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dimanche, 12 mars 2017

L'antisémitisme et la gauche hollandaise

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Toute la gauche et la droite gauchisée s'indignent de cette caricature du banquier Macron mais quand Libé met en scène la judéité de Zemmour, toute la gauche est aux abonnés absents. Manipulation grossière de campagne, et bétise de cette droite au garde à vous devant la bien pensance et la propagande médiatiques ... Tout cela finira mal.

11:51 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zemmur, macron, antisémitisme, électorale, manipulation | | |

lundi, 06 juin 2016

La torpeur des ancêtres

Beau titre que celui du livre de Giovanni Careri, professeur d’esthétique spécialiste de la Sixtine, La torpeur des ancêtres. La série des ancêtres du Christ, qui se trouve dans les lunettes et les triangles, au sommet des parois et immédiatement sous la voute, fait partie des objets les moins étudiés de la Sixtine. Il faut dire qu’avant la restauration (1980-1992), elle était devenue quasiment invisible en raison de la suie des cierges accumulée. Giovanni Careri constate tout d’abord que ces ancêtres juifs du Christ (d’Abraham à Joseph, époux de Marie) ont été peints selon un ordre qui, par rapport à celui de la chronologie donnée par l’Ancien Testament, n’est pas linéaire paroi après paroi, mais zigzague entre une paroi et l’autre parallèlement à la série chronologique des Premiers Papes, située juste en dessous et elle aussi disposée de la même façon : Giovani Careri  y voit un parallèle volontairement établi entre «la généalogie charnelle » des ancêtres et la « généalogie élective des papes », soucieux de mettre en valeur la différence entre la façon « antique et juive » de transmettre l’autorité au sein de la lignée et celle « nouvelle et chrétienne », qui ne peut pas s’appuyer sur une logique de descendance familiale et s’appuie donc sur le lien de chacun avec le Christ. On est juif, en effet, par naissance, on n’est chrétien que par le baptême. Michel Ange aurait donc  cherché à représenter la rupture entre un temps linéaire durant lequel les ancêtres du Christ, tous juifs, se sont passés le pouvoir de père en fils, et le nouveau temps chrétien durant lequel chaque individu est en relation avec un centre, le Christ, dans un rapport qui n’est plus chronologique mais transcendant : « Le passage entre le modèle de parentèle tribale et ethnique du « temps juif antique » et le modèle nouveau et chrétien de « parentèle spirituelle » constitue l’un des nœuds décisifs pour comprendre les figures des Ancêtres. » écrit Careri qui constate ensuite que la représentation de ces ancêtres, très stylisée, ne manifeste pas non plus une chronologie : tous semblent avoir vécu au même moment, durant ce moment juif de l’Ancien Testament qui, étalé sur plusieurs siècles, plusieurs rois, fini par n’être qu’un seul moment, celui des ancêtres, celui des Juifs.  Moment de ce peuple élu, installé dans les incessants péchés commis contre Yahvé, et que la naissance du Christ viendra interrompre en fondant un nouveau cycle où « le Père » se donne aussi aux païens, à travers le coup d’éclat de sa nouvelle Alliance. En gros, donc, les ancêtres représenteraient les Juifs de l’Ancien Testament de manière vague et volontairement indécise ; d’ailleurs rien dans les dessins ne permet vraiment de reconnaître telle ou telle figure de l’Ancien Testament. Cette dissociation entre les personnages et leurs noms serait aussi la marque du passage d’une généalogie charnelle, propre du monde juif, à une parenté spirituelle spécifique du chrétien : Jésus ayant dû prendre place dans un système patriarcal de transmission de la légitimité tout en le renversant lui-même en se proclamant fils de Dieu, il a donc fallu opérer pour ces personnages de l'Ancien Testament une opération paradoxale : les inclure en tant qu’ancêtres du Christ dans l’histoire chrétienne en représentant en frise la chronologie de leur lignée, tout en les excluant de cette même histoire en tant qu’étrangers à cette révélation, incompatibles avec l’annonce universelle ouverte à « toutes les nations » prêchée par les apôtres, Paul au premier chef.

