mercredi, 15 juin 2011
Le souffle, quand même
Le plus frustrant serait pour parvenir à déboucher une bouteille. Il se revoyait (dans une autre existence, ça ! ), la bouteille coincée entre les cuisses, mmmhh, tirant d’un coup sur le tire-bouchon – pas un tire-bouchon de bonne femme avec les deux leviers de chaque côté comme deux bras articulés, mais un simple tire-bouchon de bistrot, et ploc, un coup sec, le foutu liège du bouchon, eh bien dorénavant et pour quelques mois encore, que nenni, que nenni… Boire de la limonade, ou de l’eau minérale.
Grimper les escaliers à la Chaban (vous connaissez tous Chaban-Delmas, celui d’avant le stade de Bordeaux), d’un pas alerte, hein, rideau ça aussi pour quelques semaines encore, et presser tout soudain le pas quand arrive le bus ou bien s’enquiller juste avant la fermeture entre les deux caoutchoucs du métro, jusqu’à la prochaine, là encore, patience, patience. Ah les escaliers… Sur la colline, y’en a partout. Qu’en les mettant bout à bout disait sa grand-mère autrefois, on atteindrait rien moins que le Ciel. Pour l’heure, c’est le purgatoire, sans plaisanterie. Lui ne recherche que les parcours plats.
Cela dit, son état lui procure du recul. En retrait des gens pressés, il observe le monde, ses reliefs, ses aspérités inattendus.
La guérison est dans la maladie, c'est indéniable. Le monde : trop s’y presser donne des vertiges. Plus possible même de s’exalter pour un oui, pour un non : le souffle est rare et précieux. Hausser le ton, pour un tort, une raison... Suspendu, ça aussi. Artères du cou qui gonflent. Front qui se plisse. Tout rouge et sueur perlante. Qu'il fait chaud, partout ! Ah ces conversations politiques ou philosophiques enflammées de jadis… Laisser dire, mais laisser dire … Les mots, les choses, the end provisoirement. Calme à prier.
Il regarde donc le monde. Or, plutôt que les formes qui s’y agitent, il s’attarde sur les couleurs du fond. Tout à l’heure, la frondaison des platanes, d’un vert riche sur un bleu opulent. Il respire goulument, surtout, le peu qu’il respire, il n'en perd rien. Hume les couleurs de ce vert riche, de ce bleu opulent. Le souffle quand même.
Il y a là comme un geste monumental, au sens que chaque respiration est un monument, un fondement, la perpétuation admise de sa propre vie après et avant celle de tant d'autres. Respiration admise plutôt que mécanique. La cîme.
Là, comme en une sérénité privée, son altitude à soi, être bienheureux sans niaiserie.
00:26 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, souffle, poésie |
Commentaires
Un beau texte qui a du souffle ...
et je regarde p. 116 et 117 de votre livre "Lyon Légendaire & imaginaire", ces interminables escaliers croix-roussiens "qui tendent leurs rampes entre deux murailles lézardées couvertes de graffitis"...
S'ils ne mènent au bon dieu :), peut-être, dans nos altitudes secrètes, mènent-ils aux "bancs de tisane" et aux "épingleurs d'amour"...
Merci pour ce texte, Solko.
Écrit par : Michèle | mardi, 14 juin 2011
Merci d'exhumer ces photos. Et celle, page 6, comme une dédicace dont à l'époque j'étais à peine conscient. Nous mettons toujours nos pas dans ceux de quelqu'un, ma parole. La puissance de ces escaliers, c'est qu'ils gardent trace imperceptibles de tous ces pas, traces, dans leurs reliefs, leurs creux.
Écrit par : solko | mercredi, 15 juin 2011
Ces tire-bouchons de bonne femme, chez mes parents on les appellait des général de gaulle, à cause des bras qui se lèvent.. Chaban, De Gaulle, Coty, avec nous!
Écrit par : Sophie | mercredi, 15 juin 2011
Il est beau ce billet. Merci. "Calme à prier" je ne connaissais pas l'expression, rien qu'à lire, ça apaise. L'histoire de la bouteille, à déboucher coincée entre les cuisses me fait penser à un petit film de Luc Moullet (une pure merveille), tourné sur une vie, (en temps réel) ça s'appelle "Essai d'ouverture", beau titre, non ? Je ne vous raconte pas c'est "gratiné", je me permets de vous coller le lien ici; en espérant qu'il vous plaira
http://www.dailymotion.com/video/x1bulr_essai-d-ouverture_shortfilms
Écrit par : frasby | dimanche, 19 juin 2011
Casser une bouteille contre une autre, c'est une solution en effet, faute de tire-bouchon. La fraiseuse, c'est pas mal non plus. Le mieux, en réalité, ne serait-il pas de ne plus boire de Coca-Colà ?
Écrit par : solko | lundi, 20 juin 2011
Nous sommes la Déesse Originelle; Des Êtres Hautement Évoluées sur le plan Spirituel; Les Déesses suivantes; Lima Divinité Incarnée; Frigg Divinité Incarnée; Admée Divinité Incarnée; Épona Divinité Incarnée; Ishtar Divinité Incarnée; Sekhmet Divinité Incarnée; Lao-Tseu Divinité Incarnée; Tara Blanche Divinité Incarnée; Amaterasu Divinité Incarnée; Kali Divinité Incarnée; Marie Divinité Incarnée; Manat Divinité Incarnée; Odin Divinité Incarnée; Poséidon Divinité Incarnée; Nous sommes en Âmemour avec Vous...Toi
Écrit par : Poséidon | jeudi, 12 janvier 2012
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