vendredi, 23 mars 2012
Ça les vaut
« Le fait qu'on soit passé du froid au chaud, j'ai l'impression que les choses récentes sont vieilles de trois mois » : Pendant que ma voisine de rang chuchote cela à son mari, les enchères grimpent, sur la petite commode à la fine marqueterie. On est à 580, et comme le souligne le commissaire priseur en pointant la salle apathique de l’ivoire de son marteau : Ça les vaut…
Elle a raison ma voisine, hier, c’était il y a trois mois. Depuis le temps que les bateleurs de tous crins sont partis en campagne, leur course aux sondages me semble déjà d’une autre ère et je me dis soudain que j’ai peut-être raté un épisode : Le président serait-il déjà (ré) élu ?
A présent que Merah est abattu, on commence à oublier l’horreur de son geste lâche et guerrier. Certains vont chercher des justifications du côté du père absent ou du refus d’embauche à l’armée, jusqu’à Valls qui cause «d’enfant perdu de la République », le démago, comme s’il n'avait fait que voler un scooter. Oubliant l’écologie, Joly redevient procédurière. Tout passe, compact, comme des objets à l’encan. Mais tous les objets ne pèsent pas le même prix.
Dehors, Mars est en effet plus que printanier. Jean Louis Borloo a dû apprécier, ce matin, qui promenait son Sarkozy de président dans le beau Valenciennes relooké. Il ne manquerait plus qu’un salafiste déjanté se mette là aussi à tirer sur tout ce qui bouge.
Pendant ce temps, plus personne ne sait trop où s’est régugiée Nafissatou Diallo. Mais DSK, qui, paradait en économiste distingué l’autre jour à Cambridge, demeure toujours place des Vosges. Les choses, quoi qu’il arrive, retombent inévitablement dans le bon ordre. Et il n’y a que des naïfs pour croire au changement devant les rodomontades d’un clown postmoderne à la Bastille. D’ailleurs on a pu voir que Hollande, durant les quelques jours qu’a duré l’intermède tragique de Toulouse, a tout fait comme Sarkozy, discours, visite d’école, recueillement, ce qui permet à son état-major de répliquer à Bernadette Chirac qui lance en plein conseil général de Corrèze « qu’il n’a pas le gabarit d’un président » « qu’il a l’étoffe d’un chef d’état »… Il n’y a qu’en France qu’on voit ça…
Mais pour l’heure, la vraie question que se pose tout bon électeur est de programmer dans quel lieu il va passer ses vacances après la fin du show électoral. Agoraphobes, l’endroit à fuir, cette année, ce sera Londres, à ne fréquenter que devant un écran. Sinon, France ou étranger ? Bretagne ou Méditerranée ? Seul ou accompagné?
19:06 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, vente aux enchères, société |
mercredi, 21 mars 2012
Bringing war home
La France vit dans son pré carré télévisuel. Quand y bat la campagne électorale, elle se replie, frileuse dans ses débats surannés comme en un champ que n'auraient le droit de labourer seulement les tribuns rococos de ses partis. On y parle de Jeanne d’Arc ou de Jules Valles, de la Commune de Paris et du clocher de mon village, comme si le monde alentours n’existait plus. La crise financière, la crise de l’euro se règlent d’un revers de manche, y’a qu’à faire payer les riches et tout ira mieux. Les tensions internationales, éclipsées ! Les guerres, niées, les conflits religieux, envolés ! Qu’un salafiste armé passe à l’acte, ça n’est qu’un de ses enfants qui a mal tourné, un échec de l’intégration républicaine, un produit made in banlieue de la fameuse discrimination. Bref, rien n’existe en France hormis de douillets problèmes franco-français gravitant autour du nombril bleu blanc rouge de Mariane, laïque et enturbannée.
La parlotte électorale va recommencer, chaque bateleur dans son temps de paroles, à la seconde près. Dormez, dormez en paix, braves gens : tout ça n'était qu'une mauvaise séquence médiatique, consacrée à l'oeuvre d'un dément. Je pense à Martha Rosler et à sa série Bringing war home, dont les collages mettaient en scène ce contraste toujours saisissant entre l’univers douillet de la société qui est la nôtre et celui de la guerre. «On n’est pas programmé pour ça », déclarait tout à l’heure le père d’Abel Chenouf, le parachutiste abattu à Montauban. C’est bien le moins qu’on puisse dire.
