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lundi, 18 juin 2012

Une Royale, sinon rien

Rien qu’à l’idée de redevenir un journal d’opposition, on se frotte les cinq doigts de chaque main au Figaro. A Libération, en revanche, on pavoise beaucoup moins, gardant en tête le sort du Matin de Paris fondé en 1977 par Claude Perdiel et qui, après avoir fait la campagne de Mittérrand en 81, ne survécut pas à sa réélection et rendit l’âme qu'il avait sévère en 1987. Alors, pour ne pas devenir le torchon du président, ce qu’il fut jusqu’à l’extrême ridicule pendant sa campagne, Libération se permet d'égratigner son icône,  une fois la « gôgoche » installée au pouvoir, histoire de conserver sa « culture de l’insolence » comme me disait un jour non sans rire je ne sais plus quel thésard mal rasé avec qui je prenais autrefois le RER B de Denfert à Tremblay pour aller exercer un dur métier dans des bâtiments préfabriqués et emplis de sales momes.

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Première page : à gauche et sur fond rose, Ségolène brille par son absence aux côtés de son ex compagnon aux grands pieds désormais président. Ne demeure que son nom, son nom royal, seul et majestueux en grandes linéales blanches, un peu comme sur une pierre tombale en guimauve. Placé juste au-dessus, le rouge du logo  ferait du coup presque passer la feuille de choux de Demorand pour un libelle de Lutte ouvrière. Ce à quoi, du temps de Giscard et de Sartre, elle tentait de ressembler. Une presse de la vraie gauche. Contestataire et subversive. Critique et solidaire. Avec des choses à dire pour de vrai dans un courrier des lecteurs very open.

A tel point qu’on se demande de quelle bizarre maladie est atteint ce type désarticulé sur le bandeau gris de droite, engoncé dans un costume trop petit, les paluches trop balourdes, l’air falot, ce qui lui donne un air de Bourvil en train de jouer un principal de collège ou de Fernand Raynaud débutant, prêt à entrer en scène dans la rude profession de démarcheur au porte à porte. A côté de tout ce rose, lui n’occupe qu’un tiers de l’espace, et l’on croirait vraiment qu’il passait là par hasard, surpris par un halo de lumière en train de se livrer à quelque délit inavouable. Il ne voit pas la vie en rose, lui, mais plutôt en gris et noir ; seule la cravate bleue confère à sa tenue un peu de respectabilité. Appartiendrait-il vraiment à la France d’en bas, comme disait jadis Raffarin, celle qu’on appelle aujourd’hui la France normale ? A moins qu'il joue bien la comédie, ce qui reste possible, Charlot dégingandé dont on fait mine à présent qu'il est là pour cinq ans de se distancier, histoire de vendre du papier.

Il y en a une dont on a beaucoup parlé récemment, première dame pour les uns ou simple journaleuse dans un canard pire que Libé  (Paris Match, vous pensez…), une sorte de Valerie Pécresse en moins cool, c’est tout dire ; il y en une, donc, dont il n’est même plus question sur la Une de Libération, on ne cite même plus son nom, pfuuiit, disparue en hors champ : rose, aurait-elle vécu elle aussi ce que vivent les roses, l'espace d'une campagne ?  Le pouvoir, ça esseule, décidément.

06:59 | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : politique, assemblée nationale | | |

dimanche, 17 juin 2012

Débat de singes & de signes

Ils n’étaient que signes, et le savaient tous deux :

la lettre et le nombre,

la syntaxe et la monnaie,

la métaphore et le commerce.

 

Quand la valeur de l’or

Ne s’énonça plus que sur le papier,

Le mot fit remarquer à la monnaie :

Tu n’as fait qu'imiter mon arbitraire;

L'homme, c’est par moi qu’il lui revient de s'exprimer !

 

Sans broncher, la monnaie répondit  :

« Ils sont bien trop nombreux, désormais ,

Pour entendre de ta bouche

Ce qui n’a que du sens :

J’ai moi de la valeur !

Quelles sont tes autres armes ? »

              

Le mot découvrit alors

L’éclatement sidéral de son être,

La signifiance à l’infini,

A profusion, silence et musique,

Pensée, engagement, littérature...

 

Studieuse et cynique,

La monnaie observait ce gueux tout en sueur.

