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jeudi, 06 janvier 2011

Kontrepwazon : à la gloire d'un blog défunt

 ELOGE DU GRAND STATISTIQUEUR

 

JE SUIS LE GRAND STATISTIQUEUR.

 

Je vais prononcer mon propre éloge, parce qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, d’une part, et d’autre part, parce que les Français passent leur temps à dénigrer l’INSEE (vous savez, l'Institut National de la Statistique).

 

Alors, en vérité, je vous le dis : la statistique est un presse-citron.

 

Je te définis la statistique en deux mots : le pouvoir a besoin de moi pour connaître la réalité sociale, qui est inconnaissable, à cause du nombre et de la complexité des phénomènes à prendre en compte, ça vibrionne en permanence, vous allez dans toutes les directions, toujours en mouvement. Vous êtes trop nombreux, aussi, faudrait voir à vous arrêter de copuler, de procréer. Vu la quantité de chair humaine ainsi produite, le chef a forcément besoin d’en savoir un peu plus. La statistique (certains diront « sociologie quantitative »), pour cela, construit un modèle mathématique. Les Anglais ne parlaient pas de « statistiques », mais de « political arithmetic », avant d’adopter le vocable. C’est assez dire que la statistique n’a de valeur que pour celui qui gouverne. D’ailleurs, le mot vient du latin moderne « statisticus » (1672), « relatif à l’Etat ».

 

Autrement dit, appliquée à la société, la statistique a pour seul but de REDUIRE, d’où le presse-citron.

 

Pour moi, le grand statistiqueur, dans mon univers, toi, INDIVIDU, tu n’as aucune valeur, tu n’existes même pas, perdu dans tous mes nombres. La profondeur et la richesse de ta personnalité, l’étendue et la précision de ton savoir, la vivacité et l’ampleur de ton intelligence, tes petits bonheurs et tes grandes souffrances, je m’en tamponne le coquillard. Tu ne m’intéresses que comme une SOMME DE DONNEES. Moi, le grand statistiqueur, je me contente de définir des critères, puis de rassembler les données.

 

Par exemple, en 1999, en France métropolitaine, je peux te dire qu’il y avait 28.419.419 hommes et 30.101.269 femmes. Ne me parle pas de l’anatomie du sexe, et ne me parle pas de l’amour : ce n’est qu’un critère, je te dis, rien de plus.

 

JE SUIS LE GRAND STATISTIQUEUR : TOUT CE QUI EST HUMAIN M’EST ETRANGER.

 

L’homme ne m’intéresse que découpé en tranches et en morceaux, des tranches et des morceaux de plus en plus petits, de plus en plus fins, par exemple : « Votre dernier achat d’une paire de chaussures ? Vous grattez-vous le nez au feu rouge ? Faites-vous confiance à Nicolas Sarkozy ? ».

 

Et des critères, je t’en fabrique quand tu veux : l’Europe veut fixer des normes pour la fabrication des préservatifs masculins ? C’est moi qui lui fournis les informations : taille moyenne du pénis en érection en Europe : 14 cm. L’industrie du vêtement s’aperçoit que les dimensions des êtres qu’elle habille ont changé ? C’est moi qui actualise ses données. Combien de yaourts chocolat, nature ou fruits rouges faut-il mettre dans les linéaires de l’hypermarché ? C’est encore moi qui réponds.

 

JE SUIS LE GRAND STATISTIQUEUR : JE SUIS PARTOUT, JE SUIS INDISPENSABLE.

 

Sinon, tu imagines le gaspillage. Je suis là pour optimiser les performances, les rendements, la rentabilité. Je suis la machine à mesurer les hommes, pour améliorer le fonctionnement de la grande machine sociale.

 

Je suis l’outil obligatoire de tous ceux qui dirigent, de tous ceux qui décident et de tous ceux qui gèrent : les patrons, les chefs, les administrateurs, les bureaucrates. La statistique est le Saint Graal du gestionnaire, comme le sondage est le Saint Graal de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal. C’est d’ailleurs à peu près la même chose, non ? Le dirigeant politique aujourd’hui n’est qu’un directeur d’hypermarché (mais il est un peu tôt pour en parler). Je me rappelle Lionel Jospin, ministre de l’Education en je ne sais plus quelle année, qui parlait de son « stock de profs », et ça, depuis que l’économique a triomphé du politique.