Careri insiste en parallèle sur les positions et les attitudes de tous ces ancêtres, qu’il trouve langoureuses, installés qu’ils sont tous dans la torpeur, l’inaction, l’attente et la « carnalité » (on dirait aujourd’hui la domesticité). Ces ancêtres sont représentés en train de s’occuper d’enfants, de travailler à divers métiers, mais jamais occupés à prier ou à méditer. Ils ont des activités domestiques, comme si, de générations en générations, effectivement, ils cultivaient dans l’ennui l’attente de quelque chose ou de quelqu’un. Ce qui revient à rejeter une fois de plus ces ancêtres dans les temps de l’avant révélation : il finit par attribuer à ces travaux domestiques illustrés par le cycle des Ancêtres une valeur négative de distraction par rapport à la révélation de la divinité du Christ qui se manifeste partout ailleurs dans les fresques de la Chapelle Sixtine.  Au fond, ces juifs sont dépeints comme uniquement préoccupés de la matérialité des choses, tels des étrangers au devoir spirituel dont, en tant que peuple élu, ils devraient se soucier. Dans cette existence monotone, ils vivent « selon la chair », pour paraphraser saint Paul, jamais « selon l’esprit ».

Selon l’auteur, Michel Ange participerait alors à une dévalorisation du Juif, en écho aux thèses préconisées par Jérôme Savonarole, le prêcheur dominicain dont il avait écouté les discours passionnés à Florence. Ces Juifs de la Sixtine incarneraient au fond la force d’inertie immémoriale qui oppose une résistance coupable au processus de revitalisation chrétienne. Careri – et c’est le point final de sa thèse – avance le fait que les Juifs de la Sixtine pourraient même représenter le « chrétien négligent » ou assoupi, celui qui, malgré la Révélation persévère dans sa « tiédeur » : les ancêtres du Christ seraient au fond les âmes tièdes, évoquées par Michel Ange dans ses derniers poèmes pour désigner ces chrétiens mélancoliques, hésitants, face à l’appel de leur Seigneur.  Pour ma part, si je trouve l’analyse brillante, je juge les conclusions quelque peu divagantes. C’est certes très politiquement correct, dans les milieux universitaires, de réhabiliter la figure historique du Juif au regard de la seule histoire moderne : il suffit cependant de relire la confrontation violente du Christ lui-même avec le Sanhédrin dans saint Jean, et toutes les étapes de la condamnation à la Croix qui en suivit, pour comprendre que cette opposition frontale entre le système de la Loi tribale (qu’on retrouve en partie chez les musulmans) et celui de la grâce individuelle est bien présente dans l’Evangile et ne fut pas inventée par Michel Ange. Elle croise alors cette opposition théologique entre la Vérité de la Loi et les détournements que les détenteurs du Pouvoir sont toujours tentés de faire pour justifier leurs actions coupables. Appelons ça antisémitisme si ça nous chante, dans ce cas, cet antisémitisme supposé de Michel Ange ne fut que le retournement de l’antichristianisme partagé par les Juifs non convertis et les Romains des trois premiers siècles et qui, jusqu’à l’édit de Milan, engendra tant de martyrs. Par ailleurs, parler de Michel Ange comme d’une « âme tiède », n’est-ce pas confondre le peintre et ses personnages ? Une âme qui, avant la mort, demande « la vie éternelle », est-elle vraiment tiède ?  Reconnaître que la voie de l’Art ne fut que celle d’une passion humaine, d’une distraction, voire d’une négligence relève d’une autre forme de mélancolie que celle de la torpeur des ancêtres englués comme nous le sommes dans la matérialité du monde : il n’y a d'ailleurs rien de tribal en cette « mélancolie » qu’exprime Michel Ange dans ses derniers sonnets, au contraire. Elle n’est que goût du Christ, conscience de la nature même du péché, et aspiration contrite pour le ciel :

« Les fables dont le monde est plein m’ont dérobé
le temps qui pour contempler Dieu m’était donné ;
j’ai fait fi de ses grâces ; oui, c’est avec elles,
non sans elles, que j’ai chu dans le péché.


