vie. Je crains de ne pouvoir rappeler mes pensées. Si cela en valait la peine, je les sifflerais. Lorsqu’elles nous font une offre, est-il prudent de dire Nous verrons ? Mes pensées n’ont pas laissé de trace, et je ne peux plus retrouver le sentier. A quoi pensais-je ? Que c’était une journée fort brumeuse. Je vais essayer ces trois maximes de Confucius ; il se peut qu’elles me ramènent à peu près à l’état en question. Je ne sais si c’était de la mélancolie ou un commencement d’extase. Nota bene. L’occasion manquée ne se retrouve plus.
Le Poète. — Et maintenant, Ermite, est-ce trop tôt ? J’en ai là juste treize tout entiers, sans compter plusieurs autres qui laissent à désirer ou n’ont pas la taille ; mais ils feront l’affaire pour le menu fretin ; ils ne recouvrent pas autant l’hameçon. Ces vers de village sont beaucoup trop gros ; un vairon peut faire un repas dessus sans trouver le crochet.
L’Ermite. — Bien, alors, filons. Irons-nous à la rivière de Concord ? Il y a là de quoi s’amuser si l’eau n’est pas trop haute
Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, 1854, texte intégral ICI
Les Bois, Pier Antonio Gariazzo
12:18 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gariazzo, thoreau, walden ou la vie dans les bois, littérature, romantisme, anarchisme |
jeudi, 29 mars 2012
Hollande, Mélenchon et la cour des comptes
06:13 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hollande, mélenchon, cour des comptes, politique |
mercredi, 28 mars 2012
Gazette de Solko n°23
05:40 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : collomb, politique, chikungunya, culture, société |
mardi, 27 mars 2012
L'argot des anciens francs
Quand le français de Vaugelas et de Bossuet cultivait encore une langue pour les gueux de ses foires et ses bagnes, le nôtre ne sait plus, signe des temps, quel est son argot. J’ai lu dans la préface d’un de ses nombreux dictionnaires que la véritable responsable de sa progressive extinction fut la modernité. Car l’argot n’aime ni l’innovation ni le changement. L’argot est une langue de tradition qu’on se transmet de père en fils, en marge de l’autre : dans le grand répertoire des seigneurs et des scélérats, on était ainsi lié à la vieille école des narquois, mot qui signifiait mendiant et dont, affirma un jour Nodier, procède le terme argot lui-même, s’il ne dérive pas de jargon, langue dans laquelle François Villon écrivit ses plus curieuses ballades. Les forçats des temps classiques refusèrent ainsi les innovations romantiques et presque industrielles de l’argot mutant des villes nouvelles, tandis que les nombreux dictionnaires imitant Le Jargon de l’Argot réformé, publié en 1628 par un marchand drapier de Tours du nom de Chéreau passaient à leurs yeux pour des bottins infamants, presque liberticides.
Pour les anciens pères conscrits du crime qui vivaient en solides corporations, le mot adéquat pour désigner l’argent ne fut jamais ni l’os, la douille ou la braise, ni la patate, le beurre, ou la graisse, ni le pognon, le pèse ou le picaillon, non, tout ça n’était que du langage de chiffonniers, du langage papier ; l’argent c’était encore le carle, de carolus, la monnaie faite du même or que la parole, sonnant et trébuchant.
Pour suivre : La poésie et la monnaie
21:22 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anciens francs, argot, carolus, jargon |
lundi, 26 mars 2012
Grève des éboueurs à Lyon
Le changement annoncé, la France de demain...
15:18 Publié dans Bouffez du Lyon, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, collomb, grève des éboueurs, socialisme |
Hollande et le changement: Le passé revient
Pour avoir vécu sous des gouvernements dits de gauche, sous des gouvernements dits de droite, et la plupart du temps sous des régimes de cohabitation, j’avoue que j’ai du mal (sauf à la rapporter aux lois du marché) à comprendre l’effervescence médiatique qui règne autour de cette idée creuse de « changement ».
L’anti sarkozisme sans programme est, depuis l’été 2010, le cheval de bataille de la propagande socialiste, relayée par la plupart des médias. J’avais à l’époque réagi par un billet sur ce blogue pour dénoncer ce vide si caractéristique du PS, qui n’est qu’un parti d’accompagnement de la Réforme, incapable de faire émerger de nouvelles idées et surtout de nouvelles têtes (1) C’est ainsi qu’avant les primaires du PS, nous avions ici dégagé dès septembre 2011 « neuf raisons de ne pas voter socialiste ».
Hollande du fond de sa Corrèze n’ayant trouvé que l’anti-sarkozisme comme motif de campagne, c’est pitié de voir ses équipes remonter jusqu’à 2001 pour contester un vote de Sarkozy sur les contrôles Internet « qui aurait permis l’arrestation de Merah » quand les mêmes sont si prompts à hurler aux lois liberticides dès qu’il s’agit de constituer un fichier.
La stratégie de Hollande s’étant limitée à confisquer l’élection en la transformant en un vote d’humeur borné à un référendum anti-Sarkozy qui jouerait à son avantage (ficelle vieille comme le PS (2)), Jean Luc Mélenchon a su, à coups de symboles, déplacer le débat pour tenter de reconstituer comme au temps de Georges Marchais une esquisse d'affrontement gauche droite. Certains du coup se passionnent à nouveau pour le fait politique. J’aimerais y croire. Mais quelque chose est grippé là-dedans : le fait qu’on retrouve toujours les mêmes têtes, les mêmes motifs, les mêmes chroniqueurs, dans un pays dépossédé de ses frontières et de sa monnaie. La logique du spectacle et de la gouvernance de ces quarante dernières années est plus forte, on le voit bien, celle des traités européens qu'ils ont votés aussi, que celle de tous ces vœux pieux, y compris de ceux de Marine Le Pen ou de Jean Luc Mélenchon, entraînés eux aussi et quoi qu’ils en disent dans le spectacle et sa caricature.
La chose la plus ironique qui pourrait arriver, et sans doute la plus triste, serait l’élection de ce clown sans aura (sans doute le plus conservateur des dix), sur la base éminemment mensongère du changement.
06:45 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : politique, hollande, socialisme |