 

Je m’occupe de la hauteur des chaises (45 cm), des tables (75cm), des marches d’escalier (18 cm). En vérité, c’est moi qui conditionne le concret de ton existence quotidienne. Le moindre objet que tu utilises est passé par ma fabrique de données. Pourquoi Monsieur Renault fabrique-t-il beaucoup de voitures pour quatre personnes ? Pourquoi 9 m2 pour une chambre ? Pourquoi ? Pourquoi ? Moi, moi, moi, toujours moi. Je définis, j’encadre, j’oriente. Dans le fond, c’est moi, LA STATISTIQUE, qui architecture ton espace et qui modèle ton temps, bref :

 

JE SUIS LE GRAND STATISTIQUEUR : C’EST MOI QUI DIMENSIONNE TON EXISTENCE.  

 

Et tu sais comment je fais ? Je vous prends chacun un par un, oh pas tous, on n’en finirait pas, mais j’ai inventé le fabuleux ECHANTILLON REPRESENTATIF, la source inépuisable à laquelle je me désaltère. Et puis j’extrapole, je généralise, j’uniformise. Et cela, à travers une autre fabuleuse invention : LA MOYENNE. Tu as compris comment et pourquoi tu cesses d’exister, individu ? Parce que pour moi, tu n’es qu’un écart par rapport à la moyenne. Pourquoi crois-tu qu’on a pu parler de « Francémoyen », il y a maintenant des lustres ? C’est grâce à l’avènement du règne tout puissant de LA MOYENNE.

 

Il me suffit alors de dérouler toute la gamme de mes produits : la consommation moyenne (café, cannabis, épinards en boîte, séances de cinéma, etc.), l’âge moyen (apprendre à marcher, premier rapport sexuel, réussite au bac, mariage, longévité, etc.), la distance moyenne (suivant la région, la profession, la période, etc.), la fréquence moyenne des prénoms, etc. De ma moulinette à nombres et à catégories (ce sont les petits morceaux d’humains que j’ai savamment découpés), j’extrais ainsi des milliers de moyennes possibles, qui finissent par dessiner, fais bien attention à ce point : qui finissent par dessiner tous les aspects possibles de l’existence humaine. Toutes les variétés et variations de l’individu ont fini par entrer dans les cases que j’ai élaborées. Tu te rends compte de ce que ça veut dire ? Toi, petit grain individuel de sable, avec tes arrêts et tes trajectoires, TU ES DEVENU ENTIEREMENT PREVISIBLE.

 

C’EST MOI, LE GRAND STATISTIQUEUR, QUI T’EXPLIQUE TON EXISTENCE.

 

Oui : à force de te disséquer, toi l’individu, et de confectionner des petites boîtes où j’enferme ta vie sous forme de données chiffrées, à force d’énumérer tes caractéristiques, en partant des plus générales et en allant jusqu’aux plus individuelles, j’ai tout su de toi, tu es devenu totalement transparent. Et toi, à force d’être imprégné de l’idée de moyenne, tu t’es dis : il ne faut pas être trop au-dessus ou trop au-dessous. Tu ne supportes pas l’écart, tu veux être comme les autres, tu as peur d’être différent. On appelle ça d’un mot banal et dévitalisé : le conformisme. C’est très intéressant de voir comment ça se passe : LA MOYENNE finit par devenir LA NORME. D'un moyen de connaître la population, je suis devenu un moyen de la gouverner, et cela sans qu'elle s'en doute. Image de la réalité, je suis devenu la réalité elle-même, que nul ne songerait à ne pas considéreer comme telle. Je suis devenu un objet de croyance, et d'autant plus puissant que la "réalité" me valide, que je ne parle que de "faits". Je suis à présent, LA RELIGION DU FAIT.

 

Ton psychisme, tes gestes, tes actes, tes façons de voir sont imprégnés de cette norme, et sans t’en rendre compte, progressivement, tu te mets à ne plus exister par toi-même, mais à OBEIR. Le moule de la moyenne s’en est pris à ton cerveau, à ta mémoire, à tes projets. La façon dont tu voyais les choses est réécrite : tu diras, de quelqu’un qui vient de mourir à 65 ans : « Tiens, c’est plutôt jeune ». Réfléchis à cette énormité, et dis-toi qu’elle prend sa source dans la moyenne, devenue norme, parce que je l’ai fait et voulu ainsi. C’est une forme de SOUMISSION, c’est une forme de disparition.  

 

JE SUIS LE GRAND STATISTIQUEUR : JE FAIS DISPARAÎTRE L’INDIVIDU.

 

Oui, tu es mort, et tu n'as rien senti.

 

JE SUIS LE GRAND STATISTIQUEUR : JE CREE LE MONDE A VENIR.

 

Alleluïa !

 

(Et la foule, percluse de ferveur extatique : « Gloire à toi, Grand Statistiqueur ! – Oui, bon : allez, couché ! A la niche, la foule ! ».)

