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mardi, 01 janvier 2013

Qui l'aura beau le montrera

Nous avions débuté l’année dernière en patois, avec une chanson sur le souhait d’une fête qui s’est métamorphosée, hélas ! en une chanson sur la continuation d’une crise. Voici pour débuter 2013 cette chanson contre Perrichon, un lieutenant de police qui avait interdit les baignades en Saône en 1740 aux gens qui venaient s’y laver. Puisqu’il n’y a plus de saison, comme l’affirme le populaire, cette chanson, publiée pour la première fois par Boitel, dans L’entrée magnifique de Bacchus en 1838 paraît de circonstance pour un 1er janvier, réchauffement climatique et dérèglement planétaire obligent.

Ah que fera chaud ojordi !

Que fera bon, après midi,

Se jeta la têta premire,

De dessus l’arcade du pont,

Et montra à la batelire

A la renvera, lo popon !

 

Je son cinquanta charboni,

Si je chion, y est tot por li.

L’iau no raffraichie et no décrasse,

La pesta creva lo rogniu !

Je lavons notre tisonasse,

Y n’i a qu’à se buchi lous yu.

 

Crey-mi ne va pas te bagni

Ma foi, y n’i a rien a gagni.

Que diable vou-tu que je gagne ?

Perrichon l’a défendu.

S’i ne vous pas que je me bagne

Qu’i vienne me lichi le cu

 

Il a mais d’aime que n’est grand ;

Le diable le chia en volant ;

Y va faire una bella prise !

Les culottes, il emportera ;

Je nes en iran sans chemise :

Qui l’ara biau lo montrera.

 

Ah qu’il fera chaud aujourd’hui !

Qu’il fera bon, après-midi,

Se jeter la tête la première,

Depuis l’arcade du pont,

Et montrer à la batelière

A la renverse le poupon !

 

Nous sommes cinquante charbonniers,

Si nous ch…, c’est tout pour lui,

L’eau nous rafraîchit, nous décrasse,

La peste fasse crever le grincheux !

Nous lavons notre pique-feu,

Il n’y a qu’à se boucher les yeux.

 

Crois-moi, ne va pas te baigner,

Ma foi, il n’y a rien à gagner.

Que diable veux-tu que je gagne ?

Perrichon l’a défendu.

S’il ne veut pas que je me baigne

Qu’il vienne me lécher le cul.

 

Il a plus d’esprit qu’il n’est grand ;

Le diable l’a chié en volant.

Il va faire une belle prise !

Les culottes, il les emportera ;

Nous nous en irons sans chemise ;

Qui l’aura beau le montrera.

01:11 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : perrichon, saône, lyon, premier de l'an, voeux, patois lyonnais, littérature, france | | |

samedi, 01 janvier 2011

Veille de 2

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Le premier janvier est-il un jour aussi neuf qu’on le laisse accroire un peu partout sur la planète ?

En société du divertissement,  la volupté routinière en a fabriqué tellement, « des premiers d’l’an » que l’imprévu n’y parait plus guère de mise : pétards, confettis, coupes de champagnes, sourires, cris, feux d’artifice, quand ce n’est pas incendies de voitures et autres conneries formant au final un simple cortège de convenances ; la fête a égaré son originalité depuis longtemps, pour se noyer dans le drôle d’esprit qu'elle a fini par engendrer : entrevue l’autre jour à la télé l’ombre de cet esprit, rôdant sur le visage fade de deux jeunes gens, un mâle parisien et une femelle toulousaine : le premier se félicitant en ces termes du fait que la RATP offrait le ticket de métro à tous durant la durée de la nuit : «comme on a plusieurs fêtes où aller, c’est sympa, on ira de l’une à l’autre, et voilà, quoi… », la seconde regrettant que la municipalité de Toulouse fige tous les transports gratuits à deux heures du matin : « je comprends pas, dans une ville comme Toulouse qu’est quand même importante, qu’on arrête les transports si tôt, quand la nuit commence, ils auraient pu quand même…. »

Pas un mot pour les conducteurs. Pas une pensée sans doute, non plus. Etre servis pour pas un rond, dans le droit festif jusqu’au bout de la nuit. Sully Prudhomme et son épouse auraient-ils dit mieux ?

