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dimanche, 25 septembre 2011

Les nouveautés du Pont du Change

Avec Le pont du Change, Jean-Jacques Nuel a su créer une maison qui peu  à peu trouve sa place et sa vocation dans la mise en avant de textes rares ou oubliés. Cette rentrée, il poursuit l’exploration de l’œuvre du croix-roussien  Roland Tixier avec la réédition  de Chaque fois l’éternité, recueil datant de 1989, et qui tente de faire revivre l’été de ses dix ans.

 « Devant l’accélération du temps, je sens le besoin de partager des instants », disait ce dernier lors d’une lecture de Simples choses en 2009. A vingt ans d’écart, il est intéressant de constater que depuis ce lointain texte, la motivation première de sa poétique a finalement peu varié. Au risque d’une sobriété minimaliste et épurée, celle-là même qui le porta finalement vers la poétique du haïku,  sa plume s’attachait déjà à formuler la primauté de l’instant dans la perception des objets et des lieux. A capter la présence des gens au travers de leurs mots, qu’ils fussent ultimes traces de patois (chabatz d’entrar),  sigles politiques (F.L.N), noms des proches (Solange) ou des lointains (Françoise Hardy), qu’ils désignassent les outils immémoriaux (le piochou, la faux) ou  ceux de la modernité qui s’installait (la moto, le transistor), les choses ou les animaux du réel (le bol, les genets, la grenouille) ou ceux qui déjà étaient signes (les affiches du cirque, la lettre d’Algérie), les quatrains les égrènent tel que l’enfant de dix ans parut les découvrir, avec leur mystérieux pouvoir de suggestion empli d’un cratylisme à fleur de pages. Ici, les verbes conjugués sont denrées rares, l’action comme éclipsée du regard et du dire : Tixier, qui s’avoua un jour « grand lecteur de Simenon » - et l’on sait quel souci du détail tisse la trame de cette écriture,  pratique une poésie magnifiquement nominale, celle « du monde à portée de main », qui convient au dire de la lecture à voix haute, et au ralentissement.

L’autre bonne surprise de la rentrée du Pont du Change, L’agonie du papier et autres textes d’une parfaite actualité se propose comme un gai florilège de chroniques tirées des œuvres posthumes d’Alphonse Allais, lesquelles intriguèrent tout d'abord le million de lecteurs du Journal de Fernand Xau et Henri Letellier,de 1897 à 1905. Le regard de l’écrivain capte dans l’actualité de son temps les germes de ce qui, pour le pire comme pour le meilleur, forgera les inquiétudes du monde à venir, celui dans lequel nous sommes à présent. Et celui du compilateur sélectionne soigneusement, parmi tous les textes d’Allais, les quelques-uns qui, du langage SMS au féminisme intégral, apparaissent  au lecteur comme des curiosités prophétiques. Car oui, de NRJ à Paris-Plage, Alphonse Allais avait semble-t-il bien tout prévu...

 

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Roland Tixier, Simples Choses (2009) et Chaque fois l'éternité (2011), Alphonse Allais, L'agonie du papier (2011) aux éditions du Pont du Change (Suivre le lien en cliquant ICI

Roland Tixier sera à la maison de quartier de Lyon 3 le 12 octobre 2011, à l amaison de Pays de Mornant le 15 octobre et au carré 30, rue Pizay, le 25 octobre 2011

mercredi, 13 mai 2009

Les vingt cinq francs de Flaubert

La mobilisation de 1870, puis la sévérité des premiers revers militaires provoquent  une vive panique chez le public, ainsi que la décision de la Banque de France d’abaisser à 25 francs sa plus petite coupure.  A partir d’un projet abandonné d’un billet de 50 francs déjà gravé mais non imprimé, elle improvise ce billet historique, qui offre au recto une allégorie de l’industrie dessinée par Chazal, très classique, dans un cadre de feuillage, et au verso, une femme symbolisant la Banque. Le siège de Paris et la Commune  en suspendent l’impression après 875 000 billets, et c’est à Clermont, où s’ouvre une imprimerie « délocalisée », que s’achève le tirage. Clermont a été choisi en raison de sa proximité avec Thiers, d’où provenait le papier vergé. Cette valeur faciale est unique et ne sera jamais ré-utilisée par la Banque, après son abandon le 5 décembre 1870 ; d’où l’attrait pour les collectionneurs  de ces quelques alphabets  (un 25 francs 1870 se négocie, dans un état de conservation fort quelconque (il n’en existe aucun de conservé dans un état neuf), aux alentours de 2500 euros.

25 francs ! A quoi correspondaient 25 francs en 1870 ? Il faut rouvrir de vieux livres, chercher. Dans l’Argent, Zola évoque les coups de Saccard à cette époque où les titres font du yoyo et, lorsqu’ils tombent à leurs cours les plus bas, valent précisément entre quinze et trente francs. Le Desespéré de Léon Bloy se conclut par une aumône de vingt francs de la baronne de Poissy à Marchenoir, aumône que ce dernier confesse à son ami Leverdier. Daniel Eyssette, le héros du Petit Chose d'Alphonse Daudet, aux alentours des années 1865, est embauché dans un théâtre pour un salaire mensuel de cinquante francs.  D’après Alphonse Allais (A se tordre, 1891, quelques vingt ans plus tard, vingt-cinq francs, c’est à peu près le prix d’une montre. Mais la valeur exacte, précise, irréfutable -on a envie de dire éternelle -  de vingt-cinq francs, à quelques années près (1857 ), c'est bien l'ironie flaubertienne qui, dans le célèbre passage des comices agricoles de Madame Bovary, nous la rappelle

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