« Ta parole n’est que ruse,

Ricana-t-elle enfin :

Mon règne est ce qui est ! »

 

Que dire, qu'écrire, depuis ?

Ce qui n’a plus, nulle part, de sens

Mendie sur les affiches un peu de valeur !

« C’est moi qui  te possède! »

Déclare,  souverainement prostituée,

La monnaie, singe fait signe,

A la lettre, signe fait singe.

21:37 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, solko, monnaie, anciens francs | | |

Sable savant sur la falaise

1. La réduction du lyrisme à la vitesse ayant brûlé sur le sol toute trace, même infime de l'humide, le silence est tel et demeure si sec qu'on ne boit plus rien. Personne.

2.  Rien ! Au creux des ornières, le long des rigoles, la rétraction des secondes est si perceptible qu'un nouvel arrivant renoncerait à graver l'empreinte même de ses pas : de rocheux socles en ronceux nids, la tyrannie du sec si légitimée que la parole implore en la silhouette de la moindre rugosité. Implore. Seul, l'entrelacs violet du piment bruit de l'assaut de violentes files; fourmis dont les pattes brunes se bousculent en traçant dans le foncé de la poudre des alphabets divagants. 

3. Angles, plis, coins, fentes, aspérités : Plus rien n’est prononcé. De trop cuire, le sol s’est cisaillé. Toute parole s’est restreinte à la volonté du siècle dur. Tout récit, à n’être plus raconté.
Dans le gris de la rocaille, partout régnant, la disparition des temps humides apparaît telle une cérémonie accomplie, par le mutisme de ceux qui les a bus.

4. Sable, ici, Si savant…

Que l’ennui s’est mué en un coma qui se cabre dans la fibre de chaque fossile : Des phares, fidèlement, n’avaient-ils pas veillé sur ces lieux, traçant, féconds, de géométriques figures dans la candeur inépuisable de leur nuit, du rebond de leur fil, à l’horizon, trapèzes ?

5. Ce qu’affronte la falaise ! Tout, tout ce qu’endure son brusque précipice !

L’enquête, à bien mener, coûterait trop d’aveux… Et c’est donc un passé toujours indéchiffrable qui s’astreint sur son front rétracté à l’évaporation : Tant s’effrayait, naguère, en leur rotondité, de leur haute lueur, l’enclos de leur vieux bâtiment ! Le vif de leur effort, c’est l’ivoire de leur tour qui, seul, l’a bien connu.

6. Si la signification des figures qu’ils lancèrent inépuisablement jusqu’à nous sur la lande fut jadis défénestrée par paresse, la falaise a malgré tout appris à survivre au-dessus des décombres dans le voltige mousseux des lueurs ineffaçables :

Charpente ainsi d’un hautain précipice,
Sa torride et sa savante malice
Tancent d’un clin d’œil sec de sédiment
Plaines, prés, champs, puis, là-bas, l’océan.

7. La science de ce sable, ici partout savant, n’aura produit, finalement, en plein cœur de la précarité des saisons, que le coma stagnant des fossiles : Troncs rugueux et tannés devant de béants orifices, crinières excédées des racines au bout des souches déculottées, là où l’humus avait garanti l’inscription solide de la trace et la respiration pleine de charmes de l’enfant. 

8. Parole ôtée à son humide auteur,
Trace d’un simple fil,
D’un art patent, lettres abandonnées,
Epitaphe cuisant d’un vers éteint,
La lumineuse trace des absents pèse
Trop sur ce vers que j’étends …

9 L’aridité d’un lit tari à l’or
Découvre au ciel en bans luisant alors
Ternes parmi l’éclat des galets ronds
Quelques rides lisibles de limon
Souple et perlant écueil pur acrobate
Verbe dont l’ordre est l’éclat qui l’extrait
Vif et naïf de la poussière mate
Du relief de sa courbe où tout se tait

« Mon geste il tue majestueux »
Déclare étagé sur le sol
L’ascèse au trait volumineux
D’un alphabet humide et seul...