Le côté nouveau du nouvel an, sans doute est-ce cela, une fête encadrée par les transports et la police. Et puis la sotte satisfaction ou l’indignation niaise qui vont avec,  selon qu’on soit parisien ou toulousain,  dans les deux cas une ingratitude aussi terriblement petite bourgeoise l’une que l’autre sur le visage fat de ces très jeunes gens : c’est pourtant ça, l’envers de leur fête, qu’ils semblent ne pas entrevoir.

 

Pour le reste, rien de très neuf, au gui, au gui : tout le mois qui s’annonce, dans la rue, sur le palier, au boulot, nous redouterons de croiser ces hordes de prochains, vendeurs de calendriers ou simples collègues, à qui la civilité la plus rudimentaire exigera toutefois que nous présentions,  d’un ton qui ne soit pas trop rebattu,  pour la énième fois, nos vœux les plus sincères.

Rien de bien n’œuf là-dedans.

 

Ce jour de l’An possède pourtant un statut inquiétant, comme si après lui ne devait plus subsister qu’un corridor grisâtre de jours ordinaires, peint aux couleurs de la monotonie. A la prétention de ce Premier Jour, qui nous rappelle la plus haute morgue du droit d’ainesse (d’ânesse ?),  il faut rabattre le caquet en se rappelant que le jour de l’an n’est au fond rien de plus que la veille du 2, et que cet âne qui se croit si n’œuf tire après lui plein d’autres jours comme lui.

 

La seule véritable nouveauté en cette affaire, c’est bien deux mille onze. La dernière fois que le chiffre d’une année s’est achevé par ce phonème aussi nasalisé que disgracieux (ɔz), c’était en mille neuf cent soixante et onze. On espère que ceux qui étaient nés en gardent un souvenir digne d'éloges.

Pour le reste, comment se débrouiller pour recueillir et conserver quelque instant son originalité, quand tous les médias tuent dans l’euf sa nouveauté, en raccordant déjà 2011 aux événements de l’an dernier, en le réduisant déjà à n’être que l’appendice historique de ce qui s’est déjà passé, une simple continuité, en somme : wagon remorqué par le passé ou locomotive capable de tracer une route, sait-on dans quel sens ça tirera ?

10:42 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : voeux, premier janvier, bonne année, 2011 | | |

vendredi, 31 décembre 2010

Lendemain de 30

Lorsque j’étais petit, j’apprenais à distinguer sur le rebord de mes métacarpes les mois creux qui s’étalaient sur 30 jours des autres, pleins, qui se vautraient sur 31. On commençait toujours par janvier, d’une voix aigue et niaise, à la pointe de l’auriculaire gauche, pour finir sur l’autre main par décembre, à la pointe de l’annulaire droit. Et cela se jouait sur le ton précis d’une comptine qui déclinait ainsi les douze mois du calendrier.
Des mois à 31 jours, chaque année en possède donc sept. Or ces sept jours (tout juste une semaine) m’ont toujours fait l’effet depuis d’un corps bossué ou verruqueux, d’une excroissance d’instants à la durée normale d’un mois qui serait de trente, d’une journée suspecte, somme toute, et qui serait de trop. Le 31 de décembre, plus encore, n’en déplaise au pape Sylvestre qui patronne ce jour-là, et dont Jacques de Voragine nous dit dans La Légende Dorée qu’il ressuscita un taureau au nom du Christ, et cloua le bec à un dragon furieux. N’en déplaise également à tous les fêtards des Champs-Elysées ou d’ailleurs qui font tourner le commerce de l’artifice et de la langue de belle-mère.
Car ce 31 de décembre prononce non seulement l’arrêt de mort d’un mois, mais également celui d’un an.
Il témoigne à ce titre d’un talent doublement meurtrier ; et sa silhouette fatale, comme celle d’un pic vertigineux, symbolise pour les alpinistes qui franchissent son sommet une victoire de plus sur la finitude et sur la mort : tous ceux qui parviendront à passer la sente de ce jour de trop se retrouveront du même coup dans la nouvelle année.
C’est une unité qui vaut pour les 364 qui l’ont précédée, en quelque sorte.