Martha Rosler, Bringing war home
21:03 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : martha rosler, terrorisme, politique, société, toulouse |
mardi, 20 mars 2012
Crimes spectaculaires
Dans les autobus, dans la rue, dans les magasins, un peu partout, on aura senti aujourd’hui se côtoyer les opinions de millions de persuadés : ceux qui vivent sous la menace des islamistes, ceux qui vivent sous la menace des néo-nazis. Tandis que des enquêteurs travaillent, la pays exerce ses fantasmes et exprime des préjugés opposés, se situant instinctivement dans un camp ou dans l’autre, les uns évoquant les meurtres de militaires en Afghanistan, les autres la tuerie de Norvège en août.
Selon la place qu’ils occupent, les candidats à l’élection poursuivent leur campagne. Dans une école, le candidat-président orchestre une minute de silence, marqué à la culotte dans une autre école par un concurrent qui fait comme s’il ne l’était déjà plus (candidat) ou s’il l’était déjà (président).
A l’étage au-dessous, ceux qui n’ont pas un jour à perdre, les Le Pen, Bayrou, Mélenchon, protestent. A la cave, depuis que Duflot a ouvert le bal pour Joly ceux qui n’existent presque pas lâchent de petites phrases pour avoir l’air de peser dans le débat.
Le fait que poursuivre ou non la campagne ait été dans les QG divers la problématique politicienne du jour montre donc à quel point nous sommes englués dans le spectaculaire, quelque attitude adoptée ayant été de toute façon interprétée comme un signe, selon le premier adage de Palo Alto, On ne peut pas ne pas communiquer…
Le plan Vigipirate écarlate (une première) est activé dans la région toulousaine. Dans un tel contexte de fragilisation de l’opinion publique, François Molins, procureur de la République de Paris, rappelle la définition non politique mais simplement juridique du terrorisme, laquelle renvoie au seul mobile objectif, « volonté de troubler l’ordre public », puis il relate la périodicité des épisodes et constate les similitudes entre les scènes des crimes en rappelant qu’aucune piste, islamiste ou neo-nazie, n’est abandonnée ni négligée. Pour finir, on sait que le criminel agit devant des caméras de surveillance et en porterait une sur lui. On parle de milliers d’heures d'enregistrements à exploiter…
18:26 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, présidentielle, société |
samedi, 17 mars 2012
Cohabitations, victoires et défaites
Quand on est de gauche, on ne doit pas critiquer son camp. Quand on est de droite, on ne doit pas non plus dire du mal des siens. Bref, qu’on soit d’un camp ou d’un autre, la loyauté en politique impose une éthique. Croit-on.
En conséquence, quand on émet une critique quelconque sur un fait de société ou une décision politique, on se retrouve inévitablement et de toute évidence étiqueté dans le camp opposé de celui qu’on critique. Peut-être est-ce une manière de savoir où l’on se situe sur l’échiquier politique : quel « bord », quel « parti » avez-vous le plus critiqué ? Avec lequel êtes-vous le plus en désaccord ?
A ce petit jeu, je suis quelqu’un de droite, au vu de mon désamour presque clinique avec la gauche contemporaine, qu’elle se proclame rouge, rose ou verte, elle et ses immuables figures (on devrait dire figurines).
Se retrouver ou non dans de grands textes, des idées, des idéaux ou des figures fut longtemps une autre façon de se situer dans l’un ou l’autre camp. A ce petit jeu, même si certains auteurs de droite (Léon Bloy, Chateaubriand, Bernanos, Raymond Aron) ou certains grands textes (Tocqueville) me parlent, c’est vers la critique du capitalisme libéral et de la société du spectacle que me portent à la fois ma formation intellectuelle et mes intérêts de classe (ça se dit encore des trucs pareils ?).
Je crois que je n’aime pas les hommes politiques, même si parfois me fascinent ou m’étonnent leur rouerie, leur obstination, leur versatilité. Mais ceci n’est qu’une parenthèse. Ces gens là ont bien trop besoin de leurs Cours en tous genres pour m’impressionner vraiment. Mon modèle, c’est le solitaire, moine, écrivain ou savant, et je ne sais pourquoi, c’est ainsi.
Pour les raisons que j’ai dites plus haut, beaucoup de gens de gauche me croient à droite, et beaucoup de gens de droite me disent à gauche.
Cela compte peu. Je sais la droite, du moins dans ses idéaux, beaucoup moins liberticide que ne l’est la gauche, et la gauche – toujours dans ses idéaux – beaucoup plus fraternelle que ne l’est la droite. Je serais donc finalement pour un individu de droite vivant dans une société de gauche, mais ce n’est qu’une formule, une formule à la Bayrou, impuissante à prendre corps dans le Réel.
