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mercredi, 09 mars 2011

Ça me rassure

 

politique,communication,san antonioA en croire certains stratèges de la communication l’ère du bling-bling serait close et la prochaine campagne va se jouer sur un retour aux valeurs simples, pas tape à l’œil, proches des gens. Dans le genre de la récente campagne Monoprix, vous voyez ? Un look à la limite du cheap, quoi. En papier recyclé.

Tout ça parce que les Français, empêtrés dans la crise, souffrent et sont las des débordements exhibitionnistes auxquels Royal et Sarkozy se sont livrés en 2007. Dixit les stratèges.

Exit donc les palaces, les yachts, le glamour. Au programme : pudeur et retenue. Des valeurs plus efficaces pour séduire des Français désireux désormais de ressentir une nouvelle proximité de vie avec leurs dirigeants. Voilà qui rappelle un vieux titre de San Antonio, Les clés du pouvoir sont dans la boite à gants. Le roman était sorti juste après 1981. Sur la couverture, on voyait le buste de Marianne pendu et l’intrigue, pour peu qu’il m’en souvienne, mettait en scène des personnages souvent populaires et d’une grande rapacité entre eux.  Je me souviens l’avoir lu d’un trait, à l’époque. Efficacité du Dard. Du vrai storrytelling pour le coup.

Pour en revenir aux stratèges, certains vont même jusqu’à parler de la nécessité d’une communication rassurante. Quid de la chose ? Un papa, une maman, un câlin ? Je me demande s’ils n’auraient quand même pas un train de retard. Je l’espère du moins.

Et si ce que les Français souhaitaient, au-delà de cette proximité fantasmée, de ce prétendu besoin d’être rassurés (infantilisés encore plus – est-ce possible ?), c’était pour une fois de l’efficacité ? Pas simple de communiquer là-dessus. Enfin du moins de communiquer efficacement.


 

00:51 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, communication, san antonio | | |

lundi, 07 mars 2011

Béraud et l'antisémitisme

 

Henri Béraud est né en 1885, dans une France qui vient d’être ébranlée par la défaite de Sedan, la perte de l’Alsace Lorraine mais pour qui l’avènement de la République représente une espérance et une forme de salut. Il a un an lorsqu’Edouard Drumont publie La France Juive, avecc un sous titre qui fera école : « La France aux Français ». Il en aura sept lorsque Léon Bloy répond par Le Salut par les Juifs, dix lorsqu’éclate l’Affaire Dreyfus.

Il est, par ses parents boulangers, héritier de cette espérance républicaine encore liée à la Révolution Française, qu’on déchiffre dans les romances quarante-huitardes de Pierre Dupont. Rien d'étonnant à ce qu'on ne trouve dans La Gerbe d’Or aucune allusion aux juifs, aucune trace particulière de xénophobie non plus, le petit Béraud grandissant à deux pas de la rue Mercière, la rue des Italiens. Henri Béraud devient adolescent  pendant ce qu’Hannah Arendt, dans la foulée de Stefan Zweig (2) appela « l’âge d’or de la sécurité » : moment curieux durant lequel l’expansion économique de l’Europe résorbe les tensions politiques, où le rayonnement intellectuel du vieux continent permet l’invention d’une sorte de citoyenneté du monde : « L’antisémitisme semblait appartenir au passé » (1)

Le jeune Béraud devient écrivain et développe particulièrement un talent de pamphlétaire contre la bourgeoisie de son temps. Contre Edouard Herriot, qui devient sa tête de turc, il peaufine le talent polémique qu’on lui connait. Arrive la guerre de quatorze : Béraud a  trente ans.  Aucune trace d’antisémitisme dans aucun de ses écrits. A cette époque, il fait même partie des dreyfusards. C’est d’ailleurs lui qui prononce en 1923, un an après son prix Goncourt, le discours de Médan à l’occasion du 21ème anniversaire de la mort de Zola. C’est surtout lui qui, en 1926, est le premier à s’indigner de l’antisémitisme des « wilhémistes » dans Ce que j’ai vu à Berlin :