Ce qui rend autrui sage m’a rendu stupide,
aveugle et lent à reconnaître mon erreur ;
l’espoir me manque et néanmoins croît mon désir
que de tout amour-propre enfin tu me délivres.


Daigne m’abréger de moitié la voie du Ciel,
mon cher Seigneur ! Encore faudrait-il que pour
la moitié qui m’incombera, tu me secoures.


Avec les biens du monde fais-moi prendre en haine 
les beautés que j’ai cultivées et honorée
afin qu’avant la mort j’aie la vie éternelle. »

 

« Voici que le cours de ma vie en est venu
par tempétueuse mer et fragile nacelle
au commun havre où les humains vont rendre compte
et raison de toute œuvre lamentable ou pie.

 

Dès lors, je sais combien la trompeuse passion
qui m’a fait prendre l’Art pour idole et monarque
était lourde d’erreur et combien les désirs
de tout homme conspirent à son propre mal.

 

Les penser amoureux, jadis vains et joyeux,
qu’en est-il à présent que deux morts se rapprochent ?
De l’une je suis sûr et l’autre me menace.

 

Peindre et sculpter n’ont plus le pouvoir d’apaiser
mon âme, orientée vers ce divin amour
qui, pour nous prendre, sur la Croix ouvrit les bras. »


(Michel-Ange, Poèmes, traduits par Pierre Leyris, Gallimard, 1992)

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11:54 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel ange, ancêtres, christ, careri, sixtine, savonarole, antisémitisme | | |

mercredi, 20 janvier 2016

Actes anti religieux et propagande

- 806 actes antisémites –  5%

- 400 actes antimusulmans   + 35 %

- 810 actes antichrétiens : + 20%

Le ministre de l'intérieur a annoncé les chiffres, et les médias français commentent. Tous titrent sur la progression des actes « anti-musulmans », surfant sur une islamophobie galopante présumée de la population, feignant d’en rechercher les causes (c’est vrai qu’on a besoin d’experts pour cela !) et sermonnant le téléspectateur à coup de micro-trottoirs. Ils se réjouissent du léger recul des agressions antisémites, ce qui est normal, mais ne semblent pas s’alarmer outre mesure de la progression parfaitement irrationnelle des actes antichrétiens sur le sol national. Or si l’on doit s’étonner d’un chiffre, c’est bien de celui-là. On n’a en effet jamais vu « d’organisations terroristes  christiques » commettre le moindre attentat au nom de la Sainte Trinité, et les massacres de Chrétiens en cours au Moyen Orient sont devenus une désolante monnaie courante. Mais l’islamophilie de la classe politique et médiatique prétendument laïque, son anticléricalisme morbide, qui se confondent avec les combats prétendument anti-racistes de ses dirigeants, deviennent vraiment de plus en plus inquiétants, atteignant des sommets d’aveuglement et de mauvaise foi. Ils ne peuvent que nous conduire au pire.

jeudi, 19 février 2015

L'obscénité du politique

En France, on ne parle plus que de combattre le racisme, l'antisémitisme,le terrorisme... comme si partout explosaient les bombes, comme si, dixit le Premier Ministre, l'apartheid sévissait à chaque coin de rue, tout cela, dirait-on, pour ne pas désigner clairement le salafisme comme unique fauteur de troubles et, derrière lui,ceux qui l'ont entretenu, nourri. On va même jusqu'à évoquer l'islamo-fascisme en amalgamant des notions historiquement antagonistes, mais on n'est plus à un amalgame près, quand il s'agit d'entretenir je ne sais quel esprit du 11 janvier...