 

_____________________________________

 

Ce texte a été écrit en novembre 2007 par Frédéric Chambe, et publié par ses soins sur son blog Kontrepwazon, aujourd'hui défunt, que je vous conseille d'aller visiter en cliquant sur ce LIEN.

PS : Si le blog est défunt, l'auteur va bien, je le précise.

05:37 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : statistique, littérature, politique, kontrepwazon | | |

mercredi, 05 janvier 2011

Violence ordinaire dans la cité

 

Récemment, sur le net, a circulé un grand nombre de récits d’agression de personnes, comme on dit : une octogénaire, un disc-jockey, une jeune femme, un journaliste… Pour un collier, pour un sac, pour un refus d’entrer, pour un mégot, pour un regard de travers…. On ne sait trop à qui profite cette profusion de récits délétères qui se répand partout.  Forcément, leur nombre agit sur l’esprit de tout un chacun à force d’être ainsi assénés, tant on peut dire toute chose et son contraire au sujet de cette violence débridée devenue l’ordinaire de la cité. L’un d’entre eux m’a arrêté, que je  reproduis tel quel :

« Un Lyonnais de 44 ans était en garde à vue dimanche à Lyon après avoir percuté en état d'ivresse une femme en coma éthylique allongée sur un parking, à la sortie d'une boîte de nuit, le matin du jour de l'An, a-t-on appris de source policière.
La victime, une ancienne prostituée de 35 ans connue dans les milieux de la drogue, a succombé à ses blessures une heure après son transfert à l'hôpital. 

Interpellé sur place, le conducteur, également sous l'emprise de l'alcool et de stupéfiants et très connu des services de police, a déclaré aux enquêteurs qu'il n'avait pas vu le corps de la femme, gisant dans la pénombre devant sa voiture.
Il a en outre affirmé ne pas la connaître, ce que les enquêteurs tentaient de vérifier dimanche, selon la même source. »

Tous les clichés du genre s’y retrouvent : L’usage du on, pour commencer, pour qualifier la voix qui informe. Entre l’événement et cette voix, par deux fois, le relai indispensable d’une métaphore, aussi musicale qu’éculée, pour égayer le récit : « la source ». A l’endroit où ça se passe, une figure anonyme mais efficace, celle de la police, des enquêteurs, dont le dur et improbable boulot redouble celui du journaliste : « ils tentent de vérifier » On croit entendre la-derrière le bruissement des pas de Maigret sur le gravier, ou ceux de Colombo sur l’asphalte. Alors, on retient son souffle.

Tout le personnel romanesque habituel à ce genre de saga erre en arrière-plan, les milieux de la drogue et ceux de la prostitution sans lesquels, depuis les meilleurs romans-feuilletons de Moïse Millaud, il n’est de presse qui vaille : « une ancienne prostituée », un « conducteur connu des services de police ». Par deux fois se profilent un avant à l’événement tragique, lequel sous-entend que, peut-être, malgré les affirmations du bonhomme, ils se connaissaient : Avec tout ce que cela implique de scenarii possibles en amont, et de mobiles à supposer pour ce qui deviendrait alors un meurtre prémédité. Le cœur se pince.

Car ce qui frappe, dans l’ambiance indispensable du « parking au petit matin » empli de « pénombre » et, on l’imagine, glacial, c’est le caractère parfaitement gratuit et, pour tout dire, déréalisé, dont le fait divers se trouve sans ça enrobé : La prostituée qui succomba aux blessures était déjà dans le coma, raide saoule devant la voiture depuis on ne sait combien de temps garée là : son corps, il ne ne l’avait pas vu, forcément,  à cause de la pénombre. Elle, dans le rôle de la victime, lui, dans celui de l’assassin, certes, mais finalement innocemment tous deux, sans le vouloir ni le savoir, et sans même s’en rendre  compte, tout comme dans un film, vraiment, ou dans un récit primable au Goncourt de l’an prochain, plongés dans une œuvre qui dirait l’irresponsabilité chronique des silhouettes en société du spectacle, l’inanité des temps postmodernes et de leur violence ordinaire à l’usage de figurants somnambules et même pas héroïques. 

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mardi, 04 janvier 2011

Retour des champs

Songe à un texte. Un texte qui serait le texte. En serais-tu l’auteur, le lecteur ? Qu’importe. Ce serait le texte. Autorité indiscutable de l’article défini et de l’instituteur en blouse grise, qui nous en fit comprendre la loi et retenir les vertus tandis qu’il faisait les cent pas entre nos tables, sur le carreau d’alors, et parfois s’appuyait contre un radiateur  : Le texte, donc

En son rythme trônerait un arôme, celui de la fin des conflits. Il dirait, ce texte, le repos de l’instant dans l’instant même, au soir. S’y trouverait surligné ce qui, au centre du désir des hommes et des femmes, s’affirme souverain dans leur chair, un retour à l’assouvissement le plus antique, le plus préhistorique même. Hic et nunc.