« C’est là leur entretien préféré. Nous n’avons aucune idée, en France, de ce que peut être l’antisémitisme des réactionnaires allemands. Ce n’est ni une opinion, ni un sentiment, ni même une réaction physique. C’est une passion, une véritable obsession d’intoxiqués et qui peut aller jusqu’au crimes : Rathenau, Erzberger, Kurt, Eisner, Rosa Luxembourg, tombèrent moins à cause de leurs actions que de leur race. Les racistes rêvent pire encore. Ils sont les Aryens contre les Sémites, et ils se voudraient des âmes d’exterminateurs. Naturellement, ils soutiennent que Bolchevisme et Finance internationale ne font qu’un, celui-ci ayant son siège à Wall Street, celui-là opérant à Moscou. Comme tous les émotifs de la politique, je veux dire les gens qui donnent le pas à la passion sur la raison, ils ont une tendance à tout colorer au gré de leur fanatisme. La Société des Nations est juive ; la paix de Versailles est juive ; la guerre de 1914, elle-même, est juive ! A les entendre, elle aurait été voulue par la Banque Israélite comme une première étape des conquêtes orientales sur l’Occident. Ces folies ont cours dans une bonne partie de l’aristocratie allemande. (…) Contre le juif, le républicain, un seul recours, la Hahenkreuz, la Croix gammée ! Mais, observera-t-on, où donc est là-dedans la haine de la France ? Attendez ! Voici : La France n’est, pour un vrai raciste, qu’une armée enjuivée au service de la juiverie, comme les Soviets, la Société des Nations, la Banque américaine et la République allemande. Hindenburg lui-même sert de pavillon à une combinaison juive… Le pape, et avec lui tout le catholicisme latin, sont alliés au Ghetto contre la  pure et sainte race luthérienne, contre la race nordique élue, contre l’Allemagne. Voilà où peut mener l’orgueil collectif. »

On ne trouve sous la plume de Béraud aucun terme ni expression dirigés contre les juifs avant 1934, date de la sortie de Vienne clé du monde. Il est important de rappeler que Béraud est un homme du peuple qui, au contraire de la plupart des Français de son temps, grâce à son talent qui lui permit d'être reporter, voyage. Il voyage même beaucoup (six mois par ans), visite les capitales européennes, interview des dictateurs, hume l’air du temps. Il est à Vienne le 3 octobre 1933, lorsqu’un jeune « hitlérien » du nom de Delteil tire deux balles à bout portant sur le chancelier Dollfuβ ». Ce dernier échappe de peu à la mort, et Béraud peut l’interviewer. Sans doute est-ce là, à ce moment-là, qu’il faut dater l’origine du revirement du reporter  :

« A l’origine des grandes catastrophes il y a moins souvent la démence que le sang-froid d’une horrible raison. L’Europe en écoutant bien aurait pu, le 3 octobre 1933 entendre résonner ces deux détonations comme un écho assourdi du pistolet de Sarajevo…  L’Anschluss ou la paix, voilà le dilemme. ».

Béraud a alors ce pressentiment effroyable pour un ancien combattant de 14/18 : Si Hitler réalise l’Anschluss, il aura, écrit-il, gagné la guerreC’est cette année-là, 1933 que Carbuccia l’enrôle dans Gringoire. C'est alors, écrit-il, que le combat commence.

Béraud n’est toujours pas antisémite : comme beaucoup d’hommes de sa génération, il croit avoir vécu la Der des Ders,  se méfie de la diplomatie anglaise  et commence à douter de l’intégrité du personnel politique français. Il est pacifiste, non pas sur le mode du munichois qui croit à la diplomatie, mais sur le mode du De Gaulle d’alors, qui croit à la dissuasion et demande qu’on arme le pays. A partir de ce moment, il change radicalement et la plume de polémiste n’aura de cesse d’éreinter les politiques qui n’arment pas le pays. Ceux surtout, de gauche.

