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samedi, 01 janvier 2011

Veille de 2

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Le premier janvier est-il un jour aussi neuf qu’on le laisse accroire un peu partout sur la planète ?

En société du divertissement,  la volupté routinière en a fabriqué tellement, « des premiers d’l’an » que l’imprévu n’y parait plus guère de mise : pétards, confettis, coupes de champagnes, sourires, cris, feux d’artifice, quand ce n’est pas incendies de voitures et autres conneries formant au final un simple cortège de convenances ; la fête a égaré son originalité depuis longtemps, pour se noyer dans le drôle d’esprit qu'elle a fini par engendrer : entrevue l’autre jour à la télé l’ombre de cet esprit, rôdant sur le visage fade de deux jeunes gens, un mâle parisien et une femelle toulousaine : le premier se félicitant en ces termes du fait que la RATP offrait le ticket de métro à tous durant la durée de la nuit : «comme on a plusieurs fêtes où aller, c’est sympa, on ira de l’une à l’autre, et voilà, quoi… », la seconde regrettant que la municipalité de Toulouse fige tous les transports gratuits à deux heures du matin : « je comprends pas, dans une ville comme Toulouse qu’est quand même importante, qu’on arrête les transports si tôt, quand la nuit commence, ils auraient pu quand même…. »

Pas un mot pour les conducteurs. Pas une pensée sans doute, non plus. Etre servis pour pas un rond, dans le droit festif jusqu’au bout de la nuit. Sully Prudhomme et son épouse auraient-ils dit mieux ?

Le côté nouveau du nouvel an, sans doute est-ce cela, une fête encadrée par les transports et la police. Et puis la sotte satisfaction ou l’indignation niaise qui vont avec,  selon qu’on soit parisien ou toulousain,  dans les deux cas une ingratitude aussi terriblement petite bourgeoise l’une que l’autre sur le visage fat de ces très jeunes gens : c’est pourtant ça, l’envers de leur fête, qu’ils semblent ne pas entrevoir.

 

Pour le reste, rien de très neuf, au gui, au gui : tout le mois qui s’annonce, dans la rue, sur le palier, au boulot, nous redouterons de croiser ces hordes de prochains, vendeurs de calendriers ou simples collègues, à qui la civilité la plus rudimentaire exigera toutefois que nous présentions,  d’un ton qui ne soit pas trop rebattu,  pour la énième fois, nos vœux les plus sincères.

Rien de bien n’œuf là-dedans.

 

Ce jour de l’An possède pourtant un statut inquiétant, comme si après lui ne devait plus subsister qu’un corridor grisâtre de jours ordinaires, peint aux couleurs de la monotonie. A la prétention de ce Premier Jour, qui nous rappelle la plus haute morgue du droit d’ainesse (d’ânesse ?),  il faut rabattre le caquet en se rappelant que le jour de l’an n’est au fond rien de plus que la veille du 2, et que cet âne qui se croit si n’œuf tire après lui plein d’autres jours comme lui.

 

La seule véritable nouveauté en cette affaire, c’est bien deux mille onze. La dernière fois que le chiffre d’une année s’est achevé par ce phonème aussi nasalisé que disgracieux (ɔz), c’était en mille neuf cent soixante et onze. On espère que ceux qui étaient nés en gardent un souvenir digne d'éloges.

Pour le reste, comment se débrouiller pour recueillir et conserver quelque instant son originalité, quand tous les médias tuent dans l’euf sa nouveauté, en raccordant déjà 2011 aux événements de l’an dernier, en le réduisant déjà à n’être que l’appendice historique de ce qui s’est déjà passé, une simple continuité, en somme : wagon remorqué par le passé ou locomotive capable de tracer une route, sait-on dans quel sens ça tirera ?

10:42 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : voeux, premier janvier, bonne année, 2011 | | |