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mardi, 27 mai 2014

Soral et la désinformation

C’est très troublant, ce sentiment : vous venez d’assister à une conférence, et de retour à la maison, vous lisez sur le web qu’elle n’a en fait jamais existé.

Retour sur les faits. Gilad Atzmon et Alain Soral étaient attendus hier soir à Lyon – dans un espace jusqu’au dernier moment tenu secret – pour une conférence intitulée  « Les Juifs et les autres ». Avec un titre pareil, le Crif se devait de se dresser sur ses ergots et de demander son annulation. Aussitôt, le préfet Jean-François Carenco se fend d’un communiqué dans lequel il annonce qu’ « au nom de la République », l’événement sera surveillé. Il s’indigne «de la tenue d'une telle manifestation, au titre raciste par nature puisqu'il oppose des hommes et des femmes entre eux, et dont le principal animateur Alain Soral attise régulièrement les haines qui rongent la République ». Prévue initialement dans une salle de Lyon 5eme (lire détail ICI), nous apprenons, mon épouse, deux amis et moi, qu’elle se déroulera finalement à Meyzieu.

Nous voici donc en route pour la zone péri-lyonnaise, au-delà du boulevard Laurent Bonnevay, à louvoyer entre des hangars, des réverbères, des ronds-points et des champs. Nous traversons Décines (où j’ai quelques souvenirs douloureux). Il est environ 18h30. Le ciel assombri se met à pisser, d’abord goutte à goutte. Bientôt des trombes d’eau surprennent la file de gens calmes qui attendent devant un perron. Sous les parapluies s’engagent des conversations, et je peux apprécier à la fois  la variété et la patience du public venu jusqu’ici. Il faut passer par une fouille des poches avant d’entrer dans la salle qui est très vite emplie.

Très étrange sentiment, en parcourant des yeux cette assemblée où se côtoient ceux que partout ailleurs on oppose avec une virulence qui frôle à certains moments l’hystérie. Ce pourrait être une salle de classe. Règne ici quelque chose qui pourrait s’appeler la paix des banlieues, entre l’agora et le café juste en face du supermarché. Que cette modeste réunion (500 personnes tout au plus) soit placée soudainement au cœur d’une telle effervescence médiatique et policière en France me laisse songeur. Que sommes-nous devenus ? Des amalgames, même, des sous-entendus nauséeux soulevés avec la tuerie de Bruxelles et les agressions antisémites de Créteil. Où sommes-nous ? Encore en France, dans le pays de la libre contradiction ? 

La conférence de Gilad Atzmon porte – si je devais la résumer en une phrase – sur la formation comparée des élites depuis les temps médiévaux, dans la Diaspora et dans les nations (ce qui explique le fameux et les autres ). Il appuie sa démonstration sur des courbes de Gauss, pour mieux définir ce que la formation des élites juives a eu d’exceptionnel et de radicalement original par rapport à d’autres cultures. Il en vient à expliquer les ressorts du rapport de domination de l’élite juive, à la fois sur les juifs des ghettos, et sur le reste des élites mondiales, à partir de la fin du XIXème siècle. Rien d’insultant, de discriminant, ni d’antisémite. Soral intervient alors pour parler « des autres », et le débat se déplace inévitablement sur ce prolétariat moderne, dans lequel ceux qu’on appelle français de souche et ceux qu’on appelle beurs partagent et partageront encore longtemps les mêmes tours, les mêmes stades et les mêmes bancs d’école. Et sur le pouvoir des pratiques individuelles du logos, seul à même de réconcilier, au-delà des propagandes gouvernementales et des intérêts des classes dominantes, ceux dont l’intérêt bien compris serait malgré tout de s’unir.

Je songe un instant à Kabir, ce saint qui chercha en son temps, à pacifier hindous et musulmans. Pas étonnant que Soral ait tant d’ennemis, tant d’ennuis, au fond. Le syncrétisme - quelle qu'en soit la forme - n’est acceptable des Puissants que s’ils peuvent revendiquer qu’ils en sont l'origine et s'ils savent qu’ils en tirent seuls les ficelles : or décider de réunir ou de séparer les deux extrêmes, c’est faire de la politique – même si le mot n’est jamais prononcé. Soral plaide pour le territoire national conçu comme espace de réconciliation, où devra fatalement se réaliser un tel syncrétisme, et ce dans le prolongement d’une très longue histoire : on peut être ou non d'accord, dialoguer, contredire. Cela s'appelle la liberté de penser. Et c'est ce que menace en France aujourd'hui un ordre politicien qui a toutes les apparences du véritable extrémisme ...

On recherche donc en vain dans cette prise de position certes engagée et violemment antisioniste une pensée d'ordre véritablement antisémite et surtout un appel à la haine. Soral souligne de son côté à plusieurs reprises l'ineptie de s'en prendre à ceux qu'il appelle les Juifs du quotidien. Ses ennemis diront toujours qu'il adopte là une posture ou une précaution oratoire, parce que tout dans le discours politicien, au contraire du logos, se borne désormais à des postures et qu'après tout, on peut tout autant qu'un autre tenter de réduire son discours à un discours politicien. Mais c'est ignorer que si les éléments de langage sur lesquels reposent la propagande officielle peuvent se retourner au gré des circonstances, le logos lui ne peut se retourner qu'en dénonçant une vraie faille de raisonnement.

Pendant que je discute avec un jeune prêtre en soutane de la théologie de la substitution, mon épouse se fait dédicacer un exemplaire des Dialogues Désaccordés écrits avec Naulleau, et lui offre un de mes Béraud de Lyon. Je ne quitte pas la salle sans lui serrer chaleureusement la main. Ce qui ne signifie évidemment ni un accord, ni un désaccord, mais quelque chose d'un autre ordre et d'une autre nature  : une reconnaissance. 

Le lendemain, le journal Le Progrès retrace à sa manière le « pied de nez que Soral et ses amis ont fait lundi soir aux médias qui ont annoncé en chœur l’annulation de sa sulfureuse conférence ». Franchement, j’ai entendu plus sulfureux ! Subversif conviendrait sans doute mieux, surtout face à l’ordre moral à la fois bêtifiant, absurde et terroriste, qui tente de maintenir dans la fidélité de l'ignorance une bonne part de sa jeunesse, qu'elle soit estampillée blanc,black ou beur,comme pour en faire une forme nouvelle et matée dès le berceau de prolétariat. 

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Gilad Atzmon et Alain Soral à Meyzieu