Le premier coup de gueule virulent de Béraud dans lequel éclatent des sentiments nationalistes et xénophobes apparait lors de l’Affaire Stavisky. Il est d’ailleurs intéressant de voir que le mot juif n’y figure pas encore : aventurier affairiste de la politicaille, russe ingénieux,  escroc de Bayonne sont les périphrases qu’il utilise pour désigner Stavisky. Ce qu’il vise, c’est la « République des camarades », impuissante devant les scandales et la corruption. Voici un extrait significatif :

« Républicain, oui nous le sommes. Nous le sommes encore. Et c’est pour cela justement que, dans certaines figures barbouillées de mensonge et d’effroi, nous refusons de reconnaître l’austère visage jacobin. La République, ça ? Allons donc ! La République, cette puante macédoine de faisans, de mendiants, de croupiers, de prévaricateurs de trafiquants d’influence, de ministres véreux ? Le régime, ce chassé-croisé de diners d’affaires et de commissions d’enquête ? L’héritage des « grands ancêtres » ce refuge de la combine, de l’injustice, de l’immunité ? Ah ! messieurs, vous voulez rire ! Si Robespierre vous entendait… »

Le 29 juin 1934 Henri Béraud écrit au président  Doumergue alors président du Conseil  : « Certains voudraient vous faire croire que le peuple aspire à la dictature. Ce n’est pas vrai. Ni croix gammée, ni chemises noires, ni drapeau rouge ! » Mais quoi ? Il appelle de ses voeux une Constituante. On le sent déjà assez désespéré. 

Ce contre quoi Béraud va lutter, ce qui va le pousser de plus en plus vers l’extrême droite de l’échiquier, c’est l’inefficacité du personnel politique professionnel, tout autant Daladier, Sarrault, Chautemps, Herriot, Barthou que à partir de 36, Blum. Au moment de Popu Roi, Béraud est-il devenu antisémite ? Fort de tout ce qu’il a vu à Moscou (Ce que j’ai vu à Moscou – 1925), il est en tout cas contre Blum le marxiste, Blum l’internationaliste, Blum le pro soviétique, et se brouille avec tous ses amis de gauche.

Un ami de longue date, Joseph Kessel, avec lequel Béraud a enquêté sur le Sinn Fein, le met en garde : « Il n’y a pas de bons juifs comme moi et de mauvais juifs comme les autres, dit-il à Béraud. Il y a les Juifs. Un point c’est tout. On n’a pas le droit de porter un jugement tel que tu le fais. Ni de reléguer dans un espace réservé les mauvais, et dans un autre les gentils ».  

Mais Kessel n’est pas un polémiste.

Béraud croit qu’il ne risque rien à utiliser l’argument juif dans la polémique, comme il utilise l’argument bourgeois ou anglais. Dans un article de Gringoire intitulé « Minuit Chrétiens », le 25 décembre 1936, il évoque Parisalem à propos du gouvernement de Blum dans lequel il relève la présence de 52% de juifs. Il trouve que le « grand rabbin y va un peu fort » et évoque l’existence des bons et mauvais juifs, citant parmi les premiers Kessel.

Kessel rédige à son tour une réponse dans laquelle il écrit : « je ne puis m’empêcher, quoiqu’il m’en coûte, de trouver à l’article d’Henri Béraud un ton très net d’antisémitisme »

C’est la rupture publique entre les deux amis. Nul doute qu'ils en furent autant blessés l''un que l'autre. C’est, pour Béraud, le début d’une longue plongée en enfer. Les réminiscences de la guerre de quatorze abondent dans les articles qu'il publie. Souvenir des amis disparus, Paul Lintier au premier chef. 

