samedi, 05 mars 2011
Perplexité politique
Le débat politique qui s’engage aujourd’hui est pitoyable. Tout ce que les gens qui soutiennent le PS ont à reprocher à Sarkozy à présent, c’est une déclaration au Puy en Velay, dans laquelle il profère une évidence, à savoir que « la France a un héritage chrétien magnifique. » Oui. Peut-on dire plus banal. Et alors ?
Cela laisse à penser à quel point les gens du PS sont d’accord avec lui sur de nombreux autres sujets. Ce qu’ils n’aiment pas au fond chez ce président, c’est sa manière. Pour le reste, on voit bien qu’ils feraient, en gros, comme lui.
Suffit, pour comprendre cela, de mettre son nez dans le dernier livre du maire de Lyon qui, de « l’ardente obligation européenne » à « la nouvelle dynamique des territoires » égrène tous les lieux communs du « nouvel individualisme » dans une novlangue déjà éculée par moult gens de droite avant lui pour accéder au pouvoir. On a le sentiment que toute l’entreprise de ce petit livre (la dernière partie, notamment « problème de droite, réponse de gauche ») est de tenter de faire comprendre aux électeurs de l’UMP et du Modem qu’ils peuvent voter pour le candidat du PS en toute sécurité en 2012, car ce candidat seul aurait la solution à leur problème (pas aux problèmes de l’électorat de la gauche traditionnelle, encore sensible aux « mythologies ouvrières ».)
La solution ? Sarkozy, au fond, serait juste un tout petit peu trop à droite, (un tout petit peu trop chrétien ? ) une sorte de méchant qui parle mal aux gens (Casse-toi, dégage, and Co). Eux, barons socialistes, seraient de bons gens de droite capables de contenir les récriminations de ceux de gauche, tout en caressant les musulmans dans le sens du poil. Quel programme !
Il est assez comique de noter que lorsque Collomb parle des canuts dans son livre (p.111), c’est pour affirmer à quel point ces gens furent dans le fond chrétiens, à quel point l’Eglise (le cardinal de Bonald, mais aussi Ozanam, le père Chevrier…) et le catholicisme social ont été déterminants dans la gestion politique de la ville au dix-neuvième siècle. Ce qui (sommairement résumé il est vrai) demeure l’exacte vérité ; les canuts étaient en effet des chrétiens. Comme toute la France d’alors. Quelle découverte ! Mais que doivent penser de ces rappels du maire de Lyon si proches de ceux de Sarkozy les éditorialistes à l’emporte pièce que sont Laurent Jaffrin ou Claude Askrolovitch ? Mais glissons.
Pour justifier sa fadeur idéologique et son adaptation au marché, Collomb se fait le chantre d’une « consommation de masse étendue aux dimensions du monde – au moins du monde riche – qui n’est plus la consommation homogène qui contribuait en son temps à créer une identité commune. » (il parle comme une brochure de l’OCDE – entendez par « commune » nationale). Citant Lipovetski, il continue : « La consommation s’est personnalisée, adaptée aux gouts, aux modes de vie, aux valeurs de chacun, permettant l’individu de cultiver ses propres tendances, ses propres passions, pour se distinguer des autres » (p 181). Et alors ?
Le territoire commun, la culture collective et la pensée singulière doivent-ils pour autant se plier devant ce mainstream universel de la consommation abrutissante ? Se fondre dans ce concert ?
J'ai reposé le livre que je venais de parcourir sur la pile.
Une chose est sure. Devant une telle médiocrité généralisée, la défaite de la pensée c'était encore un point de vue, l’électeur-nomade et perplexe (pour ce que compte sa voix !) n’a plus qu’une solution pour répondre à ces imbéciles : voter-plaisir, en cherchant là où il derangera le mieux tous ces beaux projets huilés dont pas un ne sert ses véritables intérêts …
00:45 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : politique, ps, ump, sarkozy, gérard collomb |
Commentaires
Écrit par : Harmonia | vendredi, 04 mars 2011
Écrit par : solko | vendredi, 04 mars 2011
Écrit par : Zoë Lucider | vendredi, 04 mars 2011
Cela dit, qu'est-ce qu'une "pensée de gauche" ou une "pensée de droite" dans le monde globalisé ?
On voit tous les jours que ces schémas explosent littéralement devant la complexité des contradictions que traverse les pays, le monde entier. La gauche ne conteste plus la propriété, la droite prône aussi l'égalité, il y a dans les deux "camps" des gens pour ou contre l'Europe et la mondialisation. Dans les deux camps des athées et des croyants. Dans les deux camps on trouve des souverainistes. C'est la confusion entretenue pour le populo à qui on fixe chaque jour les limites dans lesquelles il doit confiner son existence matérielle, intellectuelle, spirituelle : est-ce supportable longtemps ?
Il semble qu'avec ce système non plus d'opposition, mais d'alternance,il semble que oui...
Écrit par : solko | vendredi, 04 mars 2011
Écrit par : patrick verroust | vendredi, 04 mars 2011
Moi, quand on me parle grenouille dans le bocal, je songe à Mitterrand dans l'écran de télé, le tonton fissuré qui fut aussi Dieu en son temps. Quant à la façon dont droite et gauche mènent la marine, ils ont raison de dire qu'elle est comme son père : l'un avait permis à Chirac d'être élu avec un score digne de Napoléon III, l'autre assurera-t-elle le triomphe d'un socialiste ?
Dans un tel cas, je ne m'en mêlerai pas.
Écrit par : solko | vendredi, 04 mars 2011
Écrit par : patrick verroust | samedi, 05 mars 2011
Écrit par : Sophie K. | samedi, 05 mars 2011
Écrit par : solko | samedi, 05 mars 2011
http://www.youtube.com/watch?v=oNJo-E4MEk8&feature=player_embedded
:)
Écrit par : Sophie K. | samedi, 05 mars 2011
Écrit par : solko | samedi, 05 mars 2011
Le consensus mou libéral en somme.
Pour Sarkozy, sa phrase est certes une vérité mais ce n'est pas en invoquant le passé qu'on réussira à résoudre les problèmes actuels. Et puis cette phrase sonne comme le début d'une campagne présidentielle et une tentative de récupération d'un électorat catholique ancré à droite.
Écrit par : Upsilon | samedi, 05 mars 2011
Écrit par : solko | samedi, 05 mars 2011
Les commentaires sont fermés.