 


Solko

(première piublication, septembre 2008)

 

00:01 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : sable savant sur la falaise, solko, littérature | | |

jeudi, 14 juin 2012

La décadence de Guignol

Puisque nous parlions du père Thomas dimanche, et que nous sommes entre deux tours de législatives, voici un témoignage précieux sur le caveau Guignol du passage de l’Argue à Lyon, et de manière plus large sur la teneur polémique de l’esprit lyonnais, comme on a pu dire à l’époque. Le texte date de 1912.  

passage-de-l'argue.jpg

Il y a foule au passage de l’Argue. L’affiche promet une revue. Salle étroite, au plafond bas, culotté par la fumée des pipes. Les murs s’adornent de fresques sans prétention : l’Ile-barbe, les aqueducs de Beaunant et la place du Gros-Caillou, traités d’un pinceau primitif, à la moderne, font les frais essentiels de cette décoration.

Mais le public n’a d’yeux que pour le théâtre, où « huit décors neufs et quatre-vingt personnages » affirment la munificence d’un impresario qui ne recule évidemment « devant nul sacrifice ». Les changements à vue, les jeux de lumière et les apothéoses se succèdent, ébahissent une assistance qu’on peut croire blasée par les raffinements des théâtres subventionnés et par le luxe des Kursaals.

Depetits cris de femmes chatouillées et des rires gras précisent le caractère du spectacle. Ce Guignol n’est pas pour les enfants. Que les nourrices, elles-mêmes, se gardent d’y rencontrer les militaires : il n’en faudrait pas davantage pour faire tourner leur lait.

Guignol, compère, arbore sur son cotivet un feutre provocant, et son complet marron sort évidemment de la Belle Jardinière. Son linge arrive de Londres. Sa cravate fait concurrence à celle de l’excellent dessinateur Fargeot, l’homme le mieux cravaté de Lyon, comme chacun sait. La commère, qui représente la Presse lyonnaise, est une superbe poupée rose et blonde, couverte de mousseline et de soie. Où-es-tu, brave Madelon, orgueil de nos souvenirs ? Par-dessus quels moulins as-tu jeté ton canezou, ton pet-en l’air de calicot et ton bonnet à tuyaux ? Gnafron laissant au journaliste Bibi les exubérances de la trogne, devient un ivrogne convenable, un viveur élégamment éméché, vêtu d’une impeccable redingote et coiffé d’un dix-huit reflets à la mode.

Ces trois protagonistes nous débitent les potins du jour, nous présentent le succès de l’année. Successivement nous voyons défiler les balcons fleuris, l’Armée du salut, les Ondines, les Aéroplanes, la nouvelle gare des Brotteaux, les briquets automatiques, le four crématoire, l’ermite du Mont-Cindre, M Vial de Vaise, les WC souterrains, que sais-je encore ?

Les actualités sont personnifiées par d’accortes marionnettes qui nous en débitent de vertes, avec leurs petits airs de ne pas y toucher, ne regrettant que d’être en bois et de ne pouvoir -pour cause – nous montrer leurs jambes.

Il faut entendre ces mots à double entente, ces refrains pimentés et ces dialogues polissons, sortir de ces lèvres impassibles, jaillir de ces faces où rien ne trésaille, où pas une fibre ne s’émeut pour dénoncer une pudeur ou nous indiquer une réticence ; il faut voir ces gestes étroits et monotones, faits pour accompagner des sentiments moyens, ponctuer des répliques excessives, des phrases qui n’ont d’ordinaire pour excuse que la verve du corps  souple et la gaîté d’un bras spirituel ; il faut, dis-je, entendre et voir ce Guignol pour connaître la saveur de l’humanité toute crue.

Et, sortant de là, j’ai renouvelé pour mon compte la prosopopée de Fabricius :

« O père Mourguet, ô père Thomas, qu’eussent pensé vos grandes âmes si pour votre malheur, rappelés à la vie, vous eussiez vu la scène pompeuse de ce théâtre créé par vos mains ? Dieu ! eussiez-vous dit, quel est ce langage étranger ? Quelles sont ces pièces efféminées ? Que signifient ces décors, ces clinquants et ces lumières ? Ce n’est plus la Croix-Rousse, c’est Montmartre qui vous amuse ! Ce sont des rhéteurs qui vous égaient ! Les dépouilles de Guignol sont la proie des chansonniers… »

Mais ces lamentations se perdraient dans le désert. Et les deux grandes ombres s’indigneraient vainement. Qui se souvient aujourd’hui du Guignol de la rue Noire, de l’allée des Brotteaux ou du Caveau des Célestins ? du vrai Guignol guignolant que créèrent de toutes pièces, vers l’an 1845, ces deux hommes de génie auxquels on n’a point élevé de statue ? Qui se rappelle du type de canut gouailleur et bon enfant, quelque peu bambocheur, à la fois naïf et sceptique ; pratique aussi, mais serviable, et toujours joyeux, dans le bonheur comme dans l’infortune, que nos pères applaudirent en foule dans la petite baraque du pont Morand ?