« Nous retournons dans la guerre ainsi que dans la maison de notre jeunesse. Mais il n’y a plus de place pour nous », écrivit  Georges Bernanos dans Les Enfants humiliés, (journal 1939-40). L’antisémitisme de Béraud existe bel et bien, d’abord à titre d’argument, et sans doute, dans la confusion de la guerre, à titre de conviction plus intime. Le problème juif, comme on disait alors, est à ses yeux responsable de la catastrophe qui s'annonce. 

Rien à voir cependant avec les appels au génocide de Céline, pas plus qu’avec l’antisémitisme à la Drumont. Béraud n’a jamais ni collaboré (il était sur la liste des écrivains maudits par les nazis), ni dénoncé le moindre juif. Mais il s’est mis à dos les milieux communistes, puis francs-maçons, puis fascistes et enfin gaullistes. Ce qui fait beaucoup.  

Qu’il soit devenu xénophobe, c’est indéniable : à l’heure où n’existait pas la dissuasion nucléaire, après avoir vécu la première guerre mondiale, et devant le personnel politique très munichois qu’il avait sous les yeux tout en étant conscient du péril de guerre, quoi de blâmable ? Il fut, par ailleurs, loin d’être le seul parmi les Français de sa génération. Rien à voir non plus avec le fascisme italien, le stalinisme soviétique ou le nazisme allemand.

Voilà pourquoi me paraissent toujours à la fois caricaturales et non fondées les déclarations visant à réduire l’œuvre, la vie et la personnalité de Béraud à ce qui occupa la dernière décennie de sa vie. Car il fut non seulement un styliste incomparable en tant qu’écrivain, mais aussi, en tant que contemporain de ce que les historiens américains appellent depuis peu la guerre de 14/44, malgré ses erreurs et ses errances, un témoin essentiel.


(1  (1) Hanna Arendt, Les origines du totalitarisme, p 280 –

(    (2)  Stefan Zweig, Le Monde d’hier

(    (3) Yves Courrière, Joseph Kessel ou sur la piste du lion

 

21:44 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : politique, henri béraud, antisémitisme, littérature | | |

samedi, 05 mars 2011

Marine en tête

Tous ont Marine en tête. Les journalistes, tout d’abord, pour qui vendre du papier demeure l’enjeu quotidien.

Ceux du Parisien comme les autres.

Les politiciens, ensuite : La fille Delors « pointe la responsabilité de Sarkozy », qui « fait peur aux Français ». On reconnaît là son côté fausse mère poule. Hamon parle de la « propagation d’un incendie ». Son côté étudiant hyperbolique.  Mélenchon parle de « guignolisation de la politique » Ferait bien de laisser Guignol tranquille, ce guignol là.  Laurent Fabius explique qu’il y a « une sorte de rejet qui se cristallise sur l’extrême-droite.» Son côté doctorant insatiable. J'en passe et des meilleures. Dis moi comment tu causes et je te dirai qui tu es.

A l’UMP comme au PS, au lieu de se poser vraiment la question du pourquoi,(1) on va commencer à entamer le grand air du vote utile. Si vous ne pensez pas à elle (vous avez sans doute d'autres chats à fouetter) eux,  ils y pensent. Pour vous.

Et que dit l’intéressée ?

Pas grand chose.

Elle compte les points et savoure l’héritage.

Je serais à sa place, je me marrerais.

Tous l’ont en tête. Et font d’elle l’incontournable de la prochaine élection. 

article_marine-lepen.jpg

(1) avoir laissé, à gauche comme à droite, les "élites" mondialisées (de la politique, du show-business, de l'économie, du sport) organiser en réseaux la vie publique et accumuler des fortunes gigantesques tout en se riant (le mot est faible) des petits, avoir instrumentalisé de façon éhontée la notion de racisme  tout en vivant dans des beaux quartiers, avoir laissé se dégrader le service public - à gauche comme à droite -, se poser constamment en moralisateur impuissant, tout cela me semble être les erreurs les plus criantes des politiciens des partis de l'alternance. 