Nous marchions jadis dans ce qui reste de nos champs autour de leur ville, souviens t-en…  Telle était la survivante signature de notre destin : marcher parmi ces herbes battant nos genoux.  Gagner ces quatre murs de pisé, et puis non loin ce toit de tuiles,  non loin malgré la boue. Le ciel, d’un gris inavouable.

Cela fait si longtemps que nous dormons sous des toits.

Il paraît – mais c’est encore un aveu scientifique, faut-il s’y fier ?- que notre patrimoine génétique dépend à 4% de Neandertal. Quatre pour cent, c’est pas bézef mais c’est déjà, nom d’un chien,  ça ! Pour des espèces réputées incompatibles…

 Ainsi nous ne serions pas uniquement sapiens. Quelle chance, hein, crois-tu pas ?

Me demande encore, trottant sur cette sente, et ce ciel ouvert comme un livre à quoi ressemblerait le siècle si Neandertal avait pour de bon survécu… race de Caïn, race d’Abel…  L’histoire trop grasse de ces fratries conflictuelles : Et moi qui, fils unique, me croyant si solitaire, m’en suis prétendument banni…  

Me demande bien en ce soir  attiédi  si Neandertal avait su cohabiter…  Neandertal en col blanc, ça s’imagine, des choses pareilles ? Cadre chez IBM ?  Animateur sur TV Monde ? Conseiller en communication ?

Mais d’où me subsiste depuis toujours,  l’affirmation de ce grand geste de sauvagerie primitive, lequel me fit à part égale haïr les distributeurs  automatiques, les  présentatrices météo et les  crédits à la consommation ? Et ce dégoût face à l’euro ! Un si profond dégoût…

 

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Illustration : retour des champs, Louis Carrand

 

 

C’est le retour des champs. Sur le tableau de Louis Carrand, trois silhouettes obliques, à peine esquissées. Cet oblique murmure la hâte. Le frais qui commenc eà pincer. Là-haut, dans le gris inavouable, frémit l’orage.

L’orage néandertalien, cela, non, lui, ça n’a pas changé.

Vite, sur le sentier entre les blés.

 

Vite… Mais en attendant bien-aimée, comme ils le disaient en leur cantique, presse-toi contre mon épaule et goute un  peu cette force de poésie qui, là, demeure. En ta salive et en ta chair, je feindrai d’épuiser mon temps. Et peut-être même,  pour quelques secondes, irai-je au bout de ma feinte.

 

Qui sait de quel aveuglement,  un heureux renard est capable ?

 

09:09 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, poésie, peinture, louis carrand | | |

lundi, 03 janvier 2011

Maire de Lyon

Edouard Herriot, lorsque j’étais petit, c’était à  la fois quelque chose et puis rien. Quelque chose : maire de Lyon durant cinquante deux ans ! Monolithique, dans sa génération, le bonhomme !  Rien : un homme du passé immédiat, mort alors que je n’avais que deux ans, et remplacé par un homme plus que médiocre qui abîma à jamais Lyon avec son bétonnisme aigu, le dénommé Pradel. Herriot déjà, ça n’était plus qu’une rue, la rue de l’Hôtel de Ville, débaptisée en rue Edouard Herriot. A present, lorsque je demande à des élèves s’ils savent qelque chose de ce  type, ils me disent tous  : rien. Rien...  Le leçon de Sénèque : Comme les gloires passent, n'est-ce pas ? Pauvre Edouard...

Et puis une tombe grotesquement stalinienne, à l’entrée du cimetière de Loyasse. Grotesque, c'est même peu dire. C'est par là qu'à dix-sept ans, lorsque j'allais me saouler avec des potes en un lieu éloigné des familles, nous faisions le mur ... Il faut, se dit-on en voyant son gigantisme peu chrétien, savoir choisir son camp. Amusante, la gerbe de l'actuel maire de Lyon, à chaque Toussaint. Glissons.

Devant la nullité de son successeur, évidemment, cet Edouard ressemblait encore à quelque chose dans les années 60  : comment oublier pourtant qu’il avait signé l’arrêt de mort du dernier pont de pierre de la ville, un ouvrage de treize arches séculaire, le pont de la Guillotière, ainsi que celui de l’hôpital de la Charité et toutes ses cours intérieures, pour les remplacer par un hôtel des Postes, et un autre des Impots, comme pour rivaliser de laideur : Quelle ineptie ! Herriot malgré sa gloriole politique ne fut-il pas à ce titre  guère plus qu’un moderniste opportuniste, sans grande vue ni grande culture, encensée par une bourgeoisie locale en mal de baron du cru  ?