En France, on ne parle plus de combattre la misère ni la pauvreté. Pourtant, bien plus que le racisme ou l'antisémitisme, ces maux-là augmentent, eux, ostensiblement- je veux dire qu'ils n'ont pas besoin des pleins feux des écrans et des discours ministériels pour être repérables par tous, il suffit de se promener dans les rues. Oui la misère augmente bien plus que le racisme, et la pauvreté bien davantage que l'antisémitisme, et des couches populaires gagnent,comme aiment à le dire les sociologues, les classes moyennes qui ne sont ni plus racistes ni plus antisémites qu'il y a deux ans, mais certainement plus taxées, plus inquiètes et plus écœurées.

Certes, face aux massacres ou aux déportations des yazidis, aux décapitations des chrétiens coptes, les revendications des classes moyennes paraissent dérisoires et le sont. La mondialisation des images sert la mondialisation des malheurs : mais on ne peut gouverner longtemps par l'émotion sans risquer au sens propre l'obscénité. Ce que qualifie l'expression "hors sol", de plus en plus évoquée autour de moi pour qualifier le président et ses alentours.  Ils ne sont plus audibles, visibles, ils ont -malgré tous leurs efforts pour se montrer - quitter la scène et le monde réel se passe d'eux.

11:57 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, france, racisme, antisémitisme, misère, pauvreté | | |

mardi, 27 mai 2014

Soral et la désinformation

C’est très troublant, ce sentiment : vous venez d’assister à une conférence, et de retour à la maison, vous lisez sur le web qu’elle n’a en fait jamais existé.

Retour sur les faits. Gilad Atzmon et Alain Soral étaient attendus hier soir à Lyon – dans un espace jusqu’au dernier moment tenu secret – pour une conférence intitulée  « Les Juifs et les autres ». Avec un titre pareil, le Crif se devait de se dresser sur ses ergots et de demander son annulation. Aussitôt, le préfet Jean-François Carenco se fend d’un communiqué dans lequel il annonce qu’ « au nom de la République », l’événement sera surveillé. Il s’indigne «de la tenue d'une telle manifestation, au titre raciste par nature puisqu'il oppose des hommes et des femmes entre eux, et dont le principal animateur Alain Soral attise régulièrement les haines qui rongent la République ». Prévue initialement dans une salle de Lyon 5eme (lire détail ICI), nous apprenons, mon épouse, deux amis et moi, qu’elle se déroulera finalement à Meyzieu.

Nous voici donc en route pour la zone péri-lyonnaise, au-delà du boulevard Laurent Bonnevay, à louvoyer entre des hangars, des réverbères, des ronds-points et des champs. Nous traversons Décines (où j’ai quelques souvenirs douloureux). Il est environ 18h30. Le ciel assombri se met à pisser, d’abord goutte à goutte. Bientôt des trombes d’eau surprennent la file de gens calmes qui attendent devant un perron. Sous les parapluies s’engagent des conversations, et je peux apprécier à la fois  la variété et la patience du public venu jusqu’ici. Il faut passer par une fouille des poches avant d’entrer dans la salle qui est très vite emplie.

Très étrange sentiment, en parcourant des yeux cette assemblée où se côtoient ceux que partout ailleurs on oppose avec une virulence qui frôle à certains moments l’hystérie. Ce pourrait être une salle de classe. Règne ici quelque chose qui pourrait s’appeler la paix des banlieues, entre l’agora et le café juste en face du supermarché. Que cette modeste réunion (500 personnes tout au plus) soit placée soudainement au cœur d’une telle effervescence médiatique et policière en France me laisse songeur. Que sommes-nous devenus ? Des amalgames, même, des sous-entendus nauséeux soulevés avec la tuerie de Bruxelles et les agressions antisémites de Créteil. Où sommes-nous ? Encore en France, dans le pays de la libre contradiction ? 