 

19:27 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : politique, sondage, marine le pen, ps, ump, aubry | | |

Perplexité politique

Le débat politique qui s’engage aujourd’hui est pitoyable. Tout ce que les gens qui soutiennent le PS ont à reprocher à Sarkozy à présent, c’est une déclaration au Puy en Velay, dans laquelle il profère une évidence, à savoir que « la France a un héritage chrétien magnifique. » Oui. Peut-on dire plus banal. Et alors ?

Cela laisse à penser à quel point les gens du PS sont d’accord avec lui sur de nombreux autres sujets. Ce qu’ils n’aiment pas au fond chez ce président, c’est sa manière. Pour le reste, on voit bien qu’ils feraient, en gros, comme lui.

Suffit, pour comprendre cela, de mettre son nez dans le dernier livre du maire de Lyon qui, de « l’ardente obligation européenne » à « la nouvelle dynamique des territoires » égrène tous les lieux communs du « nouvel individualisme » dans une novlangue déjà éculée par moult gens de droite avant lui pour accéder au pouvoir. On a le sentiment que toute l’entreprise de ce petit livre (la dernière partie, notamment « problème de droite, réponse de gauche ») est de tenter de faire comprendre aux électeurs de l’UMP et du Modem qu’ils peuvent voter pour le candidat du PS en toute sécurité en 2012, car  ce candidat seul aurait la solution à leur problème (pas aux problèmes de l’électorat de la gauche traditionnelle, encore sensible aux « mythologies ouvrières ».)

La solution ? Sarkozy, au fond, serait juste un tout petit peu trop à droite, (un tout petit peu trop chrétien ? ) une sorte de méchant qui parle mal aux gens (Casse-toi, dégage, and Co). Eux, barons socialistes, seraient de bons gens de droite capables de contenir les récriminations de ceux de gauche, tout en caressant les musulmans dans le sens du poil. Quel programme ! 

Il est assez comique de noter que lorsque Collomb  parle des canuts dans son livre (p.111), c’est pour affirmer à quel point ces gens furent dans le fond chrétiens, à quel point l’Eglise  (le cardinal de Bonald, mais aussi Ozanam, le père Chevrier…) et le catholicisme social ont été déterminants dans la gestion politique de la ville au dix-neuvième siècle. Ce qui  (sommairement résumé il est vrai) demeure l’exacte vérité ; les canuts étaient en effet des chrétiens. Comme toute la France d’alors. Quelle découverte ! Mais que doivent penser de ces rappels du maire de Lyon si proches de ceux de Sarkozy les éditorialistes à l’emporte pièce que sont Laurent Jaffrin ou Claude Askrolovitch ? Mais glissons.

Pour justifier sa fadeur idéologique et son adaptation au marché, Collomb se fait le chantre d’une « consommation de masse étendue aux dimensions du monde – au moins du monde riche – qui n’est plus la consommation homogène qui contribuait en son temps à créer une identité commune. »  (il parle comme une brochure de l’OCDE – entendez par « commune » nationale). Citant Lipovetski, il continue : « La consommation s’est personnalisée, adaptée aux gouts, aux modes de vie, aux valeurs de chacun, permettant l’individu de cultiver ses propres tendances, ses propres passions, pour se distinguer des autres » (p 181). Et alors ?

Le territoire commun, la culture collective et la pensée singulière doivent-ils pour autant se plier devant ce mainstream universel de la consommation abrutissante ? Se fondre dans ce concert ?

J'ai reposé le livre que je venais de parcourir sur la pile.

Une chose est sure. Devant une telle médiocrité généralisée, la défaite de la pensée c'était encore un point de vue,  l’électeur-nomade et perplexe (pour ce que compte sa voix !) n’a plus qu’une solution pour répondre à ces imbéciles : voter-plaisir, en cherchant là où il derangera le mieux tous ces beaux projets huilés dont pas un ne sert ses véritables intérêts …

 

 

 

 

00:45 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : politique, ps, ump, sarkozy, gérard collomb | | |

vendredi, 04 mars 2011

Pont Lafayette

 

Tu coupes le Rhône par un pont assez veuf

Aux parapets verts et bas et neufs :

N’est-ce point là qu’il y a de nombreuses années

Tu as voulu sauter ?

