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lundi, 28 février 2011

Nouvelle (1)

Ce peintre célèbre vivait comme un petit rentier. Il rentrait tous les jours aux mêmes heures, ayant suivi le même chemin. Il habitait depuis 1875 un petit appartement au cinquième, rue Saint-Jacques, et la plupart de ses voisins ignoraient jusqu’à son nom. D’ailleurs, ils se défiaient de cet homme qui, indifférent aux événements du quartier, faisait lui-même ses provisions, ne saluait personne et opposait aux curieux un silence de maniaque.

A l’heure des maraîchers il quittait son logis, un cabas à la main, allant de son pas de vieil ingénu à travers les ruelles toutes bleues et bruissantes de rumeurs matinales. Les venelles familières dont chaque fenêtre s’éveillait à la même heure, les vieux hôtels aux façades ennoblies par les ans, l’air léger courant dans les arbres d’un petit jardin, tout le quartier enfin, par son existence intime et quotidienne, lui rappelait sa province.

Les boutiquiers, cognant le volet, le suivaient du regard. Son air et sa mine excitaient leur curiosité. On supputait pour des légendes le vague de ses allures ; et son ruban rouge étonnait le populaire, e principalement les paysans du marché avec qui il disputait en patois.

Quand il avait rempli sa filoche, il rentrait tout doucement parmi le tohu-bohu du faubourg au réveil, où des chars-à-bancs se croisaient avec des fiacres attardés. A la terrasse d’un cabaret, il demeurait une heure ou deux entre deux caisses de laurier, allumait une pipe, lisait le Petit Journal ; après quoi, il regagnait son atelier.

Ce lieu épousait le silence maussade d’une sacristie. Des portraits de famille ornaient les murs. Sur les meubles polis par l’usage on voyait de ces vases à fleurs qui sont dans les chambres des vieilles filles en province ; des branches de lunaire s’y consumaient. Il y avait encore un bénitier en vieille faïence, du buis et un grand chapeau de pêcheur. Sur toutes ces choses l’ordre régnait semblable à une poussière, et il semblait que le soleil du matin prît lui-même un air de proprette vieillerie en entrant dans cet intérieur.

Nicolas Sylvain était connu comme paysagiste. Il faisait de mauvaises peintures qui obtenaient un grand succès. Sa réputation tenait à une singulière patience, qui l’incitait à copier la nature à la façon des imagiers du vieux temps. Il peignait des ruisseaux des sous-bois des vergers, des cours et des fermes ; mais il triomphait surtout dans le portrait d’une haie de noisetiers, toujours la même, où son ordinaire patience confinait au miracle. Ce tableau avait fait la popularité de Sylvain qui depuis vingt-cinq ans le rééditait sans parvenir à en épuiser le succès. Dans les intérieurs bourgeois, ce tableau occupait une place d’honneur, au-dessous des portraits de famille ; certaines maisons en possédaient plusieurs reliques, une par ménage.

(A suivre

Voici le début d'une nouvelle, dont on publiera demain et après demain la suite. D'ores et déjà, vous pouvez essayer de retrouver le nom de son auteur.

 

22:08 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, nouvelle | | |

Commentaires

De vous?

Écrit par : Sophie | lundi, 28 février 2011

Oh, si c'était de moi je ne poserais pas de devinettes comme ça. Enfin quoique. Mais ce n'est pas de moi, non.

Écrit par : solko | mardi, 01 mars 2011

Sophie a posé la question. Une nouvelle comme un vrai feuilleton ? Ca commence très bien et c'est une belle façon de nous tenir en haleine. Sogr pensuss...

Écrit par : Frasby | mardi, 01 mars 2011

On supputait pour des légendes le vague de ses allures ; et son ruban rouge étonnait le populaire...

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Devrions-nous (re)connaître l'auteur ?

Écrit par : Michèle | mardi, 01 mars 2011

J'entends bien que vous le reconnaissez déjà,mais que vous laissez durer le suspense pour les autres commentateurs...

Écrit par : Solko | mardi, 01 mars 2011

Les commentaires sont fermés.