Albert Thibaudet, lorsqu’il évoque d’Herriot, en parle comme d’un girondin, mais c’est parce qu’il confond girondin et provincial. En réalité, nul ne fut plus centralisateur et jacobin que cet Herriot, dans sa manière autocratique de gérer sa  capitale des Gaules comme si elle devait sans cesse rivaliser avec Paris. Il ne s’y trompe d’ailleurs pas, Thibaudet, qui écrit, dans la République de professeurs :

« Le maire de Lyon est le premier de Lyon – mais après le préfet, et son gouvernement facile, ressemble plus à celui d’un président de la République qu’à celui d’un chef de gouvernement. »

Ou encore :

« Paris est la capitale de la France, mais Lyon est la capitale de la province. Les politiques savent à quel point le Cartel des gauches de 1924 était une formation lyonnaise »

 

Herriot eut pour successeur un imbécile. Personne ne parla mieux de Louis Pradel que Pierre Mérindol. Je cite : « C’est un modeste expert en assurance automobile qui n’a jamais connu d’autres lauriers que ceux des concours de circonstances » Ou encore : « Le drame de Lyon – car il est bien vrai que la ville est défiguré – c’est que le maire ait été aussi mal entouré » (1)

L’inconsistance du successeur de Pradel, un Collomb, déjà (mais Francisque) n’est plus à souligner. Avec lui, le Grand Orient assoit un peu plus son autorité sur l’Hôtel de Ville, représenté par des guignols du nom de Soustelle, Ambre, Bullukian, Combes, Béraudier. Je cite toujours Mérindol, un homme fin et intelligent à la plume lucide : « La pauvreté de la solution Collomb – même si elle est une construction d’origine maçonnique –est le reflet de la pauvreté du personnel politique à Lyon. »

Sans doute est-ce à partir de Michel Noir et des années quatre-vingts qu’on commença a oublier Herriot et son autre temps. Le portrait qu’en dresse Pétrus Sambardier le rendrait presque sympathique :

« Généralement, le président, vers midi et demie, se rend à pied de l’Hôtel de Ville au cours d’Herbouville. Il remonte, pensif, à petits pas, l’allée de platanes du quai Saint-Clair. Les solliciteurs malins connaissent cette promenade et retardent souvent l’heure de déjeuner du président. M. Herriot est accueillant. Il s’assied volontiers sur un banc du quai pour écouter, sans impatience, le garçon « de platte » (2) racontant son dernier exploit de sauveteur ou la vieille femme exposant ses misères » (3)

Il y quand même, dans le ton du journaliste, un air d’hagiographie et l’on n’est pas loin du Joinville exaltant son saint Louis. En contrepoint, voici un portrait d’Henri Béraud, réalisé en novembre 1913, et publié dans le numéro 2 de la revue l’Ours :

« C’est en matière administrative surtout que le bon garçonnisme de M.Herriot lui crée des difficultés. On ne fait pas avec des sourires la besogne d’un comptable. Les poignées de mains et les gros compliments dont les plus acerbes prolos s’accommodent, font quelquefois la fortune politique d’un habile homme. Mais quand, par ces moyens, on est parvenu à ses fins, quand on a pris place au centre des affaires, il faut abandonner ces accessoires de parlottes électorales, comme les avocats laissent robes et toques au vestiaire du Palais. En affaires, il faut se montrer homme d’affaires. M. Herriot y parvient-il ? Non. (…) Les rapides succès de M. Herriot ont fait de lui un séducteur des foules… »

 

 

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Blanc et Demilly : Edouard Herriot

(1)  Voir Pierre Mérindol, Lyon, le sang et l’argent, Ed Alain Moreau, 1987

( 2  )Les plattes sont des bateaux lavoirs.

(3) Pétrus Sambardier, La vie à Lyon, de 1900 à 1937 – ouvrage préfacé justement par Edouard Herriot -

16:24 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : politique, lyon, littérature, edouard herriot, thibaudet, collomb, pétrus sambardier | | |

samedi, 01 janvier 2011

Veille de 2

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Le premier janvier est-il un jour aussi neuf qu’on le laisse accroire un peu partout sur la planète ?