La conférence de Gilad Atzmon porte – si je devais la résumer en une phrase – sur la formation comparée des élites depuis les temps médiévaux, dans la Diaspora et dans les nations (ce qui explique le fameux et les autres ). Il appuie sa démonstration sur des courbes de Gauss, pour mieux définir ce que la formation des élites juives a eu d’exceptionnel et de radicalement original par rapport à d’autres cultures. Il en vient à expliquer les ressorts du rapport de domination de l’élite juive, à la fois sur les juifs des ghettos, et sur le reste des élites mondiales, à partir de la fin du XIXème siècle. Rien d’insultant, de discriminant, ni d’antisémite. Soral intervient alors pour parler « des autres », et le débat se déplace inévitablement sur ce prolétariat moderne, dans lequel ceux qu’on appelle français de souche et ceux qu’on appelle beurs partagent et partageront encore longtemps les mêmes tours, les mêmes stades et les mêmes bancs d’école. Et sur le pouvoir des pratiques individuelles du logos, seul à même de réconcilier, au-delà des propagandes gouvernementales et des intérêts des classes dominantes, ceux dont l’intérêt bien compris serait malgré tout de s’unir.

Je songe un instant à Kabir, ce saint qui chercha en son temps, à pacifier hindous et musulmans. Pas étonnant que Soral ait tant d’ennemis, tant d’ennuis, au fond. Le syncrétisme - quelle qu'en soit la forme - n’est acceptable des Puissants que s’ils peuvent revendiquer qu’ils en sont l'origine et s'ils savent qu’ils en tirent seuls les ficelles : or décider de réunir ou de séparer les deux extrêmes, c’est faire de la politique – même si le mot n’est jamais prononcé. Soral plaide pour le territoire national conçu comme espace de réconciliation, où devra fatalement se réaliser un tel syncrétisme, et ce dans le prolongement d’une très longue histoire : on peut être ou non d'accord, dialoguer, contredire. Cela s'appelle la liberté de penser. Et c'est ce que menace en France aujourd'hui un ordre politicien qui a toutes les apparences du véritable extrémisme ...

On recherche donc en vain dans cette prise de position certes engagée et violemment antisioniste une pensée d'ordre véritablement antisémite et surtout un appel à la haine. Soral souligne de son côté à plusieurs reprises l'ineptie de s'en prendre à ceux qu'il appelle les Juifs du quotidien. Ses ennemis diront toujours qu'il adopte là une posture ou une précaution oratoire, parce que tout dans le discours politicien, au contraire du logos, se borne désormais à des postures et qu'après tout, on peut tout autant qu'un autre tenter de réduire son discours à un discours politicien. Mais c'est ignorer que si les éléments de langage sur lesquels reposent la propagande officielle peuvent se retourner au gré des circonstances, le logos lui ne peut se retourner qu'en dénonçant une vraie faille de raisonnement.

Pendant que je discute avec un jeune prêtre en soutane de la théologie de la substitution, mon épouse se fait dédicacer un exemplaire des Dialogues Désaccordés écrits avec Naulleau, et lui offre un de mes Béraud de Lyon. Je ne quitte pas la salle sans lui serrer chaleureusement la main. Ce qui ne signifie évidemment ni un accord, ni un désaccord, mais quelque chose d'un autre ordre et d'une autre nature  : une reconnaissance. 

Le lendemain, le journal Le Progrès retrace à sa manière le « pied de nez que Soral et ses amis ont fait lundi soir aux médias qui ont annoncé en chœur l’annulation de sa sulfureuse conférence ». Franchement, j’ai entendu plus sulfureux ! Subversif conviendrait sans doute mieux, surtout face à l’ordre moral à la fois bêtifiant, absurde et terroriste, qui tente de maintenir dans la fidélité de l'ignorance une bonne part de sa jeunesse, qu'elle soit estampillée blanc,black ou beur,comme pour en faire une forme nouvelle et matée dès le berceau de prolétariat. 