De la gauche ou de la droite, la vraie question reste de savoir laquelle, durant ces quarante ans faits de cohabitations et de gouvernements plus ou moins communs (Europe oblige) - est demeurée la plus fidèle à elle-même ? Laquelle, durant ces quarante dernières années, s’est le moins reniée ? Et ce faisant, laquelle a fait le moins de mal au pays ? SI vous avez la réponse à ces questions, vous avez presque le nom du vainqueur de l’élection prochaine.
S’il fallait parier, je crois pour ma part que Sarkozy joue sur du velours, surtout face à un candidat si peu neuf et si médiocre que Hollande. Si malgré tout le socialiste était élu, la droite gagnerait quand même, car au petit jeu énoncé plus haut, c’est elle qui l’a emporté, dans la construction européenne comme dans la création de l’euro fort et indépendant. Comme Mitterrand, Hollande serait donc obligé de tenir une politique de droite malgré ses postures et ses ronds de jambe actuels. Ce qui ferait les beaux jours du Front National. En guise de changement, on serait pour le coup loin du compte, n'en déplaise aux faux-jeunes communicants du PS.
19:01 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : politique, socialisme, sarkozy, hollande |
mercredi, 14 mars 2012
Gazette de Solko n° 22
06:09 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : viande rouge, jocko besne, politique |
mardi, 13 mars 2012
Les derniers printemps du baccalauréat
Les Français seraient très attachés à leur baccalauréat. C’est pourquoi aucun Président de la République n’a souhaité trop y toucher. Au contraire. L’un des enjeux de la réélection de Mitterrand en 88 fut de le promettre à tout le monde. Ce qui aujourd’hui est pratiquement le cas. En 1970, 20% des élèves d’une génération avaient le bac. Aujourd’hui, 70%. Et, grâce aux options diverses qu’on peut cumuler, grâce aux consignes données aux jurys, presque 90% des candidats inscrits. Ce sont les mentions très bien qui garantissent la sélection assurée jadis par l’obtention du diplôme.
Cette question du bac est une question très française : Ou l’on se dit que l’examen est une formule plus impartiale et plus juste, et dans ce cas-là il faut revenir à des sélections réelles et ne le donner au mieux qu’au meilleur tiers des élèves : dans ce cas garder la formule de l’examen est justifié. Ou bien l’on considère que c’est un simple contrôle de routine, et dans ce cas, une telle mobilisation de moyens administratifs devient superflue. Mais en France, nous voulons le beurre et l’argent du beurre : que tout le monde ait le bac, et que le bac demeure un examen significatif, ce qui se heurte aux plates exigences du Réel. Intérêts électoraux, vanité parentale et syndicats s'en mêlent et tout demeure bloqué.
Il est dès lors légitime de se demander s’il est utile de conserver la formule de l’examen national, devenue lourde, coûteuse, et fort hypocrite ; et s’il ne serait pas plus judicieux de passer à celle d’un contrôle continu (bacs octroyés par les établissements scolaires, comme c’est le cas aux USA). C’est en tout cas le point de vue de nombreux profs. L’un d’entre eux me disait tout à l’heure avec humour qu’au prix où était l’organisation de l’examen aujourd’hui, cela faisait cher pour recaler quelques déficients mentaux. Il n’avait pas tort.
15:56 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : baccalauréat, éducation, société, politique |
dimanche, 11 mars 2012
Supprimer le mot "Hollande" des bulletins de vote
Supprimer le mot race de la constitution. Telle est la dernière trouvaille du candidat socialiste qui, faute d’être capable de s’en prendre au Réel, s’en prend à la langue. Et voici donc une nouvelle fois le mot amalgamé avec la chose, dans une sorte d’hypocrite ingénuité qui est la marque de fabrique du bonhomme, comme du parti dont il est issu. Et pourquoi, selon ce sage énarque devrions-nous taire ce mot honteux, ignoble, injurieux de race ? Au nom de « la grande famille humaine »…
Je ne sais trop ce qu’il entend par « grande famille humaine ». Ayant déjà connu pas mal d’ennuis avec ma propre famille, je n’ose penser ce qu’il en serait à l’échelle de cette « grande famille ». Il est cependant heureux que cette grande famille humaine soit composée de peuples, de races, de cultures différentes. A quoi je rajouterai, car un homme de culture se doit de ne jamais oublier les morts, d’époques différentes. J’appartiens à une génération qui, pour ne pas être pour autant crépusculaire, a connu une France où l’on ne parlait pas toute la journée de races et de racisme. L’émergence parallèle du Front National et de SOS Racisme s’est faite dans les années 80/90, durant un double septennat socialiste et dans un air du temps pourri par la dichotomie de plus en plus prononcée entre l’enrichissement éhonté de certains et leurs discours parallèle sur l’égalitarisme. L’aveu ridicule du catastrophique ministre de la culture de l'époque, Jack Lang, affirmant de son appartement place des Vosges (dans lequel on le soupçonne d’en écouter toute la journée) que « le rap est une culture » (je dis catastrophique pour les professeurs et leurs élèves, spécialement les plus défavorisés), cet aveu en fut le symptôme le plus parlant.