« Dans une époque troublée comme la nôtre, la vie quotidienne se transforme en un exercice de survie. Les gens vivent au jour le jour. Ils évitent de penser au passé, de crainte de succomber à une nostalgie déprimante ; et lorsqu’ils pensent à l’avenir, c’est pour y trouver comment se prémunir des désastres que tous ou presque s’attendent désormais à affronter. Dès lors, l’individualité devient une sorte de luxe, qui n’a pas vraiment sa place dans une période d’austérité imminente… » C’est par ces quelques lignes que débute le dernier essai de Christopher Lasch, Le Moi assiégé. Fut un temps où je ne pouvais m’empêcher de songer, chaque 31 décembre sur le point d’abolir l’année tout entière, que si ce pic ultime n’avait pas ma peau, j’aurais l’assurance qu’on ne graverait pas le chiffre de cette année-là sur ma tombe, à l’autre bout du tiret. Toujours ça de pris, me rassurais-je en croquant un marron glacé. Toujours ça de survécu dans l’étroitesse des bornes humaines.

Nous serons ainsi dans quelques instants plusieurs milliards de survivants à goûter sur Terre les premiers épices de 2011. Ils promettent bien du parfum : Tandis que la Belgique n’a toujours pas de gouvernement, la Cote d’Ivoire se targue d’avoir deux présidents. Ce n’est qu’une folie parmi tant d’autres, dont le rappel serait inutile puisque l’heure est au pétillant champagne et aux confettis colorés :
A tous les lecteurs de Solko, je souhaite une bonne et heureuse année.

 

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Doisneau : Le concierge (du nouvel an)

10:21 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : voeux, nouvel an, 2011, doisneau, littérature | | |

mercredi, 06 janvier 2010

Vieilles serres

La neige tout autour d’eux, fins flocons sur la place, nous enrobe :

Lendemains de fêtes, peu de maraîchers au matin.

Sous l’auvent de la remorque, une vieille emmitouflée, le regard vif et rond, qui s’attarde. Le fromager (la soixantaine), la fromagère (itou), leur fils (la trentaine), eux s’activent : Chaussée de bottes à longs poils dans lequel disparait son pantalon-fuseau, elle pointe du doigt à travers la vitre tel fromage qu’elle gouterait bien, tel autre, sera-t-il à la hauteur de ses espérances ?

« Un peu de celui-ci – un peu cet autre-là », qu’elle montre de ses vieux doigts très bagués, tels ceux des vieux pigeons.

Et derrière, ça poireaute.

Vieilles griffes diamantées … Vieilles serres.

Le fromager est déjà passé à une autre cliente, pendant ce temps.

Au suivant.

La fromagère, très professionnelle, sa lame instruite, qui luit de ci de là – un fin morceau de ceci, un fin morceau de cela… La nonagénaire fait la moue, toute emmitouflée sous une large casquette de marque, revient à ses problèmes de santé.

Le fils, à mon intention : « Monsieur ? »

La nonagénaire aux yeux de faucon, qui jusqu’alors ne parlait qu’à sa mère, les plante férocement dans ceux du fils à cet instant :

« Mais pour vous c’est formidable ! » lui lance-t-elle…

La voix, d’une extrême dureté, est aussi d’une extrême suavité : A quelle cochonnerie pense-t-elle en le dévisageant ?

Lui, hésitant…

Beaucoup de choses traversent leur regard à tous deux.

Le temps qui file chez l’une. L’argent qui manque chez l’autre. Beaucoup d’humanité, en somme.

Un clin d’œil en ma direction : « Oui, dit-il, c’est formidable ! ».

Ses deux parents, qui s’activent sous l’auvent :

Le père, sous la casquette élimée, est en train d’enfoncer un large couteau dans un morceau de comté.

La mère, dans son tablier blanc, attend qu’enfin la nonagénaire, qui a dû déjà enterrer pas mal de monde à ce rythme là, on le sent tous, se décide.

Derrière ça s’impatiente.

Il neige et l’auvent n’est pas bien large.

C’est formidable, grince-t-il.

(Le temps, disaient les anciens, n'est-ce pas de l'argent ? ...)

Et Bonne année, lance Vieilles Serres à la cantonade, avant de revenir à ses fromages.

 

 

 

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06:16 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : voeux, bonne année, 2010, société, france, nouvel an | | |

jeudi, 01 janvier 2009

La plus bath des ...

Allez zoup la boum, on remet ça : bonne année à tous


04:05 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fêtes, voeux, bonne année | | |