 

Le site est aussi large qu’en ce temps-là ;

Le fleuve un peu plus sale,

Le ciel tout juste plus pollué,

Qu’importe que beaucoup de passants aient changé de têtes et de tenues :

 

Ceux-ci passeront à leur tour.

Te dis-tu : tout passe, c’est leur cortège.

Quel privilège, encore, devant toi,

Que cette façade et ces trois dômes,

 

Et la colère que tu ressens,

Plus mûre, plus saine qu’à l’époque,

Est plus construite mais plus vaine,

C’est le mot qui te vient, ainsi qu’insupportable :

 

Pourquoi te demeure aussi insupportable

Cette idée qu’en hôtel cinq étoiles

On vienne à changer ce vieil hôpital ?

A l’ombre de quelle croix aller mourir désormais ?

 

On n’arpente cette presqu'île que pour acheter,

Traîner en bandes, zoner,

Quand la banlieue ne vient pas y casser des vitrines,

Elle les lèche, et puis rien d’autre.

 

Le luxe t’est une offense et tu voudrais d’un coup de tête

Comme celle de Zidane sur Materazzi

Défoncer les vitrines du magasin Z… ,

Te voilà non loin des chapelles aux saints bas, assoupis.

 

Le quai se disait Bon Rencontre

On dit l’église encore Bonaventure

A quelle bonté rêves-tu donc, tu as tant rêvé là,

Tant sont morts, et quid de meilleur ?

 

Tu prends l’entrée d’un autre pont

Où piaille contre toi le vent des mouettes.

Sur une carte postale de la Belle Epoque, tu te souviens

Qu’une marchande de journaux se tenait là

 

Son tablier est bordé de dentelle piquée de cabochons

C’est sur ce pont qu’en 68

Un camion écrasa un commissaire.

Toute la presse de mai en parla.

Par là le Rhône est moins large que là-bas.

 

lafayette.jpg

 

 

 

00:39 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : pont lafayette, lyon, littérature, poésie | | |

mercredi, 02 mars 2011

Et si la France s'éveillait ?

 

6a00e0098cd71e8833014e866f9df7970d-800wi.gifLe maire de Lyon aurait-il des ambitions présidentielles ? La dernière fois que j’ai entendu un discours de Gérard Collomb, il lâchait (sans rire), à propos de la rénovation contestée de l’Hôtel-Dieu : « J’ai besoin d’un hôtel de luxe à Lyon pour accueillir mes invités de marque » Dont acte.

Le voilà donc qui se positionne, comme on dit en marketing, le jour même où Martine Aubry dévoile la feuille de route du candidat socialiste à la présidentielle (dixit Le Monde), avec la parution de son petit livre rouge au titre peyrefittien délicieusement bling-bling : « Et si la France s’éveillait ? » (Plon, 17 euros).  Rien que ça... (je parle du titre...)

 Parce que vous tous l’avez remarqué, à Paris, à Marseille, dans le Nord, en Bretagne et dans le Limousin, partout en France, quoi, ça roupille, mais à Lyon, la vie intellectuelle bat son plein, si, si…

Qu'est-ce qu'on pense, qu'est-ce qu'on crée, qu'est-ce qu'on vit mieux et qu'est-ce qu'on rigole chez Gérard's land  !  Le local comme programme national je vous dis pas ! 

Un pavé de plus dans la mare socialiste, en tout cas, puisqu’il s’agit de se démarquer des frères et sœurs afin de les déloger de leur prétentions en affichant de concert les siennes : « Si Dominique n’y va pas, affirme sérieusement Gérard, j’y vais. »

Pour soutenir les propositions du sénateur-maire-candidat, parait qu’il sera en personne à Decitre Lyon le 18 et à la Fnac Bellecour le  24 mars à 17h 30 pour défendre sa prose et dédicacer le tout. Faute d'acheter et de le lire cet ouvrage de campagne, je vous conseille d’aller écouter la video d’accueil sur le blog de promotion sur Gerardcollomb.net : tous ces Lyonnais satisfaits, avec en arrière-plan les quais du Rhône, le passage de l'Argue ou des bouteilles de pinard, ça vaut le détour ! 