En société du divertissement,  la volupté routinière en a fabriqué tellement, « des premiers d’l’an » que l’imprévu n’y parait plus guère de mise : pétards, confettis, coupes de champagnes, sourires, cris, feux d’artifice, quand ce n’est pas incendies de voitures et autres conneries formant au final un simple cortège de convenances ; la fête a égaré son originalité depuis longtemps, pour se noyer dans le drôle d’esprit qu'elle a fini par engendrer : entrevue l’autre jour à la télé l’ombre de cet esprit, rôdant sur le visage fade de deux jeunes gens, un mâle parisien et une femelle toulousaine : le premier se félicitant en ces termes du fait que la RATP offrait le ticket de métro à tous durant la durée de la nuit : «comme on a plusieurs fêtes où aller, c’est sympa, on ira de l’une à l’autre, et voilà, quoi… », la seconde regrettant que la municipalité de Toulouse fige tous les transports gratuits à deux heures du matin : « je comprends pas, dans une ville comme Toulouse qu’est quand même importante, qu’on arrête les transports si tôt, quand la nuit commence, ils auraient pu quand même…. »

Pas un mot pour les conducteurs. Pas une pensée sans doute, non plus. Etre servis pour pas un rond, dans le droit festif jusqu’au bout de la nuit. Sully Prudhomme et son épouse auraient-ils dit mieux ?

Le côté nouveau du nouvel an, sans doute est-ce cela, une fête encadrée par les transports et la police. Et puis la sotte satisfaction ou l’indignation niaise qui vont avec,  selon qu’on soit parisien ou toulousain,  dans les deux cas une ingratitude aussi terriblement petite bourgeoise l’une que l’autre sur le visage fat de ces très jeunes gens : c’est pourtant ça, l’envers de leur fête, qu’ils semblent ne pas entrevoir.

 

Pour le reste, rien de très neuf, au gui, au gui : tout le mois qui s’annonce, dans la rue, sur le palier, au boulot, nous redouterons de croiser ces hordes de prochains, vendeurs de calendriers ou simples collègues, à qui la civilité la plus rudimentaire exigera toutefois que nous présentions,  d’un ton qui ne soit pas trop rebattu,  pour la énième fois, nos vœux les plus sincères.

Rien de bien n’œuf là-dedans.

 

Ce jour de l’An possède pourtant un statut inquiétant, comme si après lui ne devait plus subsister qu’un corridor grisâtre de jours ordinaires, peint aux couleurs de la monotonie. A la prétention de ce Premier Jour, qui nous rappelle la plus haute morgue du droit d’ainesse (d’ânesse ?),  il faut rabattre le caquet en se rappelant que le jour de l’an n’est au fond rien de plus que la veille du 2, et que cet âne qui se croit si n’œuf tire après lui plein d’autres jours comme lui.

 

La seule véritable nouveauté en cette affaire, c’est bien deux mille onze. La dernière fois que le chiffre d’une année s’est achevé par ce phonème aussi nasalisé que disgracieux (ɔz), c’était en mille neuf cent soixante et onze. On espère que ceux qui étaient nés en gardent un souvenir digne d'éloges.

Pour le reste, comment se débrouiller pour recueillir et conserver quelque instant son originalité, quand tous les médias tuent dans l’euf sa nouveauté, en raccordant déjà 2011 aux événements de l’an dernier, en le réduisant déjà à n’être que l’appendice historique de ce qui s’est déjà passé, une simple continuité, en somme : wagon remorqué par le passé ou locomotive capable de tracer une route, sait-on dans quel sens ça tirera ?

10:42 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : voeux, premier janvier, bonne année, 2011 | | |

vendredi, 31 décembre 2010

Lendemain de 30

Lorsque j’étais petit, j’apprenais à distinguer sur le rebord de mes métacarpes les mois creux qui s’étalaient sur 30 jours des autres, pleins, qui se vautraient sur 31. On commençait toujours par janvier, d’une voix aigue et niaise, à la pointe de l’auriculaire gauche, pour finir sur l’autre main par décembre, à la pointe de l’annulaire droit. Et cela se jouait sur le ton précis d’une comptine qui déclinait ainsi les douze mois du calendrier.
Des mois à 31 jours, chaque année en possède donc sept. Or ces sept jours (tout juste une semaine) m’ont toujours fait l’effet depuis d’un corps bossué ou verruqueux, d’une excroissance d’instants à la durée normale d’un mois qui serait de trente, d’une journée suspecte, somme toute, et qui serait de trop. Le 31 de décembre, plus encore, n’en déplaise au pape Sylvestre qui patronne ce jour-là, et dont Jacques de Voragine nous dit dans La Légende Dorée qu’il ressuscita un taureau au nom du Christ, et cloua le bec à un dragon furieux. N’en déplaise également à tous les fêtards des Champs-Elysées ou d’ailleurs qui font tourner le commerce de l’artifice et de la langue de belle-mère.
Car ce 31 de décembre prononce non seulement l’arrêt de mort d’un mois, mais également celui d’un an.
Il témoigne à ce titre d’un talent doublement meurtrier ; et sa silhouette fatale, comme celle d’un pic vertigineux, symbolise pour les alpinistes qui franchissent son sommet une victoire de plus sur la finitude et sur la mort : tous ceux qui parviendront à passer la sente de ce jour de trop se retrouveront du même coup dans la nouvelle année.
C’est une unité qui vaut pour les 364 qui l’ont précédée, en quelque sorte.