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Gilad Atzmon et Alain Soral à Meyzieu

 

lundi, 07 mars 2011

Béraud et l'antisémitisme

 

Henri Béraud est né en 1885, dans une France qui vient d’être ébranlée par la défaite de Sedan, la perte de l’Alsace Lorraine mais pour qui l’avènement de la République représente une espérance et une forme de salut. Il a un an lorsqu’Edouard Drumont publie La France Juive, avecc un sous titre qui fera école : « La France aux Français ». Il en aura sept lorsque Léon Bloy répond par Le Salut par les Juifs, dix lorsqu’éclate l’Affaire Dreyfus.

Il est, par ses parents boulangers, héritier de cette espérance républicaine encore liée à la Révolution Française, qu’on déchiffre dans les romances quarante-huitardes de Pierre Dupont. Rien d'étonnant à ce qu'on ne trouve dans La Gerbe d’Or aucune allusion aux juifs, aucune trace particulière de xénophobie non plus, le petit Béraud grandissant à deux pas de la rue Mercière, la rue des Italiens. Henri Béraud devient adolescent  pendant ce qu’Hannah Arendt, dans la foulée de Stefan Zweig (2) appela « l’âge d’or de la sécurité » : moment curieux durant lequel l’expansion économique de l’Europe résorbe les tensions politiques, où le rayonnement intellectuel du vieux continent permet l’invention d’une sorte de citoyenneté du monde : « L’antisémitisme semblait appartenir au passé » (1)

Le jeune Béraud devient écrivain et développe particulièrement un talent de pamphlétaire contre la bourgeoisie de son temps. Contre Edouard Herriot, qui devient sa tête de turc, il peaufine le talent polémique qu’on lui connait. Arrive la guerre de quatorze : Béraud a  trente ans.  Aucune trace d’antisémitisme dans aucun de ses écrits. A cette époque, il fait même partie des dreyfusards. C’est d’ailleurs lui qui prononce en 1923, un an après son prix Goncourt, le discours de Médan à l’occasion du 21ème anniversaire de la mort de Zola. C’est surtout lui qui, en 1926, est le premier à s’indigner de l’antisémitisme des « wilhémistes » dans Ce que j’ai vu à Berlin :

« C’est là leur entretien préféré. Nous n’avons aucune idée, en France, de ce que peut être l’antisémitisme des réactionnaires allemands. Ce n’est ni une opinion, ni un sentiment, ni même une réaction physique. C’est une passion, une véritable obsession d’intoxiqués et qui peut aller jusqu’au crimes : Rathenau, Erzberger, Kurt, Eisner, Rosa Luxembourg, tombèrent moins à cause de leurs actions que de leur race. Les racistes rêvent pire encore. Ils sont les Aryens contre les Sémites, et ils se voudraient des âmes d’exterminateurs. Naturellement, ils soutiennent que Bolchevisme et Finance internationale ne font qu’un, celui-ci ayant son siège à Wall Street, celui-là opérant à Moscou. Comme tous les émotifs de la politique, je veux dire les gens qui donnent le pas à la passion sur la raison, ils ont une tendance à tout colorer au gré de leur fanatisme. La Société des Nations est juive ; la paix de Versailles est juive ; la guerre de 1914, elle-même, est juive ! A les entendre, elle aurait été voulue par la Banque Israélite comme une première étape des conquêtes orientales sur l’Occident. Ces folies ont cours dans une bonne partie de l’aristocratie allemande. (…) Contre le juif, le républicain, un seul recours, la Hahenkreuz, la Croix gammée ! Mais, observera-t-on, où donc est là-dedans la haine de la France ? Attendez ! Voici : La France n’est, pour un vrai raciste, qu’une armée enjuivée au service de la juiverie, comme les Soviets, la Société des Nations, la Banque américaine et la République allemande. Hindenburg lui-même sert de pavillon à une combinaison juive… Le pape, et avec lui tout le catholicisme latin, sont alliés au Ghetto contre la  pure et sainte race luthérienne, contre la race nordique élue, contre l’Allemagne. Voilà où peut mener l’orgueil collectif. »

