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jeudi, 12 décembre 2013

L'écran et la mort

On hésite entre l’empereur  Auguste et le petit père des peuples Staline. 

A présent que s’est un peu calmée l’agitation médiatique autour de la mort de Mandela, on ne sait trop que penser ni que dire de cette déification en direct. Je n’arrive pas à me reconnaître dans cette religiosité sans dieu, parce que l’Histoire est emplie de trop mauvais exemples à son sujet.   Et j’ai trouvé que le discours d’Obama était à la limite du discours d’un guru. Quant à tous ces anciens présidents se congratulant dans les travées,  ça tenait à la fois de la maison de retraite et du Rotary Club.

Mandela c’est au fond la bonne conscience de l’Empire. C’est pourquoi son culte me laisse à la glace. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la célébration se soit déroulée dans un stade.  N’est ce pas dans le cirque que se déroulait l’apothéose des empereurs pour la plus grande joie des gens de rien ?

A l’autre bout de la chaîne de la notoriété, il est d’autres façons surprenantes de quitter le monde : cette petite fille laissée par sa mère sur la plage, jusqu’à ce que la marée l’emporte – à bien y regarder le sang se fige. Et puis on pense à autre chose, comment faire autrement, entre l’horreur et l’insignifiance ?  La mort de deux soldats, à la croisée du politique et du milliaire, cérémonial glauque, nous reconduit à l’industrialisation de la guerre, aux  sempiternels saluts républicains, comme si nulle leçon ne pouvait être tirée de l’Histoire. L’édification des peuples a besoin du spectacle de la mort à l’ère technologique comme au Moyen Age, cadavres jetés en pâture à la vénération, l’indignation, la honte, la perplexité des foules.

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Mais la plupart des disparitions se déroulent sans grandes pompes, à l’abri de ce flux de spectaculaire que l’Empire concocte à notre intention, aussi puissant que dérisoire, et  qui tourbillonne sans gloire ni progrès autour de nous, renouvelant les mêmes comportements, les mêmes consentements, la même servitude.

Chacun d’entre nous ne tient en réalité au fil que de quelques proches, loin des effusions médiatiques du grand nombre et de la masse opaque. Quelques êtres pour lesquels on s’inquiète dans la pudeur et dont on se réjouit en secret. Ils incarnent, au sein de cette aliénation généralisée, un doux souvenir de la liberté, quand nous sentons combien nous les aimons.