« Dans une époque troublée comme la nôtre, la vie quotidienne se transforme en un exercice de survie. Les gens vivent au jour le jour. Ils évitent de penser au passé, de crainte de succomber à une nostalgie déprimante ; et lorsqu’ils pensent à l’avenir, c’est pour y trouver comment se prémunir des désastres que tous ou presque s’attendent désormais à affronter. Dès lors, l’individualité devient une sorte de luxe, qui n’a pas vraiment sa place dans une période d’austérité imminente… » C’est par ces quelques lignes que débute le dernier essai de Christopher Lasch, Le Moi assiégé. Fut un temps où je ne pouvais m’empêcher de songer, chaque 31 décembre sur le point d’abolir l’année tout entière, que si ce pic ultime n’avait pas ma peau, j’aurais l’assurance qu’on ne graverait pas le chiffre de cette année-là sur ma tombe, à l’autre bout du tiret. Toujours ça de pris, me rassurais-je en croquant un marron glacé. Toujours ça de survécu dans l’étroitesse des bornes humaines.

Nous serons ainsi dans quelques instants plusieurs milliards de survivants à goûter sur Terre les premiers épices de 2011. Ils promettent bien du parfum : Tandis que la Belgique n’a toujours pas de gouvernement, la Cote d’Ivoire se targue d’avoir deux présidents. Ce n’est qu’une folie parmi tant d’autres, dont le rappel serait inutile puisque l’heure est au pétillant champagne et aux confettis colorés :
A tous les lecteurs de Solko, je souhaite une bonne et heureuse année.

 

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Doisneau : Le concierge (du nouvel an)

10:21 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : voeux, nouvel an, 2011, doisneau, littérature | | |

jeudi, 30 décembre 2010

Veille de 31

Drôle de moment, drôle de jour que ce 30 décembre, qui n’est déjà presque plus 2010 mais qui n’est pas encore le 31. Demain,  31, il est déjà écrit que tout le monde va être festif, le champagne devra couler à flots et les klaxons et les pétards résonner partout. Tous les grands shows télé sont déjà préenregistrés. Il faudra en les regardant être quand même sur son 31, même si le proverbe n’a rien à voir avec le réveillon lui-même. A minuit, le record de SMS devra être battu. Etc. Etc…

Mais ce 30 décembre, par contraste, est le dernier jour ordinaire de l’année. Tout le monde sait que le 31, c’est la Saint-Sylvestre ; mais qui sait que le 30, c’est la saint Roger et la saint Timon ?

Un jour sans autre connotation que lui-même et les vingt quatre heures qu’il égrène au même rythme que tous les autres. Un simple jour, comme tous les autres, avant le suivant... 

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mercredi, 29 décembre 2010

Un rêve de linguiste et accessoirement d'illuminé, de fou, de poète

« Il y a eu tout à fait au début du XIXe siècle, en particulier dans la première phase de découvertes que permettait la grammaire comparée, cette idée qu’on remontait aux origines de l’esprit humain, qu’on saisissait la naissance de la faculté du langage. On se demandait alors si c’était le verbe qui était né le premier, ou si c’était le nom. On se posait des questions de genèse absolue.

Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’un tel problème n’a aucune réalité scientifique. Ce que la grammaire comparée, même la plus raffinée, celle qui bénéficie des circonstances historiques les plus favorables comme la grammaire comparée des langues indo-européennes, plutôt que celles des langues sémitiques qui sont pourtant attestées aussi à date très ancienne, ce que cette reconstitution nous livre, c’est l’étendue de quelques millénaires. C’est à dire une petite fraction de l’histoire linguistique de l’humanité.

Les hommes qui, vers le XV° millénaire avant notre ère, décoraient les cavernes de Lascaux, étaient des gens qui parlaient. C’est évident. Il n’y a pas d’existence commune sans langue. Il est par conséquent impossible de dater les origines du langage, non plus que les origines de la société. Mais nous ne saurons jamais comment ils parlaient. 