Supprimer le mot race, donc. Hollande, comme beaucoup d’énarques de gauche, est un fin praticien de la nov’langue orwelienne. Plutôt que d’affirmer haut et fort que parmi toutes les races, toutes les cultures, toutes les couleurs de peau, il n’y en a pas une qui soit supérieure à l’autre, plutôt que d’énoncer le problème, plutôt que de raisonner, il préfère ne pas voir, ne pas dire, ne pas nommer. Or ne pas nommer, c’est ne pas penser. Et ne pas penser, c'est jeter de l'huile sur le feu. Je ne suis pas en train de dire que M. Hollande ne pense pas. Je suis en train de dire qu’il ne veut pas qu’on pense. En digne représentant d’un mouvement de masses, il veut plutôt que les think tanks, clubs, et autres loges pensent à la place du bon peuple crétinisé façonné depuis plusieurs décennies par la culture Lang. Il suffirait donc de retirer le mot race de la constitution pour éradiquer le racisme, Voilà qui promet une jolie gouvernance si le triste sire est élu. Retirons aussi le mot violence et le mot banlieue des dictionnaires, afin de mener une saine politique de la ville, les mots musulman, juif et chrétien pour fabriquer une démocratie apaisée, les mots riches et pauvres pour assainir l’économie. Et embrassons nous Folleville, d'une fête de la musique à une autre... ? Dieu que la grande famille humaine, dirigée par ce genre d'autocrate promet d'être humaine ! Car comme disait Rabelais, si les signes vous trompent, combien vous tromperont les choses signifiées.... Pour ma part et pendant qu’on y est, je propose qu’on retire le mot Hollande des bulletins de vote : ça réglerait peut-être un problème à venir, des plus épineux…
16:30 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : race, constitution, politique, hollande, socialisme |
vendredi, 09 mars 2012
Votez oui
Il n’y a pas grand intérêt à suivre la campagne, dès lors que les débats de fond sont escamotés, au profit d’une course de petits chevaux qui avancent chaque jour, proposition par proposition. Dans la société du spectacle, une campagne électorale est une séquence médiatique un peu plus longue qu’une remise des Oscars, un peu moins dramatique qu’un tsunami. Tout son suspens entretenu à coups de sondages, sa dramaturgie réglée à coups de petites phrases et de ralliements divers, sa rhétorique qui convoque les grands mots, peuple, nation, justice, égalité, et autres, ne constituent qu’une séquence parmi d'autres. Les passionnés de politique peuvent s’en attrister, cela ne change rien à la situation. Comme Jacques Rancière le souligne, « nous ne vivons pas dans des démocraties, nous vivons dans des Etats de droit oligarchiques » (1) et «toute politique oubliée, le mot de démocratie devient alors à la fois l’euphémisme désignant un système de domination qu’on ne veut plus appeler par son nom et le nom du sujet diabolique qui vient à la place de ce nom effacé : un sujet composite où l’individu qui subit ce système de domination et celui qui le dénonce sont amalgamés ».(1)
Je me dirige probablement une fois de plus vers une abstention, n’ayant aucun désir de voir l’oligarchie socialiste qui règne dans les régions s’emparer de l’Etat, avec les mêmes politiciens qui ont échoué il y a quinze ans, ni aucune sympathie pour le locataire actuel de l’Elysée, hormis le fait qu’il ne soit pas énarque.
On peut toujours se rabattre sur Le Pen ou Bayrou, Mélenchon ou Joly, voire Cheminade ou sa chatte, dans un vote d’humeur. Dans la société du spectacle, le vote d’humeur est peut-être le seul qui garde une perspective originale et répond de façon décalée à la demande faite par les dirigeants. Un ami me disait l’autre jour qu’il avait gardé un bulletin OUI dans sa poche depuis le référendum sur la constitution, et qu’à l’élection présidentielle, il le glisserait dans l’urne. Voter avec une élection de retard, OUI ou NON qu’importe ; là réside peut-être la solution.
Jacques Rancière, La haine de la démocratie, la fabrique, 2011, p 81 et 97
13:05 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, élections |
mercredi, 07 mars 2012
Gazette de Solko n° 21
00:44 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, sondages |