Qui se rappelle ? … Mais il n’y a plus ni canuts, ni Guignol. Il n’y a plus que le café-concert.

Marrons de Lyon,  Henri Béraud, 1912

mercredi, 13 juin 2012

La gazette de Solko n°31

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00:31 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : trierweiller, tweeter, royal, poltique | | |

mardi, 12 juin 2012

Les affaires de l'Europe

L’euro qu’il faut sauver, l’euro qu’il faut gagner…  Crise ou coupe, en ce mois de juin, on entend  partout parler de l’euro, que ça en vire au névrotique, à l'obsessionnel !  Moi je vous dis l’euro dépêchons-nous d’en sortir ou de le perdre pour au moins deux raisons :

D’abord parce que l’euro est tout le contraire de l’euphonie :  [øro], Ces deux voyelles fermées, vous trouvez ça doux au palais, suave à la lippe, franchement ? Obtus et fermé comme un cul de bœuf au moment de l’abattage, rien qui fleure la joie, l’ouverture. Le français aime le e muet, tous les poètes (les vrais, ceux qui, plus que le souci du dire, prennent le soin de l'écouter) le savent : La Fontaine, Racine, mais aussi Rimbaud, s’il faut pour être compris à tout prix être moderne

Pas de e muet, donc. Autrement dit, une Europe de consommation sans devenir et sans immédiat, un sigle de banquier et de président de l' UEFA, rien de plus. Pet de mouches. Murmurez-vous, pour vous en convaincre, et lentement, et les yeux clos, et en prenant votre souffle : [ europ].

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Jupiter et l'Europe, Gustave Moreau

Le e muet, rime féminine, reste en suspens. 

Il faut, mes amis, le deviner sur le bout de la langue, ce « e » : Europ

J’en arrive à la seconde raison.

Euro,c’est bourrin, euro, c’est masculin. C’est une une rime masculine, une rime en « o », les pires. Avec quoi voulez-vous faire rimer ça ? Avec ego ? Avec égaux ? Deux termes abominables, réfléchissez-y…  Tandis qu’Europe rime avec philanthrope…

Europe a le juste sexe, le juste ton, la juste proportion. Zeus, rappelons-le, captiva la belle nymphe. Depuis qu’un prof de latin m’apprit la chose en classe de seconde naguère, je n’ai jamais pu pisser contre l’ocelle basse d’un platane sans penser à Ovide narrant le verbe haut l’enlèvement d’Europe par Jupiter : plus de gueule que les commentateurs des matchs, que les Benzema, Ribéry et consorts, que la langue de bois des politiques ou les déplorations d’économistes, franchement !

Eu-ro-pe donc !

Depuis Delors et Maastricht (le père de Martine au Sénat), c’est sûr,comme je la regrettre,  « l’Europe aux anciens parapets… », c’est peu de le dire, Arthur !  

« La faire », disent, non sans culot , ceux qui la volent aux peuples et la défont d'éléction en élection sous nos yeux tristes…

Les footballeurs, eux, courent après les millions d’euros qui font les millions de malheureux, ironie du sort. Nadal soulève la coupe quand les banques espagnoles coulent les crédits de ceux qui le vénèrent outre Pyrénées. Les pauvres, ils appellent le sport un challenge pour les nations tandis qu’ils matent le gazon vert ou la terre battue à la TV. Ils peuvent, ah ils peuvent être fiers, Zbigniew Brzezinski, et ses potes de la Trilatérale qui l'ont kidnappée, l’essai est transformé, et pour des lustres !

Mais comme l’euro reste loin de cette Europe féminine et euphonique, celle de Montaigne en Italie, de Rousseau à Genève, de Chateaubriand à Prague, et de tous ces écrivains voyageurs, amants magnifiques,  qui l'ont chantée, l’Europe ! 

lundi, 11 juin 2012

Subway - station Bloy Bellecour

Mon premier voyage en métro. Travail gigantesque, j’y consens, et même non dénué d’une certaine beauté souterraine ; mais bruit infernal, danger certain, mort probable – et quelle mort ! – toutes les fois qu’on descend dans ces catacombes. Impression de la fin des sources, de la fin des bois frissonnants, des aubes et des crépuscules dans les prairies du Paradis. Impression de la fin de l’âme humaine.