L'idée que l'étude linguistique révélerait le langage en tant que produit de la nature ne peut plus être soutenue aujourd'hui. Nous voyons toujours le langage au sein d'une société, au sein d'une culture. Et si j'ai dit que l'homme ne naît pas dans la nature, mais dans la culture, c'est que tout enfant, et à toutes les époques, dans la préhistoire la plus reculée comme aujourd'hui, apprend nécessairement avec la langue les rudiments d'une culture. Aucune langue n'est séparable d'une fonction culturelle»

Emile Benveniste - Problèmes de linguistique générale 2 - 1974

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1878 : C'était l'âge d'or de la linguistique, cet objet devenu depuis, avec le structuralisme, si austère : le temps des Bréal, des Saussure, des Meillet. Meillet fut le maître de Benveniste dans les années 20. Je ressens quelle passion, quel moteur, cela pouvait constituer pour ces chercheurs contemporains de Pasteur, de Littré et de Darwin, l'idée de revenir aux sources de la culture afin d'embrasser un fragment pur de la nature. Quelle déception cela dut être ensuite, de ne trouver, in fine, aux origines de la culture encore, que de la ...  culture, tristement et bêtement humaine. Et encore, de la plus récente qui soit, de la culture niaisement romantique... On ne s'échappe pas si facilement de l'humaine finitude... 

dimanche, 26 décembre 2010

BHL et les chemises brunes de soie

Le mari d’Arielle Dombasle, qui est à la pensée ce que sa moitié est au chant lyrique, vient de s’illustrer à nouveau dans un débat démagogique par une nouvelle approximation : Dans son dernier édito du Point sur les Assises sur l’islamisation de l’Europe, il vient de confondre Pierre Cassen et Bernard Cassen. Alors qu’il veut attaquer le premier, chef de file de Riposte Laïque, il s’en prend avec véhémence au second, ancien directeur du Monde Diplomatique. L’erreur a depuis été corrigée sur le site internet (voir ICI), mais pas, évidemment, sur la version papier. Dans ses Mémoires Raymond Aron avait déjà, du temps de la sortie d'Idéologie Française (le pamphlet qui avait lancé la carrière du play-boy philosophique en 1981) réglé son compte à la rigueur intellectuelle et la manière de travailler de BHL : « Les nouveaux philosophes ne me touchent pas personnellement. Ils ne représentent pas une manière originale de philosopher. Ils ne sont comparables ni aux phénoménologues,  ni aux existentialistes, ni aux analystes. Leur succès fut favorisé par les media et l’absence, dans le Paris d’aujourd’hui, d’une instance critique juste et reconnue.» (1) 

Cela vaut la peine de relire aujourd'hui ce passage :

« Je consacrai un article à Idéologie française, cédant à l’insistance d’amis, juifs pour la plupart, qui détestaient ce livre à cause même de ses excès et qui craignaient un malentendu. Ils ne voulaient pas que B.H. Lévy, dénonciateur d’une idéologie française commune à Maurice Thorez et au maréchal Pétain, passât pour l’interprète de la communauté juive. Combien de Français échappent à la vindicte de ce Fouquier-Tinville de café littéraire ? (…) B.H. Lévy dénonce, avec plus véhémence que de pertinence, tous les penseurs ou écrivains qui d’une manière ou d’une autre, ont développé des idées proches de Vichy, contre-révolutionnaires, antisémites, doctrinaires de la communauté, du corporatisme, etc. Il s’en prend à tous ceux qui exaltèrent une France charnelle, historique, définie par sa terre et ses morts. Il n’accepte qu’une France, celle de 1789, celle que symbolise la Fête de la Fédération, le serment, commun et libre, de toutes les provinces à la République une et indivisible. Tous égaux en droits et en devoirs : telle est la France qui naît de l’adhésion de ses enfants la seule que Bernard henry Lévy aime, toute aussi abstraite que l’amour qu’il lui porte. (…) Le livre de B.H. Lévy ne mérite pas toutes les polémiques qu’il a soulevées, mais l’écho qu’il a trouvé dans certains milieux appelle la réflexion : peu importe l’usage erratique des citations. Ce qui me frappe, ce sont les sentiments à l’égard de leur pays d’accueil dont témoignent les Juifs admirateurs de ce pamphlet, réquisitoire contre une large partie de la France et de sa culture. Des Juifs, ici et là, de la jeune génération, en viennent-ils à détester la patrie qu’ils choisissent ? »

Où se trouve aujourd'hui l'intellectuel musulman qui, cédant à l’insistance d’amis, musulmans pour la plupart, et qui  craindraient un malentendu, serait prêt à en découdre avec ce faussaire intellectuel et donneur de leçon en chemise (brune) de soie ? On attend avec impatience son intervention dans le débat...

(1) Raymond Aron, Mémoires, Julliard, 1983

08:31 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, pierre cassen, bernard cassen, bernard henri lévy, le point, raymond aron | | |