 

18:06 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gérard collomb, politique, france, s'éveillait, ps, socialisme | | |

Nouvelle (3)

Suite et  fin de cette nouvelle qui, sans être un chef d'oeuvre, reste un précieux document. Il s'agit d'une oeuvre de jeunesse de Henri Béraud, L'Initiation de Nicolas Sylvain, du recueil Les Morts lyriques, publié en 1912 chez l'éditeur E. Basset. Derrière les traits du héros, Nicolas Sylvain, se reconnaît le vieux paysagiste François Vernay, dont Béraud venait de publier, pour L'Art Libre, une courte mais retentissante biographie.

La mort réelle de Vernay; comme il le dit dans cette plaquette fut « atroce et symbolique », puisque le vieux peintre chuta dans son atelier et se brisa le fémur. On le transporta dans son domicile du 120 rue de Sèze où le docteur qui l’examina pronostiqua « un accès de rhumatismes ». Son état empirant, Vernay fut conduit à l’Hôtel-Dieu, la jambe enflée et « horriblement tuméfiée ». Les quelques amis, raconte Béraud, qui le veillèrent dans la nuit du 5 septembre « assistèrent à une douloureuse agonie ». Il exigea le matin venu d’être reconduit chez lui et « retourna à la terre par une triste après midi de septembre ».

Rien à voir, on le voit, avec la mort symbolique et sublimée de Nicolas Sylvain, qui meurt dans « l’ivresse de la grâce », les yeux illuminés « d’antique divination ».

 

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mardi, 01 mars 2011

Nouvelle (2)

Fréquentant peu ses confrères, Sylvain ne les rencontrait guère qu’aux séances du jury, où l’avait rendu populaire sa simplicité. Son ignorance mettait la troupe des peintres en belle humeur. Chacun d’entre eux s’ingéniait à le complimenter en termes sibyllins pour jouir de son ébahissement. Il  avait là des critiques, des reporters, des politiciens, des gens du monde. Tous connaissaient Sylvain. Il parlait au milieu des silences subits qui achevaient de le décontenancer ; on faisait cercle autour de lui, et le ridicule dont l’entourait cette clientèle de boulevard ménageait un engouement dont l’origine tenait à la rusticité du paysagiste.

Soudain une clochette retentissait. Chacun gagnait sa place dans un rang de fauteuils disposés en cercle. La séance commençait et Sylvain, attentif, mettait un grand soin à lever sa canne avec la majorité. La plupart des tableaux lui paraissaient exécrables. Mais il se méfiait de son jugement.

Par instant, des discussions s’élevaient entre les peintres, où de hauts problèmes d’esthétique se trouvaient résolus. De grands mots, des noms illustres retentissaient mêlés à d’abscondes théories. Et dans ce chaos, les idées du bon Sylvain tournoyaient. Le soir venu, il regagnait son logis, envahi d’une incertitude douloureuse. La pauvreté de son labeur lui apparaissait vaguement ; il passait des heures, les bras paresseux, à regarder ses petits tableaux riants et léchés, se demandant si des journalistes qui le traitaient de photographe n’avaient pas raison. Mais sa bonhommie et sa confiance ne tardaient pas à revenir, et il recommençait sa haie de noisetiers, toujours la même avec la même bonne foi têtue.

