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dimanche, 01 janvier 2012

Chanson sur le souhait d'une fête

Pour commencer l'année en patois : 

          Que vo-z-aria. don vu de biaux-z-affére [1]

          Sin la plaive [2], qu'a tôt patafma .

          Lo vent, le nioules[3] leu-z-éliant contrère.

          Assu, zo min [vais] vo-z-u raconta :

          Ys-z-an, tartuis [4], fa ce qui-z-an pu fère;

          Diu a volu fère à sa volonta.


    « Que vous auriez donc vu de belles choses, -- sans la pluie, qui a tout abîmé. -- Le vent, les nuages leur étaient contraires. -- Or sus, je m'en vais vous le raconter.  Ils ont, tous, fait ce qu'ils ont pu faire; - Dieu a voulu faire à sa volonté. »

 

 Par vo fêta, y-z-an fa de peinture ;

An fa zoyi lo fifro, lo violon,

Irlumina lo bosquets de vardure ;

Vos zouillies boittes[5] ont chanta de chanson.

Lieu coeur sautiont et battiont la mesure,

Mèy sautiont d'una buna façon !

 

 « Pour vous fêter, ils ont fait des peintures; -- ils ont fait jouer les fifres, les violons, -- illuminé les bosquets de verdure; -- vos jolies filles ont chanté des chansons. -- Leurs cœurs sautaient et battaient la mesure, -- mais ils sautaient d'une belle façon!»

 

Pure-z-efans, lausse  étiant si joyuses,

De présenta à lieu more un boquet,

Qu'in l'avisant, le larmes amouairuses

Du coin du zieu a chaucune faillet,

Et lo garçon, d'une sorta curiuse,

Ayant le cœur que batiet lo briquet.

 

    « Pauvres enfants, elles étaient si joyeuses -- de présenter à leur mère un bouquet, -- qu'en la regardant, les larmes amoureuses --du coin de l'œil à chacune tombaient, et les garçons, d'une façon curieuse, -- avaient le cœur qui battait le briquet

 

Vo-z-aide bien cugnaissu lo visadze

Qui z-avian forrau dessu lo bufet,

A qui y presinlôve de z’omadze :

C'étiet celui du pore Grassoilliet

Avouai celi de sa feno, et ze gadze

Que vos los avi devinau to net.

 

   « Vous avez bien connu le visage -- qu'ils avaient fourré sur le buffet, -- à qui ils présentaient des hommages :- c'était celui du père Grassouillet -- avec celui de sa femme, -- et je gage que vous les avez devinés tout net. »

 

Car lo monchuqui, avouai sa cuaivetta

Preniet de blanc, de gris avouai de nai,

Los-z-a teri à'une façon finetta,

Qu'y on chacun, d'arrie le reconnaît.

Quand l'atniquii se forre de la fêta,

L'ouvre se fay est bien vrai.

 

« Car le monsieur qui, avec son petit balai (pinceau),- prenait du blanc, du gris avec du noir, -- les a retracés d'une façon si fine -- qu'un chacun, incontinent, les recon-naît. -- Quand l'amitié se met de la fête, -- l'ouvrage se fait, c'est bien vrai. »

 

Pouaysin[6] is z-anfa tortilli deflaumes;

An fa pela de la pudra dins l'air.

Cinqui tessible ce joua que dins lieu-z’aumes,

Vos z-atizi et rindi torzo clair.

Votra bonto io de noviau l’inflaume;

Oh! mè, sa pudra ne fa qu'un éclair.

 

 « Puis, ils ont fait tortiller des flammes -- ils ont fait tonner de la poudre dans l'air. -- Cela signifie ce feu que, dans leurs âmes, -- vous attisez et rendez toujours clair. -- Votre bonté tout de nouveau l'enflamme; -- oh ! vraiment, sa poudre ne fait qu'un éclair. »

 

Faut que tartuis, ze prenian nôtre tausse,

Et que tsacune varse à son vaisin

Ce zouli vin, que de tant butta grauce,

Le patron nos-z-[u] a bailli sodain,

Et qu'un viva bien intindre se fasse !

 Apre z-iran càbriolau insin.

 

  « Il faut que, tous, nous prenions notre tasse, -- Et que chacune verse à son voisin-- ce joli vin, que, de tant bonne grâce, -- le patron nous a donné soudain, -- et qu'un vivat se fasse bien entendre ! -- Après, nous irons danser ensemble. »

 

laplace la saone vue de fourvière.jpg

La Saone vue de Fourvière (Laplace)

 

Cette chanson en patois a trait à une fête, qui fut donnée à la campagne de la Favorite, aux Massues, en l'honneur de Mme Vial, dont Revérony était le gendre. Cette jolie propriété appartient aujourd'hui à M. Demoustier, ancien agent de change.

 

 ____________________________________________

 

Ce qui a donné lieu à cette chanson fut un orage survenu au moment où on allait offrir un bouquet, la veille de la fête d'une mère de famille ayant pour patronne Marie, dans le mois d'août, en l'an 1776.

