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vendredi, 18 juillet 2014

La gardienne du ragoût

C’est une grande question que de définir ce qu’est  la justice. Il faut – comme souvent – revenir à l’étymologie.  Justice, on le sait, a pour origine le mot latin jus, juris, un neutre latin de la troisième déclinaison, dont  Gaffiot qui cite Cicéron donne en sens 1 « le droit, la justice » (omnes viri boni jus ipsum amant…  tous les hommes de bien aiment le droit en lui-même). Cette justice, la République en a fait une sorte d’allégorie qui jadis trônait avec sa ridicule balance maçonnique sur ses billets de banque, entre celle du Commerce et celle de l’Industrie. Les livres d’école nous ont appris à la respecter, à grands coups de citation de l’Esprit des Lois et autres penseurs des Lumière. Et pour certains, à la craindre.

Un deuxième sens, plus discret et sans aucun doute plus instructif, apparaît tout en fin de l’article du Gaffiot, et après deux colonnes d’exemples, tous plus grandiloquents les uns que les autres. Jus juris signifie jus, sauce, brouet. Et de fait, le Robert à l’article du mot français jus rappelle que l’étymologie du mot est bien également  jus juris. Justice et jus de viande sont deux mots français descendant d’un même étymon. En grammaire, on appelle cela des doublets.

L’explication en est simple, je la tiens d’un vieux professeur de latin du temps sérieux de jadis, qui nous avait donné une version de Tite Live dans laquelle un général romain ayant gagné une guerre contre un chef africain se voyait offrir par ce dernier au soir de la défaite un jus, c'est-à-dire un ragoût de porc. Et le vieux professeur de nous expliquer que la justice était si mal rendue à Rome qu’on avait donné son nom à un ragout, à moins que ce ne fût le contraire : il se pouvait bien que le ragoût ait donné son nom à la justice, tant les iniquités des décisions de justice constatées entre citoyens étaient grandes. Le chef africain, en proposant ce plat au général romain, sacrifiait donc à un rite militaire avec une mordante ironie, puisque ce dernier, en tant qu’hôte, ne pouvait refuser de se nourrir en sa compagnie de cette si bonne justice.

Rien n’a changé depuis l’Empire, n’en déplaise à l’Esprit profané des lois. Chaque jour apporte son lot d’exemples, tragiques ou badins, aux citoyens qui se demandent, bras ballants : que pouvons-nous faire ? La Garde des Sceaux, grenouille outrecuidante, devrait se rappeler lorsqu’elle évoque le « respect des décisions de justice », qu’elle n’est jamais, comme le furent ses prédécesseurs, que la gardienne du Ragoût,  c'est-à-dire d’une cuisine politique qui, de Rome jusqu’à nos jours, n’a eu de cesse de demeurer répugnante et même, dans certains cas, odieuse.

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Allégorie de la justice

© Ordre des avocats de Paris

jeudi, 12 décembre 2013

L'écran et la mort

On hésite entre l’empereur  Auguste et le petit père des peuples Staline. 

A présent que s’est un peu calmée l’agitation médiatique autour de la mort de Mandela, on ne sait trop que penser ni que dire de cette déification en direct. Je n’arrive pas à me reconnaître dans cette religiosité sans dieu, parce que l’Histoire est emplie de trop mauvais exemples à son sujet.   Et j’ai trouvé que le discours d’Obama était à la limite du discours d’un guru. Quant à tous ces anciens présidents se congratulant dans les travées,  ça tenait à la fois de la maison de retraite et du Rotary Club.

Mandela c’est au fond la bonne conscience de l’Empire. C’est pourquoi son culte me laisse à la glace. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la célébration se soit déroulée dans un stade.  N’est ce pas dans le cirque que se déroulait l’apothéose des empereurs pour la plus grande joie des gens de rien ?

A l’autre bout de la chaîne de la notoriété, il est d’autres façons surprenantes de quitter le monde : cette petite fille laissée par sa mère sur la plage, jusqu’à ce que la marée l’emporte – à bien y regarder le sang se fige. Et puis on pense à autre chose, comment faire autrement, entre l’horreur et l’insignifiance ?  La mort de deux soldats, à la croisée du politique et du milliaire, cérémonial glauque, nous reconduit à l’industrialisation de la guerre, aux  sempiternels saluts républicains, comme si nulle leçon ne pouvait être tirée de l’Histoire. L’édification des peuples a besoin du spectacle de la mort à l’ère technologique comme au Moyen Age, cadavres jetés en pâture à la vénération, l’indignation, la honte, la perplexité des foules.

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Mais la plupart des disparitions se déroulent sans grandes pompes, à l’abri de ce flux de spectaculaire que l’Empire concocte à notre intention, aussi puissant que dérisoire, et  qui tourbillonne sans gloire ni progrès autour de nous, renouvelant les mêmes comportements, les mêmes consentements, la même servitude.

Chacun d’entre nous ne tient en réalité au fil que de quelques proches, loin des effusions médiatiques du grand nombre et de la masse opaque. Quelques êtres pour lesquels on s’inquiète dans la pudeur et dont on se réjouit en secret. Ils incarnent, au sein de cette aliénation généralisée, un doux souvenir de la liberté, quand nous sentons combien nous les aimons.

mardi, 21 juin 2011

Fête de la musique

Dans sa naïveté, il espérait qu’ils en auraient tous marre un jour. Qu’ils comprendraient que cette fête qu’ils honoraient depuis trente ans n’était qu’une fête nationale aussi conne qu’une autre, que celles qu’ils critiquaient par ailleurs, une fête qui n’avait plus rien ni de festif ni de subversif, destinée à soutenir l’ordre en place. Comme les autres. Comme toujours. 

Dans sa naïveté, il se disait qu’ils finiraient par ne plus vouloir ressembler à leurs mères et leurs pères qui déambuleraient cette nuit-là encore comme chaque année en troupeaux dans les rues, au milieu du vacarme des villes. Qu’ils se diraient enfin que, la musique, oui, mais pourquoi tous ensemble, pourquoi cette nuit-là, pourquoi en troupeaux, entre des barrières de CRS ?

Quel nom déjà, ce ministre qui avait si bien su brouiller tous les repères culturels des gens, et continuaitn déplumé, à faire le bellâtre à la télé ? Faites de la musique ! Tout ça pour un bon mot à la con... Ils en étaient là...

Dans sa naïveté, il se répétait qu’une fête ne pouvait ainsi se perpétuer sur commande, qu’il y aurait bien forcément un jour ou l’autre un mouvement d’Indignés contre çà aussi, tout ce bordel municipalement organisé à dates fixes par toutes les mairies de l’Hexagone, dans les provinces de l’Empire...

Qu’il suffisait peut-être de laisser passer encore un peu de temps…

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09:58 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : fête de la musique, politique, france, empire | | |