On ne trouve sous la plume de Béraud aucun terme ni expression dirigés contre les juifs avant 1934, date de la sortie de Vienne clé du monde. Il est important de rappeler que Béraud est un homme du peuple qui, au contraire de la plupart des Français de son temps, grâce à son talent qui lui permit d'être reporter, voyage. Il voyage même beaucoup (six mois par ans), visite les capitales européennes, interview des dictateurs, hume l’air du temps. Il est à Vienne le 3 octobre 1933, lorsqu’un jeune « hitlérien » du nom de Delteil tire deux balles à bout portant sur le chancelier Dollfuβ ». Ce dernier échappe de peu à la mort, et Béraud peut l’interviewer. Sans doute est-ce là, à ce moment-là, qu’il faut dater l’origine du revirement du reporter  :

« A l’origine des grandes catastrophes il y a moins souvent la démence que le sang-froid d’une horrible raison. L’Europe en écoutant bien aurait pu, le 3 octobre 1933 entendre résonner ces deux détonations comme un écho assourdi du pistolet de Sarajevo…  L’Anschluss ou la paix, voilà le dilemme. ».

Béraud a alors ce pressentiment effroyable pour un ancien combattant de 14/18 : Si Hitler réalise l’Anschluss, il aura, écrit-il, gagné la guerreC’est cette année-là, 1933 que Carbuccia l’enrôle dans Gringoire. C'est alors, écrit-il, que le combat commence.

Béraud n’est toujours pas antisémite : comme beaucoup d’hommes de sa génération, il croit avoir vécu la Der des Ders,  se méfie de la diplomatie anglaise  et commence à douter de l’intégrité du personnel politique français. Il est pacifiste, non pas sur le mode du munichois qui croit à la diplomatie, mais sur le mode du De Gaulle d’alors, qui croit à la dissuasion et demande qu’on arme le pays. A partir de ce moment, il change radicalement et la plume de polémiste n’aura de cesse d’éreinter les politiques qui n’arment pas le pays. Ceux surtout, de gauche.

Le premier coup de gueule virulent de Béraud dans lequel éclatent des sentiments nationalistes et xénophobes apparait lors de l’Affaire Stavisky. Il est d’ailleurs intéressant de voir que le mot juif n’y figure pas encore : aventurier affairiste de la politicaille, russe ingénieux,  escroc de Bayonne sont les périphrases qu’il utilise pour désigner Stavisky. Ce qu’il vise, c’est la « République des camarades », impuissante devant les scandales et la corruption. Voici un extrait significatif :

« Républicain, oui nous le sommes. Nous le sommes encore. Et c’est pour cela justement que, dans certaines figures barbouillées de mensonge et d’effroi, nous refusons de reconnaître l’austère visage jacobin. La République, ça ? Allons donc ! La République, cette puante macédoine de faisans, de mendiants, de croupiers, de prévaricateurs de trafiquants d’influence, de ministres véreux ? Le régime, ce chassé-croisé de diners d’affaires et de commissions d’enquête ? L’héritage des « grands ancêtres » ce refuge de la combine, de l’injustice, de l’immunité ? Ah ! messieurs, vous voulez rire ! Si Robespierre vous entendait… »

Le 29 juin 1934 Henri Béraud écrit au président  Doumergue alors président du Conseil  : « Certains voudraient vous faire croire que le peuple aspire à la dictature. Ce n’est pas vrai. Ni croix gammée, ni chemises noires, ni drapeau rouge ! » Mais quoi ? Il appelle de ses voeux une Constituante. On le sent déjà assez désespéré. 