Léon Bloy,15 février 1904 - Journal

construction métro.jpg

Station Bellecour (Lyon) en construction (1976)


00:00 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, station bellecour, lyon, léon bloy | | |

dimanche, 10 juin 2012

Les pourris d'or


J'ai laissé mon député muet et dépité. Je ne suis pas allé voter

17:44 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, élections, dupontel, abstention | | |

Le vrai crâne de Gnafron

J’avais écrit en 2009 un billet sur le personnage du Père Thomas, dont Laurent Mourguet se serait inspiré pour créer son personnage de Gnafron. Je viens de recevoir de la part de JC Neidhardt, conservateur du musée d’anatomie de Lyon à l’Université Lyon I ces quelques compléments d’informations sur le sort réservé par la postérité au squelette du père Thomas, ainsi que quatre documents iconographiques susceptibles d’intéresser le lecteur :

musée d'anatomie.jpg

musée d'anatomie, Université Lyon I, Lyon

« J'ai été très intéressé par votre article sur cette figure lyonnaise que fut le père Thomas. Je voulais revenir sur la fin de votre texte dans lequel vous parlez de son corps qui aurait été disséqué et dont le squelette aurait été préparé en vue de servir à la formation des étudiants en médecine. Je souhaitais préciser que c'était le sort habituel réservé aux malades décédés à l'hôtel-Dieu de Lyon ou à la Charité. Les familles, sans grands moyens, abandonnaient en général les corps des défunts à l'hôpital pour ne pas avoir à supporter les frais d'inhumation. Ces corps servaient ensuite à la dissection et à la répétition d'opérations, ce qui était très utile à une époque ou la rapidité et la précision du geste étaient primordiaux en raison de l'absence d'anesthésie (avant 1846). Pour ce qui est du corps du père Thomas, celui-ci a en effet été livré au scalpel mais de toute évidence le squelette entier n'a pas été traité et monté.

A mon avis, seul le crâne a été récupéré, non pas en raison de l'identité du propriétaire mais en raison d'une pathologie bien particulière observée lors de la dissection.

Pour être plus précis, nous avons entrepris cette année d'inventorier et de restaurer les crânes inscrits dans l'inventaire des collections de la Société de Médecine de Lyon, en les nettoyant tout d'abord et en retraçant à la plume les inscriptions parfois altérées figurant sur un certain nombre d'entre eux. Nous disposons d'une série de 6 crânes inventoriés E1 à E6 et catalogués comme présentant une persistance de la suture frontale moyenne. Le crâne inventorié sous le N E3 portait des inscriptions à la plume à savoir père Thomas sur l'os frontal , Père Thomas - mime, conteur populaire sur le pariétal droit et à nouveau Père Thomas sur le temporal droit. Il s'agit très probablement du crâne de Gnafron ! 

L'inventaire des collections de la Société de Médecine de Lyon a été édité en 1863 et correspond au dépôt des pièces réalisées en 1854 par ladite Société à l'école préparatoire de médecine de Lyon. Avant 1854 ces pièces étaient rassemblées au siège de la société qui se trouvait au Palais de Arts, actuellement musée des beaux arts de Lyon.

Lorsque je disais que le squelette n'avait pas été remonté après traitement, c'est parce qu'il existe une constante dans ce genre d'opération. Lorsqu'un squelette est préparé il faut pouvoir le fixer sur une potence et ils présentent donc tous un orifice sur le sommet du crâne. Celui-ci n'a pas cette marque.

Nous avons aussi entre autres curiosités les deux masques mortuaires originaux de Jacquard (l'un avec la marque d'une paralysie faciale et l'autre avec les traits reposés) et un squelette présentant un rachitisme majeur qui me cause quelques soucis dans la mesure ou je n'arrive pas à trouver de renseignements le concernant... celui d'Eugène Hullin mort à Lyon le 13 décembre 1904 à 44 ans qui exerçait la profession de chanteur des rues »

 

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photo du musée d'Anatomie, Université Lyon I

00:05 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gnafron, père thomas, musée d'anatomie, lyon, marionnettes, théâtre | | |