 

Les enfants, au nombre de six, dont quatre fils et deux filles, avaient engagé leurs père et mère à aller passer quelques jours auprès de leur tante, à Tassin, pour faire les préparatifs de la fête, ce qu'ils purent exécuter. Le lieu de la fête était dans la maison de la Favorite, près des Massues, où les arbres multipliés et les ombrages se prêtaient parfaite- ment aux dispositions projetées. Toutes les allées étaient décorées par des chaînes de lampions de diverses couleurs. On avait, par les soins et le travail du sr V. (1), maître de dessin des demoiselles et ami de la maison, disposé sur la terrasse un temple en papiers peints, cordes et pièces de soie, d'une dimension très grande. Le portique laissait apercevoir les portraits, en forme de bustes, de la mère et du père, placés sur l'autel de l'hymen, et nombre d'attributs et d'autres accessoires donnaient en quelque sorte une apparence de féerie au local.  Mais au moment où la mère et son époux arrivèrent, un orage violent détruisit en un instant tous ces préparatifs, et tout ce qui composait l'ensemble du temple fut mis en lambeaux flottant au gré des vents, et la fête fut convertie en une espèce de deuil. Les enfants fondaient en larmes, attachés au col de leurs auteurs (2), et les assistants partageaient la douleur, qui devint générale. Un des invités à la fête (3), qui avait concouru aux préparatifs avec les enfants, voyant l'état de tristesse où tous étaient plongés, monta dans un appartement, se fit apporter les habits du jardinier et, après avoir composé la chanson dont il est question, il monta sur un petit théâtre composé à la hâte, sur lequel il chanta les couplets qu'il venait de faire, ce qui fit diversion à la douleur, rétablit un peu de gayeté, et le reste de la soirée se passa assez agréablement pour faire oublier la  catastrophe qui avait jeté la consternation dans l'assemblée.

 

(La Revue du lyonnais,  série 5 - n°1 ( 1886 )  Chanson de Reverony, 1776)

 



[1] Sens populaire de hardes

[2]Plaive, pluie, ds pluvia, avec persistance du v tombé en français.

[3] Verbe composé du vieux  français pute, dont on a fait un adjectif péjoratif, et de fin. On dit aussi faire petafin, et dans certains patois faire pulafin, mot à mot faire mauvaise fin. Pute, du latin populaire puta, jeune fille, comme on apiitus, jeune garçon.

[4] Tartuis, de inter (?) et de tutti. C'est le trelous, de Molière. Tuttituis en vieux lyonnais, et encore aujourd'hui à Lentilly. Sur le sens comp. la loc, lyonnaise en partie tous, pour tous.

[5] Boitte, prononcez bô-lhe, signifie jeune fille dans tous les dialectes  romano-provençaux. L'étymologie bocula convient parfaitement comme  forme, mais l'image de jeune génisse pour jeune fille ne se rencontre  dans aucune langue romane. L'origine reste donc obscure.

[6] Pouaysin, dans nos campagnes pussin, composé de puis et du vieux franc, ains, au sens de bien plus, davantage. Comp. la locut. Puis déplus. Il suit de là que pouaysin représente la réunion contradictoire de post-ante (postius-antius).

 

13:38 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lyon, patois, nouvel an, reverony | | |

Commentaires

En guise de vœux, deux historiettes avec leur morale en forme de dicton. Elles se passent en milieu populaire, cela va sans dire.
La première est provençale. Au premier jour de l'an, la gens famille,au complet, était réunie autour du Papé .Après le coq au vin farci aux truffes de Haute Provence, amené par une cousine, après les treize desserts, après le verre de marre pour les hommes, une liqueur pour les dames, le papé sortait un vieux porte monnaie craquelé. Le geste impérial, il distribuait à ses petits enfants, une pièce trouée de 5 sous. Il disait la voix grave et solennelle "Pit'choun, cette pièce s'appelle économie, si tu la donnes elle ne s'appellera plus économie ,si tu la gardes,elle continuera de s’appeler économie"
La deuxième histoire est Chtimi, Les aïeules cousaient,serrés,à petits points, les cadeaux,divisés en autant de lots que possible, dans des berlouffes, des chiffons. Les berlouffes pouvaient envelopper d'autres berlouffes. Découvrir les cadeaux prenaient du temps, il fallait découdre aux ciseaux , point après point. La cérémonie durait , la surprise et le plaisir de l'inventaire suppléait à la modestie du don, un petit caramel, un bouton, ou à sa munificence, une orange, un fruit confit, un vêtement usagé qui signait l'entrée dans le monde des plus grands .
Voilà , ce n'était pas la crise en ce temps là, mais la pénurie, la pauvreté à développement durable et guerrier.

Écrit par : patrick verroust | dimanche, 01 janvier 2012

Ebrreluquant billet ! tant qu'j'y cause un brin l'apotsi (de Chassigny),je profite de l'occasion (iqu fati le lanrro) pour vous souhaiter preux l'an neuf : des pastonades,une bonne couâtre,
pas trop d'bourre dans le caquillon, des groujons (pre la sope),
des queuraillons à la golerète, de l'uzeuille,
de quà se mettre dans la beuille, de quà bare,
des chtites grimpettes, a peu l'bon portement.

Écrit par : Marcel Ruisseau (de Chassigny) | dimanche, 01 janvier 2012

Les petits Ruisseau(x) font la grande Rivière :)

Écrit par : Michèle | lundi, 02 janvier 2012

Je voulais dire : (...) font le grand Rivière :)

http://lesruesdelyon.hautetfort.com/archive/2009/10/30/marcel-riviere.html

Écrit par : Michèle | lundi, 02 janvier 2012

Et tout ça font les grandes mares (sel)

Écrit par : solko | lundi, 02 janvier 2012

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