Ce contre quoi Béraud va lutter, ce qui va le pousser de plus en plus vers l’extrême droite de l’échiquier, c’est l’inefficacité du personnel politique professionnel, tout autant Daladier, Sarrault, Chautemps, Herriot, Barthou que à partir de 36, Blum. Au moment de Popu Roi, Béraud est-il devenu antisémite ? Fort de tout ce qu’il a vu à Moscou (Ce que j’ai vu à Moscou – 1925), il est en tout cas contre Blum le marxiste, Blum l’internationaliste, Blum le pro soviétique, et se brouille avec tous ses amis de gauche.

Un ami de longue date, Joseph Kessel, avec lequel Béraud a enquêté sur le Sinn Fein, le met en garde : « Il n’y a pas de bons juifs comme moi et de mauvais juifs comme les autres, dit-il à Béraud. Il y a les Juifs. Un point c’est tout. On n’a pas le droit de porter un jugement tel que tu le fais. Ni de reléguer dans un espace réservé les mauvais, et dans un autre les gentils ».  

Mais Kessel n’est pas un polémiste.

Béraud croit qu’il ne risque rien à utiliser l’argument juif dans la polémique, comme il utilise l’argument bourgeois ou anglais. Dans un article de Gringoire intitulé « Minuit Chrétiens », le 25 décembre 1936, il évoque Parisalem à propos du gouvernement de Blum dans lequel il relève la présence de 52% de juifs. Il trouve que le « grand rabbin y va un peu fort » et évoque l’existence des bons et mauvais juifs, citant parmi les premiers Kessel.

Kessel rédige à son tour une réponse dans laquelle il écrit : « je ne puis m’empêcher, quoiqu’il m’en coûte, de trouver à l’article d’Henri Béraud un ton très net d’antisémitisme »

C’est la rupture publique entre les deux amis. Nul doute qu'ils en furent autant blessés l''un que l'autre. C’est, pour Béraud, le début d’une longue plongée en enfer. Les réminiscences de la guerre de quatorze abondent dans les articles qu'il publie. Souvenir des amis disparus, Paul Lintier au premier chef. 

« Nous retournons dans la guerre ainsi que dans la maison de notre jeunesse. Mais il n’y a plus de place pour nous », écrivit  Georges Bernanos dans Les Enfants humiliés, (journal 1939-40). L’antisémitisme de Béraud existe bel et bien, d’abord à titre d’argument, et sans doute, dans la confusion de la guerre, à titre de conviction plus intime. Le problème juif, comme on disait alors, est à ses yeux responsable de la catastrophe qui s'annonce. 

Rien à voir cependant avec les appels au génocide de Céline, pas plus qu’avec l’antisémitisme à la Drumont. Béraud n’a jamais ni collaboré (il était sur la liste des écrivains maudits par les nazis), ni dénoncé le moindre juif. Mais il s’est mis à dos les milieux communistes, puis francs-maçons, puis fascistes et enfin gaullistes. Ce qui fait beaucoup.  

Qu’il soit devenu xénophobe, c’est indéniable : à l’heure où n’existait pas la dissuasion nucléaire, après avoir vécu la première guerre mondiale, et devant le personnel politique très munichois qu’il avait sous les yeux tout en étant conscient du péril de guerre, quoi de blâmable ? Il fut, par ailleurs, loin d’être le seul parmi les Français de sa génération. Rien à voir non plus avec le fascisme italien, le stalinisme soviétique ou le nazisme allemand.

Voilà pourquoi me paraissent toujours à la fois caricaturales et non fondées les déclarations visant à réduire l’œuvre, la vie et la personnalité de Béraud à ce qui occupa la dernière décennie de sa vie. Car il fut non seulement un styliste incomparable en tant qu’écrivain, mais aussi, en tant que contemporain de ce que les historiens américains appellent depuis peu la guerre de 14/44, malgré ses erreurs et ses errances, un témoin essentiel.


(1  (1) Hanna Arendt, Les origines du totalitarisme, p 280 –

(    (2)  Stefan Zweig, Le Monde d’hier

(    (3) Yves Courrière, Joseph Kessel ou sur la piste du lion

 

21:44 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : politique, henri béraud, antisémitisme, littérature | | |