Mais chaque année, dès la venue de juin, il mettait la clef de son logis dans sa poche et, sans prendre congé de personne, il partait au paysage. Là seulement il se trouvait parfaitement heureux. Du petit vieux, la campagne faisait un être tout neuf, qui grimpait aux arbres, sautait les claires-voies, buvait sec et chantait des romances. Le soir humide  le surprenait au milieu des luzernes. Alors il pliait bagage. Et, reprenant la route, il revenait en silence. La campagne violette fumait comme une cassolette. Un mystère émanait de toute chose, jusqu’à ce que la lune, montant dans le ciel, éveillât le chant des cri-cri. Le cœur plein du bruit de ses pas, il se hâtait vers, au bout du village, une maison dont les fenêtres luisaient dans le soir. L’hôtesse l’attendait sur le seuil ;

Il soupait, bavardait une heure en fumant sa pipe, avant d’aller dormir du gros sommeil des enfants.

(A suivre - On n'a toujours pas trouvé le nom de l'auteur)

 

12:48 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, nouvelle | | |

lundi, 28 février 2011

Nouvelle (1)

Ce peintre célèbre vivait comme un petit rentier. Il rentrait tous les jours aux mêmes heures, ayant suivi le même chemin. Il habitait depuis 1875 un petit appartement au cinquième, rue Saint-Jacques, et la plupart de ses voisins ignoraient jusqu’à son nom. D’ailleurs, ils se défiaient de cet homme qui, indifférent aux événements du quartier, faisait lui-même ses provisions, ne saluait personne et opposait aux curieux un silence de maniaque.

A l’heure des maraîchers il quittait son logis, un cabas à la main, allant de son pas de vieil ingénu à travers les ruelles toutes bleues et bruissantes de rumeurs matinales. Les venelles familières dont chaque fenêtre s’éveillait à la même heure, les vieux hôtels aux façades ennoblies par les ans, l’air léger courant dans les arbres d’un petit jardin, tout le quartier enfin, par son existence intime et quotidienne, lui rappelait sa province.

Les boutiquiers, cognant le volet, le suivaient du regard. Son air et sa mine excitaient leur curiosité. On supputait pour des légendes le vague de ses allures ; et son ruban rouge étonnait le populaire, e principalement les paysans du marché avec qui il disputait en patois.

Quand il avait rempli sa filoche, il rentrait tout doucement parmi le tohu-bohu du faubourg au réveil, où des chars-à-bancs se croisaient avec des fiacres attardés. A la terrasse d’un cabaret, il demeurait une heure ou deux entre deux caisses de laurier, allumait une pipe, lisait le Petit Journal ; après quoi, il regagnait son atelier.

Ce lieu épousait le silence maussade d’une sacristie. Des portraits de famille ornaient les murs. Sur les meubles polis par l’usage on voyait de ces vases à fleurs qui sont dans les chambres des vieilles filles en province ; des branches de lunaire s’y consumaient. Il y avait encore un bénitier en vieille faïence, du buis et un grand chapeau de pêcheur. Sur toutes ces choses l’ordre régnait semblable à une poussière, et il semblait que le soleil du matin prît lui-même un air de proprette vieillerie en entrant dans cet intérieur.

Nicolas Sylvain était connu comme paysagiste. Il faisait de mauvaises peintures qui obtenaient un grand succès. Sa réputation tenait à une singulière patience, qui l’incitait à copier la nature à la façon des imagiers du vieux temps. Il peignait des ruisseaux des sous-bois des vergers, des cours et des fermes ; mais il triomphait surtout dans le portrait d’une haie de noisetiers, toujours la même, où son ordinaire patience confinait au miracle. Ce tableau avait fait la popularité de Sylvain qui depuis vingt-cinq ans le rééditait sans parvenir à en épuiser le succès. Dans les intérieurs bourgeois, ce tableau occupait une place d’honneur, au-dessous des portraits de famille ; certaines maisons en possédaient plusieurs reliques, une par ménage.

(A suivre

Voici le début d'une nouvelle, dont on publiera demain et après demain la suite. D'ores et déjà, vous pouvez essayer de retrouver le nom de son auteur.

 

22:08 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, nouvelle | | |